Homélies St Jean-Paul II 8603

8 juin 2003: Messe pour les familles dans le delta de Rijeka

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Solennité de la Pentecôte
Dimanche 8 juin 2003



1. Au cours des derniers jours de sa vie terrestre, Jésus promit à ses disciples le don de l'Esprit Saint comme son héritage le plus véritable, la continuation de sa présence elle-même (cf.
Jn 14,16-17).

Le passage évangélique qui vient d'être proclamé nous a fait revivre le moment où cette promesse devint réalité: le Ressuscité entre au Cénacle, salue les disciples et, soufflant sur eux, dit: "Recevez l'Esprit Saint" (Jn 20,22). La Pentecôte, décrite par les Actes des Apôtres, est l'événement qui rend évident et public, cinquante jours plus tard, le don fait par Jésus aux siens, le soir même du jour de Pâques.

L'Eglise du Christ est toujours, pour ainsi dire, en état de Pentecôte. Etant toujours rassemblée au Cénacle pour prier, elle se trouve, dans le même temps, sous le souffle vif de l'Esprit, toujours en route pour annoncer. L'Eglise se maintient éternellement jeune et vivante, une, sainte, catholique et apostolique, car l'Esprit descend sans cesse sur elle pour lui rappeler tout ce que son Seigneur lui a dit (cf. Jn 14,25) et la guider vers la vérité tout entière (cf. Jn 16,13).

2. Je désire aujourd'hui saluer avec une affection particulière la portion de cette Eglise qui est en pèlerinage sur la terre de Croatie, réunie ici autour de ses pasteurs et représentée dans sa richesse et dans sa variété par les fidèles venus des diverses régions du pays.

J'embrasse l'Archevêque de Rijeka, Mgr Ivan Devcic, qui m'a accueilli en votre nom à tous, et l'Archevêque émérite, Mgr Josip Pavlisic, qui fut présent avec moi au Concile Vatican II: je rends grâce à Dieu avec lui pour le 65 anniversaire de son Ordination presbytérale, célébrée au mois d'avril dernier. Je désire ensuite adresser un salut particulier au Président de la Conférence épiscopale, Mgr Josip Bozanic, Archevêque de Zagreb, et à l'épiscopat croate tout entier, ainsi qu'aux Cardinaux et aux évêques venus d'autres pays.

J'adresse en outre mon salut respectueux au Président de la République et aux autres Autorités civiles et militaires, que je remercie de leur présence et de l'aide précieuse qu'elles ont apportée à l'organisation et à la réalisation de ce troisième voyage apostolique en Croatie.

Je salue ensuite de façon particulière les nombreuses familles ici réunies en ce jour qui leur est consacré: vous revêtez une grande valeur pour la société et pour l'Eglise, car "le mariage et la famille constituent l'un des biens les plus précieux de l'humanité" (Familiaris consortio FC 1).

3. Nous sommes réunis au pied de la colline sur laquelle se dresse le Sanctuaire de Trsat où, selon une pieuse tradition, la maison de la Vierge Marie aurait fait une halte. Le doux souvenir de la vie de Jésus, Marie et Joseph à Nazareth nous rappelle la beauté austère et simple, ainsi que le caractère sacré et inviolable de la famille chrétienne.

En regardant Marie et Joseph, qui présentent l'Enfant au Temple ou qui vont en pèlerinage à Jérusalem, les parents chrétiens peuvent se reconnaître lorsqu'ils participent avec leurs enfants à l'Eucharistie dominicale ou qu'ils se rassemblent en prière dans leurs maisons. J'ai plaisir, à ce propos, à rappeler le programme que vos évêques lancèrent de Nin, il y a quelques années: "La famille catholique croate prie chaque jour et célèbre l'Eucharistie le dimanche". Pour que cela puisse se produire, il est d'une importance fondamentale de respecter le caractère sacré de ce jour de fête, qui permet aux membres de la famille de se retrouver et de rendre ensemble à Dieu le culte qui lui est dû.

