Operosam diem FR


Lettre apostolique " Operosam diem " (1996)




  Le XVIe centenaire de la mort de saint Ambroise de Milan

(*) Texte original latin et version italienne dans L’Osservatore Romano du 6 décembre 1996. Traduction et titre de la DC.



À NOTRE VÉNÉRÉ FRÈRE CARLO MARIA, CARDINAL MARTINI, ARCHEVÊQUE DE MILAN


1  Le 4 avril 397, Ambroise de Milan achevait sa " journée de travail " terrestre, généreusement consacrée au service de l’Église. Lors de ses derniers jours, rappelle son secrétaire et biographe Paulin, " il avait vu le Seigneur Jésus venir à lui et lui sourire… Et quand il nous quitta pour voler vers le Seigneur, de cinq heures de l’après-midi jusqu’à l’heure où il rendit son âme, il pria, les bras écartés en forme de croix " (1). C’était l’aube du Samedi saint. L’Évêque quittait cette terre pour s’unir au Christ Seigneur, qu’il avait intensément désiré et aimé.

Alors qu’approche le XVI e centenaire de ce jour, vous m’avez demandé, Monsieur le cardinal, que la mort de ce grand Pasteur puisse être commémorée par la célébration d’une " Année ambrosienne " et qu’une Lettre apostolique soit spécialement consacrée à cet événement.

Il m’est extrêmement agréable de répondre à votre souhait car, comme vous l’avez écrit, saint Ambroise a été et demeure un don pour toute l’Église, à laquelle il a laissé un trésor singulièrement riche de doctrine et de sainteté.

(1) Paulin, Vita Ambrosii, 47, 1, 2 ; éd. A.A.R. Bastiaensen, Milan 1975, p. 112-114.


2 Tout chez lui s’est déroulé dans l’harmonie et a trouvé son unité dans le service épiscopal, accompli avec un dévouement sans réserve. " Appelé à l’épiscopat, à abandonner l’agitation et le bruit des procès du forum et ce pouvoir de l’administration publique craint par le peuple " (2), Ambroise modela sa vie sur les exigences de ce ministère que la Providence remettait entre ses mains et à son coeur. Il lui consacra toutes ses énergies, son expérience et ses riches dons et capacités. Pasteur tout à la fois fort et doux, homme de l’avertissement et du pardon, ferme devant l’erreur et patient avec les égarés, exigeant envers les souverains et respectueux de l’État, en rapport avec les empereurs et proche de son peuple, savant profond et infatigable homme d’action, Ambroise se détache, sur le fond de l’histoire tourmentée de son temps, comme une figure au relief extraordinaire, dont l’influence, par delà les siècles, demeure vivante aujourd’hui encore (3).

La commémoration du seizième centenaire de sa mort commençant le 6 décembre 1996, coïncidera pratiquement avec l’année 1997 qui, selon les indications données dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, ouvre la seconde phase préparatoire au grand Jubilé de l’An 2000 (4). C’est dans cette perspective que je voudrais réfléchir sur la personne et l’oeuvre de saint Ambroise, pour en tirer de nouvelles incitations spirituelles en vue de cette échéance historique. J’ai confiance, en effet, que le souvenir d’un Pasteur aussi insigne, ravivé par la célébration de l’ " Année ambrosienne ", pourra aider ce diocèse bien-aimé à entrer d’une manière toujours plus profonde dans l’esprit de la préparation du 2000e anniversaire de la naissance du Christ.

(2) De paenitentia, II, 8, 67 : Sancti Ambrosii episcopi Mediolanensis opera (SAEMO), Milan-Rome 1977-1994, 17, p. 264 ; cf. aussi De officiis, I, 1, 4 : SAEMO 13, 24.
(3) On s’aperçoit de l’intérêt constant qu’il suscite également par les nombreuses études qui lui sont consacrées, ainsi que par les nombreuses éditions et traductions de ses écrits. L’édition bilingue citée ci-dessus, la SAEMO, récemment publiée par la Bibliothèque ambrosienne, mérite une mention particulière.
(4) Cf. n.
TMA 40-43.


I. Ambroise évêque

3 Pour l’Église de Milan, ce sera certainement une joie que de se mettre à l’écoute, avec un intérêt renouvelé, de son ancien Pasteur, et de refaire un peu l’expérience de ces innombrables fidèles – modestes ou haut placés, anonymes ou illustres – qui se laissèrent éclairer par sa parole et qui, sous sa direction, ont rencontré le Christ. Passé et présent s’imbriquent étroitement dans la foi vécue de toute communauté ecclésiale. C’est le propre des saints, en effet, que de rester mystérieusement " contemporains " de chaque génération : c’est la conséquence de leur profond enracinement dans l’éternel présent de Dieu. D’une certaine manière, Ambroise parle encore du haut de sa chaire milanaise, et sa voix est reçue et désirée par toute l’Église. Conscients de cela, nous voulons chercher à rassembler ce qui est caractéristique de sa personnalité, pour mieux nous ouvrir à son témoignage et à son message. Ce qui nous pousse à cette redécouverte, c’est aussi l’amour que l’Église inculque à l’égard de ceux qui, dans les premiers siècles chrétiens, parce qu’ils furent éminents par leur sainteté et leur doctrine, sont appelés à bon droit et sont nos " Pères " dans la foi. Ambroise l’est à un titre vraiment spécial.


