2002 Magistère Mariage 166

l'éducation

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Le bien de l'enfant ne se termine pas, à coup sûr, au bienfait de la procréation; il faut qu'il s'y en adjoigne un autre, contenu dans la bonne éducation de l'enfant. Dieu, malgré toute sa sagesse, aurait certes médiocrement pourvu au sort des enfants et du genre humain tout entier, si ceux qui ont reçu de lui le pouvoir et le droit d'engendrer n'en avaient pas reçu aussi le droit et la charge de l'éducation. Personne ne méconnaît, en effet, que l'enfant ne peut se suffire à lui-même dans les choses qui se rapportent à la vie naturelle: à plus forte raison ne le peut-il pas dans les choses qui se rapportent à la vie surnaturelle durant de nombreuses années, il aura besoin de l'aide d'autrui, d'instruction, d'éducation. Il est d'ailleurs évident, que, conformément aux exigences de la nature et à l'ordre divin, ce droit et cette tâche reviennent tout d'abord à ceux qui ont commencé par la génération l'oeuvre de la nature et auxquels il est absolument interdit de laisser inachevée l'oeuvre entreprise et d'exposer ainsi l'enfant à une perte certaine. Or, il a déjà été pourvu, de la meilleure manière possible, à cette si nécessaire éducation des enfants, par le mariage où, unis par un lien indissoluble, les parents sont toujours en état de s'y appliquer ensemble et se prêter un mutuel appui.

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Nous avons déjà traité ailleurs abondamment de l'éducation chrétienne de la jeunesse (Encycl. Divini illius Magistri 31.12.1929); les paroles de saint Augustin citées plus haut résumeront ce que Nous y avons dit: "Pour ce qui regarde les enfants, ils doivent être accueillis avec amour, élevés religieusement" (St Augustin De Gen ad litt. I. IX ch.7, n.12); ainsi parle aussi le Droit canon avec son habituelle précision:" La fin première du mariage, c'est la procréation des enfants et leur éducation". CIS 1013 Par. 1

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Il ne faut enfin point passer sous silence que si cette double mission, si honorable et si importante, a été confiée aux parents pour le bien de l'enfant, tout usage honnête de la faculté, donnée par Dieu, de procréer de nouvelles vies est exclusivement le droit et la prérogative du mariage, conformément à l'ordre du Créateur lui-même et de la loi naturelle: cet usage doit absolument être contenu dans les limites saintes du mariage.

La foi conjugale

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Un autre bien du mariage, que nous avons relevé à la suite d'Augustin, est celui de la foi conjugale, c'est-à-dire la fidélité mutuelle des époux à observer le contrat de mariage, en vertu de laquelle ce qui, à raison du contrat sanctionné par la loi divine, revient uniquement au conjoint, ne lui sera point refusé ni ne sera accordé à une tierce personne; et au conjoint lui-même il ne sera pas concédé ce qui, étant contraire aux lois et aux droits divins, et absolument inconciliable avec la fidélité matrimoniale, ne peut jamais être concédé.

l'unité

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C'est pourquoi cette fidélité requiert tout d'abord l'absolue unité conjugale, (CIS 1013 Par. 2) dont le Créateur lui-même a formé le premier exemplaire dans le mariage de nos premiers parents, quand il a voulu que ce mariage ne fût qu'entre un seul homme et une seule femme. Et bien que, ensuite le suprême Législateur divin ait, pour un temps, relativement relâché la rigueur de cette loi primitive, il est absolument certain que la loi évangélique a restauré en son intégrité cette parfaite unité primitive et qu'elle a aboli toute dispense les paroles du Christ et l'enseignement constant de l'Eglise comme sa constante façon d'agir le montrent à l'évidence. C'est donc à bon droit que le saint concile de Trente a formulé cette solennelle déclaration: "Le Christ Notre-Seigneur a enseigné clairement que par ce lien deux personnes seulement sont unies et conjointes, quand il a dit: C'est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une seule chair". DS 1798

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Notre-Seigneur n'a d'ailleurs pas seulement voulu condamner toute forme de polygamie et de polyandrie, successive ou simultanée, ou encore tout acte déshonnête extérieur; mais, pour assurer complètement l'inviolabilité des frontières sacrées de l'union conjugale, il a prohibé aussi les pensées et les désirs volontaires concernant toutes ces choses: "Et moi je vous dis que quiconque arrête sur une femme des regards de concupiscence a déjà commis l'adultère dans son coeur". Mt 5,28 Ces paroles de Notre-Seigneur ne peuvent être infirmées même par le consentement de l'autre conjoint; elles promulguent, en effet, une loi divine et naturelle qu'aucune volonté humaine ne saurait enfreindre ou fléchir. (Decr. St Office 2.3.1679 propos 50 - "Copula cum conjugata, consentiente marito, non est adulterium")