La famille demande aujourd'hui, également en Croatie, une attention privilégiée et des mesures concrètes qui en favorisent et en sauvegardent la constitution, le développement et la stabilité. Je pense, entre autres, au grave problème du logement et à celui de l'emploi. Il ne faut pas oublier qu'en aidant la famille, l'on contribue également à résoudre d'autres problèmes graves, tels que, par exemple, l'assistance aux malades et aux personnes âgées, l'expansion de la criminalité, qui doit être enrayée, l'usage de la drogue, auquel il faut porter remède.

4. Et vous, chères familles chrétiennes, n'hésitez pas à proposer, tout d'abord à travers le témoignage de votre vie, le projet authentique de Dieu sur la famille comme communauté de vie fondée sur le mariage, c'est-à-dire sur l'union stable et fidèle d'un homme et d'une femme, unis par un lien manifesté et reconnu publiquement.

C'est à vous qu'il revient de prendre en charge de façon responsable l'éducation humaine et chrétienne de vos enfants, en reposant également sur l'aide d'éducateurs experts et de catéchistes sérieux et bien préparés. Dans cette ville de Rijeka, saint Gui est vénéré comme Patron, un jeune homme qui n'a pas hésité à donner sa vie pour rester fidèle au Christ, comme le lui avaient enseigné ses saints parents, Modeste et Crescence. Vous aussi, comme eux, aidez vos enfants à aller à la rencontre de Jésus, pour mieux le connaître et pour le suivre, parmi les tentations auxquelles ils sont sans cesse exposés, sur la route qui conduit à la joie véritable.

En accomplissant votre ministère de parents, ne vous lassez pas de répéter l'invocation que les citoyens de Rijeka adressent avec confiance désormais depuis sept siècles au Crucifix miraculeux, vénéré dans la cathédrale: "Pomogao nam sveti Kriz svetog Vida! (Que nous aide la sainte Croix de saint Gui!").

5. La société d'aujourd'hui est fragmentée et divisée de façon dramatique. C'est précisément pour cette raison qu'elle est si désespérément insatisfaite. Mais le chrétien ne se résigne pas à la lassitude et à l'inertie. Soyez le peuple de l'espérance! Soyez un peuple qui prie: "Viens des quatre vents, esprit, souffle sur ces morts, et qu'ils vivent" (Ez 37,9). Soyez un peuple qui croit à la Parole qui a été prononcée par Dieu et qui s'est réalisée dans le Christ: "Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez, et je vous installerai sur votre sol, et vous saurez que moi, Yahvé, j'ai parlé et je fais" (Ez 37,14).

Le désir du Christ est que tous soient un en Lui, afin qu'en tous règne la plénitude de sa joie (cf. Jn 15,11 Jn 17,13). Il exprime également ce désir aujourd'hui, pour l'Eglise que nous formons. C'est pourquoi, avec le Père, il a envoyé l'Esprit Saint. L'Esprit est inlassablement à l'oeuvre pour surmonter toute dispersion et réparer toute déchirure.

6. Saint Paul nous a rappelé que "le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi" (Ga 5,22-23). Le Pape invoque aujourd'hui encore ces dons de l'Esprit pour tous les époux chrétiens de Croatie, afin que dans leur don réciproque, fidèles aux engagemens du mariage et au service à la cause de l'Evangile, ils puissent représenter dans le monde un signe de l'amour de Dieu pour l'humanité.

Le Pape invoque ces dons pour vous tous, qui participez à cette célébration et qui reconfirmez ici votre engagement de témoignage au Christ et à son Evangile.

"Viens, Esprit Saint, remplis le coeur de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour" (Acclamation de l'Evangile).

Viens, Esprit Saint! Amen.



9 juin 2003: Célébration de l’heure de Sexte dans le forum de Zadar

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Lundi 9 juin 2003



1. Au terme de mon voyage apostolique en Croatie, c'est avec joie que je vous rencontre, très chers fidèles de l'archidiocèse de Zadar et des régions voisines, réunis sur cette Place du Forum, à l'ombre de la cathédrale Sainte-Anastasie, martyre de Sirmium. Nous sommes rassemblés ici pour célébrer ensemble la prière de l'Heure de Sexte.

