A la Rote 1939-2009 7810


JEAN PAUL II


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1979 L'Eglise rempart des droits de la personne


17 Février 1979

L'EGLISE REMPART DES DROITS DE LA PERSONNE

Recevant, le 17 Février 1979 les membres du tribunal de la S. Rote romaine, Jean Paul II leur a adressé cette allocution, en réponse aux paroles de présentation de leur doyen, Mgr EWERS HEINRICH

Je vous remercie de cette visite, et je remercie en particulier votre vénéré doyen, qui s'est fait l'interprète de vos sentiments.
Je vous salue tous avec une affection sincère et je suis heureux de cette occasion qui me permet de rencontrer pour la première fois ceux qui incarnent par excellence la fonction judiciaire de l'Eglise au service de la vérité et de la charité pour l'édification du Corps du Christ . Je me plais à reconnaître en eux - comme en tous les juges et les spécialistes du droit canon - ceux qui par profession s'acquittent d'une tâche vitale de l'Eglise, les témoins infatigables d'une justice supérieure en un monde marqué par l'injustice et la violence, et donc des précieux collaborateurs de l'activité apostolique de l'Eglise.

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L'Eglise, interprète de l'actuelle soif de justice.

1.- Comme vous le savez bien, il est aussi dans la vocation de l'Eglise de s'efforcer de se faire l'interprète de cette soif de dignité et de justice si vivement ressentie par les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Et dans cette fonction d'annoncer et de défendre les droits fondamentaux de l'homme à tous les stades de son existence, l'Eglise est appuyée par la communauté internationale, qui a récemment célébré par des initiatives particulières le 30ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et qui a proclamé 1979 année internationale de l'enfant.
Peut-être le XXème siècle reconnaîtra-t-il à l'Eglise d'avoir été le principal rempart qui a défendu la personne humaine tout au long de sa vie terrestre, depuis sa conception. Dans l'évolution de la conscience de l'Eglise, non seulement la personne humaine et chrétienne est reconnue, mais aussi et surtout ses droits fondamentaux sont protégés d'une façon ouverte, active, harmonieuse, comme le sont ceux de la communauté ecclésiale. C'est là aussi un devoir auquel l'Eglise ne saurait renoncer. Et sur le plan des relations entre personne et communauté, elle offre un modèle où le développement bien ordonné de la société s'allie à l'épanouissement de la personnalité du chrétien dans une communauté de foi, d'espérance et de charité. (LG 8.
Le droit canonique a une fonction éminemment éducative, sur le plan individuel et social, pour créer une société bien ordonnée et féconde où germe et mûrit le développement intégral de la personne humaine et chrétienne. Celle-ci, en effet, ne peut se réaliser que dans la mesure où est rejetée son individualité exclusive, car sa vocation est à la fois individuelle et communautaire. Le droit canonique permet et favorise ce perfectionnement caractéristique car il conduit à surmonter l'individualisme: la négation de soi en tant qu'individualité exclusive conduit à l'affirmation de soi dans une authentique perspective sociale, dans la reconnaissance et le respect de l'autre en tant que " personne " ayant des droits universels, inviolables, inaliénables, et une dignité transcendante.
Mais la mission de proclamer et de défendre en tous lieux et en tous temps les droits fondamentaux de l'homme, qui est le mérite historique de l'Eglise, loin de l'exempter d'être devant le monde un modèle de justice, l'y oblige. L'Eglise a sur ce point une responsabilité propre et spécifique.
Cette option fondamentale dont tout le " Peuple de Dieu " doit prendre conscience, ne cesse d'interpeller et de stimuler tous les hommes d'Eglise - et en particulier ceux qui, comme vous, ont une tâche spéciale sur ce point - à " aimer la justice et le droit " Ps 33,5. Cela vaut même surtout pour les membres des tribunaux ecclésiastiques, qui doivent " juger avec justice " Ps 7,9 Ps 9,8 Ps 67,5 Ps 96,10 Ps 96,13 Ps 98,9 etc. Comme l'affirmait mon vénéré prédécesseur PAUL VI, vous qui vous consacrez au service de la noble vertu de justice, vous pouvez être appelés, selon la très belle expression d'ULPIEN: " Prêtres de justice ". Car " il s'agit en vérité d'un ministère noble et élevé dont la dignité porte le reflet de la lumière de Dieu, justice primordiale et absolue, source très pure de toute justice, sur la terre. C'est dans cette lumière divine qu'il faut considérer votre 'ministère de justice' qui doit toujours être irréprochable et fidèle. Dans cette lumière, on comprend combien ce ministère doit fuir, ne serait-ce que l'ombre d'une injustice, afin de conserver toute sa pureté cristalline. "1965

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La procédure, garantie des droits de la personne

