Marialis cultus FR 24

Deuxième partie : Pour le renouveau de la piété mariale






24 Mais le même Concile Vatican II exhorte à promouvoir, à côté du culte liturgique, d’autres formes de piété, surtout celles que recommande le Magistère67. Toutefois, on le sait, la vénération des fidèles pour la Mère de Dieu a revêtu des formes multiples selon les circonstances de temps et le lieu, la sensibilité des peuples et leurs différentes traditions culturelles. Il s’ensuit que les formes d’expression de cette piété, sujettes à l’usure des siècles, ont grandement besoin d’être rénovées pour que soient remplacés leurs éléments caducs, mis en valeur ceux qui ont passé l’épreuve du temps, et que l’on y incorpore les données doctrinales acquises par la réflexion théologique et proposées par le Magistère ecclésiastique. Ceci montre la nécessité pour les Conférences épiscopales, les Eglises locales, les familles religieuses et les communautés de fidèles, de favoriser une activité créatrice authentique et de procéder en même temps à une révision diligente des exercices de piété envers la Vierge ; révision que Nous voudrions respectueuse de la saine tradition des hommes de notre temps. Il Nous semble par conséquent opportun, vénérables Frères, de vous indiquer quelques principes pour guider votre travail en ce domaine.


Section I : aspect trinitaire, christologique et ecclésial DU CULTE DE LA VIERGE





25 Il convient au plus haut point, avant tout, que les exercices de piété envers la Vierge Marie expriment clairement la note trinitaire et christologique qui leur est intrinsèque et essentielle. Le culte chrétien en effet est, par nature, un culte rendu au Père, au Fils et à l’Esprit Saint, ou mieux, selon l’expression de la liturgie, au Père par le Christ, dans l’Esprit. Dans cette perspective, il s’étend légitimement, même si c’est de façon substantiellement différente, tout d’abord et particulièrement à la Mère du Seigneur, puis aux saints, car en eux, qui ont souffert avec le Christ et ont été glorifiés avec lui, l’Eglise proclame le mystère pascal68. Dans la Vierge, tout se rapporte au Christ et tout dépend de lui : c’est pour lui que Dieu le Père, de toute éternité, l’a choisie comme Mère toute saine et l’a parée de dons de l’Esprit à nul autre consentis. La piété chrétienne authentique n’a certainement jamais manqué de mettre en lumière le lien indissoluble et la référence essentielle de la Vierge au Divin Sauveur69. Il Nous semble cependant particulièrement conforme à l’orientation spirituelle de notre époque, dominée et absorbée par la « question du Christ »70, que, dans les manières d’exprimer le culte de la Vierge, soit spécialement mis en relief l’aspect christologique, pour qu’elles reflètent le plan de Dieu, qui a fixé à l’avance « par une seule et même disposition l’origine de Marie et l’incarnation de la Sagesse divine71 ». Ceci concourra sans aucun doute à rendre plus solide la piété envers la Mère de Jésus, et à en faire un instrument efficace pour parvenir à la « pleine connaissance du Fils de Dieu, et constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4,13) ; et cela contribuera d’autre part à développer le culte dû au Christ lui-même, puisque, conformément au sentiment permanent de l’Eglise, réaffirmé de nos jours avec autorité72, « ce qui s’adresse à la servante se rapporte au Maître ; ainsi remonte au Fils ce qui est attribué à la Mère; (...) ainsi rejaillit sur le Roi l’honneur rendu en humble hommage à la Reine »73.




26 Il Nous semble utile, après cette allusion à l’orientation christologique du culte de la Vierge, de rappeler qu’il est opportun de mettre convenablement en relief, dans ce culte, une des composantes essentielles de la foi : la Personne et l’oeuvre de l’Esprit Saint. La réflexion théologique et la liturgie ont relevé en effet comment l’intervention sanctificatrice de l’Esprit chez la Vierge de Nazareth a été un moment culminant de son action dans l’histoire du salut. Ainsi, par exemple, des Pères de l’Eglise et des Ecrivains ecclésiastiques ont attribué à l’oeuvre de l’Esprit la sainteté originelle de Marie, « quasi pétrie par lui et formée comme une nouvelle créature »74. En réfléchissant sur les textes évangéliques — «l’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » (Lc 1,35), et « Marie (...) se trouve enceinte par le fait de l’Esprit Saint ; (...) ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 18, 20) — ils découvrirent dans l’intervention de l’Esprit une action qui consacra et rendit féconde la virginité de Marie75 et transforma la Vierge en Demeure du Roi ou Lieu de repos du Verbe76, Temple ou Tabernacle du Seigneur77, Arche d’Alliance ou de sanctification78, titres riches de résonances bibliques. Approfondissant encore le mystère de l’Incarnation, ils virent dans le rapport insondable entre l’Esprit Saint et Marie un aspect conjugal, poétiquement décrit par Prudence : « la Vierge qui n’était pas mariée se maria avec l’Esprit79 », et ils l’appelèrent Sanctuaire du Saint-Esprit80, expression qui souligne le caractère sacré de la Vierge, devenue demeure permanente de l’Esprit de Dieu. Pénétrant plus avant dans la doctrine sur le Paraclet, ils comprirent qu’il est la source d’où jaillit la plénitude de grâce (cf. Lc Lc 1,28) et l’abondance des dons qui ornent Marie : c’est donc à l’Esprit qu’ils attribuèrent la foi, l’espérance et la charité qui animèrent le coeur de la Vierge, la force qui encouragea son adhésion à la volonté de Dieu, l’énergie qui la soutint dans la compassion au pied de la Croix81. Ils notèrent dans le cantique prophétique de Marie (cf. Lc Lc 1,46-55) une influence particulière de ce même Esprit qui avait parlé par la bouche des prophètes82. Enfin, considérant la présence de la Mère de Jésus au Cénacle, où l’Esprit descendit sur l’Eglise naissante (cf. Ac Ac 1,12-14 Ac 2,1-4), ils enrichirent de nouveaux développements le thème antique Marie-Eglise83; et surtout ils recoururent à l’intercession de la Vierge pour obtenir de l’Esprit la capacité d’engendrer le Christ dans leurs propres âmes, comme l’atteste Saint Ildefonse en une prière surprenante de doctrine et de vigueur : « Je te prie, je te prie, Vierge sainte : que de cet Esprit qui t’a fait engendrer Jésus je reçoive moi-même Jésus. Que mon âme reçoive Jésus par cet Esprit qui a fait que ta chair a conçu ce même Jésus. (...) Que j’aime Jésus en cet Esprit dans lequel tu l’adores toi-même comme ton Seigneur, et tu le contemples comme ton Fils84 ».

