A la Rote 1939-2009 101

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La fausse opposition entre nature et culture

3. Nombre d'équivoques se sont accumulées autour de la notion même de "nature". Surtout, on a oublié le concept métaphysique de nature, qui est précisément celui auquel se rapportent les documents de l'Eglise que nous avons cités. On tend alors à réduire ce qui est spécifiquement humain au domaine de la culture, en revendiquant pour la personne une créativité et un secteur opérationnel complètement autonomes aux plans tant individuel que social. Dans cette optique, ce qui est "naturel" serait une donnée purement physique, biologique et sociologique, à manipuler au moyen d'une technique qui obéit à ses intérêts propres.
Cette opposition entre culture et nature laisse la culture sans aucun fondement objectif, en proie à l'arbitraire et au pouvoir. On l'observe très clairement dans les tentatives actuelles pour présenter les unions de fait, y compris les unions homosexuelles, comme équivalant au mariage, dont on nie précisément le caractère naturel.
Cette conception purement empirique de la nature empêche radicalement de comprendre que le corps humain n'est pas quelque chose d'extrinsèque à la personne, mais qu'il constitue en même temps que l'âme spirituelle et immortelle un principe intrinsèque de cet être unitaire qu'est la personne humaine. C'est ce que j'ai montré dans l'Encyclique Veritatis splendor VS 46-50, où j'ai souligné l'importance morale de cette doctrine, si importante pour le mariage et la famille. En effet, on peut facilement chercher en de faux spiritualismes une validation présumée de ce qui est contraire à la réalité spirituelle du lien conjugal.

4. Quand l'Eglise enseigne que le mariage est une réalité naturelle, elle propose une vérité mise en évidence par la raison pour le bien des conjoints et de la société, et confirmée par la révélation de notre Seigneur, qui met explicitement en lien étroit l'union conjugale avec le "commencement" Mt 19,4-8, dont parle le Livre de la Genèse: "Homme et femme il les créa" Gn 1,27, et "Ils deviendront une seule chair" Gn 2,24.
Mais le fait que le donné naturel soit confirmé avec autorité et élevé au rang de sacrement par notre Seigneur ne justifie absolument pas la tendance, malheureusement largement répandue aujourd'hui, à idéologiser la notion de mariage - nature, propriétés essentielles et finalités -, en revendiquant une conception de la validité différente selon que l'on est croyant ou non croyant, catholique ou non catholique, comme si le sacrement était une réalité successive et extrinsèque au donné naturel, et non pas le donné naturel lui-même mis en évidence par la raison, assumé et élevé par le Christ comme signe et moyen de salut.
Le mariage n'est pas une quelconque union entre personnes humaines, susceptible d'être représentée par une pluralité de modèles culturels. L'homme et la femme trouvent en eux-mêmes la disposition naturelle à s'unir conjugalement. Or le mariage, comme le précise bien saint Thomas, est naturel non pas parce qu'il est "causé par la nécessité des principes naturels", mais bien en tant qu'il est une réalité "vers laquelle incline la nature, mais qui est accomplie au moyen du libre arbitre" (Somme théologique, Suppl., q. 41, art. 1, in c). Il est donc totalement erroné de mettre quelque opposition entre nature et liberté, entre nature et culture.
Lorsqu'on examine la réalité historique et actuelle de la famille, on tend souvent à mettre l'accent sur les différences, pour relativiser l'existence même d'un dessein naturel sur l'union entre l'homme et la femme. Il apparaît au contraire plus réaliste de constater que, au milieu des difficultés, des limites et des déviations, est toujours présente chez l'homme et la femme une inclination profonde de leur être, qui n'est pas le fruit de leur imagination, et qui, en ses traits fondamentaux, transcende largement les diversités historico- culturelles.
En effet, l'unique voie par laquelle peut se manifester l'authentique richesse et la diversité de tout ce qui est essentiellement humain, est la fidélité aux exigences de la nature propre. Dans le mariage également, l'harmonie souhaitable entre la diversité de réalisations et l'unité essentielle n'est pas seulement une hypothèse, mais elle est garantie par la fidélité vécue aux exigences naturelles de la personne. Par ailleurs, le chrétien sait qu'il peut compter pour cela sur la force de la grâce, capable de guérir la nature blessée par le péché.

