Lumen gentium 2 23


23 L’union collégiale apparaît aussi dans les relations mutuelles de chacun des évêques avec les Églises particulières et avec l’Église universelle. Le Pontife romain, en qualité de successeur de Pierre, est le principe et le fondement permanents et visibles de l’unité29 30, aussi bien des évêques que de la multitude des fidèles. De leur côté, les évêques, chacun pour sa part, sont le principe et le fondement visibles de l’unité dans leurs Églises particulières31, formées à l’image de l’Église universelle, dans lesquelles et à partir desquelles existe l’Église catholique, une et unique32. Pour cette raison, les évêques représentent chacun son Église et tous ensemble avec le Pape, ils représentent l’Église tout entière, dans le lien de la paix, de l’amour et de l’unité. Les évêques qui sont placés à la tête des Églises particulières exercent, chacun pour sa part, leur fonction pastorale sur la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée, et non sur les autres Églises ni sur l’Église universelle. Mais en tant que membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des apôtres, chacun d’entre eux est tenu, de par l’institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude pour l’ensemble de l’Église 33, qui, bien qu’elle ne s’exerce pas par un acte de juridiction, apporte cependant une contribution éminente au bien de l’Église universelle. En effet, tous les évêques doivent promouvoir et protéger l’unité de la foi et la discipline commune à l’ensemble de l’Église, former les fidèles à l’amour à l’égard de tout le corps mystique du Christ, surtout envers ses membres pauvres, souffrants, et envers ceux qui endurent la persécution pour la justice (cf. Mt 5,10), enfin promouvoir toute activité commune à toute l’Église, surtout pour que la foi connaisse l’accroissement et que la lumière de la pleine vérité se lève sur tous les hommes. Du reste, il est bien établi que, en gouvernant bien leur Église propre comme une portion de l’Église universelle, ils contribuent efficacement au bien de tout le Corps mystique, qui est aussi le Corps des Églises34.

Le soin d’annoncer l’Évangile partout sur terre incombe au corps des pasteurs, car c’est à eux tous, en commun, que le Christ en a donné mandat en leur imposant une tâche commune, comme déjà le Pape Célestin l’a rappelé aux Pères du concile d’Éphèse35. Par conséquent, les évêques, chacun pour sa part, autant que le leur permet l’accomplissement de leur propre charge, sont tenus d’entrer en communauté d’effort entre eux et avec le successeur de Pierre, à qui a été confiée, à un titre singulier, la charge si importante de propager le nom chrétien 36 37 38. C’est pourquoi ils doivent faire leur possible pour procurer aux missions tout à la fois des ouvriers pour la moisson et des secours spirituels et matériels, tant par eux-mêmes directement qu’en suscitant la coopération fervente des fidèles. Enfin les évêques, dans la communion universelle de la charité, apporteront volontiers, selon l’exemple vénérable de l’Antiquité, une aide fraternelle aux autres Églises, surtout à celles qui sont voisines et qui sont plus nécessiteuses. La divine Providence a fait que les diverses Églises, établies en divers endroits par les apôtres et leurs successeurs, se sont unies, au cours des temps, en plusieurs groupes liés organiquement qui, étant sauve l’unité de la foi et l’unique constitution divine de l’Église universelle, jouissent d’une discipline propre, d’un usage liturgique propre, d’un patrimoine théologique et spirituel. Certaines d’entre elles, notamment les antiques Églises patriarcales, telles des matrices de la foi, en ont engendré d’autres en quelque sorte comme leurs filles, avec lesquelles elles sont jusqu’à nos jours liées d’un lien plus étroit de charité dans la vie sacramentelle et dans le respect mutuel des droits et des devoirs ”. Cette variété des Églises locales montre avec plus d’éclat, par leur convergence dans l’unité, la catholicité de l’Église indivise. C’est d’une manière semblable que les conférences épiscopales peuvent apporter aujourd’hui une contribution multiple et féconde à ce que l’esprit collégial se traduise en applications concrètes.

