A la Rote 1939-2009 9900

1999 nature du mariage en Droit

21/1/1999

LA NATURE DU MARIAGE SELON LA LOI NATURELLE ET LE DROIT DE L'EGLISE.


1. L'inauguration solennelle de l'activité judiciaire du tribunal de la Rote romaine me donne la joie de recevoir ceux qui le composent, pour leur exprimer la considération et la gratitude avec lesquelles le Saint-Siège suit et encourage leur travail.
Je salue et remercie Monseigneur le Doyen, qui a dignement interprété les sentiments de tous ceux qui sont ici présents: il a su exprimer avec passion et profondeur les intentions pastorales qui inspirent votre travail de chaque jour.
Je salue le Collège des prélats Auditeurs, en service ou émérites, les Officiers majeurs et mineurs du tribunal, les avocats près la Rote et les élèves du Studio rotale venus avec leurs proches. A tous, mes souhaits cordiaux pour l'année qui vient de commencer.

2. Monseigneur le Doyen a largement traité de la signification pastorale de votre travail et a montré sa grande importance dans la vie quotidienne de l'Eglise. Je partage ce point de vue et je vous encourage à conserver cette perspective dans toutes. vos interventions: elle vous met en pleine harmonie avec la finalité suprême de l'Eglise CIC 1742 Une autre fois, déjà, j'ai eu l'occasion de souligner cet aspect de votre fonction judiciaire, en me référant particulièrement aux questions concernant les procès 1996 . Aujourd'hui encore, je vous exhorte à faire prévaloir, dans la solution des cas, la recherche de la vérité, en ne faisant usage des formalités juridiques que comme d'un moyen pour parvenir à cette fin.
Le sujet sur lequel je voudrais m'arrêter au cours de cette rencontre est l'analyse de la nature du mariage et de ses connotations essentielles, à la lumière de la loi naturelle.
On connaît l'apport de la jurisprudence de votre tribunal à la connaissance de l'institution matrimoniale; elle donne un point de référence doctrinal très solide aux autres tribunaux ecclésiastiques 1981 1984 . . Cela a permis de cerner toujours mieux le contenu essentiel du mariage à partir d'une connaissance de l'homme plus adéquate.
Cependant, à l'horizon du monde contemporain, se fait jour une dégradation diffuse du sens naturel et religieux du mariage, avec des répercussions préoccupantes aussi bien dans le domaine personnel que public. Comme nous le savons tous, on met aujourd'hui en discussion non seulement les propriétés et les finalités du mariage; mais la valeur et l'utilité même de l'institution. Tout en concluant des généralisations indues, il n'est pas possible d'ignorer, à cet égard, le phénomène croissant des simples unions de fait FC 81 et les insistantes campagnes d'opinion qui visent à ce que l'on accorde la dignité conjugale à des unions même entre des personnes de même sexe.
Je n'ai pas l'intention, en un lieu comme celui-ci, où ce qui l'emporte est l'intention de corriger et de " racheter " des situations douloureuses et souvent dramatiques, d'insister dans le blâme et la condamnation (de ces prétentions). Je veux plutôt rappeler, non seulement à ceux qui font partie de l'Eglise du Christ Seigneur, mais aussi à toutes les personnes soucieuses du véritable progrès humain, la gravité et le caractère irremplaçable de certains principes qui sont au fondement de la convivialité humaine et, plus encore, à la base de la sauvegarde de la dignité de toute personne.

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Les exigences de l'amour conjugal.