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Le mariage, "communauté de toute la vie"

5. La "communauté de toute la vie" exige le don réciproque des époux CIC 1057 Par. 2; CIO 817 Par 1. Mais cette disposition personnelle a besoin d'un principe de spécificité et d'un fondement permanent. La considération naturelle du mariage nous fait voir que les conjoints s'unissent précisément en tant que personnes entre lesquelles existe une différence sexuelle, avec toute la richesse également spirituelle que cette diversité possède au niveau humain. Les époux s'unissent en tant que personne-homme et que personne- femme. La référence à la dimension naturelle de leur masculinité et de leur féminité est décisive pour comprendre l'essence du mariage. Le lien personnel du mariage s'instaure précisément au niveau naturel de la modalité masculine ou féminine de l'être en tant que personne humaine.
Le domaine de l'agir des époux et, donc, des droits et devoirs matrimoniaux, est une conséquence de leur être et trouve en ce dernier son fondement véritable. Aussi, de cette manière, l'homme et la femme, en vertu de cet acte de volonté tout à fait singulier qu'est le consentement CIC 1057 Par. 2; CIO 817 Par. 1, établissent-ils librement entre eux un lien préfiguré par leur nature propre, et qui constitue désormais pour tous deux un vrai chemin vocationnel au long duquel ils vivent leur personnalité propre comme une réponse au plan divin.
Le fait d'être ordonné vers les finalités naturelles du mariage - le bien des conjoints, la procréation et l'éducation des enfants - est intrinsèquement présent dans la masculinité et la féminité. Ce caractère téléologique est décisif pour comprendre la dimension naturelle de l'union. En ce sens, le caractère naturel du mariage se comprend mieux quand on ne le sépare pas de la famille. Le mariage et la famille sont inséparables, parce que la masculinité et la féminité des personnes mariées sont, de par leur constitution, ouvertes au don des enfants. Sans cette ouverture, il ne pourrait absolument pas exister de bien des conjoints qui soit digne de ce nom.
Même les propriétés essentielles, l'unité et l'indissolubilité, s'inscrivent dans l'être même du mariage, et ne sont en aucune manière des lois qui lui seraient extrinsèques. Ce n'est que si on le voit comme une union qui implique la personne dans la réalisation de sa structure relationnelle naturelle, qui demeure essentiellement la même au cours de la vie personnelle, que le mariage peut se situer au- delà des changements de la vie, des efforts, et même des crises par lesquels passe souvent la liberté humaine pour vivre ses engagements. Si, au contraire, on considère l'union matrimoniale comme reposant uniquement sur des qualités personnelles, des intérêts ou des attirances, il est évident qu'elle n'apparaît plus comme une réalité naturelle, mais comme une situation qui dépend de l'actuelle persévérance de la volonté en fonction de la persistance de faits et de sentiments contingents. Certes, le lien est causé par le consentement, c'est-à-dire par un acte de volonté de l'homme et de la femme; mais ce consentement met en acte une puissance qui existe déjà dans la nature de l'homme et de la femme. Ainsi, la force indissoluble du lien elle-même se fonde sur l'être naturel de l'union librement établie entre l'homme et la femme.

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Le mariage n'échappe pas à la logique de la Croix du Christ