4 Tout le monde connaît le caractère singulier de son élection, que son biographe Paulin attribue à l’initiative inspirée d’un enfant, à laquelle correspondit par ailleurs l’entière confiance du peuple et du clergé et, par la suite, la satisfaction de l’empereur lui-même (5). Ambroise, né de parents chrétiens mais demeuré catéchumène, selon un usage assez fréquent dans les familles de notables de l’époque, avait parcouru avec honneur la carrière politique, d’abord à Sirmium, dans la préfecture d’Italie, d’Illyrique et d’Afrique, puis à Milan comme consularis, avec la responsabilité du gouvernement de la province d’Émilie-Ligurie. Là, il avait pu constater la grave situation qui était celle de l’Église de Milan, désorientée par le gouvernement – depuis presque vingt ans – de l’évêque arien Auxence, une Église divisée et profondément éprouvée par l’expansion de cette hérésie.

(5) Cf. Paulin, Vita…, 6, 1, 2.


5 Estimant qu’il n’était pas préparé à exercer la fonction épiscopale, il tenta à plusieurs reprises de se soustraire à cette nomination mais, finalement, il céda à l’insistance du peuple qui, parce qu’il avait apprécié sa bonté d’âme et sa droiture dans l’exercice de la charge de gouverneur, nourrissait une confiance fondée en sa capacité de guider avec sagesse la communauté ecclésiale. Il accepta donc de recevoir le baptême, qui lui fut administré par un évêque catholique le 30 novembre 374, et il fut ordonné évêque le 7 décembre suivant (6).

Dans les premières années, dans la souffrance intérieure et avec une sincère humilité, il dut reconnaître le contraste existant entre son impréparation et le devoir pressant d’enseigner les fidèles et de faire les choix pastoraux nécessaires (7). Mais il voulut tout de suite jeter les bases d’une solide préparation théologique et, avec le conseil et le soutien du prêtre Simplicien – qui fut par la suite son successeur sur le siège de Milan –, il se consacra avec ardeur à l’étude biblique et théologique, approfondissant les Écritures et puisant aux sources les plus autorisées des éminents Pères et anciens écrivains ecclésiastiques, tant latins que grecs, et avant tout chez Origène, son maître et inspirateur constant.

Dans ses homélies et ses écrits, il proposait en grande partie ce qu’il avait intelligemment assimilé, mais il l’enrichissait en même temps par son génie, rendant l’exposé plus vigoureux, forgeant des formules synthétiques particulièrement efficaces et introduisant des adaptations concrètes à la situation de ses auditeurs et de ses lecteurs. Ainsi, de l’étude constamment revivifiée de la doctrine catholique, naissait un riche et fructueux enseignement et, en même temps, se mettait en place une action pastorale planifiée.

(6) Cf. ibid., 9, 2-3.
(7) Cf. De virginibus, I, 1, 1 : SAEMO 14. 1, p. 100; De officiis, 1, 1, 4 : SAEMO 13, p. 24.


6 Tout de suite, Ambroise voulut accueillir tous ceux qui avaient dévié à cause de l’arianisme. En général, il ne cherchait pas à les arracher brusquement à l’hérésie, pas même lorsqu’il s’agissait de membres du clergé (8), et cela non pas par compromis ou imprévoyance, mais dans la louable intention de promouvoir une adhésion convaincue à la foi trinitaire droite par une prédication rigoureuse et argumentée. Et, entre 378 et 382, il divulgua le fruit de ces enseignements dans ses traités De fide, De Spiritu Sancto et De incarnationis dominicae sacramento.

On vit clairement les résultats positifs de cette stratégie pastorale quand, au printemps 385 et surtout au printemps de l’année suivante, l’autorité impériale encouragea l’opposition arienne et exigea qu’une basilique lui fût cédée. Le peuple fit corps alors autour de son évêque, montrant combien sa parole avait été efficace et en même temps combien avait été faussement amplifiée l’exigence avancée par la cour. Dans cette situation critique, les commerçants allèrent jusqu’à supporter des impôts qui avaient pour but de les détacher de leur évêque : ils ne voulurent pas le priver de leur soutien (9). Et quand on en arriva à menacer Ambroise et à assiéger les églises, le peuple veilla avec son pasteur, partageant son anxiété, sa lutte, sa prière. À la fin, l’autorité impériale céda et l’évêque pouvait confier à sa soeur Marcellina : " Quelle fut alors la joie de tous, les applaudissements de tout le peuple, sa reconnaissance ! " (10). Élu par la volonté affirmée des Milanais, Ambroise sut cultiver une entente profonde avec sa communauté, l’ancrant de manière admirable dans les principes de la foi catholique.

(8) Cf. Théophile d’Alexandrie, Ep. ad Flavianum, fragm. 1 : SAEMO 24/1, p. 213.
(9) Cf. Ep. LXXVI, 6 : SAEMO 21, p. 138-140.
(10) Ibid. 26.


7 Dans la société romaine alors en état de désagrégation, car elle n’était plus soutenue par les anciennes traditions, il était en outre nécessaire de reconstruire un tissu moral et social qui puisse pallier un dangereux manque de valeurs. L’évêque de Milan voulut répondre à ces lourdes exigences, ne travaillant pas seulement à l’intérieur de la communauté ecclésiale mais élargissant aussi son regard aux problèmes que posait un redressement global de la société.

Conscient de la force de renouveau de l’Évangile, il y puisa des idéaux de vie concrets et forts, et les proposa à ses fidèles pour qu’ils en nourrissent leur existence et fassent ainsi apparaître, pour le service de tous, d’authentiques valeurs humaines et sociales.