2.- Le grand respect qui est dû aux droits de la personne humaine, lesquels doivent être protégés avec beaucoup d'attention et de soin, requiert du juge qu'il observe avec exactitude les règles de la procédure, lesquelles constituent précisément la garantie des droits de la personne. Le juge ecclésiastique devra non seulement avoir à l'esprit que " l'exigence première de la justice est de respecter les personnes " (L. Bouyer " L'Eglise de Dieu, Corps du Christ et Temple de l'Esprit " Paris 1970, 599), mais au delà de la justice, il devra tendre à l'équité et, au delà de l'équité, à la charité (cf. P. ANDRIEU-GUITRANCOURT, " Introduction sommaire à l'étude du droit en général et du droit canonique en particulier " Paris, 1963, 22).
Dans cette ligne, historiquement confirmée et expérimentalement vécue, le 2ème Concile du Vatican avait déclaré que " à l'égard de tous, il faut agir avec justice et humanité "DH 7. Et il avait parlé, également pour la société civile, de " statut de droit positif... qui organise une répartition convenable des fonctions et des organes du pouvoir, ainsi qu'une protection efficace des droits, indépendante de quiconque " GS 75. Sur ces présupposés, à l'occasion de la réforme de la Curie, la Constitution 'Regimini Ecclesiae universae' a prescrit que soit créée, au sein du Tribunal suprême de la Signature apostolique, une seconde section qui devrait " trancher les contestations nées de l'exercice du pouvoir administratif ecclésiastique, ainsi que celles qui lui sont soumises en appel contre une décision d'un dicastère compétent, lorsqu'il lui est reproché d'avoir violé la loi " (AAS 59, 1967, 921-22)
Rappelons enfin le portrait que le Pape Paul VI a tracé de main de maître: " le juge ecclésiastique personnifie essentiellement cette 'justice ayant une âme' dont parle Saint Thomas en citant Aristote II-II 60,1. Il doit donc concevoir et exercer sa mission dans un esprit sacerdotal en acquérant, en même temps que la science (juridique, théologique, psychologique, sociale, etc..) une grande et habituelle maîtrise de lui-même et en s'efforçant de croître en vertu, afin de ne pas faire écran éventuellement, par une personnalité défectueuse et tortueuse, au pur rayonnement de la justice dont le Seigneur lui a fait don pour le bon exercice de son ministère. C'est ainsi que, également lorsqu'il rendra la justice, il sera un prêtre et un pasteur d'âmes n'ayant en vue que Dieu. " 1971

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Protection des droits et communion ecclésiale. La discipline pénale.

3 .- Je voudrais parler d'un problème qui se présente immédiatement à celui qui observe les phénomènes de la société civile et de l'Eglise: le problème du rapport entre la protection des droits et la communion ecclésiale. Il ne fait pas de doute que la consolidation et la sauvegarde de la communion ecclésiale sont une tâche fondamentale qui donne consistance à la juridiction canonique tout entière et guide les activités de tous ses éléments. La vie juridique de l'Eglise, et donc aussi l'activité judiciaire sont en elles- mêmes pastorales par nature:
La vie juridique est l'un des moyens pastoraux dont l'Eglise se sert pour conduire les hommes au salut " 1977 . Elle doit donc dans son exercice, être toujours profondément animée par l'Esprit Saint, à la voix duquel doivent s'ouvrir les esprits et les coeurs.
D'autre part la protection des droits, et en conséquence le contrôle des actes de l'administration publique constituent pour les pouvoirs publics eux mêmes une garantie d'une indiscutable valeur. Dans le contexte d'une rupture possible de la communion ecclésiale et de la nécessité inéluctable de la reconstituer, la procédure - en même temps que d'autres préliminaires comme l'équité, la tolérance, l'arbitrage, la transaction, etc. - est un fait d'Eglise, un instrument permettant de surmonter les conflits et de les résoudre. Et même, dans la perspective d'une Eglise qui garantit les droits de chacun des fidèles, mais aussi promeut et protège le bien commun, condition indispensable pour le développement intégral de la personne humaine et chrétienne, la discipline pénale a elle aussi une place positive: la peine portée par l'autorité ecclésiastique ( mais qui est en réalité la reconnaissance de la situation dans laquelle s'est mise celui qui l'a encourue ) doit en effet être considérée comme un instrument de communion, c'est-à-dire un moyen de remédier aux carences en matière de bien individuel et de bien commun, qui se sont manifestées dans le comportement antiecclésial, délictueux et scandaleux de membres du peuple de Dieu.

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Droits et Obligations.

Ici encore la parole du Pape Paul VI est clarifiante: " Les droits fondamentaux des baptisés ne sont efficaces et ne peuvent être exercés que si l'on reconnaît les obligations correspondantes résultant aussi du baptême, en étant en particulier persuadé que ces droits doivent être exercés dans la communion de l'Eglise, et que même ils s'inscrivent dans l'édification du Corps du Christ qui est l'Eglise. C'est pourquoi leur exercice doit servir l'ordre et la paix, et on ne doit pas permettre qu'il leur nuise ".1977 .
Et si le fidèle, sous l'impulsion de l'Esprit, reconnaît la nécessité d'une profonde conversion à l'égard de l'Eglise, après avoir affirmé et revendiqué ses droits, il aura à coeur de s'acquitter de ses devoirs d'unité et de solidarité pour que s'affirment les valeurs supérieures du droit commun. Je l'ai rappelé explicitement dans le message que j'ai adressé au secrétaire de l'ONU pour le 30ème anniversaire de la Déclaration des Droits de l'Homme: " Tout en insistant, et à juste titre, sur la revendication des droits de l'homme, on ne doit jamais perdre de vue les obligations et les devoirs qui sont liés à ces droits. Tout individu a l'obligation d'exercer ses droits fondamentaux d'une manière responsable et moralement justifiée. Tout homme ou toute femme a le devoir de respecter chez les autres les droits qu'il revendique pour lui-même. De plus nous devons tous contribuer pour notre part à l'édification d'une société où il est réellement possible de bénéficier des droits et de s'acquitter des devoirs inhérents à ces droits " (DC 1979 n.1755, p.3).