Je vous salue avec affection au nom du Seigneur, en souvenir de la présence dans votre ville de mon prédécesseur, le Pape Alexandre III, qui, en mars 1177, s'arrêta ici, visitant également quelques localités voisines. Je salue votre Archevêque, Mgr Ivan Prendja, qui m'a accueilli au nom de tous, ainsi que l'Archevêque émérite, Mgr Marijan Oblak, qui a participé avec moi au Concile oecuménique Vatican II. J'adresse une pensée fraternelle aux Evêques croates, qui m'entourent aujourd'hui et qui m'ont accompagné au cours de ce voyage apostolique. Je salue cordialement Messieurs les Cardinaux Sodano, Vlk et Puljic. Mon salut s'étend également à l'Evêque Serbe-orthodoxe de Dalmatie Fotije.

Je salue enfin respectueusement le Président de la République, que je remercie vivement de sa présence à cette rencontre, et les autres Autorités civiles et militaires, auxquelles j'exprime ma reconnaissance pour ce qu'elles ont accompli afin de permettre ma visite.

2. Notre assemblée liturgique se tient au lendemain de la solennité de la Pentecôte, le jour où vous célébrez la fête de Marie, Mère de l'Eglise. La lecture qui vient d'être proclamée la présente au Cénacle, entourée par la communauté des débuts. Le petit groupe, rassemblé dans "la chambre haute" de la maison (
Ac 1,13), prie et attend. L'Esprit Saint viendra, et alors les portes du Cénacle s'ouvriront toutes grandes pour permettre à l'annonce évangélique de sortir sur la Place de Jérusalem, et de s'acheminer ensuite sur les routes du monde.

Comme le jour de la Pentecôte, la Vierge a continué à rester spirituellement parmi les fidèles au cours des siècles, afin d'invoquer l'effusion constante des dons de l'Esprit sur l'Eglise aux prises avec les défis apparaissant aux différentes époques de l'histoire.

Marie réalise ainsi en plénitude sa mission maternelle: elle n'est pas seulement mère parce qu'elle a mis au monde et nourri le Fils de Dieu; elle est également mère parce qu'elle est "la Vierge faite Eglise", comme aimait à la saluer François d'Assise (cf. FF 259), qui est venu à Zadar, selon la tradition, aux débuts du XIII siècle, au cours de son voyage vers l'Orient et la Terre Sainte.

3. La Vierge Marie, en rassemblant autour d'Elle les Apôtres et les disciples tentés par la dispersion, les remet au "feu" de l'Esprit qui les enverra dans l'aventure de la mission. Le "sensus fidei" du peuple chrétien reconnaîtra la présence active de Marie non seulement dans la communauté des débuts, mais également dans l'histoire successive de l'Eglise. C'est pourquoi elle n'hésitera pas à lui attribuer le titre de "Reine des Apôtres".

La Très Sainte Vierge qui, selon l'évangéliste Luc, "conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur" (Lc 2,19), continue à reproposer à la mémoire des croyants les événements historiques qui en fondent la foi. Témoin des origines, garante de la fidélité des générations chrétiennes, Marie répète à chaque époque les paroles prononcées aux noces de Cana: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2,5).

4. Les paroles et l'exemple de Marie constituent une sublime école de vie, à laquelle se forment les apôtres. Ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui. Marie les prépare sans cesse à la mission grâce à l'assiduité de sa prière au Père, son attachement au Fils, sa disponibilité aux suggestions de l'Esprit.

Je me réjouis d'apprendre qu'au cours des dernières années, cet archidiocèse a vu fleurir et se multiplier diverses formes d'engagement et d'apostolat des laïcs. Chers frères et soeurs, apprenez de Marie à être des témoins crédibles et des apôtres généreux, en offrant votre contribution à la grande oeuvre de la nouvelle évangélisation. Et rappelez-vous toujours que l'apostolat authentique requiert comme condition préalable la rencontre personnelle avec Jésus, le Vivant, le Seigneur (cf. Ap 1,17-18).

5. La Très Sainte Vierge Marie demeure le modèle de ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique (cf. Lc 8,21). Comment ne pourrait-il donc pas régner une profonde entente spirituelle entre les croyants et la Vierge du Magnificat? Les pauvres et les humbles de tous les temps ne se sont pas trompés en faisant de Marie dans le silence leur porte-parole, et de Marie dans le service leur reine.