3.- Le cour, l'élément principal de ces principes, est le concept authentique d'amour conjugal entre deux personnes d'égale dignité, mais distinctes et complémentaires dans leur sexualité
A l'évidence, cette affirmation doit être comprise correctement, sans tomber dans une équivoque facile où, l'on confond parfois un vague sentiment ou même un fort attrait psycho-physique avec l'amour effectif de l'autre, amour qui repose sur un sincère désir de son bien et qui se traduit par un engagement concret afin de le réaliser. Telle est la claire doctrine qu'a exprimée le Concile Vatican II GS 49. C'est par ailleurs une des raisons pour lesquelles les deux Codes de droit canonique que j'ai promulgués, le Code latin et le Code oriental, ont déclaré, et indiqué que le bonum coniugum (le bien des conjoints) était lui aussi une finalité naturelle du mariage CIC 1055 Par. 1 CIO 776 Par. 1. Le simple sentiment est lié aux changements de l'âme humaine; et le seul attrait réciproque qui, souvent, vient surtout de poussées irrationnelles et parfois aberrantes, ne peut avoir de stabilité et est donc facilement, sinon fatalement, exposé à s'éteindre.
L'amor coniugalis (l'amour conjugal) n'est donc pas Seulement ni surtout un sentiment; au contraire, il est Essentiellement un engagement envers l'autre personne, un engagement pris par un acte précis de volonté. C'est cela qui qualifie cet amor en le rendant coniugalis. Une fois que l'engagement est donné et accepté par l'intermédiaire du consentement, l'amour devient conjugal et ne perd jamais ce caractère. Ce qui est ici en jeu, c'est la fidélité de l'amour, qui s'enracine dans l'obligation librement assumée. Mon prédécesseur, le Pape Paul VI, a affirmé de manière concise lors d'une rencontre avec la Rote, en 1976: " Ex ultroneo affectus sensu, amor fit officium devinciens " (De sentiment spontané, l'amour se transforme en devoir qui engage") 1976 .
Déjà, devant la culture juridique de la Rome ancienne, les auteurs chrétiens se sentirent poussés par l'enseignement évangélique à dépasser le principe bien connu selon lequel le lien conjugal existe pour autant que perdure l'affectus maritalis. A cette conception, qui contenait en elle le germe du divorce, ils opposèrent la vision chrétienne qui ramenait le mariage à ses origines d'unité et d'indissolubilité.

4. Ici, apparaît parfois une équivoque: le mariage est identifié ou au moins confondu avec le rite formel et extérieur qui l'accompagne. Certes, la forme juridique du mariage représente une conquête de la civilisation, car elle lui confère importance et aussi efficacité devant la société qui, en conséquence, lui accorde sa protection. Mais, à vous, juristes, le principe selon lequel le mariage consiste essentiellement, nécessairement et uniquement dans le consentement mutuel qu'expriment ceux qui vont se marier, ne vous échappe pas, Ce consentement n'est autre que la prise d'un engagement, consciente et responsable, au moyen d'un acte juridique par lequel, dans la donation réciproque les époux se promettent un amour total et définitif. Ils sont libres de célébrer leur mariage, après s'être mutuellement choisis d'une manière également libre, mais, au moment où ils posent cet acte, ils instaurent un statut personnel où 1'amour devient quelque chose qui est dû, et qui a également dès conséquences de caractère juridique.
Votre expérience judiciaire vous fait toucher du doigt combien ces principes sont enracinés dans la réalité existentielle de la personne humaine. En définitive, la simulation du consentement, pour ne prendre qu'un exemple, n'a d'autre signification que celle de donner au rite matrimonial une valeur purement extérieure, sans que corresponde au rite la volonté d'un don réciproque d'amour, ou d'amour exclusif, ou d'amour indissoluble, ou d'amour fécond Comment s'étonner qu'un tel mariage soit voué au naufrage? Lorsque ont disparu le sentiment ou l'attrait, il apparaît privé de tout élément de cohésion interne. Il manque, en effet, cet élément oblatif réciproque qui seul, pourrait assurer sa durée.
Quelque chose de semblable se passe aussi dans les cas où, par tromperie quelqu'un a été amené à contracter mariage, ou bien quand une grave contrainte extérieure a ôté la liberté qui est le présupposé de tout don volontaire d'amour.