29 Cf. Cod. Iur. Can., can. 222 et 227.
50 Cf. Conc. Vat. I, Const. Dogm. Pastor aeternus : D. 1821 (3050 s.).
31 Cf. Cyprien, Epist. 66, 8 : Hartcl III, 2, p. 733 : « Episcopus in Ecclesia et Ecclesia in Episcopo (l’évêque dans l’Église et l’Église dans l'évêquc) ».
32 Cf. Cyprien, Epist. 55, 24 : 1 lartcl, p. 624, ligne 13 : « Una Ecclesia per totum mundum in multa membra divisa (l’Église une, répartie à travers le monde entier en une multitude de membres) ». Epist. 36,4 : Hartel, p. 575, lignes 20-21.
33 Cf. Pie XII, Encycl. Fidei Donum, 21 avr. 1957 : AAS 49 (1957), p. 237.
34 Cf. Hilaire, In Ps. 14, 3 : PL 9, 206 ; CSEL 22, p. 86. Grégoire, Moral. IV, 7, 12 : PL 75, 643 C. Ps-Basüe, In Is. 15, 296 : PG 30, 637 C.
35 Célestin, Epist. 18, 1-2, au Conc. d’Éphèse : PL 50, 505 AB; Schwartz, Acta Conc. Oec. I, 1, 1, p. 22. Cf. Benoît XV, Lettre Apost. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 440, Pie XI, Encycl. Rerum Ecclesiae, 28 févr. 1926 : AAS 18 (1926), p. 69. Pie XII, Encycl. Fidei Donum, l. c.
36 Léon XIII, Encyd. Grande munus, 10 sept. 1880 : ASS 13 (1880), p. 145. Cf. Cod. lur. Can., c. 1327 ; c. 1350, §2.
37 Sur les droits des Sièges patriarcaux, cf. Conc. de Nicée, can. 6 au sujet d’Alexandrie et d’Antioche, et can. 7 au sujet de Jérusalem. - Concile tic Lutrun, IV, en 1215, Constit. V : De dignitate Patriarcharum. - Concile de Ferrare-Florence.


24 En tant que successeurs des apôtres, les évêques reçoivent du Seigneur, à qui a été donné tout pouvoir au ciel et sur la terre, la mission d’enseigner toutes les nations et d’annoncer l’Évangile à toute créature, pour que tous les hommes, par la foi, le baptême et l’accomplissement des commandements, puissent obtenir le salut (cf. Mt 28,18 Mc 16,15-16 Ac 26,17 s.). Pour remplir cette mission, le Christ Seigneur a promis aux apôtres l’Esprit Saint et le leur a envoyé du ciel le jour de la Pentecôte, pour que, grâce à sa vertu, ils soient ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre, devant les nations, les peuples et les rois (cf. Ac 1,8 Ac 2,1 s. ; Ac 9,15). Cette charge, que le Seigneur a confiée aux pasteurs de son peuple, est un véritable service qui dans les saintes Écritures est appelé de façon significative diakonia ou ministère (cf. Ac 1,17 Ac 1,25 Ac 21,19 Rm 11,13 1Tm 1,12).

La mission canonique des évêques peut s’effectuer par des coutumes légitimes, qui n’ont pas été révoquées par le pouvoir suprême et universel de l’Église, ou bien par des lois portées ou reconnues par cette même autorité, ou bien directement par le successeur de saint Pierre lui-même ; si celui-ci s’y oppose ou refuse la communion apostolique, les évêques ne peuvent pas être admis à exercer la fonction 38.

38 Cf. Cod. Iuris pro Eccl. Orient, t an. 216-314 : sur les Patriarches ; can. 324-339 : sur les Archevêques majeurs ; can. 362-391 : sur les autres dignitaires ; en particulier, can. 238, § 3 ; 216 ; 240 ; 251 ; 255 : sur les Évêques à nommer par les Patriarches.


25 Parmi les principales charges des évêques, une place éminente revient à la proclamation de l’Évangile 39. Les évêques, en effet, sont les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples, et les docteurs « authentiques », c’est-à-dire revêtus de l’autorité du Christ, qui prêchent au peuple, confié à eux, la foi à laquelle il faut adhérer et qu’il faut faire passer dans les moeurs, et qui éclairent cette foi sous la lumière du Saint-Esprit, en tirant du trésor de la Révélation des choses nouvelles et anciennes (cf. Mt 13,52), la font fructifier et écartent avec vigilance les erreurs qui menacent leur troupeau (cf. 2Tm 4,1-4). Les évêques, enseignant en communion avec le Pontife romain, doivent être révérés par tous comme témoins de la vérité divine et catholique ; les fidèles doivent se mettre en accord avec le jugement exprimé par leur évêque au nom du Christ en matière de foi et de moeurs et doivent y adhérer avec une religieuse soumission de l’esprit. Cette soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence doit être accordée, à un titre particulier, au magistère authentique du Pontife romain, même quand il ne parle pas ex cathedra, à savoir de façon telle que son magistère suprême soit reconnu avec déférence, qu’on donne une adhésion sincère aux jugements qu’il exprime, compte tenu de la pensée et de la volonté qu’il manifeste et que l’on peut déduire principalement, soit du caractère des documents, soit de la proposition répétée de la même doctrine, soit de la façon de s’exprimer.