1 Cf. lactance, Divinae institutiones IV, 3, 6-10 : CSEL 19, p. 279.
2 Cf. Sacrosanctum Concilium, 1-3, 11, 21, 48 : AAS 56, 1964, pp. 97-98, 102-103, 105-106, 113.
3 Sacrosanctum Concilium, 103 : AAS 56, 1964, p. 125.
4 Cf. Lumen Gentium, 66 : AAS 57, 1965, p. 65.
5 Ibid.
6 Messe votive de la bienheureuse Vierge Marie Mère de l’Eglise, Préface.
7 Cf. Lumen Gentium, 66-67 : AAS 57, 1965, pp. 65-66 ; Sacrosanctum Concilium, 103 : AAS 56, 1964, p. 125.
8 Cf. Exhortation apostolique Signum magnum : AAS 59, 1967, pp. 465-475.
9 Cf. Sacrosanctum Concilium, 3 : AAS 56, 1964, p. 98.
10 Cf. ibid., 102 : AAS 56, 1964, p. 125.
11 Cf. Missale Romanum ex Decr. Sacr. Oec. Conc. Vat. II instauratum, auctoritate Pauli PP. VI promulgatum, ed. typica, mcmlxx, Die 8 decembris, Praefatio.
12 (Missale Romanum ex Decr. Sacr. Oec. Conc. Vat. II instauratum, auctoritate Pauli PP. VI promulgatum. Ordo lectionum Missae, ed. typica, mcmlxix, p. 8 ; Lectio I (Anno A : Is 7,10-14, « Ecce Virgo concipiet » ; Anno B : 2S 7,1-5 2S 7, 2S 16, « Regnum David erit usque in aeternum ante faciem Domini » ; Anno C , Mi 2S 5,2-5 [He 1-4a] , « Ex te egredietur dominator in Israël »).
13 Ibid., p. 8 : Evangelium (Anno A : Mt 1,18-24, « Jesus nascetur de Maria, desponsata Joseph, filio David » ; Anno B : Lc 1,26-38, « Ecce concipies in utero et paries filium » ; Anno C : Lc 1,39-45, « Unde hoc mihi ut veniat mater Domini mei ad me ? »).
14 Cf. Missale Romanum, Praefatio de Adventu, II.
15 Missale Romanum, ibid.
16 Missale Romanum, Prex eucharistica I, Communicantes in Nativitate Domini et per octavam.
17 Missale Romanum, Die 1 ianuarii, Ant. ad introitum et Collecta.
18 Cf. Missale Romanum, Die 22 augusti, Collecta.
19 Missale Romanum, Die 8 septembris, Post communionem.
20 Missale Romanum, Die 31 maii, Collecta.
21 Cf. ibid., Collecta et Super oblata.
22 Missale Romanum, Die 15 septembris, Collecta.
23 Cf. n. 1, p. 15.
24 Parmi les nombreuses anaphores, voir les suivantes, particulièrement en honneur chez les orientaux : Anaphora Marci Evangelistae : Prex eucharistica, éd. A. Hânggi-I. Pahl, Fribourg, Editions Universitaires, 1968, p. 107 ; Anaphora Jacobi fratris Domini graeca, ibid., p. 257 ; Anaphora Johannis Chrysostomi, ibid., p. 229.
25 Cf. Missale Romanum, Die 8 decembris, Praefatio.
26 Cf. Missale Romanum, Die 15 augusti, Praefatio.
27 Cf. Missale Romanum, Die 1 ianuarii, Post communionem.
28 Cf. Missale Romanum, Commune B. Mariae Virginia, 6. Tempore paschali, Collecta.
29 Missale Romanum, Die 15 septembris, Collecta.
30 Missale Romanum, Die 31 maii, Collecta. Dans la même ligne : Praefatio de B. Maria Virgine, II : « Vere dignum... beatae Virginis Mariae memoriam recolentes, clementiam tuam ipsius grato magnificare praeconio ».
31 Cf. Ordo lectionum Missae, Dom. III Adventus (Anno C : So 3,14-18) ; Dom. IV Adventus (cf. ci-dessus note 12) ; Dom. infra Oct. Nativitatis (Anno A : Mt 2, 13-15, 19-23 ; Anno B : Lc 2,22-40 Anno C , Lc Lc 2,41-52) ; Dom. II post Nativitatem (Jn 1,1-18) ; Dom. VII Paschae (Anno A : Ac 1,12-14) ; Dom. II per annum (Anno C : Jn Jn 2,1-12) ; Dom. XIV per annum (Anno B : Gn 3,9-15) ; Dom. XIV per annum (Anno B : Mc 6,1-6).
32 Cf. Ordo lectionum Missae. Pro catechumenatu et baptismo adultorum. Ad traditionem Orationis Dominicae (Lectio II, 2 ; Ga 4,4-7) ; Ad Initiationem christianam extra Vigiliam paschalem (Evang., 7 : Jn 2,1-11) ; Pro consecratione virginum et professione religiosa (Lectio I, 7 : Lc 61,9-11 Evang. Mc 3,31-35 Lc 1,26-38 [Ordo consecrationis virginum, LC 130 IOrdo professionis religiosae, Pars altera, 145]).
33 Cf. Ordo lectionum Missae, Pro profugis et exsulibus (Evang., 1 : Mt 2,13-15 Mt 2,19-23) ; Pro gratiarum actione (Lectio I, 4 ; So 3,14-15).
34 La Divina Commedia, Paradiso XXXIII, 1-9 ; cf. Liturgia Horarum, Memoria Sanctae Mariae in Sabbato, ad Officium lectionis, Hymnus.
35 Cf. Ordo baptismi parvulorum, 48 ; Ordo initiationis christianae adultorum, 214.
36 Cf. Rituale Romanum, Tit. VII, cap. III, De benedictione mulieris post partum.
37 Cf. Ordo professionis religiosae, Pars prior, 57 et 67.
38 Cf. Ordo consecrationis virginum, 16.
39 Cf. Ordo professionis religiosae, Pars prior, 62 et 142 ; Pars altera, 67 et 158 ; Ordo consecrationis virginum, 18 et 20.
40 Cf. Ordo unctionis infirmorum eorumque pastoralis curae, 143, 146, 147, 150.
41 Cf. Missale Romanum, Missae defunctorum, Pro defunctis fratribus, propinquis et benefactoribus, Collecta.
42 Cf. Ordo exsequiarum, 226.
43 Cf. Lumen Gentium, 63 : AAS 57, 1965, p. 64.
44 Cf. Sacrosanctum Concilium, 7 : AAS 56, 1964, pp. 100-101.
45 Sermo 215, 4 : PL 38, 1074.
46 Ibid.
47 Cf. Dei Verbum, 21 : AAS 58, 1966, pp. 827-828.
48 Cf. Adversus Haereses IV, 7, 1 : PC 7, 1, 990-991 ; Sources Chrétiennes 100, t. II, pp. 454-458.
49 Adversus Haereses III, 10, 2 : PG 7, l, 873 ; Sources Chrétiennes 34, p. 164.
50 Cf. Lumen Gentium, 62 : AAS 57, 1965, p. 63.
51 Sacrosanctum Concilium, 83 : AAS 56, 1964, p. 121.
52 Lumen Gentium, 63 : AAS 57, 1965, p. 64.
53 Ibid., 64 : AAS 57, 1965, p. 64.
54 Tractatus XXV (In Nativitate Domini), 5 : CCL 138, p. 123 ; S. Ch. 22 bis, p. 132 ; cf. aussi Tractatus XXIX (In Nativitate Domini), 1 : CCL ibid., p. 147 ; Tractatus LXIII (De Passione Domini), 6 : CCL ibid., p. 386 ; S. Ch. 74, p. 82.