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Bien plus, afin que le bien de la fidélité conjugale resplendisse de tout son état, les rapports intimes entre les époux eux-mêmes doivent porter l'empreinte de la chasteté, en sorte que les époux se comportent en tout suivant la règle de la loi divine et naturelle, et qu'ils s'appliquent toujours à suivre la volonté très sage et très sainte de leur Créateur avec un sentiment profond de respect pour l'oeuvre de Dieu.

la charité conjugale

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Cette foi de la chasteté, comme saint Augustin l'appelle très justement, s'épanouira plus aisément et avec plus d'attrait et de beauté morale, dans le rayonnement d'une autre influence des plus excellentes: celle de l'amour conjugal qui pénètre tous les devoirs de la vie conjugale et qui tient dans le mariage chrétien une sorte de primauté de noblesse: "Car la fidélité conjugale requiert que l'homme et la femme soient unis par un amour particulier, par un saint et pur amour; ils ne doivent pas s'aimer à la façon des adultères, mais comme le Christ a aimé l'Eglise: c'est cette règle que l'Apôtre a prescrite quand il a dit: "Epoux, aimez vos épouses comme le Christ a aimé son Eglise" Ep 5,25 Col 3,19 et le Christ a assurément enveloppé son Eglise d'une immense charité, non pour son avantage personnel, mais en se proposant uniquement l'utilité de son épouse" (Catech rom. II ch. 8, q. 24). Nous disons donc: "la charité", non pas fondée sur une inclination purement charnelle, et bien vite dissipée, ni bornée à des paroles affectueuses, mais résidant dans les sentiments intimes du coeur, et aussi - car l'amour se prouve par les oeuvres (S. Grégoire le grand Homil. 30 in Evang. n.1 Jn 14,21-23) - manifestée par l'action extérieure.

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Cette action, dans la société domestique ne comprend pas seulement l'appui mutuel elle doit viser plus haut - et ceci doit même être son objectif principal - elle doit viser à ce que les époux s'aident réciproquement à former et à perfectionner chaque jour davantage en eux l'homme intérieur: leurs rapports quotidiens les aideront ainsi à progresser jour après jour dans la pratique des vertus, à grandir surtout dans la vraie charité envers Dieu et envers le prochain, cette charité où se résume en définitive "toute la Loi et les Prophètes" Mt 22,40. Car enfin, dans n'importe quelle condition et n'importe quel état de vie honnête, tous peuvent et tous doivent imiter l'exemplaire parfait de toute sainteté que Dieu a présenté aux hommes dans la personne de Notre- Seigneur, et, avec l'aide de Dieu, parvenir au faîte de la perfection chrétienne comme le prouve l'exemple de tant de Saints.

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Dans cette mutuelle formation intérieure des époux, et dans cette application assidue à travailler à leur perfection réciproque, on peut voir aussi, en toute vérité, comme l'enseigne le Catéchisme Romain, la cause et la raison première du mariage, si l'on ne considère pas strictement dans le mariage l'institution destinée à la procréation et à l'éducation des enfants, mais, dans un sens plus large, une mise en commun de toute la vie, une intimité habituelle, une société. (Catech Rom. II ch. 8, q. 13)
Cette même charité doit harmoniser tout le reste des droits et des devoirs des époux: et ainsi, ce n'est pas seulement la loi de justice, c'est la règle de la charité qu'il faut reconnaître dans ce mot de l'Apôtre: "Que le mari rende à la femme son du; et pareillement, la femme à son mari" 1Co 7,3.

L'"Ordre de l'amour"

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Enfin, la société domestique ayant été bien affermie par le lien de cette charité, il est nécessaire d'y faire fleurir ce que saint Augustin appelle l'ordre de l'amour. Cet ordre implique et la primauté du mari sur sa femme et ses enfants, et la soumission empressée de la femme ainsi que son obéissance spontanée ce que l'Apôtre recommande en ces termes: "Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur parce que l'homme est le chef de la femme comme le Christ est le Chef de l'Eglise". Ep 5,22-23