6. De nombreuses conséquences découlent de ces présupposés ontologiques. Je me limiterai à indiquer celles qui ont une importance et une actualité particulières dans le droit matrimonial catholique. Ainsi, à la lumière du mariage en tant que réalité naturelle, on saisit facilement la caractère naturel de la capacité de se marier: "Peuvent contracter mariage tous ceux qui n'en sont pas empêchés par le droit" CIC 1058 CIO 778 Aucune interprétation des normes sur l'incapacité consensuelle CIC 1095 CIO 818 ne serait juste si, dans la pratique, elle rendait vain ce principe: "Ex intima hominis natura - affirme Cicéron - haurienda est iuris disciplina" (C'est de la nature la plus intime de l'homme qu'il faut tirer les dispositions du droit) (CICERON, De Legibus, II).
La norme établie par le CIC 1058 que nous avons citée devient encore plus claire lorsque l'on garde à l'esprit que, de par sa nature, l'union conjugale concerne la masculinité et la féminité mêmes des personnes mariées, pour lesquelles il ne s'agît pas d'une union qui requière essentiellement des caractéristiques singulières de la part des contractants. S'il en était ainsi, le mariage se réduirait à une intégration de fait entre les personnes, et ses caractéristiques, tout comme sa durée, dépendraient uniquement de l'existence d'une affection interpersonnelle, celle-ci n'étant pas davantage déterminée.
Pour une certaine mentalité aujourd'hui très répandue, cette vision peut sembler en contradiction avec les exigences de la réalisation personnelle. Ce qui semble difficile à comprendre pour cette mentalité, c'est la possibilité même d'un vrai mariage qui ne soit pas réussi. L'explication s'insère dans le contexte d'une vision humaine et chrétienne intégrale de l'existence. Ce n'est certes pas ici le moment d'approfondir les vérités qui éclairent cette question: en particulier, les vérités sur la liberté humaine dans la situation présente de nature déchue mais rachetée, sur le péché, le pardon et sur la grâce.
Il suffira de rappeler que, lui aussi, le mariage n'échappe pas à la logique de la Croix du Christ, qui exige bien effort et sacrifice, et comporte aussi douleur et souffrance, mais qui n'empêche pas, dans l'acceptation de la volonté de Dieu, une pleine et authentique réalisation personnelle, dans la paix et la sérénité de l'esprit.

7. On comprend mieux l'acte qu'est le consentement matrimonial dans son rapport à la dimension naturelle de l'union. Celle-ci est en effet le point de référence objectif par rapport auquel la personne vit son inclination naturelle. D'où la normalité et la simplicité du consentement véritable. Représenter le consentement comme une adhésion à un schéma culturel ou de loi positive n'est pas réaliste et risque de compliquer inutilement la vérification de la validité du mariage. Il s'agit de voir si les personnes, outre l'identification de la personne de l'autre, ont vraiment saisi la dimension naturelle essentielle de leur conjugalité, laquelle implique, par exigence intrinsèque, la fidélité, l'indissolubilité et la paternité/maternité potentielle, comme biens qui intègrent une relation de justice.
Même la science du droit la plus profonde et la plus subtile - avertissait déjà le Pape PIE XII, de vénérée mémoire - ne pourrait indiquer un autre critère pour distinguer les lois injustes des lois justes, le simple droit légal du droit véritable, que ce que l'on perçoit déjà à la seule lumière de la raison quant à la nature des choses et de l'homme lui-même, le critère de la loi écrite par le Créateur dans le coeur de l'homme et expressément confirmé par la Révélation. Si le droit et la science juridique ne veulent pas renoncer au seul guide capable de les maintenir dans le droit chemin, ils doivent reconnaître les "obligations éthiques" comme normes objectives valides aussi pour l'ordre juridique" .

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Le caractère naturel du mariage et sa sacramentalité

8. Alors que je m'approche de ma conclusion, je voudrais m'arrêter brièvement sur le rapport entre le caractère naturel du mariage et sa sacramentalité, étant donné que, depuis le Concile Vatican II, nombreuses ont été les tentatives de revitaliser l'aspect surnaturel du mariage, également au moyen de propositions théologiques, pastorales et canoniques étrangères à la tradition, comme celle d'exiger la foi comme qualité requise pour se marier.
Presque au début de mon pontificat, après le Synode des évêques sur la famille au cours duquel ce sujet fut traité, je me suis prononcé à cet égard dans mon Exhortation Familiaris consortio, où j'ai écrit: "Le sacrement de mariage a ceci de spécifique parmi tous les autres: il est le sacrement d'une réalité qui existe déjà dans l'économie de la création, il est le pacte conjugal même que le Créateur a institué au commencement" FC 68. Par conséquent, pour identifier quelle est la réalité qui, dès le commencement, est liée à l'économie du salut et, qui, dans la plénitude des temps, constitue un des sept sacrements au sens propre à la Nouvelle Alliance, l'unique voie est de se reporter à la réalité naturelle qui nous est présentée par l'Ecriture au Livre de la Genèse Gn 1,27 Gn 2,18-25 C'est ce qu'a fait Jésus en parlant de l'indissolubilité du lien conjugal Mt 19,3-12 Mc 10,1-2 et c'est ce qu'a fait saint Paul en montrant le caractère de "grand mystère" que possède le mariage "en pensant au Christ et à l'Eglise" Ep 5,32