55 M. ferotin, Le « Liber Mozarabicus Sacramentorum », col. 56.
56 In purifications B. Mariae, Sermo III 2 : PL 183, 370 ; Sancti Bemardi Opera, éd. J. Leclercq - H. Rochais, IV, Romae 1966, p. 342.
57 Cf. Lumen Gentium, 57 : AAS 57, 1965, p. 61.
58 Ibid., 58 : AAS 57, 1965, p. 61.
59 Cf. pie XII, Encyclique Mystici Corporis : AAS 35, 1943, p. 247.
60 Cf. Sacrosanctum Concilium, 47 : AAS 56, 1964, p. 113.
61 Cf. ibid., 102 et 106 : AAS 56, 1964, p. 125 et 126.
62 « ... meminisse dignare omnium eorum, qui a saeculo placuerint tibi, patrum sanctorum, patriarcharum, prophetarum, apostolorum (...) et sanctae et gloriosae genitricis Dei Mariae et omnium sanctorum, (...) meminerint miseriae et paupertatis nostrae, et offerant tibi nobiscum sacrincium hoc tremendum et incruentum » : Anaphora Jacobi fratris Domini syriaca : Prex Euchanstica, éd. A. Hànggi-I. Pahl, Fribourg, Editions Universitaires, 1968, p. 274.
63 Expositio Evangelii secundum Lucam, II, 26 : CSEL 32, IV, p. 55 ; S Ch 45, pp. 83-84.
64 Cf. Lumen Gentium, 62 : AAS 57, 1965, p. 63.
65 Sacrosanctum Concilium, 103 : AAS 56, 1964, p. 125.
66 Lumen Gentium, 67 : AAS 57, 1965, p. 65.
67 Cf. ibid., 67 ; AAS 57, 1965, pp. 65-66.
68 Cf. Sacrosanctum Concilium, 104 : AAS 56, 1964, pp. 125-126.
69 Cf. Lumen Gentium, 66 : AAS 57, 1965, p. 65.
70 Cf. paul VI, Allocution prononcée le 24 avril 1970 au sanctuaire Notre-Dame de Bonaria à Cagliari : AAS 62, 1970, p. 300.
71 pie IX, Lettre apostolique Ineffabilis Deus : Pii IX Pontificis Maximi Acta, I, 1, Romae 1854, p. 599 ; voir aussi V. sardi, La solenne definizione del dogma dell’Immacolato concepimento di Maria Santissima, in Atti e documenti..., Rome 1904-1905, vol. II, p. 302.
72 Cf. Lumen Gentium, 66 : AAS 57, 1965, p. 65.
73 st ildefonse, De virginitate perpetua sanctae Mariae, cap. XII : PL 96, 108.
74 Lumen Gentium, 56 : AAS 57, 1965, p. 60, et les auteurs cités à ces endroits à la note 176.
75 Cf. st ambroise, De Spiritu Sancto II, 37-38 : CSEL 79 pp. 100-101 ; cassien, De incarnatione Domini II, cap. II : CSEL 17, pp. 247-249 ; st bede le vénérable, Homelia I, 3 ; CCL 122, p. 18 et p. 20.
76 Cf. st ambrobe, De inititutione virginis, cap. XII, 79 : PL 16 (éd. 1830), 339 ; Epistula 30, 3 et Epistula 42, 7 : ibid., 1107 et 1175 ; Expositio evangelii secundum Lucam X, 132 ; S. Ch. 52, p. 200 ; st proclus de constantinople, Oratio I, 1 et Oratio V, 3 ; PG 65, 681 et 720 ; st basile de séleucie, Oratio XXXIX, 3 : PG 85, 433 ; st andré de crete, Oratio IV, PG 97, 868 ; st germain de constantinople, Oratio III, 15 : PG 98, 305.
77 Cf. st jérôme, Adversus Jovinianum I, 33 : PL 23, 267 ; st ambroise, Epistula 63, 33 : PL 16 (éd. 1880), 1249 : De institutione virginis, cap. XVII, 105 : ibid., 346 ; De Spiritu Sancto III, 79-80 ; CSEL 79, pp. 182-183 ; sedulius, Hymnus « A solis ortus cardine », vv. 13-14 : CSEL 10, p. 164; Hymnus Acathistos, sir. 23 ; éd. I. B. pitra, Analecta Sacra, I, p. 261 ; st proclus de constantinople, Oratio I, 3 : PG 65, 684 ; Oratio II, 6 : ibid., 700 ; st basile de séleucie, Oratio IV : PG 97, 868 ; st jean damascene, Oratio IV, 10 : PG 96, 677.
78 Cf. st sévère d’antioche, Homilia 57 ; PO 8, pp. 357-358 ; hésychius de jérusalem, Homilia de Sancta Maria Deipara ; PC 93 : 1464 ; chrysippe de jérusalem, Oratio in Sanctam Mariam Deiparam, 2 ; PO 19, p. 338 ; st andré de crète, Oratio V ; PG 97, 896 ; st jean damascène, Oratio VI, 6 ; PG 96, 792.
79 Liber Apotheosis, vv. 571-572 : CCL 126, p. 97.
80 Cf. st isidore, De ortu et obitu Patrum, cap. LXVII, 111 : PL 83, 148 ; st ildefonse, De virginitate perpetua sanctae Mariae, cap. X : PL 96, 95 ; st bernard, In Assumptione B. Virginis Mariae, Sermo IV, 4 : PL 183, 428 ; In Nativitate B. Virginis Mariae : ibid., 442 ; st pierre damien, Carmina sacra et preces II, Oratio ad Deum Filium : PL 145, 921 ; Antiphona « Beata Dei Genitrix Maria » : Corpus antiphonialium officii, éd. R. J. Hesbert, Rome 1970, vol. IV, 6314, p. 80.
81 Cf. paul diacre, Homilia I, In Assumptione B. Mariae Virginis : PL 95, 1567 ; De Assumptione sanctae Mariae Virginis attribué à Paschase Radbert, 31, 42, 57, 83 ; éd. A. Ripberger, in « Spicilegium Friburgense », 9, 1962, pp. 72, 76, 84, 96-97; eadmer de cantorbérey, De excellentia Virginis Mariae, cap. IVIV : PL 159, 562-567; st bernard, In laudibus Virginis Matris, Homilia IV, 3 : Sancti Bemardi, Opera, éd. J. Leclercq - H. Rochaix, vol. IV, Romae 1966, pp. 49-50.
82 « Cf. origène, In Lucam Homilia VII, 3 : PG 13, 1817 ; S. Ch. 87, p. 156 ; st cyrille d’alexandrie, Commentarius in Aggaeum prophetum, cap. XIX ; PG 71, 1060 ; st. ambroise, De fide IV, 9, 113-114 ; CSEL 78, pp. 197-198 ; Expositio evangelii secundum Lucam II, 23 et 27-28 : CSEL, In mundi creationem oratio VI, 10 ; PG 56, 497-498 ; antipater de bostra, Homilia in Sanctissimae Deiparae Anmmtiationem, 16 : PG 85, 1785.
83 Cf. eadmer de cantorbéry, De excellentia Virginis Mariae, cap. VII : PL 159, 571 ; st amédée de lausanne, De Maria Virginae Matre Homilia VII : PL 188, 1337 ; S. Ch. 72, p. 184.
84 De virginitate perpetua sanctae Mariae, cap. XII: PL 96, 106.



