A la Rote 1939-2009 7007

1970 Discours au congrès international de droit canonique


L'Eglise après concile

19 janvier 1970

C'est dans la salle du Consistoire que le Pape a reçu les participants au Congrès international de droit canonique, qui se déroule à Rome. Voici le discours du Souverain Pontife, prononcé en réponse à l'allocution du prof. Agostino D'Avack, recteur ,magnifique de l'Université de Rome et président du congrès:

Nous vous remercions des nobles, franches et amicales paroles que vous venez de prononcer, et dans lesquelles se trouvent déjà évoquées quelques-unes de celles qu'en cette circonstance exceptionnelle Nous voudrions adresser aux éminentes personnalités que vous avez conduites ici.
Nous remercions en même temps ces personnalités qui, par leur présence, leur qualité et leur nombre, Nous attestent l'importance, le succès et l'esprit du Congrès international de droit canonique réuni ces jours-ci à Rome, patrie plus célèbre et féconde que toute autre du Droit, tant civil qu'ecclésiastique. En eux tous, Nous saluons un titre éminemment apprécié, celui de la science juridique relative à la vie sociale de l'Eglise: le droit canonique.
Nous devons tout d'abord exprimer Notre satisfaction pour la réunion d'un tel congrès, et pour le siège qu'il a choisi: il s'est tenu à l'Université civile de Rome, ce qui est déjà la reconnaissance d'un aspect de l'Eglise, extérieur et historique, certes, mais d'une importance indéniable pour la vie spirituelle et le progrès civil de l'humanité. Si cela est pour Nous un sujet de satisfaction, pour vous, pour l'Université de Rome et pour tous les autres instituts scientifiques représentés ici, c'est le signe d'une noble culture et d'une intelligence ouverte.
Nous sommes d'autant plus heureux de l'événement auquel vous participez que le thème choisi par vous est "L'Eglise après le Concile". Comme chacun peut le comprendre, l'Eglise et le Concile absorbent toute Notre attention, Notre intérêt, Notre passion. En raison de Notre charge apostolique et en cette heure critique que nous traversons, pouvons-Nous penser à autre chose qu'à l'Eglise et au récent Concile? Voir que d'éminents savants comme vous se réunissent en congrès pour étudier ce thème avec toute leur compétence, pour y réfléchir intensément et - Nous n'en doutons pas - en discuter, toujours avec une libre et honnête probité scientifique, Nous édifie et Nous console. Cela Nous oblige à Nous informer des résultats de vos études. Nous Nous acquitterons volontiers de cette obligation, en souhaitant que les trop nombreux et graves soucis de Notre ministère Nous en laissent la possibilité et le temps.
Les thèmes de votre programme vaste et varié, l'autorité de vos noms Nous y invitent. Les quelques, mais importantes informations données par la presse sur les études et les discussions de votre congrès Nous en disent déjà le sérieux et la valeur. Nous Nous abstiendrons dans ce discours occasionnel d'entrer dans les questions que vous avez étudiées; Nous ne voulons pas non plus en faire le commentaire, même s il était nécessaire de Notre part de faire telle ou telle réserve, d'approfondir tel ou tel point. Nous noterons seulement les heureuses formulations des thèmes suscités par la grande réflexion sur elle-même de l'Eglise catholique réunie en Concile, par exemple le thème de la tradition et de l'innovation dans le droit canonique (magistralement traité par le professeur Orio Giacchi); ceux du droit divin et du droit humain dans l'Eglise, du droit canonique dans les principes conciliaires, du pouvoir dans l'Eglise (clairement exposés par le professeur Mario Petroncelli); etc.

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L'Eglise n'est pas une réalité invisible Chacun ne peut y invoquer sa liberté charismatique

Nous Nous limiterons ici à recueillir le témoignage donné par votre congrès sur un double ordre de principes: les vérités fondamentales relatives à la nature et à la constitution de l'Eglise, et le renouveau du Droit canon conformément aux enseignements et aux voeux du Concile.
Dans les paroles autorisées du professeur Pietro Agostino D'Avack, Nous avons entendu tout à l'heure le témoignage que vous avez rendu avant tout à la légitimité et à la nécessité de l'existence d'un droit canonique dans l'Eglise. Vous avez reconnu que l'Eglise, fondée par le Christ, est une société visible. L'idée que l'Eglise puisse être invisible, affirmée par certains et par des courants donnant du christianisme d'un autre temps une interprétation purement spiritualiste et libérale, s'avère utopique, pour ne pas dire carrément contradictoire dans les termes.
De même la tendance, existant aujourd'hui çà et là chez les personnes et dans les milieux chrétiens, à invoquer une compétence ou une liberté charismatique pour affranchir sa propre conscience et sa propre conduite, de même que celles des autres, du pouvoir normatif de l'Eglise, s'avère étrangère à l'authentique conception communautaire et hiérarchique de l'Eglise. Cette tendance nous rappelle l'énergique argumentation de saint Paul, qui, certes, était dispensateur des mystères de Dieu 1Co 4,1, mais en même temps organisait les premières communautés chrétiennes en noyaux bien distincts, gouvernés par l'autorité apostolique et appartenant à un unique et même corps social, le Corps mystique du Christ. Il écrit en effet, sur un ton quelque peu polémique: "Est-ce de chez vous qu'est sortie la parole de Dieu? Est-ce à vous seuls qu'elle est parvenue? Si quelqu'un se croit prophète ou inspiré par l'Esprit, qu'il reconnaisse en ce que je vous écris un commandement du Seigneur" 1Co 14,36-37. L'Eglise est un peuple constitué en corps social organique, en vertu d'une action et d'un dessein divins, moyennant un ministère, un service pastoral, qui édifie, enseigne, éduque et sanctifie dans le Christ l'humanité adhérant à lui dans la foi et la charité (de Lubac Méditation sur l'Eglise p. 203)