Du reste, parmi les sept sacrements, le mariage, tout en étant un "signum significans et conferens gratiam " (un signe signifiant et qui confère la grâce), est le seul qui ne se réfère pas à une activité orientée spécifiquement vers l'accomplissement de fins directement surnaturelles. Le mariage, en effet, a comme finalités, non seulement prédominantes mais propres "indole sua naturali" (de par son caractère naturel), le bonum conjugum, la prolis generatio et educatio CIC 1055.
Dans une perspective différente, le signe sacramentel consisterait dans la réponse de foi et de vie chrétienne des conjoints, ce qui le priverait d'une consistance objective qui permette de le compter parmi les véritables sacrements chrétiens. L'obscurcissement de la dimension naturelle du mariage, avec sa réduction à une pure expérience subjective, comporte aussi la négation implicite de sa sacramentalité. A l'inverse, c'est précisément la compréhension adéquate de cette sacramentalité dans la vie chrétienne qui pousse à une remise en valeur de sa dimension naturelle.
Par ailleurs, introduire, pour le sacrement, des exigences intentionnelles ou de foi qui iraient au-delà de celle de se marier selon le plan divin du "commencement" - outre les risques graves que j'ai indiqués dans Familiaris consortio FC 68 jugements infondés et discriminatoires, doutes sur la validité de mariages déjà célébrés, en particulier de la part de baptisés non catholiques -, porterait inévitablement à vouloir séparer le mariage des chrétiens de celui des autres personnes. Cela s'opposerait profondément au sens véritable du dessein divin, selon lequel c'est précisément la réalité de la création qui est un " grand mystère " en référence au Christ et à l'Eglise.

9. Voilà, chers Prélats auditeurs, officiers et avocats, quelques-unes des réflexions que je tenais à partager avec vous pour orienter et soutenir le précieux service que vous rendez au Peuple de Dieu.
Sur chacun de vous, sur votre travail quotidien, j'invoque la protection particulière de la très sainte Vierge Marie, "Speculum iustitiae" (Miroir de Justice), et je vous accorde de tout coeur la Bénédiction apostolique, que j'étends bien volontiers à vos proches et aux étudiants du "Studio" de la Rote.


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2002 unité et indissolubilité du mariage

28/1/2002

Discours au Tribunal de la Rote romaine pour l'inauguration de l'année judiciaire.

1. Je remercie vivement Monseigneur le Doyen qui, interprétant vos sentiments et vos préoccupations, à travers de brèves observations et des données chiffrées, a souligné votre travail quotidien et les questions graves et complexes qui sont l'objet de vos jugements.
L'inauguration solennelle de l'année judiciaire m'offre l'agréable occasion d'une rencontre cordiale avec ceux qui travaillent au Tribunal de la Rote romaine - Prélats- auditeurs, Promoteurs de justice, Défenseurs du lien, Officiers et Avocats - pour leur manifester ma satisfaction reconnaissante, mon estime et mon encouragement. L'administration de la justice au sein de la communauté chrétienne est un service précieux, car il constitue les prémisses indispensables pour une charité authentique.
Votre activité judiciaire, comme l'a souligné Mgr le Doyen, concerne surtout les causes de nullité de mariage. Dans cette matière, vous constituez, avec les autres tribunaux ecclésiastiques et en ayant une fonction très particulière parmi ceux-ci, que j'ai soulignée dans Pastor Bonus , une manifestation institutionnelle spécifique de la sollicitude de l'Eglise pour juger, selon la vérité et la justice, la question délicate concernant l'existence ou non d'un mariage. Cette tâche des tribunaux dans l'Eglise s'insère, en tant que contribution incontournable, dans le contexte de toute la pastorale du mariage et de la famille. L'optique pastorale exige précisément un effort constant d'approfondissement de la vérité sur le mariage et sur la famille, également comme condition nécessaire pour l'administration de la justice dans ce domaine.