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L'aspiration à une justice supérieure.

4.- Dans l'expérience existentielle de l'Eglise les mots " droit ", " jugement ", " justice ", quelles que soient les difficultés et les imperfections humaines de toute sorte, évoquent le modèle d'une justice supérieure, la justice de Dieu, qui se présente comme le but et le terme inéluctable. Cela constitue une redoutable obligation pour tous ceux qui " rendent la justice ".
Dans l'effort historique en vue d'équilibrer les valeurs , on a parfois voulu insister davantage sur l'" ordre social " aux dépens de l'autonomie de la personne, mais jamais l'Eglise n'a cessé de proclamer " la dignité de la personne humaine, telle que l'ont fait connaître la parole de Dieu et la raison " même. DH 2. Elle a toujours soustrait à toutes formes d'oppression les " miserabiles personas ", en dénonçant les situations d'injustice, alors que les droits fondamentaux de l'homme et leur salut lui-même le requéraient, et en demandant - respectueusement mais clairement - que l'on remédie à de semblables situations contraires à la justice.
En conformité avec sa mission transcendante, le " ministère de la justice " qui vous est confié vous impose la responsabilité spéciale de rendre toujours plus transparent le visage de l'Eglise, " modèle de justice ", incarnation permanente du Prince de la justice, pour entraîner le monde vers une ère bénie de justice et de paix.
Je suis certain que tous ceux qui collaborent à l'activité judiciaire de l'Eglise - spécialement les prélats auditeurs, les officiaux et tout le personnel du Tribunal apostolique, ainsi que MM. Les avocats et procureurs - sont pleinement conscientes de l'importance de la mission pastorale à laquelle ils participent , et heureux de s'en acquitter avec diligence et dévouement, à l'exemple de tant de juristes éminents et de prêtres, généreux qui ont mis au service de ce tribunal avec une admirable fidélité leurs dons d'intelligence et de coeur.

Je tiens à rappeler, en ce moment, le souvenir du cardinal Boleslav Filipiak, rappelé à la patrie céleste l'année dernière. Je veux aussi rendre hommage à l'exemple de dévouement et d'abnégation donné par le vénéré Mgr Charles LEFEBVRE, de la précieuse expérience duquel le Saint-Siège continue à bénéficier après le service qu'il a assuré à la Sainte Rote romaine jusqu'à ces derniers mois.
J'exprime aussi ma reconnaissance aux prélats auditeurs que des raisons de santé ont empêchés de poursuivre leur service.
A tous je dis ma vive gratitude et ma sincère estime, avec l'assurance de ma prière; que le Seigneur vous accompagne de son aide et que vous soutiennent mes encouragements et ma bénédiction.


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1980 Les procès en nullité de mariage

04/02/1980

LES PROCES EN NULLITE DE MARIAGE

Le 4 février , le Pape a reçu les membres du tribunal de la S. Rote romaine et il leur a adressé l'allocution suivante, en réponse aux paroles de présentation de leur doyen, Mgr Heinrich EWERS.

Le fait de vous voir, chers fils, autour de moi, réunis pour l'inauguration de la nouvelle année judiciaire est pour moi un motif de joie et de réconfort de même que le fait d'avoir écouté de votre très estimable doyen, Mgr Heinrich EWERS, la confirmation de vos sentiments de commune gratitude. Moi aussi, je vous remercie de tout coeur et je vous confirme les sentiments de bienveillance que j'ai déjà manifesté à chacun de vous dans la visite à laquelle Mgr le doyen a fait allusion.

1.- Le 8 décembre dernier, j'ai rendu public, comme vous le savez, mon message pour la célébration de la 13ème Journée mondiale de la paix, dont le contenu se résume dans ces mots: "la volonté, force de paix " (DC 1980 n81777 p. 1-4). Je voudrais en cette occasion, m'entretenir avec vous et développer un aspect particulier de ce même sujet qui a un rapport étroit avec votre ministère.
La vérité ne devient force de la paix que par l'intermédiaire de la justice. En parlant des temps messianiques, la Sainte Ecriture affirme, d'une part, que la justice est source et compagne de la paix: " En ses jours, la justice fleurira et la paix sera abondante " Ps 72,7 et souligne, d'autre part, plusieurs fois le lien qui associe la vérité et la justice: " la vérité germera de la terre et des cieux se penchera la justice " Ps 85,12 et encore: " Il jugera le monde avec justice et les peuples en sa vérité " Ps 96,13 En s'inspirant de ces textes et d'autres textes des livres sacrés, les théologiens et les canonistes, qu'ils soient du Moyen Age ou de l'époque moderne, arrivent à affirmer que la justice a un rapport de dépendance dans sa relation avec la vérité: " La vérité, affirme un célèbre axiome canonique, est la base, le fondement ou la mère de la justice " (A. Barbosa, De axiomatibus Iuris usufrequentioribus, Axiome 224, Veritas, n;5; in Tractatus varii , Lugduni, 1978, p. 136). Les théologiens se sont exprimés de façon identique avec en tête Saint Thomas I 21,2 dont Pie XII a synthétisé la pensée en affirmant avec vigueur que " la vérité est la loi de la justice " et puis en commentant: " Le monde a besoin de la vérité qui est justice et de cette justice qui est vérité ".1942