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La nouveauté apportée par le Concile: faire découler la loi canonique de l'essence de l'Eglise

C'est cela qu'enseigne le Concile. Il a approfondi la doctrine de l'Eglise; il a mis en relief l'aspect mystique qui lui est propre; et par là il a obligé le canoniste à rechercher plus profondément dans la Sainte Ecriture et dans la théologie les raisons de sa doctrine. Cela a bouleversé ses habitudes, car en général il fondait son enseignement sur une tradition séculaire et incontestée, et il le corroborait par la confrontation et par l'apport, d'abord du droit romain - "qu'on a appelé à juste titre la raison écrite", disent les canonistes -, et ensuite du droit des peuples évangélisés par l'Eglise. C'est ce que, bien manifestement, l'Eglise continuera de faire dans sa pensée et dans son histoire. Mais, en ces temps postconciliaires, fidèle à l'impulsion doctrinale et disciplinaire de cette grande assemblée, elle cherchera en elle-même, dans son intime et mystérieuse constitution, le pourquoi et le comment de sa discipline canonique ancienne et rénovée OT 16.
Telle est, Nous semble-t-il, la nouveauté actuelle de l'étude et de la formulation du droit canonique; c'est cette nouveauté qui est à la base de la révision du Code actuellement en vigueur. Presque toujours, dans l'histoire du droit, les grandes compilations juridiques ont été inspirées par des objectifs avant tout pratiques, "pour le bien de tous, et particulièrement des juristes" (Décret de Grégoire IX), ou, comme Dante le fait dire à Justinien: "J'ai éliminé des lois ce qui était superflu et vain" (Paradis 6, 12).
Mais aujourd'hui il s'agit de faire découler la loi canonique de l'essence même de l'Eglise de Dieu, pour laquelle la loi nouvelle et originale est la loi évangélique de l'amour, "la grâce de l'Esprit-Saint qui est donnée par la foi du Christ" I-II 106,1 I-II 108,1. De sorte que si tel est le principe intérieur qui guide l'action de l'Eglise, il devra se manifester toujours davantage dans sa discipline visible, extérieure et sociale, avec des conséquences qu'actuellement il est plus facile d'entrevoir que d'exprimer. Nous verrons avant tout naître de cette introspection mystique et morale de l'Eglise le besoin pour elle de se définir en une Lex fundamentalis que la théologie, plus que le droit, est en train d'approfondir. Et si cette loi fondamentale était formulée en canons explicites, elle résoudrait, ou peut-être aussi susciterait, de nombreuses et graves questions concernant la vie catholique de notre temps.

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Le droit canonique interprète la loi divine et la loi de la conscience

Cette plus étroite parenté entre la théologie et le droit canonique donnera à ce dernier des caractéristiques nouvelles, que certainement votre congrès a prises en considération, en reconnaissant en lui non tant une loi dominatrice, l'expression d'un pouvoir autocratique, un impératif despotique et arbitraire, mais plutôt une norme tendant avant tout à interpréter une double loi: la loi supérieure, divine, et la loi intérieure, morale, de la conscience. Le droit canonique apparaîtra ainsi comme une loi qui promeut et protège, qui équilibre le mieux possible - eu égard aux limites de notre condition humaine - les droits et les devoirs correspondants, la liberté et la responsabilité, la dignité de la personne et les souveraines exigences du bien commun, ainsi que l'immuable constitution unitaire et communautaire de l'Eglise, sa capacité d'adaptation aux contingences de langues et de moeurs, aux exigences particulières des différentes civilisations et des conditions historiques particulières de la société humaine. La tradition, comme toujours, mais avec un prestige nouveau, trouvera dans le droit canonique une expression souverainement autorisée et acceptée, un titre de sagesse et d'authenticité, et aussi un aliment qui appelle la communauté chrétienne à la perfection de la vocation chrétienne, perfection qui nous est toujours proposée, mais n'est jamais pleinement atteinte.
Que de choses, même dans un simple discours comme celui- ci, il y aurait à dire sur un sujet si vaste et important
Nous le conclurons en vous félicitant pour vos études sur le droit canonique et ecclésiastique, et en vous exhortant à poursuivre ces travaux, d'autant plus dignes d'attention que le Concile a mieux montré leur nouvelle fécondité et leurs nouveaux rapports avec la vie de l'Eglise et, en bonne partie, avec la vie de la société moderne.