Il n’hésita donc pas à manifester sa claire opposition quand, en 384, le praefectus Urbis Symmaque présenta à l’empereur Valentinien II la demande de rétablir au Sénat la statue de la déesse de la Victoire. À ceux qui pensaient sauver la " romanité " en revenant à des symboles et des pratiques désormais désuets et sans vie, Ambroise objecta que la tradition romaine, avec ses antiques valeurs de courage, de dévouement et d’honnêteté, pouvait être assumée et revitalisée précisément par la religion chrétienne. Le vieux culte païen – notait l’évêque de Milan – ne faisait qu’unir Rome et les barbares dans l’ignorance de Dieu (11) ; mais maintenant que finalement la grâce a été répandue parmi les peuples, " c’est à bon droit que la vérité a été préférée " (12).

(11) Cf. Ep. LXXIII, 7 : SAEMO 21, p. 66.
(12) Ibid. 29.

8 La force de renouveau de l’Évangile apparut à l’évidence dans les interventions que l’évêque consacra à la défense de la justice sociale, en particulier dans ses trois opuscules De Nabuthae, De Tobia, De Helia et ieiunio. Ambroise stigmatise l’abus des richesses, dénonce les inégalités et les injustices par lesquelles les rares personnes aisées exploitent à leur avantage les situations de difficultés économiques et de disette. Il condamne ceux qui, faisant semblant d’aider par charité, prêtent en recourant à un taux usuraire très élevé. À propos de tout et à tous, il adresse ses avertissements : " Une même nature est mère de tous les hommes, et nous sommes donc tous des frères engendrés par une même et unique mère, liés par un même lien de parenté " (13) ; " Tu ne donnes pas au pauvre ce qui t’appartient, mais tu lui rends ce qui est à lui " (14). Spécifiquement, s’agissant de l’usure, il se demande : " Qu’y a-t-il de plus cruel que de donner ton argent à qui n’en a pas, et d’exiger ensuite de lui qu’il t’en rende le double ? " (15). Pour le salut même des gens, souvent écrasés par le poids de leurs dettes, Ambroise pensait que c’était le devoir des évêques de s’employer à extirper ces vices et de promouvoir des élans d’active charité.

On comprend donc son immense joie – on pourrait dire son humble fierté de père – quand lui parvint la nouvelle qu’un de ses éminents fils spirituels, Paulin de Bordeaux, ancien sénateur et futur évêque de Nole, avait décidé d’abandonner ses biens aux pauvres pour se retirer, avec son épouse Terasia, afin de mener une vie ascétique dans une ville de Campanie. Des exemples comme celui-ci – observait Ambroise dans une de ses lettres (16) – étaient destinés à susciter du bruit et du scandale dans une société prisonnière de l’hédonisme, mais incarnaient, avec l’efficacité irremplaçable du témoignage, le grand défi moral du christianisme.

(13) De Noe, 26, 94 : SAEMO 2/1, p. 484.
(14) De Nabuthae, 12, 53 : SAEMO 6, p. 172 ; cf. Expos. ev. sec. Lucam, VII, 124 : SAEMO 12, p. 184.
(15) Ep. LXII, 4-5 : SAEMO 20, p. 148 ; cf. De Tobia, 14, 50 : SAEMO 6, p. 246.
(16) Cf. Ep. XXVII, 1-3 : SAEMO 19, p. 252.


9 La vie tout entière devait être renouvelée par le levain de l’Évangile. Pour cela, Ambroise propose à ses fidèles un itinéraire spirituel clair et exigeant, fait d’écoute de la Parole de Dieu, de participation aux sacrements et à la prière liturgique, d’effort moral inspiré par l’observance concrète des commandements.

Celui qui lit les écrits du saint évêque s’aperçoit que ceux-ci sont les éléments simples et nécessaires qui reviennent continuellement dans sa prédication et son activité pastorale. Sur cette réalité, Ambroise construit jour après jour une communauté vivante, nourrie des valeurs évangéliques et signe non équivoque pour la société de son temps.

Parmi d’autres, Augustin, qui arriva à Milan à l’automne 384, en fut vivement impressionné. Tout en n’étant attiré au début que par l’éloquence de l’évêque, il fit bien vite l’expérience du caractère concret de la vie de l’Église de Milan, et de la séduction qu’elle exerçait. " Je voyais l’église pleine, et l’un y marchait comme ceci, et l’autre comme cela " (17).

Il n’avait pas réussi à obtenir de l’Évêque des rencontres prolongées et personnelles, mais il avait vu dans l’Église que dirigeait Ambroise une manifestation éloquente de sa sagesse pastorale, et il avait pu vérifier de manière convaincante la valeur de son enseignement spirituel. C’est bien pour cela qu’il considéra Ambroise – des mains de qui il reçut aussi le baptême – comme son père dans la foi.

(17) Confessions, VIII, 1-2 : CCL 27, 113.


10 Il n’est pas possible de passer en revue dans le détail toutes les interventions de l’infatigable pasteur, qui contribuèrent de diverses manières à vivifier la communauté et à insuffler des énergies nouvelles et vigoureuses dans la société. Mais il est au moins opportun d’en énumérer les principales.

Je mettrais en premier lieu l’attention qu’il porta à la formation des prêtres et des diacres. Il les voulait pleinement conformés au Christ, totalement possédés par lui (18) et dotés des plus solides vertus humaines : l’hospitalité, l’affabilité, la fidélité, la loyauté, une générosité qui abhorre l’avarice, le sérieux dans la réflexion, une pudeur sans tache, l’équilibre, l’amitié. Aussi exigeante que paternelle, l’affection qu’il portait à ses prêtres était vraiment débordante : " Pour vous, que j’ai engendrés à l’Évangile, je ne nourris pas un amour moindre que si je vous avais eus dans le mariage " (19).