Bien que les évêques, pris un à un, ne jouissent pas de la prérogative de l’infaillibilité, cependant quand, même en étant dispersés à travers le monde, mais gardant le lien de la communion entre eux et avec le successeur de Pierre, et enseignant authentiquement en matière de foi et de moeurs, ils s’accordent pour proposer une doctrine comme devant être tenue définitivement, alors ils énoncent de façon infaillible la doctrine du Christ40. Cela est encore plus manifeste, lorsque, réunis en concile oecuménique, ils sont pour toute l’Église du Christ docteurs et juges de la foi et des moeurs, aux définitions desquels il faut adhérer par la soumission dans la foi41.

Cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Église pour la définition de la doctrine relative à la foi et aux moeurs, s’étend aussi largement que le dépôt de la divine Révélation qui doit être gardée saintement et exposée fidèlement. C’est de cette infaillibilité que jouit, en vertu de sa charge, le Pontife romain, Tête du collège des évêques, quand, comme pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, qui confirme ses frères dans la foi (cf. Lc 22,32), il proclame par un acte définitif une doctrine concernant la foi ou les moeurs 42. C’est pourquoi ses définitions sont dites à juste titre irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église, étant donné qu’elles ont été prononcées avec l’assistance de l’Esprit Saint qui lui a été promise en la personne du bienheureux Pierre, et que par conséquent elles n’ont nullement besoin d’être approuvées par d’autres et n’admettent aucun appel à un autre jugement. Dans ce cas, en effet, le Pontife romain ne propose pas son avis en tant que personne privée, mais il expose ou défend la doctrine de foi catholique en tant que docteur suprême de l’Église universelle, en qui réside, à titre singulier, le charisme d’infaillibilité de l’Église elle- même43. L’infaillibilité promise à l’Église réside aussi dans le corps des évêques, quand il exerce le magistère suprême en union avec le successeur de Pierre. L’assentiment de l’Église ne peut jamais faire défaut à ces définitions en raison de l’action du même Esprit Saint, par laquelle le troupeau du Christ tout entier se maintient et progresse dans l’unité de la foi44.

Quand le Pontife romain ou le corps des évêques en union avec lui portent une définition, ils le font conformément à la Révélation elle-même, à laquelle tous doivent se tenir et se conformer, et, qui, sous forme écrite ou par voie de tradition, est transmise intégralement, grâce à la succession légitime des évêques et, avant tout, par le soin du Pontife romain lui-même, et qui est religieusement conservée et fidèlement exposée dans l’Église, sous l’action prévenante de l’Esprit de vérité qui l’éclaire45. Le Pontife romain et les évêques, en raison de leur charge et de la gravité de la chose, s’appliquent avec un empressement zélé, par des moyens appropriés, à scruter soigneusement cette Révélation et à l’énoncer adéquatement46 ; mais ils ne reçoivent aucune nouvelle révélation publique comme faisant partie du dépôt divin de la foi47.

39 Cf. Concile de Trente, Decr. de reform., Sess. 5, c. 2, n. 9, et Sess. 24, can. 4 ; Conc. Oec. Decr, p. 645 et 739.
40 Cf. Conc. Vat. I, Const. dogm. Dei Vilius, 3 : D. 1792 (3011). Cf. la note ajoutée au Schéma I de Eccl. (prise de Robert Bellarmin) : Mansi 51, 579 C ; et aussi le schéma revu Const. II de Ecclesia, avec le commentaire de Kleutgen : Mansi 53, 313 AB. l’ie IX, Lettre Tuas libenter : D. 1683 (2879).
41 Cf. Cod. lur. Can., c. 1322 1323.
42 Cf. Conc. Vat. I, Const. dogm. Pastor Aeternus : D. 1839 (3074).
43 Cf. Pexplication de Casser au Conc. Vat. I : Mansi 52, 1213 AC.
44 Gasser, ibid. : Mansi 1214 A.
45 Gasser, ibid. : Mansi 1215 CD, 1216-1217 A.
46 Gasser, ibid. : Mansi 1213.
47 Conc. Vat. I, Const. dogm. Pastor Aeternus, 4 : D. 1836 (3070).