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L'accusation de juridisme et de formalisme

La Providence divine a voulu que pour Notre confusion, mais avec un immense amour - Nous voudrions pouvoir dire un "incomparable amour" Jn 21,15 - Nous soyons le chef visible de l'Eglise, dont le Christ est le seul et souverain chef, le chef éternel qui l'a engendrée. A ce titre, permettez-Nous de vous inviter à regarder l'Eglise, également sous son aspect extérieur, temporel et juridique, telle qu'elle est réellement, et selon ce à quoi elle est réellement destinée. Le Concile vous aide et, en quelque sorte, vous oblige à la voir dans cette nouvelle perspective, plus profonde et plus réaliste. Les hommes d'Eglise ne devraient certes plus pouvoir être taxés de juridisme et de formalisme, même lorsqu'ils doivent légiférer et gouverner. Mais vous pouvez constater que ces accusations s'adressent aux études canoniques qui s'en tiennent aux vieilles positions du positivisme juridique ou de l'historicisme juridique.

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"Si l'on veut avoir Dieu pour Père, il faut d'abord avoir L'Eglise pour Mère"

Sachez vous aussi voir dans l'Eglise, au-delà de l'écran de son caractère profane, la "société spirituelle" (St Augustin serm. 71:PL 38, 462). Ne croyez pas que si elle est confrontée à la société civile, elle se sépare d'elle ou s'oppose à elle GS 1, ou qu'elle veuille l'animer pour ensuite la dominer 'Ep à Diognète), ou qu'aujourd'hui encore, elle s'entende avec elle pour accorder ou demander des privilèges. Bien au contraire, étant désormais dépourvue d'un pouvoir temporel dont elle n'ambitionne nullement de retrouver le poids et les avantages, elle n'a d'autre désir que celui de se voir assurer effectivement le libre exercice de sa mission spirituelle et morale, moyennant des délimitations équitables, loyales et stables des compétences respectives.
Ne la craignez pas, mais aimez-la, vous aussi. Nous vous dirons avec saint Augustin: "Aimez cette Eglise, soyez dans cette Eglise, soyez cette Eglise" (Serm 138). Et, vous aussi, ayez conscience de la référence unique, personnelle et vitale de cette institution mystérieuse, que nous pouvons appeler le sacrement du salut LG 48, à chacun de nous, en tant que canal nécessaire qui apporte la réponse à la question capitale et inévitable de notre destin: la question religieuse. Elle n'a, en effet, rien perdu de sa vérité et de son urgence cette parole de saint Cyprien: "Si l'on veut avoir Dieu pour Père, il faut d'abord avoir l'Eglise pour mère (De cath. Unitate ch. 6),
Que vous y aide, Messieurs, Notre Bénédiction apostolique.


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1970 Le juriste dans l'évolution de la société


ALLOCUTION A DES JURISTES FRANÇAIS

7 novembre 1970


Le Pape a adressé une intéressante allocution à des membres de l'Association nationale française des docteurs en droit, venus à Rome en visite d'études, sous la direction de leur président, M. Emile Arrighi, directeur général de la Chambre de commerce de Paris.

Nous avons été très sensible au désir que votre Association nationale des docteurs en droit Nous a exprimé par l'intermédiaire de Notre secrétaire d'Etat, le cher et vénéré cardinal Jean Villot, et vous remercions d'avoir réservé ces instants, au cours d'un séjour romain particulièrement chargé, pour rendre visite au Vicaire du Christ. Nous vous recevons volontiers, conscient du rôle important que votre haute compétence juridique et vos responsabilités de premier plan vous permettent d'assurer, aussi bien dans la société de votre pays que par-delà ses frontières.
Comme beaucoup d'autres, votre association est née du besoin naturel que vous avez ressenti de vous regrouper entre spécialistes, pour promouvoir l'estime de votre culture juridique, maintenir le prestige de vos diplômes et des prérogatives qui s'y rattachent, établir entre vous une solidarité et une entraide utiles.
Mais, par-delà cette défense et cette promotion bien légitimes de votre profession, Nous apprécions votre volonté de nouer des relations avec les juristes d'autres pays. Nul doute que la multiplication des échanges, de part et d'autre des frontières nationales, ne favorise l'instauration progressive et universelle d'un système juridique plus équitable, plus uniforme, fondé sur le sens de la justice inné au coeur de l'homme et sur les droits sacrés de sa personne. Notre prédécesseur le pape Pie XII, du reste, avait souvent tenu à encourager les juristes dans cette voie.
Vous voulez également stimuler chez les membres de votre association l'acquisition d'une compétence juridique toujours plus profonde et plus étendue. Les secteurs où vous êtes appelés à travailler ne sont plus en effet restreints à ceux de la magistrature et du barreau, mais s'étendent aussi aux bureaux ministériels, à de multiples administrations et à beaucoup d'entreprises du secteur privé ou public, où l'on sollicite votre aide d'expert ou de conseiller juridique. C'est donc une nécessité pour vous d'enrichir votre culture juridique générale d'une spécialisation dans une branche déterminée du droit, et même de rechercher par surcroît un complément de formation en psychologie, sociologie et économie, voire en mathématiques. N'est-il pas significatif que votre revue ait pris l'an dernier le titre de 'Droit plus Economie', en liaison avec le Club international du droit et de l'économie? Pour Notre part, Nous sommes heureux de vous manifester estime et encouragement, car cette voie vous permettra sans nul doute de rendre des services appréciés à notre société qui évolue si vite, et parfois comme à tâtons, sans que les orientations soient toujours claires, et le cheminement bien assuré.