2.- Pour me référer au domaine qui est précisément le votre, dans tous les procès ecclésiastiques, la vérité doit toujours être, depuis le début jusqu'à la sentence, fondement, mère et loi de la justice. Comme l'objet principal de votre activité est " la nullité ou non du lien matrimonial " - comme vient de le dire Mgr le Doyen - il m'a semblé opportun de consacrer, dans notre rencontre, quelques réflexions au procès en nullité de mariage.
La fin immédiate de ces procès est de vérifier l'existence ou non des faits qui, de par la loi naturelle, divine ou ecclésiale, invalident le mariage de telle sorte qu'on puisse arriver à prononcer une sentence vraie et juste sur l'existence affirmée ou non du lien conjugal.
Le juge canonique doit pour cela établir si ce lien qui a été célébré a été un vrai mariage. Il est donc lié par la vérité qui cherche à comprendre dans l'engagement, avec humilité et charité.
Cette vérité " rendra libres " Jn 8,32 ceux qui s'adressent à l'Eglise, angoissés par les situations douloureuses et surtout par le doute au sujet de l'existence ou non de cette réalité dynamique qui implique toute la personnalité de deux êtres et qui est le lien matrimonial.
Pour limiter au maximum les marges d'erreur dans l'accomplissement d'un service aussi précieux et aussi délicat que celui que vous exercez, l'Eglise a élaboré une procédure qui, dans le but d'établir une vérité objective, assure d'une part les plus grandes garanties à la personne en faisant état de ses propres arguments et, d'autre part, respect de manière cohérente le commandement de Dieu: " Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas ". Mc 10,3

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Importance des actes de l'instruction.

3.- Tous les actes du jugement ecclésiastique, depuis le mémoire jusqu'aux écrits de défense, peuvent et doivent être source de vérité. Mais les " actes de la cause " et, parmi ceux-ci " les actes de l'instruction ", doivent l'être d'une manière spéciale car l'instruction a pour but spécifique de recueillir les preuves sur la vérité du fait affirmé afin que le juge puisse, sur cette base, prononcer une sentence juste.
Dans ce but et après l'assignation du juge, comparaissent, pour être interrogés, les parties, les témoins et éventuellement les experts. Le serment de dire la vérité, qui est demandé à toutes ces personnes, est en parfait cohérence avec la finalité de l'instruction.
Il ne s'agit pas de créer un événement qui n'a jamais existé mais de mettre en évidence et de faire valoir un fait qui s'est produit dans le passé et qui perdure peut-être encore dans le présent. Chacune de ces personnes dira certainement " sa vérité ", qui sera normalement la vérité objective ou une partie de cette vérité, souvent considérée de différents points de vue, colorée avec la teinte de son tempérament, peut-être avec quelques distorsions même mélangées d'erreur. Mais dans chaque cas, tous devront agir loyalement, sans trahir ni la vérité qu'ils croient objective ni leur propre conscience.

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De la certitude morale à la sentence.

4.- Alexandre II observait au 12ème siècle: " Il arrive souvent que les témoins corrompus par de l'argent, soient conduits à porter un faux témoignage ". (C. 10, X, De praesumptionibus, II, 23; ed. Richter-Freidberg, II, 355). Malheureusement, aujourd'hui non plus, les témoins ne sont pas immunisés contre la possibilité de prévariquer. C'est pour cela que Pie XII dans son allocution sur l'unité de la fin et de l'action dans les causes matrimoniales, exhortait non seulement les témoins, mais tous ceux qui participent au procès, à ne pas s'éloigner de la vérité: " Qu'il n'arrive jamais que dans les causes de mariage qui sont introduites devant les tribunaux ils se produise des tromperies , des parjures, des subornations ou des fraudes de quelque espèce que ce soit! " 1944 .
Mais si cela arrivait, les actes de l'instruction ne seraient certainement pas des sources claires de vérité qui pourraient porter les juges, malgré leur intégrité morale et leur effort loyal pour découvrir la vérité, à se tromper en prononçant la sentence.

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5.- Finie l'instruction, commence pour tous les juges qui devront définir la cause, la phase la plus importante et la plus délicate du procès. Chacun doit arriver, si possible à la certitude morale au sujet de la vérité ou de l'existence du fait parce que cette certitude est requise de manière indispensable pour que le juge puisse prononcer la sentence: d'abord dans son coeur, pour ainsi dire, puis en donnant son suffrage à l'assemblée du collège des juges.
Le juge doit tirer cette certitude " des actes et des preuves ".Tout d'abord " des actes ", car il doit présumer que les actes sont source de vérité. C'est pour cela que le juge, suivant la règle d'Innocent III, " doit tout examiner jusqu'à l'énoncé de la sentence " (c.10, X, De fide instrumentorum, II, 22; ed. Richter-Friedberg, II, 352), il doit scruter avec soin les actes, sans que rien ne lui échappe. Ensuite " des actes " parce que le juge ne peut se limiter à donner crédit aux seules affirmations; au contraire, il doit avoir présent que, pendant l'instruction, la vérité objective peut avoir été obscurcie par des ombres et cela pour des raisons diverses, comme l'oubli de quelques faits, leur interprétation subjective, la négligence et, quelquefois, le dol et la fraude. Il est nécessaire que le juge agisse avec un sens critique .. Tâche ardue car les erreurs peuvent être nombreuses tandis que la vérité, au contraire, est unique. Il faut donc chercher dans les actes les preuves des faits affirmés, procéder ensuite à la critique de chacune de ces preuves et la confronter avec les autres de telle manière que se trouve pris au sérieux le grave conseil de saint Grégoire le Grand: " Que l'on ne juge pas à la légère ce qui n'a pas été examiné à fond " (Moralium L.19, C .25, n.46. PL, vol. 76, col 126).
Pour faciliter ce travail délicat et important des juges, on prescrit les " memoriae " des avocats, les " animadversiones " du défenseur du lien, le vote éventuel du promoteur de justice. Ceux-ci également dans l'exercice de leur tâche, les premiers en faveur des parties, le second dans la défense du lien, le troisième in jure inquirendo (dans l'instruction du droit), doivent servir la vérité pour triomphe la justice.