Nous aussi, nous nous approchons d'Elle, pour en apprendre la docilité et l'ouverture à Dieu. Nous aussi, pèlerins du troisième millénaire, nous nous confions à son intercession, afin qu'à travers sa prière, elle soutienne notre foi, elle nourrisse notre espérance et rende notre charité active:

Sainte Marie, Mère de Dieu
et notre Mère,
rappelle-toi de tous tes enfants,
viens à notre aide.

Guide-nous vers la rencontre
avec le Christ,
Chemin, Vérité et Vie;
implore pour nous du Père
les dons de l'Esprit,
la protection face aux menaces
et la libération du mal.

Aide-nous à témoigner
en toute circonstance
de la fécondité de l'amour
et du sens authentique
de la vie;
enseigne-nous à édifier
avec Toi le Royaume
de ton Fils,
royaume de justice,
d'amour et de paix.

Prie pour nous
et sois notre Patronne
maintenant et pour toujours.

Et à Toi, qui es également
la Madone du Grand Voeu
baptismal croate,
la Reine du Saint Rosaire,
nous nous confions aujourd'hui
à toi,
ainsi que toute cette terre,
et tout le peuple croate.

Au terme de la rencontre de prière, le Saint-Père a salué les Evêques, les Autorités, la population et les jeunes de Croatie, en conclusion de son pèlerinage. Voici les paroles du Pape prononcées à cette occasion:

Au moment de repartir pour Rome, je désire adresser encore une fois à tous et à chacun mon salut reconnaissant.

Je remercie tout d'abord mes frères Evêques de Croatie, qui m'ont accueilli et accompagné dans leurs Eglises locales, dont j'ai pu admirer la vitalité et le zèle apostolique: j'emporte dans mon coeur ces moments de communion.

Je remercie les Autorités du pays, en particulier le Président de la République. Je leur fais part de ma reconnaissance pour l'engagement dont elles ont fait preuve dans l'organisation de ma visite. Je remercie les responsables de la sécurité, les agents de la communication sociale et tous ceux qui, de diverses façons, plus ou moins visibles, ont collaboré à la bonne issue de ces journées.

Je te remercie en particulier, bien-aimé peuple de Croatie, qui m'as ouvert les bras et le coeur le long des routes de Dalmatie, de Slavonie et du Quarnaro. Je me rappelle des souffrances dues à une guerre qui marque encore ton visage et ta vie, et je me sens proche de ceux qui en portent les tristes signes. Je connais cependant également ta force, ton courage et ton espérance, et je sais que la constance dans l'engagement te permettra de voir des jours meilleurs.

Je te remercie toi aussi, jeunesse croate. Que Dieu te garde!

Terre de Croatie, que Dieu te bénisse!



19 juin 2003: Solennité du Corpus Domini

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Basilique de Saint-Jean-de-Latran
Jeudi 19 juin 2003

1. "Ecclesia de Eucharistia vivit - L'Eglise vit de l'Eucharistie". C'est par ces paroles que commence la Lettre encyclique sur l'Eucharistie, que j'ai signée le Jeudi Saint dernier, au cours de la Messe in Cena Domini. Aujourd'hui, la solennité du "Corpus Domini" rappelle cette célébration suggestive, en nous faisant revivre, dans le même temps, l'intense atmosphère de la Dernière Cène.

"Prenez, ceci est mon corps... Ceci est mon sang" (
Mc 14,22-24). Nous écoutons à nouveau les paroles de Jésus, alors qu'il offre aux disciples le pain devenu son Corps, et le vin devenu son Sang. Il inaugure ainsi le nouveau rite pascal: l'Eucharistie est le sacrement de l'Alliance nouvelle et éternelle.

A travers ces gestes et ces mots, le Christ porte à son accomplissement la longue pédagogie des rites antiques, qui vient d'être réévoquée par la première Lecture (cf. Ex 24,3-8).

2. L'Eglise revient constamment au Cénacle comme lieu de sa naissance. Elle y revient car le don eucharistique établit une mystérieuse "contemporanéité" entre la Pâque du Seigneur et le devenir du monde et des générations (cf. Ecclesia de Eucharistia EE 5).