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La tâche du juriste devant l'évolution de notre époque

Votre profession n'est-elle pas en effet un service exigeant rendu au bénéfice des personnes et de la société tout entière? Il vous revient de collaborer à l'élaboration des lois, des conventions aussi qui cherchent à aplanir les différends; et enfin de régler les conflits qui ne manquent pas de survenir entre les personnes et les groupes d'intérêts. Les mutations sociales considérables qui naissent de la mise en oeuvre progressive du marché commun, de la planification, de la concentration des entreprises et de leur mobilité dans un système trop souvent axé sur la seule recherche du profit matériel, requièrent une harmonisation des législations et une mise au point des relations professionnelles de toutes sortes. Les chefs d'entreprises, les comités d'entreprises, les syndicats ont besoin de votre collaboration éclairée pour élaborer un droit du travail qui tienne compte, avec la plus grande équité, des besoins de toutes les parties en cause. Certes, le développement de notre société requiert des scientifiques et des techniciens; mais son organisation, qui se révèle plus difficile que la production des équipements, a besoin aussi de juristes et de sages, capables de tenir compte des requêtes légitimes des personnes et des groupes sociaux, et de les harmoniser progressivement dans un équilibre toujours à la recherche de la justice et de l'équité dans la participation à un même bien commun. De graves questions vous sont posées dès lors: l'évolution du droit familial, social, administratif, fiscal... - Nous ne parlons pas des droits sacrés de la personne humaine qui sont intangibles et universels - est- elle adaptée à l'évolution sociale, économique et politique de notre époque? S'en préoccupe-t-on suffisamment au plan international, pour traduire dans la complexe réalité quotidienne cette "morale internationale de justice et d'équité", dont Notre encyclique Populorum progressio rappelait avec instance les exigences PP 81.
Cette recherche, ce constant réajustement supposent une compétence éclairée comme aussi un profond désintéressement, pour aider les hommes d'aujourd'hui dans leur passionnante et difficile recherche d'une société plus humaine pour tous les hommes. Qui ne le voit? Sans un sens averti du droit, ne court-on pas le risque d'en rester à des institutions surannées et donc stériles, ou au contraire de partir à l'aventure et d'ajouter encore à l'incertitude de l'homme, d'augmenter son désarroi, et de rendre plus précaire son existence tragiquement coupée des racines de son passé? Aussi espérons-Nous que les chrétiens auront à coeur de s'engager toujours davantage et de toutes leurs forces dans cette promotion du droit, à la lumière de l'Evangile, afin "de pénétrer d'esprit chrétien la mentalité et les moeurs, les lois et les structures de leur communauté de vie" PP 81


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La révision du droit canonique

L'Eglise, comme tout organisme vivant, éprouve elle aussi le besoin, vous le savez, de mettre à jour son droit canonique pour l'adapter aux nécessités actuelles et le rendre toujours plus évangélique. Pour elle, il est vrai, l'essentiel est la communion de charité dans le Corps mystique du Christ. Mais elle a conscience aussi qu'ici-bas, dans son cheminement terrestre, une structure lui est nécessaire, de par la volonté même de son Fondateur, avec des institutions perfectibles certes, mais toujours établies pour communiquer la grâce du Sauveur, et favoriser entre tous ses membres des relations ordonnées au bien de chacune des personnes comme aussi du but de l'Eglise elle-même. C'est vous dire combien Nous souhaitons un dialogue fructueux et confiant entre juristes et canonistes qui travaillent les uns et les autres à traduire les exigences du bien commun dans les sociétés que constituent les hommes.
Aussi est-ce de grand coeur que Nous formons les meilleurs voeux pour votre association, afin qu'elle réponde à ces nobles finalités que Nous venons d'évoquer. Nous recommandons vos intentions, personnelles et professionnelles, à celui que la Bible appelle si souvent le Dieu de justice Ps 119,137-140 et Nous invoquons sur chacun d'entre vous et tous ceux qui vous sont chers, l'abondance de ses célestes bénédictions.