26 L’évêque, revêtu de la plénitude du sacrement de l’Ordre, est « le dispensateur de la grâce du sacerdoce suprême 48 », surtout dans l’Eucharistie, qu’il offre lui-même ou qu’il fait offrir49, et qui fait que l’Église vit et grandit sans cesse. Cette Église du Christ est vraiment présente dans toutes les légitimes assemblées locales des fidèles qui, étroitement unies à leurs pasteurs, sont appelées, elles aussi, Églises dans le Nouveau Testament50. Elles sont, chacune en son lieu, le Peuple nouveau, appelé par Dieu, dans l’Esprit Saint et dans une pleine assurance (cf. 1Th 1,5). En elles, les fidèles sont rassemblés par la proclamation de l’Évangile du Christ et se célèbre le mystère de la Cène du Seigneur, « pour que par la chair et le sang du Seigneur soit resserrée toute la fraternité du Corps 51 52 ». Dans toute communauté de l’autel, rassemblée sous le ministère sacré de l’évêque ”, est manifesté le symbole de la charité et de « l’unité du Corps mystique, en dehors de laquelle il ne peut y avoir de salut53 ». Dans ces communautés, même si souvent elles sont petites et pauvres, ou vivent dans la dispersion, est présent le Christ, par la vertu duquel l’Église une, sainte, catholique et apostolique, s’assemble54. Car « la participation au corps et au sang du Christ n’a pas d’autre effet que de nous faire passer en cela que nous recevons 55 ».

Or toute célébration légitime de l’Eucharistie est dirigée par l’évêque, à qui a été confiée la charge d’offrir à la divine Majesté le culte de la religion chrétienne et de le régler selon les préceptes du Seigneur et les lois de l’Église, qu’il déterminera de façon plus précise pour son diocèse selon son jugement particulier.

Ainsi les évêques, en priant et en travaillant pour le peuple, répandent sous des formes multiples et avec abondance ce qui vient de la plénitude de la sainteté du Christ. Par le ministère de la parole, ils communiquent aux croyants pour leur salut la force de Dieu (cf. Rm 1,16) et par les sacrements, dont ils organisent, par leur autorité, la distribution régulière et fructueuse 56 , ils sanctifient les fidèles. Ce sont eux qui règlent l’administration du baptême, par lequel est conférée la participation au sacerdoce royal du Christ. Ce sont eux qui sont les ministres originels de la confirmation, les dispensateurs des ordres sacrés, ce sont eux qui règlent la discipline pénitentielle, ce sont eux qui exhortent et instruisent avec sollicitude leur peuple à tenir avec foi et respect le rôle qui est le sien dans la liturgie et surtout dans le saint sacrifice de la messe. Ils doivent enfin faire progresser ceux à la tête desquels ils sont placés par l’exemple de leur vie, en se gardant dans leur conduite de tout mal, et en s’orientant vers le bien, autant qu’ils le peuvent, avec l’aide de Dieu, de façon à parvenir, avec le troupeau qui leur est confié, à la vie éternelle 57.

48 Prière pour la consécration épiscopale dans le rite byzantin : Euchologion to mega, Rome, 1873, p. 139.
49 Cf. Ignace M., Smyrn. 8, 1 : éd. Funk, I, p. 282 ; SC 10.
50 Cf. Ac 8, 1 ; 14, 22-23 ; 20, 17, et passim
51 Prière du rite mozarabe : PL 96, 759 B.
52 Cf. Ignace M., Smyrn. 8, 1 : éd. Funk, I, p. 282 ; SC 10.
53 Thomas, Summa Tbeol. III, q. 73, a. 3.
54 Cf. Augustin, C. Faustum, 12, 20 : PL 42, 265 ; Serm. 57, 7 : PL 38, 389, etc.
55 Léon, Serm 63, 7 : PL 54, 357 C.
56 Cf. Traditio Apostolica d’Hippolyte, 2-3 : SC 11 bis.
57 Cf. le texte de Y interrogatum un début de la consécration épiscopale, et l'Oraison à la fin de la messe de la même consécration, après le Te Deum