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L'impossibilité de véritables unions entre personnes du même sexe

5. A la lumière de ces principes, on peut établir et comprendre la différence essentielle qui existe entre une pure union de fait - même si elle prétend être enracinée dans l'amour - et le mariage, où l'amour se traduit par un engagement non seulement moral mais rigoureusement juridique. Le lien, assumé réciproquement, développe en retour efficacité et force à l'égard de l'amour dont il naît; il favorise sa persistance au bénéfice du conjoint, des enfants et de la société elle-même.
C'est à la lumière des principes que je viens de mentionner que se révèle toute l'incongruité de la prétention d'attribuer une réalité " conjugale " à l'union entre personnes du même sexe. En tout premier lieu, s'y oppose l'impossibilité objective de faire fructifier cette association par la transmission de la vie, selon le projet inscrit par Dieu dans la structure même de l'être humain. En outre, un autre obstacle se trouve dans l'absence des conditions nécessaires à cette complémentarité interpersonnelle que le Créateur a voulue, tant sur le plan physique et biologique qu'au plan éminemment psychologique, entre l'homme et la femme. Ce n'est qu'entre deux personnes sexuellement différentes que peut se réaliser le perfectionnement de l'individu, dans une synthèse d'unité et de complément mutuel psycho-physique. Dans cette perspective, l'amour n'est pas une fin en lui-même et ne se réduit pas à la rencontre corporelle entre deux êtres, mais il est une relation interpersonnelle profonde qui parvient à son couronnement dans le don réciproque plénier et la coopération avec Dieu Créateur, source ultime de toute nouvelle existence humaine.

6. Comme on le sait, ces déviances par rapport à la loi naturelle, inscrite par Dieu dans la nature de la personne, voudraient trouver leur justification dans la liberté, qui est une prérogative de l'être humain. En réalité, il s'agit d'une justification qui cache son véritable motif. Tout croyant sait que la liberté est - comme le dit Dante - " le plus grand don que Dieu, dans sa largesse, nous a fait en nous créant, et le plus conforme à sa bonté " (Paradis, 5, 19-21), mais que c'est un don qui doit être bien compris pour ne pas se transformer en une occasion de chute pour la dignité humaine. Concevoir la liberté comme une permission morale ou même juridique d'enfreindre la loi, c'est travestir sa vraie nature. Celle- ci, en effet, consiste en la possibilité qu'a l'être humain de se conformer de manière responsable, c'est-à-dire par un choix personnel, à la volonté divine exprimée dans la loi, pour devenir ainsi toujours plus semblable à son Créateur Gn 1,26
J'écrivais déjà dans mon Encyclique Veritatis splendor: " Assurément, l'homme est libre du fait qu'il peut comprendre, et recevoir les commandements de Dieu. Et il jouit d'une liberté très considérable, puisqu'il peut manger " de tous les arbres du jardin ". Mais cette liberté n'est pas illimitée elle doit s'arrêter devant "l'arbre de la connaissance du bien et du mal ", car elle est appelée à accepter la loi morale que Dieu donne à l'homme. En réalité, c'est dans cette acceptation que la liberté humaine trouve sa réalisation plénière et véritable. Dieu, qui seul est bon, connaît parfaitement ce est bon pour l'homme en vertu de son amour même, il le lui propose dans ses commandements " VS 35

La rubrique quotidienne des faits divers apporte malheureusement d'amples confirmations quant aux misérables fruits que de telles aberrations par rapport à la norme divino- naturelle finissent par produire. Il semble que se renouvelle de nos jours la situation dont l'apôtre Paul parle, dans sa Lettre aux Romains: " Comme ils n'ont 'pas jugé bon de garder la vraie connaissance, de Dieu, Dieu les a livrés à une façon de penser dépourvue de jugement. Ils font ce qu'ils ne devraient pas" Rm 1,28.