27 On affirme parfois que de nombreux textes de la piété moderne ne reflètent pas suffisamment toute la doctrine concernant le Saint-Esprit. C’est aux spécialistes de vérifier cette affirmation et d’en évaluer la portée ; à Nous, il revient d’exhorter l’ensemble du Peuple de Dieu, spécialement les pasteurs et les théologiens, à approfondir leur réflexion sur l’action de l’Esprit dans l’histoire du salut, et à faire en sorte que les textes de la piété chrétienne mettent en lumière comme il faut son action vivifiante ; d’un tel approfondissement se dégagera en particulier le mystérieux rapport entre l’Esprit de Dieu et la Vierge de Nazareth, et leur action dans l’Eglise ; et de ces vérités de foi plus profondément méditées naîtra une piété plus intensément vécue.




28 Par ailleurs, il est nécessaire que les exercices de piété par lesquels les fidèles expriment leur vénération à l’égard de la Mère du Seigneur manifestent clairement la place qu’elle occupe dans l’Eglise : « après le Christ, c’est la place la plus élevée et la plus proche de nous85 » ; c’est aussi cette place qui, dans les églises de Rite byzantin, est symbolisée dans la disposition même dès parties architecturales et des éléments iconographiques : ainsi l’entrée principale de l’iconostase porte la représentation de l’Annonce à Marie, et l’abside l’image de la glorieuse « Theotokos ». Ceci manifeste à l’évidence que l’humanité commence son retour à Dieu à partir du fiat de la Servante du Seigneur, et peut voir dans la gloire de la Toute Sainte le terme de sa route. Le symbolisme par lequel le temple matériel exprime la place de Marie dans le mystère de l’Eglise renferme nu riche enseignement et constitue un heureux présage pour que partout les formes variées de vénération envers la Vierge s’ouvrent sur des perspectives ecclésiales.