L'indissolubilité n'est pas un fardeau ...

2. Les propriétés essentielles du mariage - l'unité et l'indissolubilité - CIC 1056 CIO 776 n. 3 - offrent l'occasion d'effectuer une réflexion fructueuse sur le mariage lui-même. C'est pourquoi aujourd'hui, en faisant référence à ce que j'ai déjà eu l'occasion de traiter dans mon discours de l'année dernière à propos de l'indissolubilité Rote 2001 , je désire considérer l'indissolubilité comme un bien pour les époux, pour les enfants, pour l'Eglise et pour l'humanité tout entière.
Il est important de présenter de façon positive l'union indissoluble, pour en redécouvrir le bien et la beauté. Il faut tout d'abord dépasser la vision de l'indissolubilité comme restriction à la liberté des contractants, et donc comme un poids, qui peut parfois devenir insupportable. L'indissolubilité, selon cette conception, est vue comme une loi extrinsèque au mariage, comme l'"imposition" d'une norme contre les attentes "légitimes" d'une réalisation ultérieure de la personne. A cela s'ajoute l'idée assez répandue, selon laquelle le mariage indissoluble serait le propre des croyants, raison pour laquelle ceux-ci ne peuvent pas prétendre l'"imposer" à la société civile dans son ensemble.

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la Parole de Dieu

3. Pour apporter une réponse valable et exhaustive à cette question, il faut partir de la Parole de Dieu. Je pense concrètement au passage de l'Evangile de Matthieu, qui rapporte le dialogue de Jésus avec quelques pharisiens, puis avec ses disciples, au sujet du divorce Mt 19,3-12. Jésus dépasse radicalement les discussions d'alors sur les motifs qui pouvaient autoriser le divorce, en affirmant: "C'est en raison de votre dureté de coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; mais dès l'origine il n'en fut pas ainsi" Mt 19,8.
Selon l'enseignement de Jésus, c'est Dieu qui a uni par le lien conjugal l'homme et la femme. Certes, cette union a lieu à travers le consentement libre des deux personnes, mais ce consentement humain porte sur un dessein qui est divin. En d'autres termes, c'est la dimension naturelle de l'union, et plus concrètement la nature de l'homme modelé par Dieu lui- même, qui fournit la clef de lecture indispensable des propriétés essentielles du mariage. Leur renforcement supplémentaire dans le mariage chrétien, à travers le sacrement CIC 1056, repose sur un fondement de droit naturel, qui, s'il venait à faire défaut, rendrait incompréhensible l'oeuvre salvifique elle-même et l'élévation que le Christ a accomplie une fois pour toutes à l'égard de la réalité conjugale.