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1971 Administration pastorale de la Justice.

28/01/1971


Réflexions sur l'exercice de l'autorité dans l'Eglise et sur le pouvoir judiciaire, montrant leur utilité et l'évolution actuelle vers une administration plus pastorale de la justice dans l'Eglise.

Comme chaque année, l'inauguration solennelle de l'activité judiciaire du Tribunal de la Sacrée Rote romaine Nous donne l'agréable occasion de recevoir ses membres, qui se sont acquis tant de mérites au service du Saint-Siège: Mgr le Doyen, que Nous remercions de sa noble allocution, le collège des prélats auditeurs, les officiers du Tribunal et le Studio Rotale. Nous les saluons, les félicitons et les encourageons tous. Vous attendez de Nous une parole au début de votre année et Nous sommes heureux de réfléchir un instant avec vous sur certains points qu'évoque en Nous votre présence. Nous le ferons en toute simplicité et sans aucune prétention doctorale, même si les controverses actuelles sur ces points méritaient certaines précisions doctrinales.

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L'exercice de l'autorité dans l'Eglise.

1. Avant tout, Nous rappelons l'exercice de l'autorité dans l'Eglise, avec les pouvoirs précis qui en découlent de par la volonté même du Christ, dans l'esprit de cet amour évangélique en vertu duquel toute manifestation d'autorité est un devoir de fidélité à la volonté du Christ et une responsabilité au service de la communauté. L'ordre de la charité comporte en effet que chacun aime son prochain - et tout homme est notre prochain, selon le commandement nouveau de Jésus - c'est-à- dire que chacun " serve " les autres et leur soit utile. Ce prochain est l'objet, et non pas l'origine de l'autorité, laquelle est instituée pour son service et non à son service.

La notion d'autorité-service

Nous le savons, certains dans la communauté ont le devoir et le droit de se rendre utiles aux autres, sous des formes et pour des fins déterminées; ils sont " ministres " de la charité, de l'Evangile, de l'Eglise; ils constituent la hiérarchie. Dans cette dernière, la notion d'autorité-service se réalise dans une mesure et d'une manière plus pleines; c'est-à-dire qu'en vertu d'un mandat qui vient de l'amour de Dieu, elle devient charité humaine, parce qu'elle découle du Christ et de Dieu - et c'est pourquoi, pour certaines opérations, elle revêt le caractère fonctionnel de supériorité sociale - et parce qu'elle s'exerce toujours dans le don de soi, pour le service et en esprit de service, avec un caractère d'exclusivité fondé sur l'appel de Dieu He 5,4

La constitution Lumen gentium a bien mis en relief ce caractère de prééminence, dans la richesse et la diversité des pouvoirs et des dons avec lequel l'unique Esprit pare son Eglise. " Parmi ces dons, a dit le deuxième Concile du Vatican, la grâce accordée aux apôtres tient la première place: l'Esprit lui-même soumet à leur autorité jusqu'aux bénéficiaires des charismes 1Co 14. Le même Esprit, qui est par lui-même principe d'unité dans le corps où s'exerce sa vertu et où il réalise la connexion intérieure des membres, produit et stimule entre les fidèles la charité "LG 7. L'ensemble des lois établies par l'autorité de l'Eglise rentre donc lui aussi dans cette perspective du bien suprême de la société ecclésiale et de ses membres, parce que tout part de la notion d'Eglise, du principe (Dieu) et de la fin (le prochain) qui la régissent.
Cette conception a été examinée et approfondie par le Concile, qui a mis en lumière le caractère mystique de l'Eglise (aspect charismatique) et son aspect visible, l'un et l'autre hiérarchiques et communautaires, en soulignant que le but de l'autorité de l'Eglise est de servir. Par ailleurs, le Concile a mis en relief le caractère particulier et irremplaçable de l'autorité: " Chargés des Eglises particulières comme vicaires et légats du Christ, les évêques les dirigent par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l'exercice du pouvoir sacré. (...) Ce pouvoir qu'ils exercent personnellement au nom du Christ est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat: il est soumis cependant dans son exercice à la régulation dernière de l'autorité suprême de l'Eglise et, en considération de l'utilité de l'Eglise ou des fidèles, il peut être, par cette autorité, resserré en certaines limites. En vertu de ce pouvoir, les évêques ont le droit sacré et, devant Dieu, le devoir de porter des lois pour leurs sujets, de rendre les jugements et de régler tout ce qui concerne l'ordre du culte et de l'apostolat. (...) Quant aux fidèles, ils doivent être unis à leur évêque comme l'Eglise à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ à son Père, afin que toutes choses conspirent dans l'unité et soient fécondes pour la gloire de Dieu " LG 27.