En effet, le rappel des idées fondamentales exposées par le Concile Vatican II sur la nature de l’Eglise, Famille de Dieu, Peuple de Dieu, Royaume de Dieu, Corps mystique du Christ86, permettra aux fidèles de reconnaître plus rapidement la mission de Marie dans le mystère de l’Eglise et sa place éminente dans la communion des saints. Ce rappel permettra aussi de comprendre plus intensément le lien fraternel qui unit tous les fidèles : ils sont fils de la Vierge « qui coopère par son amour maternel à leur enfantement et à leur éducation »87, ils sont également fils de l’Eglise « parce que nous naissons de sa fécondité, nous sommes nourris de son lait, nous sommes animés de son Esprit »88; la Vierge et l’Eglise coopèrent pour engendrer le Corps mystique du Christ : « l’une comme l’autre est Mère du Christ, mais aucune des deux n’engendre sans l’autre tout le Corps »89. On percevra enfin plus distinctement que l’action de l’Eglise dans le monde est comme un prolongement de la sollicitude de Marie : en effet l’amour diligent de la Vierge à Nazareth, à la maison d’Elisabeth, à Cana, au Golgotha — moments du salut d’une immense portée ecclésiale — se continue dans l’inquiétude maternelle de l’Eglise pour que tous les hommes arrivent à la connaissance de la vérité (cf.
1Tm 2,4), dans son souci des humbles, des pauvres et des faibles, dans son engagement continuel pour la paix et la concorde sociale, dans son zèle pour que tous les hommes aient part au salut qui leur a été mérité par la mort du Christ. De cette façon, l’amour pour l’Eglise se traduira en amour pour Marie, et réciproquement ; car l’une ne peut subsister sans l’autre, comme le fait observer avec perspicacité Saint Chromace d’Aquilée : « L’Eglise se réunit dans la chambre haute (du cénacle) avec Marie, qui fut la Mère de Jésus, et ses frères. Donc, on ne peut parler d’Eglise si Marie, la Mère du Seigneur, n’y est avec ses frères »90. En conclusion, Nous insistons sur la nécessité que le culte rendu à la Vierge manifeste clairement son contenu ecclésiologique intrinsèque : ceci veut dire qu’il faudra faire preuve d’une force capable d’en renouveler de façon salutaire les formes et les textes.


Section II : quatre orientations pour le culte de la vierge : BIBLIQUE, LITURGIQUE, OECUMÉNIQUE, ANTHROPOLOGIQUE





29 Aux précédentes notations qui se dégagent de la considération des rapports de la Vierge Marie avec Dieu — Père, Fils et Esprit Saint — et avec l’Eglise, Nous voulons ajouter, toujours en suivant la ligne de l’enseignement conciliaire91, quelques orientations — biblique, liturgique, oecuménique, anthropologique — qu’il convient d’avoir présentes à l’esprit dans la révision et la création d’exercices et de pratiques de piété, afin de rendre plus vivant et plus intelligible le lien qui nous unit à la Mère du Christ et notre Mère dans la communion des saints.

La nécessité d’une empreinte biblique dans toute forme de culte est comprise aujourd’hui comme un postulat général de la piété chrétienne. Le développement des études bibliques, la diffusion croissante des saintes Ecritures et surtout l’exemple de la Tradition et l’action intime de l’Esprit poussent les chrétiens de notre temps à se servir toujours davantage de la Bible comme du livre fondamental de la prière, et à en tirer une véritable inspiration et des modèles incomparables. Le culte rendu à la Vierge ne peut être soustrait à ce courant général de la piété chrétienne92, bien plus, il doit s’en inspirer tout particulièrement pour acquérir une vigueur nouvelle et un profit assuré. La Bible, en proposant de manière admirable le dessein de Dieu pour le salut des hommes, est tout entière imprégnée du mystère du Sauveur et contient également, de la Genèse à l’Apocalypse, des références non équivoques à Celle qui est Mère et Associée du Sauveur. Nous ne voudrions pas toutefois que cette empreinte biblique se limite à un usage attentif des textes et des symboles judicieusement tirés des saintes Ecritures ; cette empreinte comporte plus encore : elle requiert en effet la nécessité de prendre dans la Bible le vocabulaire et l’inspiration des formules de prière et de chant ; elle exige par-dessus tout que le culte marial soit marqué par les grands thèmes du message chrétien : ainsi les fidèles, vénérant Celle qui est le Siège de la Sagesse, seront eux-mêmes illuminés par la lumière de la Parole divine et poussés à agir selon les préceptes de la Sagesse incarnée.