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Cette soumission, d'ailleurs, ne nie pas, elle n'abolit pas la liberté qui revient de plein droit à la femme, tant à raison de ses prérogatives comme personne humaine, qu'à raison de ses fonctions si nobles d'épouse, de mère et de compagne, elle ne lui commande pas de se plier à tous les désirs de son mari, quels qu'ils soient: même à ceux qui pourraient être peu conformes à la raison ou bien à la dignité de l'épouse; elle n'enseigne pas que la femme doive être assimilée aux personnes que dans le langage du droit on appelle des "mineurs" et auxquelles à cause de leur jugement insuffisamment formé, ou de leur impéritie dans les choses humaines, on refuse d'ordinaire le libre exercice de leurs droits, mais elle interdit cette licence exagérée qui néglige le bien de la famille elle ne veut pas que dans le corps moral qu'est la famille le coeur soit séparé de la tête, au très grand détriment du corps entier et au péril - péril très proche - de la ruine. Si en effet le mari est la tête, la femme est le coeur et comme le premier possède la primauté du gouvernement, celle-ci peut et doit revendiquer comme sienne cette primauté de l'amour.

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Au surplus, la soumission de la femme à son mari peut varier de degré, elle peut varier dans ses modalités; suivant les conditions diverses des personnes, des lieux et des temps; bien plus, si le mari manque à son devoir, il appartient à la femme de le suppléer dans la direction de la famille. Mais, pour ce qui regarde la structure même de la famille et sa loi fondamentale, établie et fixée par Dieu, il n'est jamais ni nulle part permis de les bouleverser ou d'y porter atteinte.

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Sur cet ordre qui doit être observé entre la femme et son mari, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Léon XIII donne, dans l'encyclique sur le mariage chrétien, que Nous avons rappelée, ces très sages enseignements: "L'homme est le prince de la famille et le chef de la femme; celle-ci, toutefois, parce qu'elle est, par rapport à lui, la chair de sa chair et l'os de ses os, sera soumise, elle obéira à son mari, non point à la façon d'une servante, mais comme une associée; et ainsi, son obéissance ne manquera ni de beauté, ni de dignité. Dans celui qui commande et dans celle qui obéit - parce que le premier reproduit l'image du Christ, et la seconde l'image de l'Eglise - la charité divine ne devra jamais cesser d'être la régulatrice de leur devoir respectif" .

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Le bien de la fidélité conjugale comprend donc l'unité, la chasteté, une digne et noble obéissance; autant de vocables qui formulent les bienfaits de l'union conjugale, qui ont pour effet de garantir et de promouvoir la paix, la dignité et le bonheur du mariage. Aussi n'est-il pas étonnant que cette fidélité ait toujours été rangée parmi les biens excellents et propres du mariage.

Le sacrement

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Cependant, l'ensemble de tant de bienfaits se complète et se couronne par ce bien du mariage chrétien, que, citant saint Augustin, Nous avons appelé sacrement, par où sont indiquées et l'indissolubilité du lien conjugal et l'élévation que le Christ a faite du contrat - en le consacrant ainsi - au rang de signe efficace de la grâce.

l'indissolubilité

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Et tout d'abord, pour ce qui regarde l'indissolubilité du contrat nuptial, le Christ lui-même y insiste quand il dit: "Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare point" Mt 19,6 et "Tout homme qui renvoie sa femme et en prend une autre commet l'adultère: et celui qui prend la femme répudiée par un autre commet un adultère, lui aussi" Lc 16,18.
Dans cette indissolubilité, saint Augustin place en termes très clairs ce qu'il appelle le bien du sacrement "Dans le sacrement, on a en vue ceci: que l'union conjugale ne peut être rompue, et que le renvoi ne permet à aucun des deux époux une nouvelle union même pour avoir des enfants". (St Augustin De Gen. ad litt. l.9, ch. 7,n.12)

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Cette inviolable fermeté dans une mesure d'ailleurs inégale, et qui n'atteint pas toujours une aussi complète perfection, convient cependant à tous les vrais époux car la parole du Seigneur: "Ce que Dieu a uni que l'homme ne le sépare point" Mt 19,6 a été dite du mariage de nos premiers parents c'est-à-dire du prototype de tout mariage à venir et elle s applique en conséquence à tous les vrais mariages. Sans doute, avant le Christ, cette sublimité et cette sévérité de la loi primitive fut tempérée à ce point que Moïse permit aux membres de son peuple, à cause de la dureté de leur coeur, de faire, pour certaines causes déterminées, l'acte de répudiation; mais le Christ, en vertu de sa suprême puissance de législateur, a révoqué cette permission d'une plus grande licence, et il a restauré en son intégrité la loi primitive, par ces paroles qui ne devront jamais être oubliées: "Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare point".