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6.- Mais il faut avoir à l'esprit que le but de cette recherche n'est pas n'importe quelle connaissance de la vérité du fait, mais l'accès à la " certitude morale ", c'est-à-dire de cette connaissance sûre qui " s'appuie sur la constance des lois et des coutumes qui gouvernent la vie humaine " 1942 . Cette certitude morale garantit au juge d'avoir trouvé la vérité du fait à juger, c'est-à-dire la vérité qui est le fondement, la mère et la loi de la justice et lui donne l'assurance d'être - de ce point de vue - à même de prononcer une sentence juste. C'est précisément la raison pour laquelle la loi demande cette certitude au juge pour lui permettre de prononcer la sentence CIS 1869 Par.1.
En mettant à profit la doctrine et la jurisprudence qui se sont développés surtout dans les temps les plus récents, Pie XII a déclaré de manière authentique le concept canonique de certitude morale dans l'allocution qu'il a adressée à votre tribunal le 18 Octobre 1942 1942 . Voici les paroles qui concernent notre propos: " Entre la certitude absolue et la quasi-certitude ou probabilité, il y a, comme entre deux extrêmes, cette certitude morale dont on traite d'ordinaire dans les questions qui sont soumises à votre tribunal... Du point de vue positif, cette certitude morale est caractérisée par ce fait qu'elle exclut tout doute fondé et raisonnable et, qu'ainsi considérée, elle se distingue essentiellement de la quasi-certitude qui a été mentionnée. Ensuite, du point de vue négatif, elle laisse subsister la possibilité absolue du contraire et, en cela elle se distingue de la certitude absolue. La certitude dont nous parlons maintenant est nécessaire et suffisante pour prononcer une sentence ". 1942 .
Par conséquent, il n'est permis à aucun juge de prononcer une sentence en faveur de la nullité du mariage s'il n'a pas acquis d'abord la certitude morale de l'existence de cette même nullité. La probabilité seule ne suffit pas pour décider d'une cause. Ce qui a été dit sagement par les autres lois relatives au mariage vaudrait pour chaque fléchissement à cet égard: chaque relâchement a en soi un dynamique contraignante " pour laquelle, si on prend l'habitude, la voie est préparée à la tolérance du divorce dans l'Eglise, sous couvert d'un autre nom. (Lettre du Cardinal Préfet du Conseil pour les affaires publiques de l'Eglise au président de la conférence épiscopale des Etats unis, 20 Juin 1973).

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Les devoirs du juge.

7.- L'administration de la justice confiée au juge est un service envers la vérité et, en même temps, un exercice d'une fonction qui appartient à l'ordre public. En effet, c'est au juge qu'est confiée la loi " pour son application rationnelle et normale " 1974 .
Il faut donc que la partie demanderesse puisse invoquer en sa faveur une loi qui reconnaisse dans le fait allégué un motif suffisant, de par le droit naturel ou divin, positif ou canonique, pour invalider le mariage. A travers cette loi se fera le passage de la vérité du fait à la justice ou à la reconnaissance de ce qui est dû.
C'est pourquoi les devoirs du juge envers la loi sont graves et multiples. J'indique seulement le premier et le plus important qui, d'ailleurs porte avec lui tous les autres: la fidélité! Fidélité à la loi, à cette divine loi naturelle et positive, à cette loi canonique substantielle, basée sur la procédure.
8.- L'objectivité typique de la justice et du procès qui, dans la " recherche du fait " (quaestio facti), se concrétise dans l'adhésion à la vérité, se traduit, dans la " recherche du droit " (quaestio juris), dans la fidélité. Comme il est clair, ce sont des concepts qui ont une grande affinité entre eux. La fidélité du juge à la loi doit le porter à s'identifier à elle de sorte que l'on peut dire avec raison, comme l'écrivait Cicéron, que le juge est la loi elle même qui parle (" magistratum legem esse loquentem " De legibus L.3, n.1,2; ed. de l'association G. Budé, Paris 1959, p.82). Ensuite, cette même fidélité poussera le juge à acquérir cet ensemble de qualité dont il a besoin pour accomplir ses autres devoirs à l'égard de la loi: la sagesse pour la comprendre, la science pour l'expliquer, le zèle pour la défendre, la prudence pour l'interpréter, dans son esprit, au delà de " l'enveloppe nu des mots ", une pondération et une équité chrétienne pour l'appliquer.
C'est pour moi un motif de réconfort d'avoir pu constater combien grande avait été votre fidélité à la loi de l'Eglise au milieu des circonstances difficiles des dernières années, quand les valeurs de la vie conjugale, justement mises dans un relief particulier par le Concile Vatican II, et le progrès des sciences humaines, en particulier de la psychologie et de la psychiatrie, ont fait affluer à votre tribunal de nouveaux cas et de nouvelles problématiques des causes matrimoniales, qui n'étaient pas toujours correctes. Votre mérite a été, après un sérieux et délicat approfondissement de la doctrine conciliaire et des doctrines mentionnées ci-dessus, d'élaborer des " questions de droit " (quaestiones juris) où vous avez accompli remarquablement vos devoirs envers la loi, en séparant le vrai du faux, en faisant la lumière là où il y avait de la confusion comme, par exemple, en reconduisant beaucoup de cas qui étaient présentés comme nouveaux, au point fondamental de l'absence de consentement. Vous avez ainsi également confirmé a contrario le splendide magistère de mon prédécesseur, le Pape Paul VI, de vénérée mémoire, sur le consentement comme essence du mariage 1976 .