Ce soir aussi, avec une profonde gratitude à Dieu, nous nous arrêtons en silence devant le mystère de la foi - mysterium fidei. Nous le contemplons avec ce sentiment intime, que dans l'Encyclique, j'ai appelé l'"admiration eucharistique" (ibid.n. EE 6). Une admiration profonde et reconnaissante face au Sacrement dans lequel le Christ a voulu "concentrer" pour toujours tout son mystère d'amour (cf. ibid., n. EE 5).

Nous contemplons le visage eucharistique du Christ, comme l'ont fait les Apôtres et, par la suite, les saints de tous les siècles. Nous le contemplons en particulier en nous mettant à l'école de Marie, "par sa vie tout entière [...] femme "eucharistique"" (n. EE 53), Elle qui fut "le premier "tabernacle" de l'histoire" (ibid., n. EE 55).

3. Telle est la signification de la belle tradition du Corpus Domini qui se renouvelle ce soir. A travers celle-ci, l'Eglise qui est à Rome manifeste également son lien constitutif avec l'Eucharistie, elle professe avec joie qu'elle "vit de l'Eucharistie".

De l'Eucharistie vivent son Evêque Successeur de Pierre, et les frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce; de l'Eucharistie vivent les religieux et les religieuses, les laïcs consacrés et tous les baptisés.

De l'Eucharistie vivent, en particulier, les familles chrétiennes, auxquelles a été consacré il y a quelques jours le Congrès ecclésial diocésain. Très chères familles de Rome! Que la présence eucharistique vivante du Christ alimente en vous la grâce du mariage et vous permette de progresser sur la voie de la sainteté conjugale et familiale. Puisez à cette source le secret de votre unité et de votre amour, en imitant l'exemple des bienheureux époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi, qui commençaient leurs journées en s'approchant de la table eucharistique.

4. Après la Messe, nous nous dirigerons en priant et en chantant vers la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Par cette procession, nous entendons exprimer de façon symbolique notre condition de pèlerins, "viatores", vers la patrie céleste.

Nous ne sommes pas seuls dans notre pèlerinage: le Christ marche avec nous, pain de la vie, "panis angelorum, / factus cibus viatorum - pain des anges, / pain des pèlerins" (Séquence).
Jésus, nourriture spirituelle qui alimente l'espérance des croyants, nous soutient dans cet itinéraire vers le Ciel et il renforce notre communion avec l'Eglise céleste.

Que la Très Sainte Eucharistie, coin de Paradis qui s'ouvre sur la terre, traverse les nuages de notre histoire. Comme un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, elle illumine notre chemin (cf. Ecclesia de Eucharistia EE 19).

5. "Ave, verum corpus natum de Maria Virgine": Ave, véritable corps du Christ, né de la Vierge Marie!

L'âme se répand en une adoration émerveillée face à un Mystère aussi sublime.

"Vere passum, immolatum in cruce pro homine". De ta mort sur la Croix, ô Seigneur, naît pour nous la vie qui ne meurt pas.

"Esto nobis praegustatum mortis in examine". Fais, ô Seigneur, que chacun de nous, nourri de Toi, puisse affronter avec une espérance confiante chaque épreuve de la vie, jusqu'au jour où tu seras notre viatique pour le dernier voyage, vers la maison du Père.

"O Iesu dulcis! O Iesu pie! O Iesu, fili Mariae! - O doux Jésus! O pieux Jésus! O Jésus, Fils de Marie!"

Amen.


VOYAGE APOSTOLIQUE EN BOSNIE ET HERZÉGOVINE


22 juin 2003: Messe de béatification d'Ivan Merz à Banja Luka

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Dimanche 22 juin 2003



1. "Vous êtes la lumière du monde". Très chers frères et soeurs, Jésus répète aujourd'hui pour nous cette affirmation, au cours de notre assemblée liturgique. Il ne s'agit pas d'une simple exhortation morale. C'est une constatation, qui exprime une exigence irrépressible dérivant du Baptême que nous avons reçu.