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C'est pourquoi Pie VI, d'heureuse mémoire, écrivait avec une grande Sagesse.. à l'évêque d'Eger: "Par où il est évident que même dans l'état de nature, et, en tout cas, bien avant d'être élevé à la dignité d'un Sacrement proprement dit, le mariage a été divinement institué de manière à impliquer un lien perpétuel et indissoluble, qu'aucune loi civile ne peut plus dénouer ensuite. C'est pourquoi, bien que le mariage puisse exister sans le sacrement - c'est le cas du mariage entre infidèles, - il doit même alors, puisqu'il est un mariage véritable, garder - et il garde, en effet ce caractère de lien perpétuel qui, depuis l'origine, est de droit divin, tellement inhérent au mariage qu'aucune puissance politique n'a de prise sur lui. Aussi bien, quel que soit le mariage que l'on dit contracté, ou bien ce mariage est contracté en effet de façon a être effectivement un mariage véritable, et alors il comportera ce lien perpétuel inhérent, de droit divin, à tout vrai mariage, ou bien on le suppose contracté sans ce lien perpétuel, et alors ce n'est pas un mariage, mais une union illicite incompatible comme telle avec la loi divine: union dans laquelle, en conséquence, on ne peut ni s'engager ni demeurer".

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Que si cette indissolubilité semble être soumise à une exception, très rare d'ailleurs, comme dans les mariages naturels contractés entre seuls infidèles CIS 1120, ou si cette exception se vérifie en des mariages consentis entre chrétiens ces derniers mariages consentis sans doute, mais non encore consommés CIS 1119, - cette exception ne dépend pas de la volonté des hommes ni d'aucun pouvoir purement humain mais du droit divin, dont seule l'Eglise du Christ est la gardienne et l'interprète. Aucune faculté de ce genre, toutefois, pour aucun motif, ne pourra jamais s'appliquer à un mariage chrétien contracté et consommé. Dans un mariage pareil, le pacte matrimonial a reçu son plein achèvement, et, du même coup, de par la volonté de Dieu la plus grande stabilité et la plus grande indissolubilité y resplendissent, et aucune autorité des hommes ne pourra y porter atteinte. CIS 1118

le mystère sacramentel

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Si nous voulons scruter avec respect la raison intime de cette divine volonté, nous la trouverons facilement, Vénérables Frères, dans la signification mystique du mariage chrétien, qui se vérifie pleinement et parfaitement dans le mariage consommé entre fidèles. Au témoignage, en effet, de l'Apôtre, dans son Epître aux Ephésiens Ep 5,32 (que nous avons rappelée au début de cette encyclique), le mariage des chrétiens reproduit la très parfaite union qui règne entre le Christ et l'Eglise: "Ce sacrement est grand je vous le dis, dans le Christ et dans l'Eglise" Cette union aussi longtemps que le Christ vivra, que l'Eglise vivra par lui, ne pourra jamais être dissoute par aucune séparation. Enseignement que saint Augustin nous donne formellement en ces termes: "C'est ce qui se passe dans l'union du Christ avec son Eglise: éternellement vivants l'un et l'autre, aucun divorce ne pourra jamais les séparer. La considération de ce sacrement est si grande dans la Cité de notre Dieu, c'est-à-dire dans l'Eglise du Christ, que lorsque les fidèles ont contracté mariage dans le but d'avoir des enfants, il n'est plus permis de laisser la femme même stérile pour en épouser une autre féconde. Que si quelqu'un le fait, il ne sera pas condamné sans doute par la loi de ce siècle, où, moyennant la répudiation, il est concédé que, sans délit, on convole à de nouvelles noces, chose que le saint législateur Moïse avait, lui aussi, permise aux Israélites - au témoignage du Seigneur - à cause de la dureté de leurs coeurs; mais, suivant la loi de l'Evangile, celui qui se comporte de la sorte est coupable d'adultère, comme sa femme le sera aussi si elle en épouse un autre" (St Augustin De nupt. Et concup. l. I, ch. X).