le mariage est indissoluble

4. D'innombrables hommes et femmes de tous les temps et de tous les lieux se sont conformés à ce dessein divin naturel, avant même la venue du Sauveur, et de nombreux autres s'y conforment après sa venue, même sans le connaître. Leur liberté s'ouvre au don de Dieu, que ce soit au moment de se marier, ou bien tout au long de leur vie conjugale. Toutefois, il subsiste toujours la possibilité de se rebeller contre ce dessein d'amour: 'est alors que se présente à nouveau cette "dureté de coeur" Mt 19,8 en raison de laquelle Moïse autorisa la répudiation, mais que le Christ a définitivement vaincue. Il faut répondre à ces situations par l'humble courage de la foi, d'une foi qui soutient et corrobore la raison même, afin qu'elle soit en mesure de dialoguer avec tous à la recherche du véritable bien de la personne humaine et de la société. Considérer l'indissolubilité non pas comme une norme juridique naturelle, mais comme un simple idéal, ôte son sens à la déclaration sans équivoque de Jésus-Christ, qui a absolument refusé le divorce car "dès l'origine il n'en fut pas ainsi" Mt 19,8.
Le mariage "est" indissoluble: cette propriété exprime une dimension de son caractère objectif, il ne s'agit pas d'un pur fait subjectif. En conséquence, le bien de l'indissolubilité est le bien du mariage lui-même; et l'incompréhension du caractère indissoluble constitue l'incompréhension du mariage dans son essence. Il s'ensuit que le "poids" de l'indissolubilité et les limites que celle- ci comporte pour la liberté humaine ne sont autre que le revers, pour ainsi dire, de la médaille, face au bien et aux potentialités contenues dans l'institution matrimoniale en tant que telle. Dans cette perspective, cela n'a pas de sens de parler d'"imposition" de la part de la loi humaine, car celle-ci doit refléter et sauvegarder la loi naturelle et divine, qui est toujours une vérité libératrice Jn 8,32.

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soutien des couples en difficulté

5. Cette vérité sur l'indissolubilité du mariage, comme tout le message chrétien, est destinée aux hommes et aux femmes de chaque temps et de chaque lieu. Afin que cela s'accomplisse, il est nécessaire que cette vérité soit témoignée par l'Eglise et, en particulier, par chaque famille en tant qu'"église domestique", dans laquelle le mari et la femme se reconnaissent mutuellement liés pour toujours, par un lien qui exige un amour toujours renouvelé, généreux et prêt au sacrifice.
On ne peut pas se rendre à la mentalité favorable au divorce;: la confiance dans les dons naturels et surnaturels de Dieu à l'homme ne le permet pas. L'activité pastorale doit soutenir et promouvoir l'indissolubilité. Les aspects doctrinaux doivent être transmis, éclaircis et défendus, mais les actions cohérentes sont encore plus importantes. Quand un couple traverse des difficultés, la compréhension des pasteurs et des autres fidèles doit être unie à la clarté et à la force, en rappelant que l'amour conjugal est la voie pour résoudre la crise de façon positive. Précisément parce que Dieu les a unis, mari et femme, en vertu d'un lien indissoluble, en employant toutes leurs ressources humaines avec bonne volonté, mais surtout en ayant confiance dans l'aide de la grâce divine, ils peuvent et ils doivent sortir renouvelés et fortifiés des moments d'égarement.

convalidation pour soutenir les couples


6. Lorsque l'on considère le rôle du droit dans les crises matrimoniales, on pense trop souvent et presque exclusivement aux procès qui ratifient la nullité du mariage ou bien la dissolution du lien. Cette mentalité s'étend parfois également au droit canonique, qui apparaît ainsi comme la voie pour trouver des solutions de conscience aux problèmes matrimoniaux des fidèles. Cela peut être vrai, mais ces solutions éventuelles doivent être examinées de façon à ce que l'indissolubilité du lien, si celui-ci apparaît contracté de façon valide, continue à être sauvegardée. La position de l'Eglise est même favorable à convalider, si possible, les mariages nuls CIC 1676 CIO 1362. Il est vrai que la déclaration de nullité du mariage, selon la vérité acquise à travers le procès légitime, ramène la paix dans les consciences, mais cette déclaration - et cela vaut également pour la dissolution du mariage ratifié et non consommé et pour le privilège de la foi - doit être présentée et réalisée dans un contexte ecclésial profondément en faveur du mariage indissoluble et de la famille fondée sur celui-ci. Les conjoints eux-mêmes doivent être les premiers à comprendre que ce n'est que dans la recherche loyale de la vérité que se trouve le véritable bien, sans exclure à priori la convalidation possible d'une union qui, tout en n'étant pas encore matrimoniale, contient des éléments de bien, pour eux et pour les enfants, qui doivent être attentivement évalués, en conscience, avant de prendre une décision différente.