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7. La référence inévitable aux problèmes du moment présent ne doit pas nous conduire au découragement ni à la résignation. Elle doit au contraire nous stimuler à un engagement plus décisif et plus ciblé. L'Eglise et, en conséquence, la loi canonique reconnaissent à tout homme la faculté de contracter mariage CIC 1058 CIO 778: une faculté, cependant qui ne peut être exercée que par ceux "qui iure non prohibentur", (qui n'en sont pas empêchés par le droit). Ceux-là sont, en premier lieu, ceux qui ont une maturité psychique suffisante quant à sa double composante: intelligence et volonté, en même temps que la capacité d'accomplir les devoirs essentiels de l'institution matrimoniale CIC 1095 CIO 818. A cet égard, je' ne peux pas ne pas rappeler, une fois encore, ce que j'ai dit, précisément devant ce tribunal, dans mes discours de 1987 et 1988 1987 1988 : un élargissement indu de ces exigences personnelles, reconnues par la loi de l'Eglise, finirait par infliger une très grave blessure à ce droit au mariage qui est inaliénable et échappe à quelque pouvoir humain que ce soit.
Je ne m'arrête pas ici sur d'autres conditions posées par la législation canonique pour que le consentement matrimonial soit valable. Je me limite à souligner la grave responsabilité qui incombe aux Pasteurs de l'Eglise de Dieu de veiller à ce que les futurs époux reçoivent une préparation adéquate et sérieuse: en effet, c'est seulement ainsi que l'on peut susciter chez ceux qui s'apprêtent à célébrer leur mariage les conditions intellectuelles, morales et spirituelles, nécessaires pour prendre conscience de la réalité naturelle et sacramentelle du mariage.
Bien chers Prélats et Officiers, je confie ces réflexions à votre esprit et à votre coeur, en connaissant bien l'esprit de fidélité qui anime votre travail, par lequel vous voulez mettre pleinement en oeuvre les normes de l'Eglise, dans la recherche du vrai bien du Peuple de Dieu.
Pour conforter votre travail, je vous accorde affectueusement, à vous tous qui êtes ici présents, ainsi qu'à tous ceux qui sont liés de quelque manière au tribunal de la Rote, ma bénéiction apostolique.


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2000 Caractère définitif du lien conjugal

21/1/2000

L'Eglise ne peut que réaffirmer "la joyeuse annonce du caractère définitif du lien conjugal"

MONSEIGNEUR LE DOYEN, ILLUSTRES PRELATS AUDITEURS ET OFFICIERS DE LA ROTE ROMAINE!

1 - Chaque année, l'inauguration solennelle de l'activité judiciaire du Tribunal de la Rote romaine me donne l'occasion appréciée de vous rencontrer tous personnellement, vous qui constituez le Collège des Prélats auditeurs, des Officiers et des Avocats défenseurs près ce Tribunal. Elle me fournit par ailleurs l'occasion de vous renouveler l'expression de mon estime et de vous manifester ma vive reconnaissance pour le travail précieux que vous accomplissez généreusement et avec grande compétence au nom et par mandat du Siège apostolique.
Je vous salue tous avec affection, adressant un salut particulier à votre nouveau Doyen, que je remercie pour l'hommage fervent qu'il vient de m'adresser en son nom personnel et en celui de tout le Tribunal de la Rote romaine. Je voudrais, en même temps, adresser une pensée de gratitude et de remerciement à l'archevêque Mgr Mario Francesco Pompedda, récemment nommé Préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, pour le long service qu'il a accompli avec un généreux dévouement, une préparation et une compétence singulières, près votre Tribunal.