31 Nous avons déjà parlé de la vénération que l’Eglise rend à la Mère de Dieu dans la célébration de la liturgie. Mais à présent, en exposant les autres formes du culte marial et les critères qui doivent l’inspirer, Nous ne pouvons oublier le principe énoncé dans la Constitution Sacrosanctum Concilium, qui recommande vivement les exercices de piété coutumiers au peuple chrétien et ajoute : « Mais les exercices en question doivent être réglés en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure93». Norme sage et claire ; son application n’est cependant pas facile, surtout dans le domaine du culte rendu à la Vierge, si varié dans ses expressions formelles ; elle exige en effet, de la part des responsables des communautés locales, effort, tact pastoral et persévérance, et de la part des fidèles une promptitude à accueillir des orientations et des propositions qui, émanant de la véritable nature du culte chrétien, demandent parfois le changement de coutumes très anciennes dans lesquelles la nature de la liturgie s’était quelque peu obscurcie.

A ce propos, Nous voudrions faire allusion à deux attitudes qui pourraient, dans la pratique pastorale, rendre vaine la norme établie par le Concile Vatican II : d’abord l’attitude de certaines personnes ayant charge d’âmes qui, dépréciant a priori les exercices de piété, cependant recommandés par le Magistère dans leurs formes légitimes, les abandonnent et créent un vide qu’elles ne songent pas à combler ; elles oublient que le Concile a dit d’harmoniser les exercices de piété avec la liturgie et non de les supprimer. En second lieu, l’attitude de certains autres qui, faisant fit d’un juste critère liturgique et pastoral, unissent exercices de piété et actes liturgiques dans des célébrations hybrides. Il arrive parfois que, dans la célébration même du Sacrifice eucharistique, soient insérés des éléments propres aux neuvaines ou d’autres pieuses pratiques, avec le danger de voir le Mémorial du Seigneur ne plus constituer le moment culminant de la rencontre de la communauté chrétienne, mais seulement l’occasion de quelque exercice de dévotion. A ceux qui agissent ainsi, Nous voudrions rappeler que la règle du Concile prescrit d’harmoniser les exercices de piété avec la liturgie et non de les confondre avec elle. Une action pastorale éclairée doit d’une part distinguer et souligner la nature propre des actions liturgiques, et d’autre part valoriser les exercices de piété en les adaptant aux besoins de chaque communauté ecclésiale et en faisant de ces exercices les précieux auxiliaires de la liturgie.




32 Etant donné le caractère ecclésial du culte rendu à la Vierge, ce culte reflète les préoccupations de l’Eglise même : l’une d’elles, aujourd’hui dominante, est le rétablissement de l’unité des chrétiens. Ainsi la dévotion envers la Mère de Dieu devient réceptive aux soucis et aux visées du mouvement oecuménique, c’est-à-dire qu’elle acquiert une empreinte oecuménique. Et ceci pour différents motifs.

Tout d’abord, les catholiques rejoignent leurs frères des Eglises orthodoxes, où la dévotion à la Vierge revêt des formes hautement lyriques et profondément doctrinales dans la vénération très aimante de la glorieuse « Theotokos » et dans les acclamations à Celle qui est «l’Espérance des chrétiens94». Ils rejoignent aussi les Anglicans, dont les théologiens classiques ont jadis mis en lumière la solide base scripturaire du culte rendu à la Mère de Nôtre-Seigneur, et dont les théologiens actuels soulignent davantage l’importance de la place que Marie occupe dans la vie chrétienne. Ils rejoignent encore leurs frères des Eglises Réformées, dans lesquelles fleurit avec vigueur l’amour des saintes Ecritures, quand ils proclament les louanges de Dieu avec les paroles mêmes de la Vierge (cf. Lc
Lc 1,46-55).

D’autre part, la piété envers la Mère du Christ et des chrétiens est pour les catholiques une occasion naturelle et fréquente de la supplier d’intercéder auprès de son Fils pour que se réalise l’union de tous les baptisés en un seul Peuple de Dieu95. Il faut encore ajouter que la volonté de l’Eglise catholique, sans atténuer le caractère propre du culte marial96, est d’éviter avec soin toute exagération susceptible d’induire en erreur les autres frères chrétiens sur la doctrine authentique de l’Eglise catholique97, et de bannir toute manifestation cultuelle contraire à la pratique catholique légitime.

Enfin, en conformité avec un culte marial authentique qui, « à travers les honneurs rendus à la Mère (...) veut que le Fils soit dûment connu, aimé et glorifié »98, une telle piété devient un chemin qui conduit au Christ, source et centre de la communion ecclésiale, dans lequel tous ceux qui confessent publiquement qu’il est Dieu et Seigneur, Sauveur et unique Médiateur (cf. 1Tm 2,5), sont appelés à être « un » entre eux, avec Lui et avec le Père dans l’unité du Saint-Esprit99.