27 Les évêques dirigent les Églises particulières qui leur sont confiées, en tant que vicaires et légats du Christ 58, par leurs conseils, leurs recommandations, leur exemple, mais aussi par l’exercice de leur autorité et de leur pouvoir sacré, dont toutefois ils ne font usage qu’en vue d’édifier leur troupeau dans la vérité et la sainteté, se souvenant que celui qui est le plus grand doit se faire comme le plus petit et celui qui commande comme celui qui sert (cf. Lc 22,26-27). Ce pouvoir, qu’ils exercent personnellement au nom du Christ, est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat, bien que son exercice soit régi en dernier ressort par l’autorité suprême de l’Église et qu’il puisse être soumis par celle-ci à certaines limitations en considération du bien de l’Église ou des fidèles. En vertu de ce pouvoir, les évêques ont le droit sacré et, devant le Seigneur, le devoir de porter des lois pour leurs sujets, de rendre des jugements et de régler tout ce qui regarde le bon ordre du culte et de l’apostolat. La charge pastorale, c’est-à-dire le soin habituel et quotidien de leurs brebis, leur est confiée dans sa plénitude, et ils ne doivent pas être considérés comme vicaires des Pontifes romains, puisqu’ils exercent un pouvoir qui leur est propre et qu’ils sont appelés, en toute vérité, chefs du peuple qu’ils dirigent 59. Ainsi leur pouvoir n’est pas annulé par le pouvoir suprême et universel, mais au contraire, est confirmé, fortifié et défendu par lui60, l’Esprit Saint assurant indéfectiblement le maintien de la forme de gouvernement instituée par le Christ Seigneur dans son Église.

L’évêque, envoyé par le Père de famille pour gouverner sa famille, gardera devant les yeux l’exemple du Bon Pasteur, qui est venu non pas pour être servi, mais pour servir (cf. Mt 20,28 Mc 10,45) et pour donner sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10,11). Pris parmi les hommes et enveloppé de faiblesse, il peut compatir à ceux qui sont ignorants et égarés (cf. He 5,1-2). Il ne refusera pas d’écouter ceux qui lui sont subordonnés, les entourant de prévenance comme de vrais fils et les exhortant à collaborer avec lui avec empressement. Appelé à rendre compte à Dieu de leurs âmes (cf. He 13,17), il lui faut par la prière, la prédication et l’ensemble des oeuvres de charité, faire preuve de sollicitude à leur égard, et aussi à l’égard de ceux qui ne font pas encore partie de l’unique troupeau et qu’il doit cependant considérer comme lui ayant été confiés dans le Seigneur. Puisque, comme l’apôtre saint Paul, il est débiteur à l’égard de tous, qu’il soit prêt à annoncer l’Évangile à tous (cf. Rm 1,14-15), et à exhorter ses fidèles à l’activité apostolique et missionnaire. Les fidèles, de leur côté, doivent s’attacher à leur évêque comme l’Église à Jésus-Christ, et comme Jésus-Christ au Père, pour que toutes les choses s’accordent dans l’unité 61 et abondent pour la gloire de Dieu (cf. 2Co 4,15).

58 Benoît XIV, Bref Romana Ecclesia, 5 oct. 1752, § 1 : Bullarium Benedicti XIV, t. IV, Rome, 1758,21 : « Episcopus Christi typum gerit, Eiusque munere fungitur (L’évêque représente la figure du Christ et exerce la charge de celui-ci) ». Pie XII, Encycl. Mystici Corporis, l.c., p. 211 : «Assignatos sibi greges singuli singulos Christi nomine pascunt et regunt (Chacun des évêques paît et dirige au nom du Christ le troupeau qui lui est confié). »
59 Léon XIII, Encycl. Satis cognitum, 29 juin 1896 : AAS 28 (1895-1896), p. 732. Id., Epist. Officio sanctissimo, 22 déc. 1887 : ASS 20 (1887), p. 264. Pie IX, Lettre Apost. aux Évêques d’Allemagne, 12 mars 1875, et Alloc. Consist. du 15 mars 1875 : D. 3112-3117, dans la nouvelle éd. seulement.
60 Conc. Vat. I, Const. dogm. Pastor aeternus, 3 : D. 1828 (3061). Cf. Relation de Zinelli : Mansi 52, 1114 D.
61 Cf. Ignace M., Ad. Ephes. 3, 1 : éd. Funk, I, p. 216 ; SC 10.