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Fidélité des juges à la loi.

9.- Cette fidélité vous permettra à vous aussi les juges, de donner aux questions qui vous seront soumises, une réponse claire et respectueuse - comme l'exige votre service de la vérité: si le mariage est nul et déclaré tel, les deux parties sont libres dans le sens où l'on reconnaît qu'elles n'ont jamais été liées en réalité; si le mariage est valide et déclaré tel, on constate que les conjoints ont célébré un mariage qui les engage pour toute la vie et qui leur a conféré la grâce spécifique pour réaliser leur destin dans leur union, instaurée dans la pleine responsabilité et dans la pleine liberté.
Le mariage un et indissoluble comme réalité humaine, n'est pas quelque chose de mécanique et de statique. Sa bonne réussite dépend de la libre coopération des conjoints avec la grâce de Dieu, de leur réponse à son dessein d'amour. Si, à cause de leur manque de coopération à cette grâce divine, l'union était demeurée privée de ses fruits, les conjoints peuvent et doivent faire revenir la grâce de Dieu qui leur est assurée par le sacrement, revivifier leur engagement à vivre un amour qui n'est pas seulement d'affection et d'émotions, mais aussi et surtout de consécration réciproque, libre, volontaire, totale, irrévocable.
C'est cette contribution qui vous est demandée à vous, juges, pour le service de cette réalité humaine et surnaturelle, si importante, mais aujourd'hui aussi si menacée, qu'est la famille.
Je prie pour vous pour que Jésus Christ, soleil de vérité et de justice, soit toujours avec vus, pour que les décisions de votre tribunal reflètent toujours cette justice supérieure et cette vérité qui émane de vous. C'est le souhait le plus cordial que je vous fais en cette inauguration de la nouvelle année judiciaire et je l'accompagne de ma bénédiction apostolique.


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1980 Congrès D.C.- La communion fondement du droit canon


13/10/1980

Discours aux participants du Congrès international de Droit Canon

Le 13 octobre, le Saint Père a reçu en audience un groupe nombreux de participants au IVeme Congrès international de droit canon qui s'est déroulé du 5 au 11 octobre à Fribourg en Suisse. Ce Congrès auquel participaient 400 personnes, avait pour thème: "Les droits fondamentaux du chrétien dans l'Eglise et dans la la société". Voici le discours que le Pape a prononcé à cette occasion.

Chers Fils et Vénérés Maîtres et vous tous qui vous vous adonnez à l'étude du droit canon,

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1. Je vous salue de tout coeur, vous qui venez de suivre, en Suisse, le quatrième Congrès international de droit canon et qui, dans votre amour et votre obéissance à l'égard du Successeur de Pierre, avez fait ce long trajet jusqu'à Rome pour recueillir en personne mes paroles et mon enseignement.

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2. Les Congrès internationaux sur le droit ecclésiastique ont été autant de témoins et de preuves de votre zèle persévérant. Ces Congrès sont d'une grande utilité pour l'Eglise; je vous en félicite! Vous vous êtes réunis à Rome en 1968 et à nouveau en 1970 , puis à Milan en 1973 , enfin à Pampelune en 1976, et en 1977 ici à Rome . Notre grand prédécesseur, PAUL VI, a voulu souvent contempler avec vous le mystère de l'Eglise, ainsi que la place et la fonction du droit dans ce mystère. Il revenait sans cesse sur l'importance du renouveau du droit canon; et il expliquait l'esprit selon lequel il fallait chercher ce renouveau. De plus, il était en faveur d'une plus grande collaboration entre les disciplines sacrées (Communicationes 5 1973 123-124) et, à la suite des résolutions du Concile Vatican II, il affirmait la nécessité d'une véritable théologie du droit canon (Communicationes 5 1973 130-131). Je désire donc, moi aussi, poursuivre cette oeuvre commune; je désire affirmer de nouveau le grand prix de ce magistère; je désire également continuer dans cette même voie pour vous, à vos côtés et avec vous.