33 Nous savons bien qu’il existe de sérieuses discordances entre la pensée de nombreux frères appartenant aux autres Eglises et communautés ecclésiales et la doctrine catholique « sur le rôle de Marie dans l’oeuvre du salut »100 et donc sur le culte à lui rendre. Cependant, puisque la même puissance du Très-Haut, qui couvrit de son ombre la Vierge de Nazareth (cf. Lc Lc 1,35), agit dans l’actuel mouvement oecuménique et le féconde, Nous avons à coeur d’exprimer notre espoir confiant que la dévotion envers l’humble Servante du Seigneur, en qui le Tout-Puissant a fait de grandes choses (cf. Lc Lc 1,49), deviendra, fût-ce lentement, non pas un obstacle mais un intermédiaire et un point de rencontre pour l’union de tous ceux qui croient au Christ. Nous nous réjouissons en effet de constater qu’une meilleure compréhension de la place de Marie dans le mystère du Christ et de l’Eglise, même de la part des frères séparés, rend plus rapide le chemin de la rencontre. De même que la Vierge, à Cana, obtint de Jésus qu’il accomplit son premier miracle (cf. Jn Jn 2,1-12) grâce à sa maternelle intervention, ainsi en notre temps elle pourra par son intercession hâter l’heure où les disciples du Christ retrouveront la parfaite communion dans la foi. Cette espérance qui est nôtre se trouve encouragée par une réflexion de notre Prédécesseur Léon XIII : la cause de l’union des chrétiens « concerne particulièrement la maternité spirituelle de Marie. En effet, ceux qui appartiennent au Christ, Marie ne les a pas engendrés et ne pouvait pas les engendrer, si ce n’est dans une même foi et un même amour : ‘le Christ est-il divisé’ ? (1Co 1,13) ; nous devons tous vivre la même vie du Christ et ‘porter des fruits pour Dieu’ (Rm 7,4) en un seul et même corps »101.




34 Dans le culte rendu à la Vierge, on doit aussi tenir soigneusement compte des acquisitions sûres et éprouvées des sciences humaines. Cela contribuera à faire disparaître une des causes du malaise qui se fait sentir dans le domaine du culte rendu à la Mère du Seigneur, c’est-à-dire la différence entre certains éléments de ce culte et d’autre part les conceptions actuelles de l’anthropologie et la réalité psychosociologique, profondément changée, dans laquelle vivent et agissent les hommes de notre temps. On remarque effectivement qu’il est difficile de situer l’image de la Vierge, telle qu’elle ressort d’une certaine littérature dévote, dans les conditions de vie de la société contemporaine, spécialement celles de la femme. Dans le cadre de la vie familiale, les lois et l’évolution des moeurs tendent à juste titre à reconnaître à la femme l’égalité et la coresponsabilité avec l’homme dans la direction du foyer. Dans le domaine politique, elle a conquis en de nombreux pays un pouvoir d’intervention dans les affaires publiques, à l’égal de l’homme. Dans le domaine social, elle déploie son activité dans les secteurs les plus variés, en abandonnant chaque jour davantage le cadre étroit du foyer. Dans le domaine culturel sont également offertes à la femme de nouvelles possibilités de recherche scientifique et de succès intellectuel.

Il s’ensuit chez certains une désaffection pour le culte envers la Vierge et une certaine difficulté à prendre Marie de Nazareth comme modèle, parce que les horizons de sa vie, dit-on, se révèlent étroits par rapport aux vastes zones d’activités où l’homme moderne est appelé à agir. A ce sujet, tout en exhortant les théologiens, les responsables des communautés chrétiennes et les fidèles eux-mêmes à consacrer l’attention nécessaire à ces problèmes, il Nous semble utile de proposer, pour notre part, une contribution à leur solution en présentant quelques réflexions.




35 D’abord, la Vierge Marie a toujours été proposée par l’Eglise à l’imitation des fidèles, non point précisément pour le genre de vie qu’elle a expérimenté, d’autant moins que le milieu socio-culturel dans lequel elle s’est déroulée est aujourd’hui presque partout dépassé, mais parce que, dans les conditions concrètes de sa vie, elle a adhéré totalement à la volonté de Dieu (cf. Lc Lc 1,38), elle a accueilli la parole et l’a mise en pratique, elle a été inspirée dans son action par la charité et l’esprit de service : en résumé, elle fut la première et la plus parfaite disciple du Christ. Tout cela a une valeur exemplaire universelle et permanente.




36 En second lieu, Nous voudrions faire remarquer que les difficultés susdites sont en étroite relation avec certains clichés de l’imagerie populaire et littéraire sur Marie, mais non point avec sa véritable image évangélique ni avec les données doctrinales précisées par le lent et sérieux travail d’approfondissement de la Parole révélée. On doit trouver normal, au contraire, que les générations chrétiennes qui se sont succédées dans des contextes socioculturels différents, en contemplant la figure et la mission de Marie — Femme nouvelle et Chrétienne parfaite récapitulant en elle les situations les plus caractéristiques de la vie féminine en tant que Vierge, Epouse et Mère — aient considéré la Mère de Jésus comme type éminent de la condition féminine et comme modèle absolument remarquable de vie évangélique, et qu’elles aient exprimé leurs sentiments selon les concepts et les représentations de leur époque. L’Eglise, quand elle considère la longue histoire de la piété, se réjouit de constater la continuité du culte ; mais elle ne se lie pas aux schèmes des diverses époques culturelles ni aux conceptions anthropologiques particulières qui les soutiennent, et elle admet que certaines expressions du culte, parfaitement légitimes en elles-mêmes, soient moins adaptées à des gens d’époques et de civilisations différentes.