28 Le Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde (Jn 10,36), a, par ses apôtres, fait participer leurs successeurs, à savoir les évêques, à sa consécration et à sa mission ; ceux-ci, à leur tour, ont transmis légitimement dans l’Église la charge de leur ministère, selon des degrés divers, à des sujets divers 62. Ainsi le ministère ecclésiastique, divinement institué, est exercé en des ordres divers par ceux qui, déjà depuis l’Antiquité, sont appelés évêques, prêtres *, diacres63. Bien qu’ils n’aient pas accédé au degré suprême du pontificat et que dans l’exercice de leur pouvoir ils dépendent des évêques, les prêtres * sont cependant unis à ceux-ci dans la dignité sacerdotale 64, et, en vertu du sacrement de l’Ordre 65, à l’image du Christ, prêtre suprême et éternel (cf. He 5,1-10 He 7,24 He 9,11-28), ils sont consacrés pour proclamer l’Évangile, être les pasteurs des fidèles et célébrer le culte divin, en vrais prêtres de la Nouvelle Alliance 66. Participant, selon le degré du ministère qui est le leur, à la fonction du Christ, unique Médiateur (1Tm 2,5), ils annoncent à tous la Parole de Dieu. Mais ils exercent leur fonction sacrée avant tout dans le culte ou la synaxe eucharistique au cours de laquelle, agissant en la personne du Christ 67 et proclamant son mystère, ils unissent les prières des fidèles au sacrifice de leur Tête, et, dans le sacrifice de la messe, rendent présent et appliquent jusqu’à la venue du Seigneur (cf. 1Co 11,26) l’unique sacrifice de la Nouvelle Alliance, c’est-à-dire le sacrifice du Christ qui s’est offert une fois pour toutes au Père en victime immaculée (cf. He 9,14-28) Pour les fidèles pénitents ou malades, ils exercent à un titre éminent le ministère de la réconciliation et du soulagement, et ils présentent à Dieu le Père les besoins et les prières des fidèles (cf. He 5,1-14). Exerçant, pour la part d’autorité qui est la leur68 69, la fonction du Christ, Pasteur et Chef, ils rassemblent la famille de Dieu, comme fraternité animée par l’esprit d’unité70 et ils la conduisent à Dieu le Père par le Christ dans l’Esprit. Au milieu de leur troupeau, ils adorent le Père en esprit et en vérité (cf. Jn 4,24). Enfin, ils peinent à la parole et à l’enseignement (cf. 1Tm 5,17), croyant ce qu’ils ont lu, en la méditant, dans la loi du Seigneur, enseignant ce qu’ils ont cru, pratiquant ce qu’ils ont enseigné 71 72.

Les prêtres *, coopérateurs avisés de l’ordre épiscopaln, dont ils sont l’aide et l’instrument, appelés à servir le Peuple de Dieu, constituent avec leur évêque un seul presbyterium7), qui toutefois est voué à des fonctions diverses. Dans chaque communauté locale de fidèles, ils rendent en quelque sorte présent l’évêque avec lequel ils sont unis en toute confiance et générosité et ils assument, pour leur part, ses charges et sa sollicitude et y apportent leur soin quotidien. Ceux qui, sous l’autorité de l’évêque, sanctifient et dirigent la portion du troupeau du Seigneur qui leur a été assignée, rendent visible, au fieu qui est le leur, l’Église universelle et apportent une contribution efficace à l’édification du Corps du Christ tout entier (cf. Ep 4,12). Mais toujours attentifs au bien des fils de Dieu, ils s’appliqueront à apporter leur concours au travail pastoral de tout le diocèse, voire de toute l’Église. En raison de cette participation au sacerdoce et à la mission de leur évêque, les prêtres * reconnaîtront vraiment en celui-ci leur père et lui obéiront avec respect. L’évêque, de son côté, considérera les prêtres qui sont ses coopérateurs comme des fils et des amis à l’exemple du Christ, qui appelle ses disciples non plus serviteurs, mais amis (cf. Jn 15,15). Tous les prêtres, par conséquent, tant diocésains que religieux, sont, en raison de l’Ordre et du ministère, ajustés organiquement au corps des évêques, et, en fonction de leur vocation et de leur grâce, sont au service du bien de toute l’Église.

En vertu de l’ordination et de la mission sacrée, qui leur sont communes, tous les prêtres * sont fiés entre eux par une intime fraternité, qui devra se manifester spontanément et volontiers dans l’aide mutuelle tant spirituelle que matérielle, tant pastorale que personnelle, dans les réunions et dans la communion de vie, de travail et de charité.