0011
Les Incidences possibles d'une mentalité favorable au divorce

2 - Ce matin, comme sollicité par les paroles de Mgr le Doyen, je voudrais réfléchir avec vous quelque temps sur les éventuelles conséquences juridiques, en ce qui concerne une possible déclaration de nullité de mariage, qui peuvent naître d'une mentalité largement répandue, favorable au divorce, et sur la doctrine de l'indissolubilité absolue du mariage conclu et consommé, ainsi que sur la limite du pouvoir du Souverain Pontife à l'égard de ce mariage.
Dans mon Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée le 22.11.1981,
FC 1 j'ai mis en lumière tant les aspects positifs de la nouvelle réalité familiale, comme par exemple la conscience plus vive de la liberté personnelle, l'attention plus grande portée aux relations interpersonnelles dans le mariage et à la promotion de la dignité de la femme, que les aspects négatifs liés à la dégradation de certaines valeurs fondamentales et à la "conception erronée, en théorie et dans la pratique, de l'indépendance des conjoints l'un par rapport à l'autre", soulignant leur incidence sur "le nombre croissant des divorces" FC 6.
A la racine de ces phénomènes négatifs dénoncés, ai-je écrit, "il y a souvent une corruption du concept et de l'expérience de la liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste" FC 6. Aussi ai-je souligné le "devoir fondamental" de l'Eglise de "réaffirmer avec force, comme l'ont fait les Pères du Synode, la doctrine de l'indissolubilité du mariage" FC 20, dans le but, également, de dissiper les ombres que - en ce qui concerne la valeur de l'indissolubilité du lien conjugal - semblent jeter quelques opinions qui se sont fait jour dans le cadre de la recherche théologico-canonique. Il s'agit de thèses favorables à la suppression de l'incompatibilité absolue entre un mariage conclu et consommé CIC 1061 Par. 1 et le nouveau mariage d'un des conjoints, du vivant de l'autre.

3 - Dans sa fidélité au Christ, l'Eglise ne peut pas ne pas réaffirmer avec fermeté "la joyeuse annonce du caractère définitif de cet amour conjugal, qui a en Jésus son fondement et sa force Ep 5,25" FC 20, à tous ceux qui, à notre époque, estiment qu'il est difficile ou même impossible de se lier à une personne pour toute la vie, et à tous ceux qui se retrouvent, malheureusement, entraînés par une culture qui refuse l'indissolubilité matrimoniale et qui se moque ouvertement de l'engagement des époux à la fidélité.
En effet, "enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l'indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa Révélation: c'est lui qui veut et qui donne l'indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Eglise" FC 20.
La "joyeuse annonce du caractère définitif du lien conjugal" n'est pas une vague abstraction ou une belle phrase qui reflète le désir commun de ceux qui se décident à contracter mariage. Cette annonce s'enracine plutôt dans la nouveauté chrétienne qui fait du mariage un sacrement. Les époux chrétiens, qui ont reçu "le don du sacrement", sont appelés avec la grâce de Dieu à rendre témoignage à "la sainte volonté du Seigneur: "Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit point le séparer" Mt 19,6 ", c'est-à-dire à "témoigner de la valeur inestimable de l'indissolubilité du mariage" FC 20 Pour ces raisons - affirme le Catéchisme de l'Eglise catholique - "l'Eglise maintient, par fidélité à la parole de Jésus-Christ Mc 10,11-12 .. qu'elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le premier mariage l'était" CEC 1650.