37 Nous voudrions enfin souligner que notre temps, comme les précédents, est appelé à vérifier par la parole de Dieu sa propre connaissance de la réalité et, pour nous limiter à notre sujet, à confronter ses conceptions anthropologiques et les problèmes qui en découlent avec la figure de la Vierge, telle qu’elle est proposée dans l’Evangile. La lecture des divines Ecritures, faite sous l’influence de l’Esprit Saint et sans oublier les acquisitions des sciences humaines et les situations variées du monde contemporain, conduira à découvrir que Marie peut être considérée comme le miroir reflétant les espérances des hommes de notre temps. Ainsi, pour donner quelques exemples, la femme d’aujourd’hui, désireuse de prendre part au pouvoir de décision et aux choix de la communauté, contemplera avec une joie intime Marie qui, dans son dialogue avec Dieu, donne son consentement actif et libre102 non pas à la solution d’un problème contingent, mais à « l’événement des siècles », comme a été justement dénommée l’Incarnation du Verbe103. On se rendra compte que le choix par Marie de l’état virginal, qui dans le plan de Dieu la préparait au mystère de l’Incarnation, ne fut point fait de fermeture aux valeurs de l’état conjugal, mais constitua un choix courageux, accompli pour se consacrer totalement à l’amour de Dieu. On constatera avec une joyeuse surprise que Marie de Nazareth, tout en étant totalement abandonnée à la volonté du Seigneur, ne fut pas du tout une femme passivement soumise ou d’une religiosité aliénante, mais la femme qui ne craignit pas de proclamer que Dieu est celui qui relève les humbles et les opprimés et renverse de leur trône les puissants du monde (cf. Lc Lc 1,51-53). On reconnaîtra en Marie, « qui occupe la première place parmi les humbles et les pauvres du Seigneur »104, une femme forte qui connut la pauvreté et la souffrance, la fuite et l’exil (cf. Mt Mt 2,13-23) : situations qui ne peuvent échapper à l’attention de celui qui veut seconder, par l’esprit évangélique, les forces de libération contenues dans l’homme et dans la société. Ainsi Marie n’apparaîtra pas comme une Mère jalousement repliée sur son divin Fils, mais comme la femme qui, par son action, favorisa la foi au Christ de la communauté apostolique (cf. Jn Jn 2,1-12), et dont le rôle maternel s’étendit en prenant au Calvaire des dimensions universelles105. Ce ne sont que des exemples. Ils manifestent cependant de façon claire que la figure de la Vierge ne déçoit aucune des attentes profondes des hommes de notre temps, et leur offre un modèle achevé du disciple du Seigneur : artisan de la cité terrestre et temporelle, mais pèlerin qui se hâte vers la cité céleste et éternelle ; promoteur de la justice qui délivre l’opprimé et de la charité qui porte secours au nécessiteux, mais par-dessus tout témoin actif de l’amour qui édifie le Christ dans les coeurs.




38 Après avoir proposé ces orientations, destinées à favoriser l’harmonieux développement du culte rendu à la Mère du Seigneur, Nous croyons utile d’attirer l’attention sur quelques aspects erronés de ce culte. Le Concile Vatican II a déjà dénoncé avec autorité aussi bien l’exagération de contenus ou de formes qui en arrive à fausser la doctrine, que l’étroitesse d’esprit qui obscurcit la figure et la mission de Marie. Il a pareillement dénoncé certaines déviations du culte comme la crédulité superficielle substituant à l’engagement sérieux la confiance facile en des pratiques purement extérieures, et aussi le sentimentalisme stérile et éphémère, si étranger au style de l’Evangile qui exige au contraire un travail persévérant et concret106. Quant à Nous, Nous renouvelons cette mise en garde : de telles formes de dévotions ne sont pas en harmonie avec la foi catholique et par conséquent ne doivent pas exister dans le culte. Une défense vigilante contre ces erreurs et ces déviations rendra le culte de la Vierge plus vigoureux et plus authentique, c’est-à-dire solide dans son fondement : l’étude des sources révélées et l’attention aux documents du Magistère prévaudront sur la recherche excessive de la nouveauté et des faits à sensation ; objectif dans son contexte historique : on devra donc éliminer tout ce qui est manifestement faux ou légendaire ; adéquat au contenu doctrinal ; d’où la nécessité d’éviter des présentations unilatérales de la figure de Marie qui, en insistant démesurément sur un élément, compromettent l’ensemble de son image évangélique ; transparent dans ses motivations : on aura grand soin d’écarter des sanctuaires tout profit mesquin.




39 Enfin, au cas où cela serait nécessaire, Nous voudrions rappeler que le but ultime du culte rendu à la Vierge est de glorifier Dieu et d’engager les chrétiens dans une vie totalement conforme à sa volonté. En effet, lorsque les fils de l’Eglise, unissant leurs voix à la femme anonyme de l’Evangile, glorifient la Mère de Jésus en s’exclamant, tournés vers Jésus lui-même, « Bienheureux le sein qui t’a porté et les mamelles qui t’ont allaité ! » (Lc 11,27), ils seront conduits à tenir compte de la grave réponse du divin Maître : « Bienheureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 11,28). Et cette réponse, qui s’avère être un grand compliment à la Vierge, selon l’exégèse de certains Pères de l’Eglise107 confirmée par le Concile Vatican II108, résonne pour nous comme une invitation pressante à vivre selon les commandements de Dieu et comme un écho aux rappels du Sauveur lui-même : « Ce n’est pas celui qui me dit : ‘Seigneur, Seigneur !’ qui entrera dans le Royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7,21), et aussi : « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande » (Jn 12,14).




Marialis cultus FR 24