Ils s’occuperont comme des pères dans le Christ des fidèles qu’ils ont engendrés spirituellement par le baptême et l’enseignement (cf. 1Co 4,15 1P 1,23). En se faisant, de bon gré, modèles du troupeau (cf. 1P 5,3), ils présideront à leur communauté locale et ils seront à son service, de telle façon que celle-ci puisse être digne de porter le nom qui fait l’honneur de l’unique Peuple de Dieu dans son ensemble, à savoir « Église de Dieu » (cf. 1Co 1,2 2Co 1,1 et passim). Ils se souviendront que, par leur vie quotidienne et leur sollicitude, ils montrent aux fidèles et aux infidèles, aux catholiques et aux non-catholiques le visage d’un ministère vraiment sacerdotal et pastoral et qu’ils doivent rendre à tous le témoignage de la vérité et de la vie et, en bons pasteurs, être aussi à la recherche (cf. Lc 15,4-7) de ceux qui, bien que baptisés dans l’Église catholique, se sont éloignés de la pratique des sacrements, ou même de la foi.

Comme le genre humain évolue aujourd’hui de plus en plus vers l’unité civile, économique et sociale, les prêtres doivent d’autant plus unir leurs soins et leurs forces sous la conduite des évêques et du Souverain Pontife, et écarter toute forme de division pour amener le genre humain tout entier à l’unité de la famille de Dieu.

62 Cf. Ignace M., Ad. Ephes. 6, I : éd. Funk, I, p. 218 ; SC 10.
6) Cf. Concile de Trente, Sess. 23, Or sacr. Ordinis, chap. 2 : D. 958 (1765), et can. 6 : D. 966 (1776).
64 Cf. Innocent I, Episl. ad. Decentium PL 20, 554 A ; Mansi 3, 1029 ; D. 98 (215) : « Presbyteri, licet secundi sint sacerdotes, pontificatus tamen apicem non habent (Les presbytres, tout en appartenant au sacerdoce du second rang, n’ont pas la charge suprême du pontificat). » S. Cyprien, Epist. 61, 3 : éd. Hartel, p. 696.
65 Cf. Concile de Trente, l. c., D. 936a 968 (1763-1778), et en particulier can. 7 : D. 967 (1777). Pie XII, Const. Apost. Sacramentum Ordinis : 1). 2301 (3837-61).
66 Cf. Innocent I, l.c. Grégoire de Na/., Apol. II, 22 : PG 35, 432 B. Ps.-Denys, Eccl. Hier., 1, 2 : PG 3, 372 D.
67 Cf. Conc. de Trente, Sess. 22 : L>. 940 (1743). Pie XII, Encycl. Mediator Dei, 20 nov. 1947 : AAS 39 (1947), p. 553 ; D. 2300 (3850).
68 Cf. Concile de Trente, Ses». 22 I). 938 (1739-1740) ; Concile de Vat. II, Const. De Sacra Liturgia, n. 7 et n. 47 ; AAS 56 (1964), p. 100-113. (Voir plus haut p. 12 et 28.)
69 Cf. Pie XII, Encycl. Mediator Dêi, l.c., n. 67.
70 Cf. Cyprien, Epist. 11, 3 : PL 4, 242 B ; Hartel, II, 2, p. 497.
71 Cf. Pontifical romain Ordo consecrationis sacerdotalis, imposition des vêtements.
72 Cf. Pontifical romain Ordo consecrationis sacerdotalis, préface.
73 Cf. Ignace M., Philad. 4 : éd. Funk I, p. 266 ; SC 10. Corneille, dans Cyprien, Epist. 48, 2 : Hartel, III, 2, p. 610.



29 Au degré inférieur de la hiérarchie se situent les diacres, auxquels on impose les mains « non en vue du sacerdoce, mais en vue du service 74 ». Fortifiés en effet par la grâce sacramentelle, ils sont au service du Peuple de Dieu, en communion avec l’évêque et son presbyterium, dans la « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la charité. Il appartient au diacre, selon ce qui lui aura été assigné par l’autorité compétente, d’administrer solennellement le baptême, de conserver et de distribuer l’Eucharistie, d’assister au mariage au nom de l’Église et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de lire aux fidèles la sainte Écriture, d’instruire et d’exhorter le peuple, de présider le culte et la prière des fidèles, d’être les ministres des sacramentaux, de présider au rite des funérailles et de la sépulture. Adonnés aux oeuvres de charité et d’administration, les diacres se souviendront de l’avertissement de saint Polycarpe : « Être miséricordieux, zélés, marchant selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous

Comme ces fonctions, nécessaires au plus haut point à la vie de l’Église, peuvent difficilement être remplies en beaucoup de régions dans le cadre de la discipline actuellement en vigueur dans l’Église latine, le diaconat pourra, à l’avenir, être rétabli comme degré propre et permanent de la hiérarchie. Il appartient aux assemblées épiscopales territoriales compétentes, sous leurs diverses formes, de décider, avec l’approbation du Souverain Pontife, si et où il est opportun pour le soin des âmes d’instituer de tels diacres. Avec le consentement du Pontife romain, ce diaconat pourra être conféré à des hommes d’âge mur, même mariés, et à des jeunes qui en ont les aptitudes, pour lesquels cependant doit rester en vigueur la loi du célibat.