0012
Les conditions de la reconnaissance de la nullité d'un mariage

4 - Certes, "l'Eglise peut, après examen de la situation par le tribunal ecclésiastique compétent, déclarer la "nullité du mariage", c'est-à-dire que le mariage n'a jamais existé. Dans ce cas, les contractants sont libres de se marier, quitte à respecter les obligations naturelles qui découlent d'une union antérieure "
CEC 1629. Les déclarations de nullité pour les motifs déterminés par les normes canoniques, spécialement le manque de consentement matrimonial et les vices qui peuvent l'affecter CIC 1095-1107 ne peuvent cependant pas être en contradiction avec le principe de l'indissolubilité.
Il est indéniable que la mentalité courante de la société dans laquelle nous vivons a des difficultés à accepter l'indissolubilité du lien matrimonial et le concept lui-même de mariage comme "foedus, quo vir et mulier inter se totius vitae consortium constituant" (alliance matrimoniale par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie") CIC 1055 Par. 1, dont les propriétés essentielles sont "unitas et indissolubilitas, quae in matrimonio christiano ratione sacramenti peculiarem obtinent firmitatem" ("l'unité et l'indissolubilité qui, dans le mariage chrétien, en raison du sacrement, acquièrent une solidité particulière") CIC 1056. Mais cette difficulté réelle n'équivaut pas "sic et simpliciter" ("en elle-même et tout simplement") à un refus concret du mariage chrétien ou de ses propriétés essentielles. Elle ne justifie absolument pas la présomption, malheureusement parfois formulée par certains 'Tribunaux, que l'intention principale des contractants, dans une société sécularisée et traversée par de forts courants en faveur du divorce, est de vouloir un mariage qui peut être dissous, au point que l'on exigerait plutôt la preuve de l'existence d'un vrai consentement.
Pour affirmer l'exclusion d'une propriété essentielle ou la négation d'une finalité essentielle du mariage, la tradition canonique et la jurisprudence rotale ont toujours exigé que celles-ci soient produites par un acte positif de la volonté, qui dépasse une volonté habituelle et générale, une velléité d'interprétation, une opinion erronée sur le bien, en certains cas, du divorce, ou la simple intention de ne pas respecter les engagements qui ont été réellement pris.
5 - En pleine harmonie avec la doctrine constamment professée par l'Eglise, la conclusion s'impose donc que les opinions en contradiction avec le principe de l'indissolubilité ou les attitudes qui lui sont contraires, sans refus formel de la célébration du mariage sacramentel, ne dépassent pas les limites d'une simple erreur quant à l'indissolubilité du mariage, laquelle, selon la tradition canonique et les lois en. vigueur, ne vicie pas le consentement matrimonial CIC 1099.
Cependant, en vertu du principe du caractère irremplaçable du consentement matrimonial CIC 1057, l'erreur portant sur l'indissolubilité, de façon exceptionnelle, peut avoir une efficacité qui invalide le consentement, chaque fois qu'elle détermine positivement la volonté du contractant vers un choix contraire à l'indissolubilité du mariage CIC 1099.
Cela ne peut se vérifier que lorsque le jugement erroné quant à l'indissolubilité du lien influe d'une manière déterminante sur la décision de la volonté, parce qu'il est orienté par une intime conviction profondément enracinée dans l'esprit du contractant et que celui-ci la professe avec détermination et obstination.

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Les limites du pouvoir pontifical en matière matrimoniale

6 - Notre rencontre de ce jour, membres du Tribunal de la Rote romaine, nous offre un contexte adéquat pour parler aussi à toute l'Eglise des limites du pouvoir du Souverain Pontife en ce qui concerne le mariage conclu et consommé, qui " ne peut être dissous par aucune puissance humaine, ni par aucune cause, sauf par la mort"
CIC 1141 CIO 853. Cette formulation du droit canonique n'est pas uniquement de nature disciplinaire ou prudentielle, mais correspond à une vérité doctrinale gardée depuis toujours dans l'Eglise.
Pourtant, l'idée se répand que le pouvoir du Pontife romain, puisqu'il est un pouvoir vicaire par rapport au pouvoir divin du Christ, ne serait pas un de ces pouvoirs humains auxquels se réfèrent les canons cités, et qu'il pourrait donc s'étendre en certains cas même à la dissolution des mariages conclus et consommés. Devant les doutes et les troubles que cette opinion pourrait faire naître dans les esprits, il est nécessaire de réaffirmer que le mariage sacramentel conclu et consommé ne peut jamais être dissous, pas même par le pouvoir du Pontife romain. L'affirmation contraire impliquerait la thèse qu'il n'existe aucun mariage absolument indissoluble, ce qui serait contraire à ce que l'Eglise a enseigné et enseigne quant au sens de l'indissolubilité du lien matrimonial.