En effet, en vertu de ce Sacrement, l'être humain est inséré dans le Corps mystique du Christ (cf.
Rm 6,3-5). L'Apôtre Paul affirme: "Vous tous en effet, baptisé dans le Christ, vous avez revêtu le Christ" (Ga 3,27). C'est donc à juste titre qu'Augustin s'exclamait: "Réjouissons-nous et rendons grâce: nous sommes devenus non seulement chrétiens, mais le Christ. Emerveillez-vous et réjouissez-vous: nous sommes devenus le Christ" (In Ioann. Evang. tract., 21, 8: CCL 36, 216).

Mais le Christ est "la lumière véritable qui éclaire tout homme" (Jn 1,9). Le chrétien est donc appelé à devenir à son tour le reflet de cette Lumière, en suivant et en imitant Jésus. C'est pourquoi il écoutera et il méditera sa parole, il participera de façon consciente et active à la vie liturgique et sacramentelle de l'Eglise, il pratiquera le commandement de l'amour en servant ses frères, en particulier les plus petits, les pauvres et ceux qui souffrent.

2. Je salue avec affection l'Evêque de Banja Luka et Président de la Conférence épiscopale, Mgr Franjo Komarica, et je le remercie des paroles cordiales qu'il m'a adressées au début de cette célébration eucharistique. Ma pensée pleine de respect s'adresse ensuite aux autres évêques de Bosnie et Herzégovine, en particulier au Cardinal Vinko Puljic, Archevêque de Vrhbosna et originaire de ce diocèse, ainsi qu'aux autres cardinaux et évêques qui nous accompagnent. J'adresse un salut dans le Seigneur à tous les pèlerins venus ici de diverses régions du pays et des nations voisines.

J'adresse un salut fraternel à Sa Béatitude le Patriarche Pavle et aux membres du Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe serbe. La nouvelle vigueur que, à une époque récente, notre cheminement vers la compréhension mutuelle, le respect réciproque et la solidarité fraternelle a acquis, constitue un motif de joie et d'espérance pour cette région.

Ma pensée s'adresse également aux fidèles des autres communautés ecclésiales de Bosnie et Herzégovine, ainsi qu'aux fidèles de la Communauté juive et de la Communauté islamique.

Je salue Messieurs les Membres de la Présidence de Bosnie et Herzégovine et toutes les autres Autorités civiles et militaires. J'apprécie beaucoup votre présence et je vous remercie de ce que vous avez accompli pour organiser ma visite sur votre terre.

Quant à vous, bien-aimés fils de cette Eglise en pèlerinage en Bosnie et Herzégovine, j'ouvre mes bras pour vous y accueillir et vous dire que vous occupez une place importante dans le coeur du Pape. Il porte constamment dans sa prière au Seigneur la souffrance qui rend votre chemin encore difficile et il partage avec vous, dans l'espérance, l'attente de jours meilleurs.

1116 De cette ville, marquée au cours de l'histoire par tant de souffrance et de sang, j'implore le Seigneur tout-puissant afin qu'il fasse preuve de miséricorde à l'égard des fautes commises contre l'homme, sa dignité et sa liberté, également par des fils de l'Eglise catholique, et qu'il inspire à tous le désir du pardon réciproque. Ce n'est que dans une atmosphère de réconciliation véritable que la mémoire de tant de victimes innocentes et leur sacrifice ne seront pas vains, ils nous encourageront à édifier de nouvelles relations de fraternité et de compréhension.

3. Très chers frères et soeurs, que le juste, inondé par la lumière divine, devienne à son tour la flamme qui resplendit et qui réchauffe. C'est ce que nous enseigne aujourd'hui la figure du nouveau bienheureux Ivan Merz.

Jeune homme brillant, il sut multiplier les riches talents naturels dont il était doté et il obtint de nombreux succès humains: sa vie peut être qualifiée de vie bien réussie. Mais la raison pour laquelle il est aujourd'hui inscrit dans l'Album des bienheureux n'est pas celle-ci. Ce qui l'introduit dans le choeur des bienheureux est son succès devant Dieu.La grande aspiration de toute sa vie, en effet, a été celle de "ne jamais oublier Dieu, de toujours désirer s'unir à Lui". Dans chacune de ses activités, il rechercha "l'aspect sublime de la connaissance du Christ Jésus" et il se laissa "conquérir" par Lui (cf. Ph
Ph 3,8 Ph Ph 3,12).