Aussi intense fut, dès sa première prédication qui nous est parvenue dans le De virginibus, le souci porté aux vierges consacrées. Ambroise voyait leur vocation enracinée dans le mystère même du Verbe incarné : " Et qui pouvons-nous croire qu’il en est l’auteur, sinon le Fils immaculé de Dieu, dont la chair n’a pas vu la corruption, dont la divinité n’a pas connu la contamination " (20). Et il voyait dans le témoignage des vierges une réponse provocatrice, forte et concrète, au rôle humiliant auquel la société romaine décadente avait relégué la femme.

L’attention qu’Ambroise accorda au culte des martyrs fut également constante. Par la découverte de leurs reliques et la vénération qu’il leur accordait, il voulait proposer aux croyants des modèles pour une marche à la suite du Christ intrépide et généreuse. Et il ne manquait pas de les mettre en garde contre les dangers des temps de paix, quand, aux persécuteurs violents se substituent ceux, plus sournois, qui, " sans recourir à la menace de l’épée, écrasent souvent l’esprit de l’homme, ceux qui s’emparent de l’esprit des croyants plus par les flatteries que par les menaces " (21).

Elles aussi, les célébrations liturgiques, nourries des explications catéchétiques de l’évêque et animées par son génie poétique, devenaient un très grand moment communautaire de formation et d’intense témoignage. Que l’on pense simplement aux hymnes qu’il composa et qu’il proposa aux fidèles au cours des longues heures de veille quand les églises étaient encerclées : " On dit que le peuple a été comme ensorcelé par le charme de mes hymnes ", répondait-il aux ariens qui l’accusaient. " Il en est bien ainsi, je ne le nie pas. C’est un grand charme, le plus puissant de tous. Qu’y a-t-il en effet de plus puissant que de confesser la Trinité qui, chaque jour, est exaltée par la voix de tout le peuple ? À l’envie, tous veulent proclamer leur foi, tous ont appris à louer envers le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Ils sont donc tous devenus des maîtres, ces gens qui pouvaient à peine être des disciples " (22).

(18) Cf. Ep. XVII, 14 : SAEMO 19, p. 176 ; Ep. XXIV, 13 : SAEMO 19, p. 244.
(19) "Neque enim minus vos diligo, quos in Evangelio genui, quam si coniugio suscepissem ", De officiis,I, 7, 24 : SAEMO 13, p. 36.
(20) De virginibus, I, 5, 21 : SAEMO 14/1, p. 122.
(21) Expos. ps. CXVIII, XX, 46 : SAEMO 10, p. 358.
(22) Contra Auxentium : Ep. LXXVa, 35 : SAEMO 21, p. 134.


11 Pasteur extrêmement actif, Ambroise fut certainement un homme d’intense recueillement et de profonde contemplation. Il était capable d’une grande concentration : c’est ainsi que ses lectures purent le préparer aussi rapidement à son ministère, malgré ses activités si nombreuses. Il aimait le silence. Et Augustin, qui le trouva absorbé par l’étude, n’osa même pas lui parler : " Qui eût osé importuner un homme aussi absorbé ? " (23). De ce recueillement naissaient son intelligence aiguë des Écritures et l’explication qu’il en donnait dans ses homélies et ses commentaires.

C’est également là que s’enracinait la profonde spiritualité de l’évêque. Son biographe Paulin souligne son ascèse : " C’était un homme d’une grande abstinence et aux nombreuses veilles, et il domptait son corps par un jeûne quotidien… Grande aussi était son assiduité à la prière, de nuit comme de jour " (24). Le Christ, recherché et aimé d’une intense passion, était au centre de sa spiritualité. Dans son enseignement, il revenait sans cesse à lui. C’est aussi sur le Christ que se modelait la charité qu’il proposait aux fidèles et dont il témoignait en personne en accueillant " des foules de gens affairés à qui il prêtait dans leurs embarras ", comme nous le rappelle saint Augustin (25).

(23) Confessions, VI, 3, 3 : CCL 27, 75.
(24) Paulin, Vita…, 38, 3.
(25) Confessions, VI, 3, 3 : CCL 27, 75.


12 Il manquerait à ce rapide portrait de l’homme et de l’évêque un élément caractéristique si l’on ne jetait pas au moins un regard sur ses rapports avec l’autorité civile. Le souvenir était encore vif des ingérences dans la vie et la doctrine de l’Église effectuées, dans les décennies précédentes, par les empereurs chrétiens, qui avaient parfois soutenu la partie arienne et qui, en tout cas, avaient causé de graves ennuis et des cassures dans la communauté des croyants. Devenu évêque, Ambroise confirma en de nombreuses occasions sa grande loyauté à l’égard de l’État, mais ressentit également le devoir de promouvoir des rapports plus corrects entre l’Église et l’Empire (26), réclamant pour la première une autonomie précise dans son domaine propre. Non seulement il défendait ainsi le droit de l’Église à la liberté, mais il mettait aussi une limite à l’absolutisme sans limites de l’autorité impériale, favorisant ainsi la renaissance des anciennes libertés civiles, dans le cadre de la meilleure tradition romaine.

C’était un chemin difficile à parcourir, entièrement à inventer. Et Ambroise dut parfois mieux préciser ses modalités et son style. S’il réussit à conjuguer fermeté et équilibre dans les interventions que nous avons mentionnées – c’est-à-dire la question de l’autel de la Victoire et la demande qu’une basilique fût cédée aux ariens –, en revanche son jugement dans l’affaire de Callinique se révéla inadéquat, lorsque, en 388, fut détruite la synagogue de ce lointain bourg de campagne situé sur l’Euphrate. Estimant en effet que l’empereur chrétien ne devait pas punir les coupables ni même les obliger à réparer les dommages causés (27), il allait bien au-delà de sa revendication de la liberté ecclésiale en causant du tort au droit d’autrui à la liberté et à la justice.