7 - Cette doctrine de la non extension du pouvoir du Pontife romain aux mariages conclus et consommés, a été proposée à de nombreuses reprises par mes prédécesseurs (cf. par exemple Pie IX, Lettre Verbis exprimere, du 15 août 1859: Insegnamenti Pontifici, Ed. Paoline, Rome 1957, vol. I, n. 103; . Je voudrais citer tout particulièrement une affirmation de Pie XII: " Le mariage conclu et consommé est, de droit divin, indissoluble, en tant qu'il ne peut être dissous par aucune autorité humaine CIS 1118 alors que les autres mariages, bien qu'ils soient intrinsèquement indissolubles, n'ont cependant pas une indissolubilité intrinsèque absolue mais, étant donné certains présupposés nécessaires, peuvent (il s'agit, on le sait, de cas très rares) être dissous, non seulement en vertu du privilège paulin, mais par le Pontife romain, en vertu de son pouvoir ministériel" . Par ces paroles, Pie XII interprétait explicitement le CIS 1118, correspondant à l'actuel CIC 1141 et CIO 853, en ce sens l'expression "autorité humaine" inclut aussi le pouvoir ministériel ou vicaire du Pape, et il présentait cette doctrine comme "tenue pacifiquement" par tous les experts en la matière. Dans ce contexte, il convient aussi de citer le Catéchisme de l'Eglise catholique, avec la grande autorité doctrinale que lui ont conférée l'intervention de tout l'Episcopat lors de sa rédaction ainsi que mon approbation spéciale. On y lit en effet: "Le lien matrimonial est donc établi par Dieu lui- même, de sorte que le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissous. Ce lien, qui résulte de l'acte humain libre des époux et de la consommation du mariage, est une réalité désormais irrévocable et donne origine à une alliance garantie par la fidélité de Dieu. Il n'est pas au pouvoir de l'Eglise de se prononcer contre cette disposition de la sagesse divine " CEC 1640.

0014
Une doctrine à tenir définitivement

8 - En effet, le Pontife romain a la "sacra potestas ("le pouvoir sacré ") d'enseigner la vérité de l'Evangile, d'administrer les sacrements et de gouverner pastoralement l'Eglise au nom et avec l'autorité du Christ, mais ce pouvoir n'inclut en lui-même aucun pouvoir sur la Loi divine naturelle ou positive. Ni l'Ecriture ni la Tradition ne connaissent une faculté du Pontife romain de dissoudre un mariage conclu et consommé; au contraire, la pratique constante de l'Eglise montre la sûre conscience de la Tradition qu'un tel pouvoir n'existe pas. Les fortes expressions des Pontifes romains ne sont que l'écho fidèle et l'interprétation authentique de la conviction permanente de l'Eglise.
Il apparaît donc clairement que la non extension des pouvoirs des Pontifes romains sur les mariages sacramentaux conclus et consommés, est enseignée par le Magistère de l'Eglise comme une doctrine que l'on doit tenir comme définitive, même si elle n'a pas été déclarée sous une forme solennelle par un acte définitoire. En effet, cette doctrine a été proposée explicitement par les Pontifes romains en termes catégoriques, d'une manière constante et dans un laps de temps suffisamment long. Tous les évêques en communion avec le Siège de Pierre l'ont faite leur et l'ont enseignée, dans la conscience qu'elle doit toujours être maintenue et acceptée par les fidèles. C'est en ce sens qu'elle a été à nouveau proposée par le Catéchisme de l'Eglise catholique. Il s'agit par ailleurs d'une doctrine confirmée par la pratique pluriséculaire de l'Eglise, conservée dans une pleine fidélité et avec héroïsme, parfois même devant de graves pressions de la part des puissants de ce monde.
L'attitude des Papes est tout à fait significative même en des moments d'affirmation plus claire de la primauté pétrinienne, ils montrent qu'ils ont toujours été conscients du fait que leur Magistère est au total service de la Parole de Dieu
DV 10 et, dans cet esprit, ils ne se placent pas au- dessus du don du Seigneur, mais ils s'efforcent seulement de conserver et d'administrer le bien qui a été confié à l'Eglise.
9 - Telles sont, illustres Prélats Auditeurs et Officiers, les réflexions que, dans une matière d'une telle importance et d'une telle gravité, je voulais partager avec vous. Je les confie à vos intelligences et à vos coeurs, sûr de votre pleine fidélité et de votre entière adhésion à la Parole de Dieu, interprétée par le Magistère de l'Eglise, et à la loi canonique dans son interprétation la plus authentique et la plus complète.
J'invoque sur votre difficile service ecclésial la constante protection de Marie, "Regina familiae" ("Reine de la famille"). En vous assurant que je suis proche de vous par mon estime et ma reconnaissance, je vous accorde de tout coeur, à tous, en gage de ma constante affection, une spéciale Bénédiction apostolique.