4. Ivan Merz grandit à l'école de la liturgie, source et sommet de la vie de l'Eglise (cf. Sacrosanctum Concilium SC 10), jusqu'à la plénitude de la maturité chrétienne et il devint l'un des promoteurs du renouveau liturgique dans sa patrie.

En participant à la Messe, en se nourrissant du Corps du Christ et de la Parole de Dieu, il trouva l'impulsion pour devenir l'apôtre des jeunes. Ce n'est pas un hasard s'il choisit pour devise "Sacrifice-Eucharistie-Apostolat". Conscient de la vocation reçu dans le Baptême, il fit de son existence une course vers la sainteté, "mesure élevée" de la vie chrétienne (cf. Novo millennio ineunte NM 31). C'est pourquoi, comme l'affirme la première lecture: "Son souvenir ne s'effacera pas, son nom vivra de génération en génération" (Si 39,9).

5. Le nom d'Ivan Merz a représenté un programme de vie et d'action pour toute une génération de jeunes catholiques. Il doit continuer à l'être aujourd'hui! Très chers jeunes, votre patrie et votre Eglise ont vécu des moments difficiles et à présent il faut oeuvrer afin que la vie reprenne pleinement à tous les niveaux. Je m'adresse donc à chacun de vous, en vous invitant à ne pas faire marche arrière, à ne pas céder à la tentation du découragement, mais à multiplier les initiatives afin que la Bosnie et Herzégovine redevienne une terre de réconciliation, de rencontre et de paix.

L'avenir de ces régions dépend également de vous! Ne cherchez pas ailleurs une vie plus aisée, ne fuyez pas vos responsabilités en attendant que d'autres résolvent les problèmes, mais remédiez de façon résolue au mal par la force du bien.

Comme le bienheureux Ivan, recherchez la rencontre personnelle avec le Christ qui éclaire la vie d'une lumière nouvelle. Que l'Evangile soit le premier critère qui guide vos orientations et vos choix! Vous deviendrez ainsi missionnaires à travers vos gestes et vos paroles et vous serez les signes de l'amour de Dieu, des témoins crédibles de la présence miséricordieuse du Christ. N'oubliez pas: "On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau" (Mt 5,15).

6. Chers frères et soeurs qui participez avec tant de ferveur à cette célébration, que la paix de Dieu le Père, qui surpasse tout sentiment, garde votre coeur et votre esprit dans la connaissance et dans l'amour de Dieu et de son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ!

C'est la prière et le souhait que, par l'intercession du bienheureux Ivan Merz, le Pape élève aujourd'hui pour vous et pour tous les peuples de la Bosnie et Herzégovine.





28 juin 2003: Premières Vêpres de la solennité des saints Pierre et Paul

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Samedi 28 juin 2003





1. "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Bienheureux toi, Simon: le Père te l'a révélé" (Antienne 1).

Avec cette Antienne s'ouvre la psalmodie des Premières Vêpres de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul. Ces paroles nous ramènent au dialogue entre Jésus et Simon Pierre, près de Césarée de Philippe. Elles retentissent constamment dans cette basilique: elles sont comme gravées dans les pierres, dans les mosaïques et, surtout, dans ce lieu central appelé "Confession".

Tu es le Christ! - répète ce soir le Successeur de Pierre avec ses frères évêques, aux prêtres et au peuple chrétien de l'Europe et de chaque lieu de la terre. Il proclame cette vérité fondamentale de la foi chrétienne avec vigueur et une joie profonde. Seul le Christ est le Rédempteur de l'homme, seul le Christ est notre espérance.

2. "Jésus Christ, vivant dans son Eglise, source d'espérance pour l'Europe". Tel était le thème de la deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Evêques, qui s'est déroulée au Vatican du 1 au 23 octobre 1999.

C'est avec joie que, ce soir, je signe et je rends publique l'Exhortation apostolique "Ecclesia in Europa", qui recueille et met en forme ce qui est apparu au cours de cette assemblée synodale significative.