74 Constitutiones Ecclesiae Aegyptiacae, III, 2 : éd. Funk, Didascalia, II, p. 103. Statuta Eccl. Ant. 37-41 : Mansi 3, 954.
75 Polycarpe, Ad. Phil. 5, 2 : éd. Funk, I, p. 300 ; SC 10 ; le Christ est dit « omnium diaconus factus (s’être fait le diacre [serviteur] de tous) ». Cf. Didachè 15, 1 : ibid., p. 32 ; SC 248. Ignace M., Trall. 2, 3 : ibid., p. 242 ; SC 10. Constitutiones Apostolorum, 8, 28, 4 : éd. Funk, Didascalia, I, p. 530 ; SC 336.


Chapitre IV. Les laïcs

30 Après avoir précisé les fonctions de la hiérarchie, le saint Concile tourne volontiers son attention vers l’état de ces fidèles qu’on appelle laïcs. Si, en effet, toutes les choses qui ont été dites du Peuple de Dieu concernent à un titre égal les laïcs, les religieux et les clercs, cependant, certaines reviennent à un titre particulier aux laïcs, hommes et femmes, en raison de leur condition et de leur mission, et les fondements doivent en être examinés de plus près en raison des circonstances particulières de notre temps. En effet, les pasteurs sacrés savent fort bien quelle importante contribution les laïcs apportent au bien de toute l’Église. Les pasteurs savent qu’ils n’ont pas été institués par le Christ pour assumer à eux seuls toute la mission salvifique de l’Église à l’égard du monde, mais que leur charge éminente consiste à être les pasteurs des fidèles du Christ et à reconnaître leurs services et leurs charismes de façon à ce que tous, chacun à sa manière, coopèrent unanimement à l’oeuvre commune. Il faut en effet que tous, « en faisant la vérité dans la charité, nous grandissions de toutes manières vers celui qui est la Tête, le Christ, dont le Corps tout entier, trouvant son organisation et sa cohésion grâce à toutes les articulations qui le desservent, selon l’opération assignée à chaque membre, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour» (Ep 4,15-16).


31 Sous le nom de laïcs, on entend ici tous les fidèles, mis à part les membres des ordres sacrés et de l’état religieux reconnu dans l’Eglise, c’est-à-dire les fidèles qui, pour avoir été incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en Peuple de Dieu et qui devenus participants, à leur manière, des fonctions sacerdotale, prophétique et royale du Christ, remplissent, pour leur part, dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le Peuple chrétien.

Le caractère séculier est propre et particulier aux laïcs. En effet, bien que les membres de l’ordre sacré puissent parfois être engagés dans le domaine séculier, en exerçant même une profession séculière, ils sont cependant, en raison de leur vocation particulière, ordonnés principalement et expressément au ministère sacré ; les religieux, de leur côté, par leur état, rendent le témoignage éclatant et éminent que le monde ne peut être transfiguré et offert à Dieu sans l’esprit des Béatitudes. Il appartient aux laïcs, en raison de leur vocation propre, de chercher le Royaume de Dieu en gérant les affaires temporelles et en les ordonnant selon Dieu. Ils vivent dans le siècle, c’est-à-dire qu’ils sont engagés tous et chacun dans des emplois et des travaux du monde et dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale, dont leur existence est comme tissée. C’est à cette place qu’ils sont appelés par Dieu, pour que, en accomplissant leur charge propre, en se laissant conduire par l’esprit évangélique, ils contribuent à la sanctification du monde comme du dedans, à la manière d’un ferment, et qu’ainsi ils manifestent le Christ aux autres, avant tout par le témoignage de leur vie, dans le rayonnement de leur foi, de leur espérance, et de leur charité. C’est donc à eux qu’il revient, à un titre particulier, d’éclairer et d’ordonner toutes les réalités temporelles, auxquelles ils sont étroitement liés, de telle façon qu’elles se fassent et se développent sans cesse selon le Christ et qu’elles soient à la louange du Créateur et du Rédempteur.


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