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Un double danger

Il est bien vrai qu'aujourd'hui, à force d'insister sur le caractère de "service" de l'autorité de l'Eglise, certains peuvent en arriver à ces deux conséquences, dangereuses pour la notion fondamentale de l'Eglise: donner la priorité à la communauté, en lui reconnaissant des pouvoirs charismatiques efficients et propres; et négliger l'aspect "potestatif" dans l'Eglise, en discréditant fortement les fonctions canoniques dans la société ecclésiale. C'est ainsi qu'est née l'idée d'une liberté sans limites, d'un pluralisme autonome, et l'accusation de " juridisme " portée contre la tradition et l'action législative de la hiérarchie.

L'autorité ne contrarie pas, mais garantit l'action de l'Esprit-Saint dans le peuple de Dieu.

Devant ces interprétations, qui ne correspondent pas fondamentalement à la pensée du Christ et de l'Eglise, Nous voudrions aujourd'hui encore rappeler que l'autorité, c'est- à- dire le pouvoir de coordonner les moyens permettant l'obtention du but de la société ecclésiale, loin de contrarier l'action de l'Esprit dans le peuple de Dieu, l'achemine et la garantit. C'est le Christ lui-même qui a donné cette autorité à Pierre et aux apôtres, ainsi qu'à leurs légitimes successeurs: "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples... en leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit " Mt 28,18-20; " Tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au ciel pour délié " Mt 18,18; " Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette celui qui m'a envoyé" Lc 10,16 La charge de lier et de délier a aussi été confiée personnellement à Pierre Mt 16,19 Mt 18,18 Jn 20,23 lequel est constitué "pierre" dans l'édifice de l'Eglise Mt 16,18, c'est-à-dire " principe et fondement de l'unité" LG 23 et déclaré pasteur par excellence de l'Eglise Jn 21,15-17. Les propositions de notre humble catéchisme n'ont rien perdu de leur vérité et de leur solennité: il y a une transmission de pouvoir du Christ aux apôtres, dont le chef est Pierre, et des apôtres aux évêques, leurs successeurs, dont le chef est l'évêque de Rome, successeur de Pierre. Comme nous l'avons vu, le deuxième Concile du Vatican résume cette transmission de pouvoir dans le droit et le devoir devant le Seigneur de "porter des lois, rendre les jugements et régler tout ce qui concerne l'ordre du culte et de l'apostolat" LG 27 Par conséquent, outre les fonctions de ministère et de magistère, le Concile a également considéré, sur un plan profondément pastoral, et en lui donnant des fondements dogmatiques, le triple pouvoir de juridiction et de gouvernement (Regimen) que les évêques ont le droit et le devoir d'exercer, à savoir: le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir coercitif "( Cf. Léon XIII, Encyclique Immortale Dei, 1/11/1885: SS XVIII, 1885-1886 p.165 ).

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Le pouvoir judiciaire.

2. Arrêtons-nous un instant sur le pouvoir judiciaire, qui en ce moment nous intéresse plus spécialement, c'est-à-dire le pouvoir de régler les différends existant entre les fidèles, ou de juger un fait que l'on prétend avoir été commis contre la loi, afin d'y porter remède. Ce pouvoir est tellement lié au pouvoir législatif, que sans lui ce dernier serait sans vigueur. C'est en vain, en effet, que le supérieur aurait autorité pour porter des lois si ensuite il n'avait pas le pouvoir de les faire observer, qu'il s'agisse d'en punir la transgression ou de trancher des litiges et des controverses dans lesquels il s'agit de définir équitablement le droit. Une autorité législative qui n'aurait pas également le pouvoir exécutif et judiciaire serait socialement vaine, car elle n'aurait pas les moyens de garantir sa propre stabilité, c'est- à-dire le maintien efficace de l'ordre, pour le bien commun, contre l'arbitraire, le despotisme et la violence, lesquels seraient autrement inévitables CIS 2214.
Or on ne peut nier à l'Eglise, dotée par institution divine d'un authentique pouvoir de juridiction à elle propre - même s'il n est qu'analogiquement semblable à ceux d'origine humaine - ce que l'on doit reconnaître à toute société bien ordonnée. Cela demeure substantiellement valable, même si dans la société civile les trois pouvoirs sont exercés par des organes distincts, et si la magistrature, à laquelle est attribué le pouvoir judiciaire, jouit d'une indépendance particulière par rapport aux autres organismes.
Dans l'Eglise, l'unité du triple pouvoir est garantie par les personnes auxquelles le Christ l'a confié (le pape et les évêques). Cependant, comme on le sait, l'exercice de ce pouvoir est ordinairement confié à des personnes ou à des organismes différents (par exemple les Sacrées Congrégations, les tribunaux, les vicaires généraux, les officiaux).