En revanche, admirable fut son attitude à l’égard du même Théodose, deux ans plus tard, au lendemain du massacre de Thessalonique, ordonné pour venger l’assassinat d’un officier. À l’empereur, souillé par une faute aussi grave, l’évêque fit part, avec tact et fermeté, de la nécessité de se soumettre à une pénitence (28), et Théodose, acceptant cette invitation, " pleura son péché publiquement dans l’église " et " implora son pardon avec des lamentations et des larmes " (29). Lors de cet épisode célèbre, Ambroise avait su incarner au mieux l’autorité morale de l’Église, faisant appel à la conscience de celui qui s’était égaré, sans égard pour son rang, s’érigeant en juge du sang injustement et cruellement versé.

(26) Cf. Contra Auxentium : SAEMO 21, p. 136.
(27) Cf. Ep. extra coll. I, 27-28 : SAEMO 21, p. 188.
(28) Ibid., p. 230-240.
(29) De obitu Theodosii, 33 : SAEMO 18, p. 234.


13 Comme est vraiment grande la figure de ce saint évêque, et extraordinairement efficace l’oeuvre qu’il accomplit pour l’Église et la société de son temps ! Je souhaite que son exemple d’homme, de prêtre, de pasteur donne une impulsion renouvelée à la prise de conscience dont tous les fidèles de notre temps – évêques, prêtres, âmes consacrées et laïcs chrétiens – ont besoin pour que leur vie s’inspire de l’Évangile et pour qu’ils s’en fassent les apôtres toujours plus ardents, au seuil, désormais, du troisième millénaire chrétien.




II. " Le regard fixé sur la Parole de Dieu " (30)

14 Avec Jérôme, Augustin et Grégoire le Grand, le saint Évêque de Milan est l’un des quatre Docteurs que l’Église latine regarde avec une particulière vénération. Je voudrais donc réfléchir spécialement sur cet aspect de sa personnalité, en l’abordant dans la perspective du prochain Jubilé.

Une première indication nous est donnée par le rôle que joua la Parole de Dieu dans la vie d’Ambroise. " Pour connaître l’identité véritable du Christ – ai-je écrit dans Tertio millennio adveniente –, il faut que les chrétiens reviennent, avec un intérêt renouvelé, à la Bible " (31). Ambroise peut être pour nous un guide et un maître : il fut en effet un exégète important de la Bible, qu’il prenait comme objet habituel de sa catéchèse. Toutes ses oeuvres sont une explication des Livres inspirés.

Le saint Évêque a consacré toute une Expositio à l’Évangile selon saint Luc et dans nombre de ses écrits, surtout dans certaines de ses Lettres, il aime commenter les Lettres de saint Paul, exposant à nouveau, avec une vive sensibilité, la pensée de l’Apôtre. Mais c’est surtout sur les Livres de l’Ancien Testament qu’il s’arrête, avec une prédilection particulière. Il trouve en eux une longue et ardente préparation de la venue du Christ, comme une " ombre " qui, d’une manière encore imparfaite mais déjà sagement esquissée, annonce à l’avance la Révélation plénière de l’Évangile.

Lisant en profondeur les pages bibliques de l’un et l’autre Testaments, dans le sillage de la tradition patristique concordante, Ambroise invite à trouver, outre le sens littéral, aussi bien un sens moral qui éclaire le comportement, qu’un sens allégorique et mystique, qui permet de retrouver dans les images et les épisodes qui sont rapportés le mystère du Christ et de l’Église. Ainsi, particulièrement, de nombreux personnages de l’Ancien Testament apparaissent comme des " types " et des anticipations de la figure du Christ. Lire les Écritures, c’est lire le Christ. Aussi Ambroise recommande-t-il vivement la lecture intégrale de l’Écriture : " Bois donc à ces deux calices, ceux de l’Ancien et du Nouveau Testaments, car dans les deux tu bois le Christ. Bois le Christ, qui est la vigne ; bois le Christ, qui a fait jaillir l’eau ; bois le Christ, qui est la fontaine de la vie ; bois le Christ, qui est le fleuve dont le courant féconde la cité de Dieu ; bois le Christ, qui est la paix " (32).

(30) Cf. Exp. ps. CXVIII, XI, 9 : SAEMO 9, p. 458.
(31) N.
TMA 40.
(32) Explanatio ps.I, 33 : SAEMO 7, p. 80.