La brève lecture biblique que nous avons entendue - le début de la Lettre aux Romains - inscrit ce geste dans la perspective plus authentique et vaste de la mission évangélisatrice de l'Eglise, modelée sur celle des Apôtres. Les trois caractéristiques par lesquelles saint Paul se définit devant la communauté chrétienne de Rome peuvent, en particulier, s'appliquer au sens large à toute l'Eglise, qui est, précisément, la servante de Jésus Christ, apostolique par vocation et choisie pour annoncer l'Evangile de Dieu (cf.
Rm 1,1).

J'exprime ma plus vive et cordiale reconnaissance au Cardinal Jan Pieter Schotte et au Secrétariat général du Synode des Evêques, ainsi qu'à tous ceux qui ont coopéré au déroulement de l'Assemblée synodale pour l'Europe de 1999, fournissant ensuite les bases pour ce Document.

Je salue les Cardinaux, les Archevêques et les Evêques présents, ainsi que les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs réunis pour cette solennelle célébration. J'étends mon salut fraternel également à la délégation envoyée par le Patriarche oecuménique, Sa Sainteté Bartholomaios I, et guidée par le vénéré Archevêque d'Amérique Dimitrios. Nous sommes réconfortés par la conscience qu'eux aussi partagent les mêmes préoccupations que nous pour la sauvegarde et la promotion des valeurs morales dans la nouvelle Europe.

3. "Jésus Christ vivant dans son Eglise". Le fait que le Christ soit vivant dans son Eglise ressort de l'histoire bimillénaire du christianisme. De la rive orientale de la Méditerranée, le message évangélique se diffusa en rayonnant à travers l'empire romain, pour ensuite se greffer sur les multiples ramifications ethniques et culturelles présentes sur le continent européen. A toutes celles-ci, l'Eglise - précisément appelée "catholique" - a transmis le message unique et universel du Christ.

La "Bonne Nouvelle" a été et continue d'être source de vie pour l'Europe. S'il est vrai que le christianisme ne peut être réduit à aucune culture en particulier, mais qu'il dialogue avec chacune afin de les orienter toutes à exprimer le meilleur d'elles-mêmes dans chaque domaine du savoir et de l'action humaine, les racines chrétiennes sont pour l'Europe la principale garantie de son avenir. Un arbre sans racines pourrait-il vivre et se développer? Europe, n'oublie pas ton histoire!

1118 4. "Jésus Christ, source d'espérance pour l'Europe". La pureté de la sève évangélique a malheureusement connu, au cours des siècles, la souillure due aux limites et aux péchés de certains membres de l'Eglise. C'est pourquoi j'ai ressenti le besoin, au cours du grand Jubilé de l'An 2000, de me faire l'interprète d'une demande de pardon, en particulier pour certaines divisions douloureuses qui se sont produites précisément en Europe et qui ont blessé le Corps mystique du Christ.

Au cours du vingtième siècle, l'Esprit Saint a cependant suscité un nouveau printemps, rendu fécond par le témoignage de nombreux saints et martyrs. Un profond renouvellement spirituel est né grâce au Concile oecuménique Vatican II.

5. "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant!" La profession de foi de Pierre n'a jamais fait défaut dans l'Eglise, malgré les difficultés et les épreuves qui ont marqué le chemin bimillénaire du peuple chrétien.

L'Exhortation apostolique post-synodale, que je remets ce soir symboliquement aux Evêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs d'Europe, est une invitation à renouveler cette adhésion sans réserve au Christ et à son Evangile. Toi seul, Jésus Christ, vivant dans ton Eglise, es source d'espérance!

Nous proclamons ta présence sur le continent européen, de l'Atlantique à l'Oural. Ensemble, nous nous engageons à témoigner de Toi, en suivant l'exemple, et grâce à l'aide, des Apôtres Pierre et Paul et des saints Patrons: Benoît, Cyrille et Méthode, Brigitte de Suède, Catherine de Sienne et Edith Stein.

Que, du ciel, nous soutienne Marie, Reine des Apôtres et Mère du Christ, notre espérance. Amen!




Homélies St Jean-Paul II 8603