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toute sentence contribue à la culture d'indissolubilité

7. L'activité judiciaire de l'Eglise, qui dans sa spécificité est elle aussi une activité véritablement pastorale, s'inspire du principe de l'indissolubilité du mariage et tend à en garantir le caractère effectif dans le Peuple de Dieu. En effet, sans les procès et les sentences des tribunaux ecclésiastiques, la question sur l'existence ou non d'un mariage indissoluble des fidèles serait reléguée à la seule conscience de ces derniers, en courant le risque évident de subjectivisme, en particulier lorsque règne dans la société civile une profonde crise à propos de l'institution du mariage.
Toute sentence juste de validité ou de nullité du mariage est une contribution à la culture de l'indissolubilité, que ce soit dans l'Eglise ou dans le monde. Il s'agit d'une contribution très importante et nécessaire: en effet, elle se situe sur un plan immédiatement pratique, en apportant une certitude non seulement aux personnes concernées, mais également à tous les mariages et aux familles. En conséquence, une déclaration injustifiée de nullité, s'opposant à la vérité des principes normatifs ou des faits, revêt une gravité particulière, car son lien officiel avec l'Eglise favorise la diffusion d'attitudes où l'indissolubilité est soutenue en théorie, mais oubliée dans la vie.
Parfois, au cours des dernières années, on a contrecarré le traditionnel "favor matrimoni", au nom d'un "favor libertatis" ou "favor personae". Dans cette dialectique, il est évident que le thème de fond est celui de l'indissolubilité, mais l'antithèse est encore plus radicale car elle concerne la vérité même sur le mariage, plus ou moins ouvertement relativisée. Contre la vérité d'un lien conjugal, il n'est pas correct d'invoquer la liberté des contractants qui, en l'assumant librement, se sont engagés à respecter les exigences objectives de la réalité matrimoniale, qui ne peut pas être altérée par la liberté humaine. L'activité judiciaire doit donc s'inspirer d'un "favor indissolubilitatis", qui ne signifie pas bien sûr un préjugé contre les justes déclarations de nullité, mais la conviction réelle du bien en jeu lors des procès, ainsi que l'optimisme toujours renouvelé qui provient du caractère naturel du mariage et du soutien du Seigneur aux époux.

faire briller l'indissolubilité

8. L'Eglise et chaque chrétien doivent être lumière du monde: "Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" Mt 5,16. Ces paroles de Jésus trouvent aujourd'hui une application singulière à propos du mariage indissoluble. Il pourrait presque sembler que le divorce est tellement enraciné dans certains milieux sociaux, que cela ne vaut presque pas la peine de continuer à le combattre, en diffusant une mentalité, des coutumes sociales et une législation civile en faveur de l'indissolubilité. Pourtant cela en vaut la peine! En réalité, ce bien se situe précisément à la base de la société tout entière, comme condition nécessaire à l'existence de la famille. Son absence a donc des conséquences dévastatrices, qui se diffusent dans le corps social comme une plaie - selon le terme utilisé par le Concile Vatican II pour décrire le divorce GS 47 - , et qui influent de façon négative sur les nouvelles générations, auxquelles on cache la beauté du mariage véritable.

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témoignage des familles en faveur de l'indissolubilité

9. Le témoignage essentiel sur la valeur de l'indissolubilité est donné à travers la vie matrimoniale des conjoints, dans la fidélité à leur lien à travers les joies et les épreuves de la vie. La valeur de l'indissolubilité ne peut cependant être considérée l'objet d'un pur choix privé: il s'agit d'un des fondements de la société tout entière. C'est pourquoi, tout en encourageant les nombreuses initiatives que les chrétiens et d'autres personnes de bonne volonté promeuvent pour le bien des familles (par exemple les célébrations des anniversaires de mariage), on doit éviter le risque de la permissivité dans des questions de fond concernant l'essence du mariage et de la famille (cf. Lettre aux familles, n. 17).

rôle des lois civiles

Parmi ces initiatives, ne peuvent manquer celles qui visent à la reconnaissance publique du mariage indissoluble dans les réglementations juridiques civiles (cf. Ibid., n. 17). Une ferme opposition à toutes les mesures légales et administratives qui introduisent le divorce ou qui rendent les unions de fait équivalentes au mariage, y compris les unions homosexuelles, doit être accompagnée par une attitude de proposition, à travers des mesures juridiques qui tendent à améliorer la reconnaissance sociale du mariage véritable, dans le cadre des lois qui admettent malheureusement le divorce.