15 Ambroise sait que la compréhension des Écritures n’est pas aisée. Il y a dans l’Ancien Testament des pages obscures qui ne reçoivent leur pleine lumière que dans le Nouveau. Le Christ en est la clef, le révélateur. " Grande est l’obscurité des Écritures prophétiques ! Mais si tu frappais avec la main de ton esprit à la porte des Écritures, et si tu examinais méticuleusement ce qui est y est caché, tu commencerais peu à peu à trouver le sens des paroles, et il te serait ouvert non par d’autres mais par le Verbe de Dieu…, parce que seul le Seigneur Jésus, dans son Évangile, a enlevé le voile des énigmes et des mystères de la Loi ; lui seul nous a donné la clef du savoir et nous a donné la possibilité d’ouvrir " (33). L’Écriture est une " mer qui renferme des sens profonds et des abîmes d’énigmes prophétiques : de très nombreux fleuves se sont reversés dans cette mer " (34). Étant donné son caractère de parole vivante et en même temps complexe, l’Écriture ne peut être lue de manière superficielle. Elle entrouvre ses trésors à qui s’en approche avec un vif désir, un esprit vraiment assoiffé de lumière, en suivant l’exemple de l’homme de prière décrit dans le psaume 118 : " Mes yeux se consument à scruter ta Parole " (Ps 118,82). Comme la jeune épouse – commente Ambroise en usant d’une image pleine de vivacité – court au bord de la mer pour examiner tout navire qui pourrait lui ramener son époux, de même le Psalmiste " abandonnait toutes ses préoccupations temporelles et, en gardien toujours en alerte, il fixait le regard de ses yeux intérieurs, en vue de la Parole de Dieu " (35). Cet Évêque était lui-même une personnification de cet homme de prière empli de désir ; et il exhortait ses fidèles à faire de même. Il leur demandait aussi de " ruminer " la Parole afin qu’elle soit pour eux une nourriture substantielle, car elle exige d’être reprise plusieurs fois avec patience et persévérance, en une méditation continuelle : ce n’est qu’ainsi que l’on pourra libérer les inépuisables substances nutritives qu’elle renferme. " Procurons à notre esprit cette nourriture qui, bien mastiquée et devenue comme une farine par une longue méditation, donne force au coeur de l’homme, comme la manne céleste : une nourriture que nous n’avons pas reçue déjà triturée et pleine de douceur sans que nous nous soyons d’abord fatigués. Pour cela, il est nécessaire de mastiquer et de rendre " comme une douce farine " les paroles des célestes Écritures, en y mettant tout notre esprit et tout notre coeur, afin que la lymphe de cette nourriture spirituelle se répande dans toutes les veines de notre âme " (36). Et encore : " Réfléchis donc toute la journée sur la Loi… Prends comme conseillers Moïse, Isaïe, Jérémie, Pierre, Paul, Jean, et même ce très-haut conseiller qui se nomme Jésus, si tu veux acquérir le Père. C’est avec eux que tu dois traiter, avec eux que tu dois te confronter tout le jour, que tu dois réfléchir toute la journée " (37).

(33) Exp. ps. CXVIII, VIII, 59 : SAEMO 9, p. 374 ; cf. ibid., 60, p. 376.
(34) Ep. XXXVI, 3 : SAEMO 20, p. 24.
(35) Exp. ps. CXVIII, XI, 9 : SAEMO 9, p. 458.
(36) De Cain et Abel, II, 6, 22 : SAEMO 2-1, p. 282 ; cf. Exp. ps. CX-VIII, VIII, 59 : SAEMO 9, p. 374.
(37) Exp. ps. CXVIII, XIII, 7 : SAEMO 10, p. 66 ; cf. Explanatio ps. I 31 : SAEMO 7, p ; 76.


16 Ambroise explique constamment à ses fidèles les Écritures proclamées dans la liturgie. Il les prend comme source d’inspiration et comme fondement de toute sa prédication et de tous ses écrits : commentaires bibliques, lettres, sermons lors des obsèques, traités au contenu social, oeuvres nettement spirituelles. Son style est imprégné d’images et d’expressions bibliques : on dirait que non seulement il parle de la Bible, mais qu’il parle la Bible, devenue comme la substance intime de sa pensée et de sa parole. Ainsi les textes sacrés nourrissent ses auditeurs qui en deviennent des connaisseurs toujours plus compétents.

L’Église conduite par Ambroise nous apparaît vraiment comme formée et modelée par la Parole de Dieu. Je souhaite vivement que son exemple pousse à mettre la Bible toujours davantage au centre de la vie chrétienne, et à la lire avec cette foi et cette profondeur à cause desquelles l’Évêque de Milan fut un modèle éminent et un maître sûr.



III. " Le Christ est tout pour nous " (38)

17 L’Année ambrosienne coïncide avec la période qui, dans l’itinéraire de préparation au Jubilé, sera " consacrée à la réflexion sur le Christ, Verbe du Père, fait homme par l’action de l’Esprit Saint. Il convient en effet de mettre en lumière le caractère nettement christologique du Jubilé, qui célébrera l’Incarnation du Fils de Dieu, mystère de salut pour tout le genre humain " (39).

Dans le sillage du Concile de Nicée, dont il fut un énergique défenseur, saint Ambroise a été un maître reconnu de la doctrine christologique et trinitaire. L’enseignement de l’Évêque de Milan trouve dans le Christ son centre unificateur. C’est de lui qu’il reçoit sa splendeur théologique et sa force d’attraction pour la vie spirituelle. En redécouvrir les points saillants est donc également d’une importance particulière pour nous préparer au millénaire qui approche.

(38) De Virginitate, 16, 99 : SAEMO 14/1, p. 80.
(39) Tertio millennio adveniente,
TMA 40.


18 Dans nombre de ses écrits, à partir de la trilogie De fide, De Spiritu Sancto et De incarnationis dominicae sacramento, Ambroise expose son enseignement sur la Trinité, sur laquelle il propose des considérations lucides qui serviront de modèle au développement ultérieur de la théologie trinitaire en Occident, sans toutefois oublier que le mystère de Dieu dépasse toujours notre compréhension et nos affirmations (40). " Nous avons en effet appris qu’il y a une distinction entre le Père et le Fils et le Saint-Esprit, non pas une confusion ; une distinction mais non pas une séparation ; une distinction, et non pas une pluralité… Par un divin et admirable mystère, le Père subsiste à jamais, le Fils subsiste à jamais, l’Esprit Saint subsiste à jamais… Nous connaissons la distinction, mais nous ignorons les secrets ; nous ne cherchons pas à connaître les causes, nous gardons les mystères " (41).