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3. Dans son explication des doctrines ecclésiales, parmi lesquelles il situait le droit de l'Eglise, PAUL VI concevait le droit comme une communion, une oeuvre de l'Esprit et le droit de la charité . Vous avez suivi ces enseignements dans le choix du thème de votre Congrès de Fribourg. Très souvent, PAUL VI a eu l'occasion de mettre en lumière l'importance fondamentale des droits de l'homme et, à cette lumière, il a situé les principaux droits du chrétien; c'est de là, après le Concile, que devait suivre l'élaboration du nouveau Code de droit de l'Eglise (AAS 69 1977, 149).

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4. Il est à peine nécessaire de vous dire que votre Congrès a suscité de ma part un grand intérêt et une grande réflexion. En effet, y a-t-il vraiment quelque chose qui soit d'un plus grand intérêt que de mieux définir les droits fondamentaux des chrétiens pour que ces droits puissent être mieux respectés? Qu'y a-t-il de plus utile pour notre temps que le respect et la protection des droits de l'homme?
Dans ce domaine, l'Eglise a une tâche de premier plan à remplir. C'est en effet précisément dans son mystère de communion que l'Eglise doit comprendre l'homme et circonscrire très soigneusement ses droits principaux, car ils expriment sa nature et protègent certainement sa dignité. Ainsi donc, le sujet de votre Congrès de Fribourg répond aux plus grands soucis de l'Eglise et, en même temps, aux plus grands désirs de nos contemporains (Discours du 6.0.1979).

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La recherche de la communion ecclésiale

5. Oui, vraiment, il est une tâche que l'Eglise, du fait de sa nature même, doit toujours mieux remplir: la communion. Or, l'Eglise réalise cette communion quand elle reconnaît la dignité de la personne humaine dans la liberté que postule son origine divine et sa vocation éternelle.
Car enfin, si le monde désire sa libération, cette libération se trouve dans le Christ! Le Christ vit dans l'Eglise. Par conséquent, la véritable libération de l'homme s'accomplit dans l'expérience de la communion ecclésiale (Cf. discours du 31.3.1979; Homélie du Bourget 1.6.1980).
Cette communion ecclésiale est "une communion intime et toujours renouvelée avec l'origine même de la vie qui est la très sainte Trinité: c'est-à-dire la communion de vie, d'amour et d'imitation à la suite du Christ lui-même. Oui, c'est lui le rédempteur de l'homme qui nous fait pénétrer intimement en Dieu" (Discours du 31.5.1980).
Et "Dieu est la mesure de l'homme! C'est pourquoi l'homme doit revenir à cette source et à cette mesure unique qu'est le Dieu incarné, Jésus-Christ. L'homme doit constamment se référer à lui s'il veut exister et s'il désire que le monde soit humain" (Discours du 31.5.1980).
Puisque la dignité de l'homme doit être vue dans le Christ, comme elle l'est dans le Christ total qui est l'Eglise, il faut que la nature du droit canon soit reconnue comme son articulation nécessaire et comme le premier droit de ses membres (AAS 65 1973 102-103).

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6. L'ordre ecclésial bien compris est au for externe l'ordre juridique. Cet ordre vise à instaurer la paix dans la communion: pour y parvenir, cette paix sera la charité (AAS 69 1977 148). Car personne ne peut s'écarter de cette ligne: le droit n'est pas opposé à la charité. Au contraire, la charité postule d'exprimer le droit et elle met ses nécessaires exigences à l'abri dans ce domaine. Ces exigences à leur tour seront beaucoup mieux comprises si elles sont selon l'esprit de Dieu et selon les exigences fondamentales de son amour et également selon les structures vivantes de son Eglise. C'est - si je puis m'exprimer ainsi - comme le prolongement de l'incarnation du Verbe LG 8 a, qui s'est fait homme pour sauver les hommes et les ramener à son Père comme des fils adoptifs, libérés pour participer à la liberté et à la gloire des fils de Dieu Rm 8,19-21. En Jésus-Christ et par lui se réalisent son corps mystique et la sainte communion qui est l'Eglise Col 1,15-20.

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Le droit du chrétien

7. Dans cette communion, qui est aussi hiérarchie, nous devons considérer l'homme baptisé. Chaque chrétien y trouve sa place, son ordre et sa fonction. Cette communion est l'oeuvre de l'Esprit qui maintient sa solidité par le sacerdoce des évêques qui, en raison de la succession apostolique, enseignent, dirigent et sanctifient le Peuple de Dieu et le gardent dans l'unité de la foi et dans la charité. Leur communion sacerdotale est elle-même ministérielle; elle sert la communion ecclésiale et protège sa cohésion autour de Pierre qui, comme centre, préside à la charité de cette unité.

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8. Ces principes constituent le fondement du droit de l'Eglise et ils réalisent ainsi la véritable théologie du droit. En outre, ils éclairent et renforcent la dignité de l'homme et ses principaux droits. L'Eglise a toujours protégé ces droits; elle a institué des peines canoniques contre ceux qui attentent à la vie et qui agissent contre la dignité de l'homme, qui nuisent à sa réputation ou le privent de sa liberté CIS 2352-2355 CIS 2350 Par. 1. De même, elle n'a jamais cessé de prêcher aux particuliers et aux autorités publiques leur tâche de respecter et de promouvoir les droits de la personne humaine. L'Eglise a favorisé l'ordre entre les nations; elle a affirmé le droit à la liberté de toutes les nations; elle a exhorté à la fidélité aux accords établis; elle a conseillé l'institution d'une autorité en quelque sorte universelle qui puisse procurer la communauté des hommes et la paix du monde par le respect de ces mêmes droits (Message radiophonique de Noël 1944, AAS 1945; encycl. Summi pontificatus AAS 31 1939; Discours au congrès des juristes cath. AAS 45 1953; Discours pour la constitution de l'union européenne, AAS 49 1957).