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L'attitude de saint Paul. devant les charismes et les charismatiques

3. Saint Paul, dans lequel certains voient le défenseur des charismes contre l'"institutionnalisme" de l'Eglise, nous donne d'importants exemples d'exercice du pouvoir judiciaire et coercitif. A titre de principe, saint Paul réserve aux " saints " le pouvoir de juger, c'est-à-dire à ceux qui appartiennent à la communauté chrétienne, d'autant plus que c'est à eux qu'il appartient de juger le monde 1Co 6; mais, pour sa part, saint Paul exerce avec vigueur le pouvoir de juger et de punir. Nous ne voulons pas rappeler ici les paroles par lesquelles il juge et condamne un fidèle de Corinthe, coupable d'inceste 1Co 5 Il suffira de lire la seconde lettre aux Corinthiens et celle aux Galates, écrite tout de suite après, pour voir comment l'Apôtre des gentils, le chantre inspiré de la charité 1Co 13, exerçait le pouvoir dont il avait conscience qu'il lui avait été donné par le Christ.
On pourrait multiplier les exemples. Mais il est intéressant de voir comment l'apôtre Paul exerçait son pouvoir de jugement à l'égard des charismes et des charismatiques. Il est certes vrai que l'Esprit est pleinement libre de son action, et saint Paul, prenant position contre les Thessaloniciens, recommande de ne pas éteindre l'Esprit 1Th 5,19 Mais il est non moins vrai que les charismes sont pour le bien de la communauté, que tous n'ont pas les mêmes charismes, et que, par suite de la faiblesse humaine, les charismes peuvent être confondus avec les idées et tendances personnelles, lesquelles ne sont pas toujours justes. Il est donc nécessaire de juger et de distinguer les charismes pour en contrôler l'authenticité, pour les coordonner avec les critères tirés de la doctrine du Seigneur, selon l'ordre qui doit être observé dans la communauté ecclésiale. Cette fonction appartient à la hiérarchie sacrée, instituée elle aussi par un charisme spécial, au point que saint Paul ne reconnaît comme valide aucun charisme qui n'obéit pas à sa charge apostolique 1Co 4,21 1Co 12,4 Ga 1,8 Col 2,1-23 .

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La façon d'exercer le pouvoir judiciaire.

4. Il faut distinguer le pouvoir judiciaire de la façon dont il est exercé. Il est évident qu'étant donné la nature particulière de la communauté ecclésiale, ce pouvoir, sous de nombreux aspects, n'y est pas exercé de la même manière que dans la société civile. Il sera utile, à ce propos, de faire les simples observations qui suivent:

L'influence du droit romain

a) On ne peut nier que l'Eglise, au cours de son histoire, ait emprunté certaines normes à d'autres cultures - au droit romain, pour citer un exemple bien connu de tous, mais qui n'est pas le seul. Il en est ainsi notamment pour l'exercice de son pouvoir judiciaire.
Il est malheureusement vrai que l'Eglise ait emprunté aux législations civiles, dans les siècles passés, également de graves imperfections, et même des méthodes à proprement parler injustes, objectivement tout au moins, dans l'exercice du pouvoir tant judiciaire (processif) que coercitif (pénal) (cf. Journet, l'Eglise du Verbe incarné I, p. 331 ss.; Maritain, De l'Eglise du Christ, La personne de l'Eglise et son personnel. DDB, 1970, p. 237 ss.) Il faut se réjouir du grand progrès qui a été accompli sur ce point, pour ce qui est de la sensibilité et des méthodes. Mais il faut reconnaître qu'en ce qui concerne le droit romain, l'Eglise a bien fait de s'en inspirer au moment où ce droit s'imposait par sa sagesse, son équilibre et sa juste appréciation des choses humaines. Dans le corps de l'ancien droit civil positif, plus que l'oeuvre d'un habile législateur, elle voyait cette " juste mesure naturelle " (Cicéron, De Rep. III,22) qui confère à la loi le prestige de ce qui est raisonnable, juste et humain. Et il ne faut pas oublier qu'au cours du temps, le droit civil romain a subi de profondes modifications, sous l'influence non seulement d'autres cultures et législations, mais aussi et peut-être surtout, de la doctrine chrétienne. C'est le phénomène extrêmement intéressant du droit commun qui, par la suite, a tellement influencé les législations canoniques, jusqu'aux codes des temps modernes, dans la formulation des droits de l'homme, aujourd'hui universellement proclamés. Il n'est donc pas étonnant que les rédacteurs du premier Code de droit canonique se soient, dans une certaine mesure, inspirés, également dans la partie concernant les jugements, de la sagesse du vieux droit profane.

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La rédaction du nouveau Code de droit canon

b) Les principes dont s'inspire la rédaction du nouveau Code de droit canon, approuvés par la première assemblée générale du Synode des évêques, donnent une sûre orientation également pour la révision du droit judiciaire et pénal, en recommandant un style plus conforme à l'esprit pastoral du deuxième Concile du Vatican. La Commission pour la réforme du Code est en train de travailler dans ce sens, et Nous pouvons dire que dans ce domaine une grande partie du travail a déjà été faite au sein des groupes d'étude. Les schémas déjà préparés prévoient, outre une accélération notable du procès canonique, une sauvegarde plus manifeste des droits personnels des fidèles.