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2001 dimension naturelle du mariage et de la famille

1/2/2001


A l'occasion de l'inauguration de la nouvelle Année judiciaire, Jean-Paul II a reçu, le mercredi 1er février 2001, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique, les Prélats auditeurs, les officiers et avocats du Tribunal de la Rote romaine. Répondant à l'adresse d'hommage du Doyen de la Rote, Mgr Raffaello FUNGHINI, le Pape a prononcé l'allocution suivante

1. L'inauguration de la nouvelle Année judiciaire du tribunal de la Rote romaine me fournit l'heureuse occasion de vous rencontrer une nouvelle fois. En saluant avec affection toutes les personnes présentes, il m'est particulièrement agréable de vous exprimer, chers Prélats auditeurs, officiers et avocats, ma plus vive reconnaissance pour le travail prudent et difficile que vous accomplissez dans l'administration de la justice au service de ce Siège apostolique. Avec une grande compétence, vous travaillez à protéger la sainteté et l'indissolubilité du mariage et, en définitive, les droits sacrés de la personne humaine, selon la tradition séculaire du glorieux Tribunal de la Rote.
Je remercie Mgr le Doyen qui s'est fait l'interprète et le porte-parole de vos sentiments et de votre fidélité. Ses paroles nous ont fait opportunément revivre le grand Jubilé qui vient de se terminer.

2. En effet, les familles ont été les grandes protagonistes des journées jubilaires, comme je l'ai souligné dans ma Lettre apostolique Novo millennio ineunte . J'ai rappelé dans cette Lettre les risques auxquels est exposée l'institution familiale, soulignant que "l'on Constate une crise diffuse et radicale de cette institution fondamentale" . Parmi les défis les plus ardus qui attendent l'Eglise aujourd'hui, il y a celui d'une culture individualiste envahissante et qui tend, comme l'a bien dit Mgr le Doyen, à circonscrire et à confiner le mariage et la famille dans le monde du privé. Je pense qu'il est donc important de revenir ce matin sur certains thèmes sur lesquels je me suis déjà arrêté lors de nos précédentes rencontres , pour réaffirmer l'enseignement traditionnel sur la dimension naturelle du mariage et de la famille.
Le Magistère ecclésiastique et la législation canonique contiennent de nombreuses références au caractère naturel du mariage. Dans la Constitution Gaudium et spes, le Concile Vatican II, après avoir posé comme principe que "Dieu lui- même est l'auteur du mariage, qu'il a doté de multiples biens et finalités " GS 48, traite de certains problèmes de morale conjugale en se référant à des "critères objectifs qui ont leur fondement dans la nature même de la personne humaine et de ses actes" GS 51. A leur tour, les deux Codes promulgués par mes soins, quand ils définissent le mariage, affirment que "la communauté de toute la vie" (consortium totius vitae) est "ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants" CIC 1055 CIO 776 Par. 1.
Cette vérité, dans le climat que créent une sécularisation toujours plus marquée et une vision d'ensemble du mariage et de la famille totalement privatisée, est non seulement non acceptée de fait, mais ouvertement contestée.


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