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9. La tâche de l'Eglise est de sauver les hommes. Elle doit donc s'employer à connaître toujours mieux les droits fondamentaux de l'homme et à favoriser leur respect et leur mise en acte; je veux parler des droits de la famille, des groupes sociaux, des communautés religieuses (Disc. du 6.10.1979). Il faut donc que ces droits soient reconnus par la société civile et qu'ils soient protégés par les Etats eux- mêmes. Tous les chrétiens doivent accomplir ces droits en vivant sous la lumière du Christ. En ce temps de l'histoire tous les chrétiens ont le grave et urgent devoir de s'employer à ce que ces droits soient affirmés et respectés dans les moeurs et dans les lois publiques. C'est de là que découle votre tâche propre de laïcs chrétiens et d'experts en droit: faire en sorte que votre fonction particulière de sagesse, d'érudition technique et d'amour de l'homme s'accomplisse pour que les règles juridiques de la cité terrestre manifestent et expriment pleinement la loi de la sagesse divine qui est inscrite dans le coeur des hommes et que les lois qui violent les droits fondamentaux et qui doivent, de ce fait, être répudiées en vertu de la morale, soient transformées en normes qui respectent de nouveau ces mêmes droits: le droit à la vie, de la conception jusqu'à sa fin naturelle, le droit à la dignité, à l'intégrité et à la liberté (Discours prononcé à Aquila le 31 août 1980). Et il a été très opportun que vous examiniez toutes ces questions et ces droits dans un esprit oecuménique.

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10. En ce qui concerne les droits élémentaires des chrétiens, leur définition comporte un travail assez ardu. Cette tâche, inaugurée avec grande difficulté par le Concile Vatican II, doit absolument être poursuivie. Le droit rénové de l'Eglise pourvoiera certainement, pour sa part, à ce que ces droits soient sauvegardés et à ce qu'ils soient réalisés en action de vie. Ceci est d'autant plus nécessaire que ces droits des chrétiens postulent les droits élémentaires de l'homme comme leur fondement. D'ailleurs, ces droits principaux des hommes ont été non seulement solennellement prononcés dans une déclarations des Nations Unies, mais ils ont été définis plus tard par d'autres assemblées (Message à l'assemblée des Nations Unies du 2.12.1978). Parmi ces déclarations, il faut rappeler la déclaration des droits de l'enfant et de l'enfant à naître. Il faut donc que tous ces droits soient mieux compris, plus profondément examinés et estimés. Cependant, hélas! rien n'est plus éloigné que leur respect universel (Message à l'ONU 2.12.1978; Disc. prononcé à l'ouverture de la 3° conférence de l'épiscopat d'Amérique latine AAS 71;Disc 14.12.1979) RH 17. Le droit canon ne peut pas non plus négliger ces droits; bien plus, le droit de l'Eglise aidera à leur application et ainsi il pourra les promouvoir et les ennoblir.

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Les relations entre l'Eglise et l'Etat

11. Si, en d'autres temps, certains ont préconisé la séparation absolue de l'Eglise et de l'Etat - ces institutions, certes, ont leur autorité propre et leur pouvoir propre - ceci ne peut entraîner une coupure entre la communion ecclésiale et la communauté des hommes.
On a dit avec raison que les problèmes universels, qui se posent aujourd'hui aux hommes, ne peuvent absolument pas être résolus par la seule raison ou par la seule action des institutions uniquement humaines. On sent de plus en plus que la destinée future de l'homme dépasse désormais l'ordre politique et qu'ensuite il court le risque d'être opprimé par la matière et par la technique et que finalement toutes ces questions touchent nécessairement au monde spirituel. Cette opinion renouvelle ce que j'ai récemment déclaré à Paris: "L'homme est la mesure des choses et des réalisations dans le monde de la création; mais Dieu est la mesure de l'homme lui- même." (Disc du 31.5.1980)

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12. Voilà donc pourquoi - je l'ai déclaré l'année dernière à Washington - ma fonction me pousse à témoigner de la vraie grandeur de l'homme dans la totalité de sa vie et de son existence. Cette suprématie de l'homme découle de l'amour de Dieu qui nous a créés à son image et qui nous a fait don de la vie éternelle (Disc du 6.10.1979).

Chers Fils: vos travaux et vos efforts et, maintenant, votre Congrès de Fribourg vous ont étroitement liés à ma mission. Je vous exhorte à poursuivre votre oeuvre d'aide à l'égard de la société avec joie et courage! Le droit de l'Eglise peut et doit pénétrer et entraîner le droit des hommes. Dans votre recherche sur les droits fondamentaux des chrétiens, vous faites que les droits élémentaires de l'homme soient mieux connus et plus pleinement respectés; selon l'Esprit de Dieu, vous faites grandir de plus en plus la compréhension et la protection de la véritable dignité de la personne humaine!

Ce sont mes meilleurs voeux et souhaits à votre endroit.
Que le Seigneur lui-même soutienne votre action et que la bénédiction apostolique que vous m'avez demandée avec confiance vous aide et vous réconforte toujours.


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A la Rote 1939-2009 7810