En ce qui concerne le Fils, Ambroise rappelle qu’ "il est toujours avec le Père, toujours dans le Père " (42) ; par le Père, source de l’être, il est engendré : " Ces signes caractérisent le Fils de Dieu d’une manière telle que tu en déduis que le Père est éternel et qu’il en est de même pour le Fils ; du Père, il est le Fils ; de Dieu, il est le Verbe ; le reflet de sa gloire, l’empreinte de sa substance, le miroir de la majesté de Dieu, l’image de sa bonté ; la sagesse qui vient de celui qui est sage ; la puissance de celui qui est fort ; la vérité de celui qui est vrai ; la vie de celui qui est vivant " (43).

Le Christ vient dans le monde pour révéler le Père : " Il est la splendeur éternelle de l’âme, que le Père a envoyée sur terre dans ce but : nous donner la possibilité de contempler, à la lumière de son visage, les réalités éternelles et célestes qui, auparavant, nous étaient interdites à cause du brouillard qui nous enveloppait " (44).

(40) Cf. De fide, V, 19, 228 : SAEMO 15, p. 446-448.
(41) Ibid., IV, 8, 91 : SAEMO 15, p. 296 ; cf. Explanatio ps. XXXV, 22 : SAEMO 7, p. 138.
(42) De fide, IV, 8, 88 : SAEMO 15, p. 294.
(43) Ibid., II, Prol. 3 : l. c., p. 128 ; cf. ibid., I, 10, 67 ; II, 6, 50 : l. c., p. 88; 150.
(44) Explan. ps. XLIII, 89 : SAEMO 8, p. 188.


19 Saint Ambroise a une vision unitaire du plan divin de salut : annoncé à l’avance par Dieu dans l’ancienne Alliance, il s’est réalisé dans la nouvelle Alliance avec la venue du Christ qui a révélé au monde le visage du Père et la lumière de la Trinité. Le Christ rédempteur est même déjà signifié de manière cachée dans l’oeuvre même de la création, dans ce repos que Dieu s’accorda après avoir créé l’homme : " Alors – observe Ambroise –, Dieu s’est reposé, ayant un être à qui remettre ses péchés. Ou peut-être déjà alors fut annoncé le mystère de la Passion future du Seigneur, révélant que le Christ reposerait dans l’homme, lui qui à l’avance se destinait un corps d’homme pour la rédemption de l’homme " (45). Le repos de Dieu préfigure celui du Christ en Croix dans la mort rédemptrice ; la Passion du Seigneur venait ainsi se situer, dès le commencement, dans un projet de miséricorde universelle, comme le sens et la fin de la création.

(45) Exameron, VI, 10, 76 : SAEMO1, p. 418.


20 Du mystère de l’Incarnation et de la Rédemption, Ambroise parle avec l’ardeur de quelqu’un qui a été littéralement saisi par le Christ et qui voit tout dans sa lumière. La réflexion qu’il développe jaillit de sa contemplation pleine d’amour et souvent rejaillit dans une prière, véritable élévation de l’âme au beau milieu de difficiles développements : le Sauveur est venu dans le monde " pour moi ", " pour nous ", sont des expressions qui reviennent fréquemment dans ses oeuvres (46).

Annoncé, d’une certaine manière, par tous les Livres anciens de l’Écriture (47), le Verbe descend du sein du Père et remplit sa mission dans des étapes successives que l’Évêque, s’inspirant du Cantique des Cantiques, compare aux sauts d’un faon mu par l’amour envers l’humanité et l’Église (48). Avec l’Incarnation, le Verbe prend " l’aspect de serviteur, c’est-à-dire la plénitude de la perfection humaine " (49) ; et il assume en lui, dans sa chair, toute l’humanité, lui conférant un privilège auquel même les anges n’ont point part (50).

Si, par l’Incarnation, le Christ s’est lié à nous par des liens d’amour (51), dans sa Passion, subie pour la rédemption du monde, cet amour a brillé au milieu des plus profonds contrastes de l’humiliation-exaltation du Crucifié (52). Son opprobre a été l’opprobre de tous (53), les larmes qu’il a versées sur la Croix nous ont lavés (54). La Rédemption du Christ est universelle (55) : " Ce n’est pas un seul homme que portait le Rédempteur de tous, mais le monde tout entier " (56) ; " Il s’est humilié afin que tu sois exalté " (57).

(46) Cf. De fide, II, 7, 53 ; 11, 93 : SAEMO 15, p. 150-152 ; 170-172 ; De interpell. Iob et David, IV (II), 4, 17 : SAEMO 4, p. 238; De Iacob et vita beata, I, 6, 26 : SAEMO 3, p. 256 ; Exp. ev. sec. Lucam, II, 41 : SAEMO 11, p. 182-184 et al.
(47) Cf. Explan. ps. XXXIX, 6-15 : SAEMO 8, p. 14-18.
(48) Cf. De Isaac vel anima, 4, 31 : SAEMO 3, p. 68-69 ; Exp. ps. CX-VIII VI, 6 : SAEMO 9, p. 244.
(49) De fide, V, 8, 109 : SAEMO 15, p. 386.
(50) Cf. Exp. ps. CXVIII, X, 14 : SAEMO 9, p. 412.
(51) Cf. ibid., III, 8 : l. c., p. 130.
(52) Cf. ibid., l. c., p. 132.
(53) Cf. ibid., V, 42 ; p. 234.
(54) Cf. De fide, II, 11, 95 : SAEMO 15, p. 172.
(55) Cf. Explan. ps. XLVIII, 2 : SAEMO 8, p. 252-254 ; De paradiso, 10, 47 : SAEMO 21, p. 114.
(56) De fide, IV, 1, 7 : SAEMO 15, p. 260.
(57) Explan. ps. XLIII, 78 : SAEMO 8, p. 178.