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soutien des juges et conciliation

D'autre part, les agents du droit dans le domaine civil doivent éviter d'être personnellement impliqués dans ce qui peut nécessiter une coopération au divorce. En ce qui concerne les juges, cela peut être difficile, car les lois ne reconnaissent pas une objection de conscience les exemptant de prononcer une sentence. En raison de motifs graves et justifiés, ils peuvent donc agir selon les principes traditionnels de la coopération matérielle au mal. Mais ils doivent eux aussi trouver des moyens efficaces pour favoriser les unions matrimoniales, en particulier à travers une oeuvre de conciliation sagement conduite.

'Non-encouragement' des avocats

Les avocats, en tant qu'exerçant une profession libérale, doivent toujours refuser d'utiliser leurs compétences professionnelles en vue d'une finalité contraire à la justice comme l'est le divorce; ils peuvent seulement collaborer à une action dans ce sens lorsque celle-ci, dans l'intention du client, ne vise pas à la rupture du mariage, mais bien à d'autres effets légitimes que l'on ne peut obtenir qu'à travers la voie judiciaire dans une réglementation déterminée CEC 2383. De cette façon, grâce à leur oeuvre d'aide et de pacification des personnes qui traversent des crises matrimoniales, les avocats servent vraiment les droits des personnes, et évitent de devenir de simples techniciens au service d'intérêts quelconques.

10. Je confie à l'intercession de Marie, Reine de la famille et Miroir de justice, le développement de la conscience de tous à propos du bien de l'indissolubilité du mariage. Je lui confie également l'engagement de l'Eglise et de ses fils, ainsi que celui de nombreuses autres personnes de bonne volonté, dans cette cause si décisive pour l'avenir de l'humanité. Avec ces voeux, en invoquant l'assistance divine sur votre activité, chers Prélats-auditeurs, Officiers et Avocats de la Rote romaine, je donne à tous, avec affection, ma Bénédiction.

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2003 Redécouvrir la vérité sur le mariage et la famille

30/1/2003

REDECOUVRIR LA PLEINE VERITE SUR LE MARIAGE ET LA FAMILLE

(Le 30 janvier à l'occasion de la nouvelle année judiciaire, Jean Paul II a reçu en audience au Palais apostolique les Prélats auditeurs, les Officiers et les avocats du Tribunal de la Rote romaine. Répondant à l'adresse d'hommage du doyen de la Rote, Mgr Raffaello FUNGHINI, il leur a adressé le discours suivant - Texte italien dans l'osservatore romano du 31.1.2003 - Traduction et sous titres de la Doc. Catholique)

1 .- L'inauguration solennelle de la nouvelle année judiciaire du Tribunal de la Rote Romaine m'offre l'occasion de vous renouveler l'expression de ma profonde gratitude pour votre travail, très chers prélats auditeurs, promoteurs de justice, défenseurs du lien, officiers et avocats. Je remercie cordialement Mgr le Doyen pour les sentiments qu'il a manifestés au nom de tous et pour les réflexions qu'il a développées sur la nature et la fin de votre travail.
Depuis toujours, l'activité de votre Tribunal a été grandement appréciée par mes vénérés prédécesseurs, qui n'ont pas manqué de souligner qu'administrer la justice près la Rote romaine constitue une participation directe à un aspect important des fonctions du Pasteur de l'Eglise universelle.
D'où la valeur particulière dans le cadre ecclésial, de vos décisions qui constituent, comme je l'ai affirmé dans 'Pastor Bonus' un point de référence sûr et concret pour l'administration de la justice dans l'Eglise


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