Une justice ayant une âme.

c) Dans la procédure canonique, un sain formalisme juridique est certainement de rigueur. Sinon, ce serait le règne de l'arbitraire, qui causerait des torts très graves aux intérêts des âmes. Mais le jugement dépend aussi et surtout d'une estimation équilibrée des preuves et des indices de la part du juge, dont la conscience est donc particulièrement engagée. Le juge ecclésiastique personnifie essentiellement cette " justice ayant une âme " dont parle saint Thomas en citant Aristote Il doit donc concevoir et accomplir sa mission dans un esprit sacerdotal, en acquérant, en même temps que la science (juridique, théologique, psychologique, sociale, etc.), une grande et habituelle maîtrise de lui-même, et en s'efforçant de croître en vertu, afin de ne pas faire écran éventuellement, par une personnalité défectueuse et tortueuse, au divin rayonnement de justice que le Seigneur lui donne pour le bon exercice de son ministère. C'est ainsi que, également lorsqu'il prononcera la justice, il sera un prêtre et un pasteur d'âmes n'ayant en vue que Dieu.
Le style pastoral, l'esprit de charité et de compréhension visent précisément à cela. Donc, non pas la loi pour la loi, ni le jugement pour le jugement, mais loi et jugement au service de la vérité, de la justice, de la patience et de la charité, toutes vertus qui constituent l'essence de l'Evangile et qui aujourd'hui doivent caractériser plus que quiconque le juge ecclésiastique.

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Vers une administration plus pastorale de la justice dans l'Eglise

En cette heureuse circonstance qui Nous donne l'occasion de saluer, au moment où ils reprennent leur activité annuelle, le Tribunal de la Rote romaine et tous les autres Tribunaux ecclésiastiques remplissant une mission analogue, Nous avons voulu par ces élémentaires observations réaffirmer et honorer la fonction judiciaire de l'Eglise catholique. Presque sans Nous en apercevoir, Nous avons esquissé le processus de son évolution à partir de la nature et des origines de l'Eglise; cette Eglise établie par le Christ comme société humaine et visible, organiquement structurée, comme corps animé par l'Esprit-Saint, dont le Christ est la tête, et qui, comme le dit saint Paul, " opère sa croissance et se construit lui-même dans la charité" Ep 4,16; cette Eglise dont le but historique en cette époque postconciliaire s'identifie avec l'esprit pastoral qui doit plus profondément imprégner l'exercice de la fonction judiciaire. C'est ainsi que - et c'est Notre voeu - l'administration de la justice ecclésiastique apparaîtrait comme imprégnée de ce style pastoral, caractérisé certes par les exigences intimes et imprescriptibles de l'ordre, mais en même temps par cette découverte progressive de la dignité de la personne humaine, à laquelle l'Eglise, mère et maîtresse, nous conduit aujourd'hui, et à laquelle elle a consacré la célèbre constitution du récent Concile, Gaudium et spes, que l'on appelle " constitution 'pastorale' parce que, s'appuyant sur des principes doctrinaux, elle entend manifester l'attitude de l'Eglise en rapport avec le monde et les hommes d'aujourd'hui" GS 1.

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Une justice accessible à tous.

Mais Nous ne prolongerons pas Notre regard plus loin dans l'avenir; Nous sommes heureux de l'arrêter déjà sur le présent. Les paroles prononcées tout à l'heure par le vénéré Doyen de la Sacrée Rote romaine Nous y obligent; elles Nous autorisent donc à Nous réjouir avec lui et avec les éminents auditeurs et officiers de ce tribunal. Nous savons et Nous voyons, en effet, qu'il accomplit sa tâche avec une haute conscience de ses droits et de ses devoirs, avec une intégrité absolue dans l'interprétation et l'application de la loi canonique, avec une sage compréhension des besoins de l'Eglise et des hommes d'aujourd'hui, avec un total désintéressement et même avec le profond souci que la justice soit accessible à tous, aux moins fortunés aussi bien qu'aux autres. Et il y a là non seulement un juste respect des lois judiciaires propres à l'Eglise, mais un témoignage exemplaire de sa belle tradition romaine et de la conscience de sa vocation présente de fidélité au Christ et à l'Esprit qui, de lui, doit se répandre dans les membres de son Corps mystique.
Voilà, vénérés et doctes prélats, les réflexions dont Nous voulions vous faire part, en toute simplicité, en cette circonstance qui Nous est si agréable. Nous ne doutons pas que vous poursuiviez votre action, au service de l'Eglise, avec cette conscience de votre très haute responsabilité et ce dévouement total qui doivent vous caractériser en tant que fidèles collaborateurs du Pape et du Saint-Siège. Nous invoquons sur vous les dons de l'Esprit-Saint, que vous avez prié ce matin avec ferveur, et en gage de sa continuelle assistance, Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.


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A la Rote 1939-2009 7007