21 D’où fleurissent dans les oeuvres d’Ambroise toutes ces définitions et appellations du Rédempteur, qui nous le décrivent dans sa grandeur et son amour bienveillant. Le Christ s’est fait tout à tous (58) ; il est la plénitude et l’immensité (59) ; il est la fin de la Loi (60) ; le fondement de toutes choses et la Tête de l’Église (61), la source de la vie (62) ; " sa mort est vie, sa blessure est vie, son sang est vie, sa sépulture est vie, sa résurrection est la vie de tous " (63). Il est " l’expiation universelle, le rachat universel " (64), le roi et le médiateur (65), le soleil de justice (66), la lumière (67), le feu (68), le chemin (69), la joie (70), le seul en qui nous pouvons nous glorifier malgré nos péchés (71). Il s’est fait pauvre pour nous (72), humble pour nous enseigner l’humilité (73), notre compagnon (74). Il est bon, il est la Bonté elle-même (75) : " Que ce "bien’’ vienne dans notre âme, au plus profond de notre esprit… Il est notre trésor, notre chemin, notre sagesse, notre justice, notre pasteur et le bon pasteur, il est notre vie. Tu vois combien de biens nous sont donnés dans un seul bien " (76).

(58) Cf. Exp. ev. sec. Lucam, IV, 6 : SAEMO 11, p. 302-304.
(59) Cf. Explan. ps. XLIII, 94 : SAEMO 8, p. 194.
(60) Cf. Exp. ps. CXVIII, V, 24 : SAEMO 9, p. 216.
(61) Cf. De fide, V, 14, 181 : SAEMO 15, p. 420.
(62) Cf. Explan. ps. XXXV, 11 : SAEMO 7, p. 138.
(63) Ibid., 36, p. 194 ; cf. De fide, V, 18, 222 : SAEMO 15, p. 444.
(64) Explan. ps. XLVIII, 15 : SAEMO 8, p. 264.
(65) Cf. De fide, V, 12, 150 : SAEMO 15, p. 404 ; ibid., V, 7, 90, p. 376.
(66) Cf. Exp. ps. CXVIII, XIX, 5 : SAEMO 10, p. 288.
(67) Cf. Exp. ps. CXVIII, XIV, 6 : SAEMO 10, p. 90; Explan. ps. 1, 56 : SAEMO 7, p. 108; Explan. ps. XXXVII, 41, l. c., p. 304 ; Exp. ps. XLIII, 89 : SAEMO 8, p. 188.
(68) Cf. Exp. ps. CXVIII, XVIII, 20 : SAEMO 10, p. 260.
(69) Cf. ibid. XI, 6 : SAEMO 9, p. 454.
(70) Cf. Explan. ps. XLVII, 10 : SAEMO 8, p. 236.
(71) Cf. De Jacob et beata vita, I, 6, 21 : SAEMO 3, p. 250.
(72) Cf. De patriarchis, 9, 38 : SAEMO 4, p. 50.
(73) Cf. Explan. ps. XLIII, 78 : SAEMO 8, p. 178.
(74) Cf. Exp. ps. CXVIII, VIII, 53 : SAEMO 9, p. 366-368.
(75) Cf. De Isaac vel anima, 8, 79 : SAEMO 3, p. 124 ; De fide, II, 2, 25 : SAEMO 15, p. 140.
(76) Ep. XI, 6 : SAEMO 19, p. 118 ; cf. De bono mortis, 12, 55 : SAEMO 3, p. 204-206.

22 En présentant la figure du Christ, l’évêque Ambroise anticipe sur les thèmes difficiles qui seront abordés au cours des siècles par les grands Conciles christologiques, et, dans une synthèse magistrale, il nous parle de l’unique Christ Seigneur, dans sa double nature divine et humaine. Voici un exemple, parmi beaucoup d’autres, tiré du Livre II du De fide : " Maintenons la distinction entre la nature divine et la chair ! Dans l’une et l’autre, c’est le seul Fils de Dieu qui parle, parce que l’une et l’autre natures se trouvent dans le même. Mais si c’est le même qui parle, il ne parle cependant pas toujours d’une seule manière. Observe maintenant en lui la gloire de Dieu, et maintenant les passions de l’homme. En tant que Dieu, il dit les choses qui sont de Dieu, parce qu’il est le Verbe; en tant qu’homme, il dit les choses qui sont de l’homme, parce qu’il parle en la substance qui est mienne " (77). Pour son caractère complet et sa précision, ce passage fut repris dans les Actes du Concile d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451), ainsi que par le Synode du Latran de 649. Mais de nombreux textes de l’Évêque de Milan furent cités et médités dans tous ces cas, à commencer par le De incarnationis dominicae sacramento, traduit en grec déjà quelques années après la mort d’Ambroise, jusqu’aux larges extraits de l’Expositio Evangelii secundum Lucam, lus et traduits durant le troisième Concile de Constantinople de 681. Ainsi la parole d’Ambroise, passionné du Christ Seigneur, venait-elle soutenir et vivifier les grandes définitions christologiques de l’Église ancienne.

(77) De fide, II, 9, 77 : SAEMO 15, p. 164.



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