fruits de l'indissolubilité

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Combien nombreux et précieux, d'ailleurs, sont les biens qui découlent de l'indissolubilité matrimoniale, il suffit, pour s'en rendre compte, de considérer, même superficiellement, soit le bien des époux et de leurs enfants, soit le salut de la société humaine. Et premièrement, les époux ont, dans cette stabilité, le gage certain de la pérennité, que réclame au plus haut point, par leur nature même, l'acte généreux par lequel ils livrent leur propre personne, et l'intime association de leurs coeurs, puisque la vraie charité ne connaît pas de fin 1Co 13,8. Elle constitue en outre pour la chasteté un rempart contre les tentations d'infidélité, s'il s'en présente intérieurement ou extérieurement. La crainte anxieuse qu'au temps de l'adversité ou de la vieillesse, l'autre époux ne s'en aille, perd toute raison d'être, et c'est une paisible certitude qui la remplace. Il est pareillement pourvu ainsi d'une façon excellente à la sauvegarde de la dignité chez chacun des deux époux et à l'aide mutuelle qu'ils se doivent: le lien indissoluble qui dure toujours ne cesse de les avertir que ce n'est pas en vue de biens périssables, ni pour assouvir la cupidité, mais pour se procurer réciproquement des biens plus hauts et perpétuels qu'ils ont contracté cette union nuptiale que seule la mort pourra rompre. Il en va de même pour la tutelle et l'éducation des enfants, qui doit se prolonger durant de nombreuses années cette tâche comporte des charges lourdes et prolongées qu'il est plus facile aux parents de porter en unissant leurs forces.

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Il n'en résulte pas de moindres bienfaits pour toute la société humaine. L'expérience, en effet, nous enseigne que l'inébranlable indissolubilité conjugale est une source abondante d'honnêteté et de moralité; là où cet ordre est conservé, la félicité et le salut de l'Etat sont en sécurité car la cité est ce que la font les familles et les hommes dont elle est formée, comme le corps est formé des membres. C'est donc rendre un précieux service, tant au bien privé des époux et de leurs enfants qu'au bien public de la société humaine, que de défendre énergiquement l'inviolable indissolubilité du mariage.

Le signe de la grâce

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Mais, outre cette ferme indissolubilité, ce bien du sacrement contient d'autres avantages beaucoup plus élevés, parfaitement indiqués par le vocable de sacrement; ce n'est pas là, en effet, pour les chrétiens, un mot vide de sens en élevant le mariage de ses fidèles à la dignité d'un vrai et réel sacrement de la Loi Nouvelle, Notre-Seigneur, "qui a institué et parfait les sacrements", a fait très effectivement du mariage le signe et la source de cette grâce intérieure spéciale, destinée à "perfectionner l'amour naturel, à confirmer l'indissoluble unité, et à sanctifier les époux". DS 1799

190Index Table

Et parce que le Christ a choisi pour signe de cette grâce le consentement conjugal lui-même validement échangé entre les fidèles, le sacrement est si intimement uni avec le mariage chrétien qu'aucun vrai mariage ne peut exister entre des baptisés "sans être, du même coup, un sacrement". CIS 1012

191Index Table

Par le fait même, par conséquent, que des fidèles donnent ce consentement d'un coeur sincère, ils s'ouvrent à eux-mêmes le trésor de la grâce sacramentelle, où ils pourront puiser des forces surnaturelles pour remplir leurs devoirs et leurs tâches, fidèlement, saintement, persévéramment jusqu'à la mort.
Car ce sacrement, en ceux qui n'y opposent pas d'obstacle, n'augmente pas seulement la grâce sanctifiante, principe permanent de vie surnaturelle, mais il y ajoute encore des dons particuliers, de bons mouvements, des germes de grâces; il élève ainsi et il perfectionne les forces naturelles, afin que les époux puissent non seulement comprendre par la raison, mais goûter intimement et tenir fermement, vouloir efficacement et accomplir en pratique ce qui se rapporte à l'état conjugal, à ses fins et à ses devoirs; il leur concède enfin le droit au secours actuel de la grâce, chaque fois qu'ils, en ont besoin pour remplir les obligations de cet état.

192Index Table

Il ne faut pas oublier cependant que, suivant la loi de la divine Providence dans l'ordre surnaturel les hommes ne recueillent les fruits complets des sacrements qu'ils reçoivent après avoir atteint l'âge de raison, qu'à la condition de coopérer à la grâce: aussi la grâce du mariage demeurera, en grande partie un talent inutile, caché dans un champ, si les époux n'exercent leurs forces surnaturelles, et s'ils ne cultivent et ne développent les semences de la grâce qu'ils ont reçues. Mais si, faisant ce qui est en eux, ils ont soin de donner cette coopération, ils pourront porter les charges et les devoirs de leur état, ils seront fortifiés, sanctifiés et comme consacrés par un si grand sacrement. Car comme saint Augustin l'enseigne, de même que, par le Baptême et l'Ordre, l'homme est appelé et aidé soit à mener une vie chrétienne, soit à remplir le ministère sacerdotal, et que le secours de ces sacrements ne lui fera jamais défaut, de même, ou peu s'en faut (bien que ce ne soit point par un caractère sacramentel), les fidèles qui ont été une fois unis par le lien du mariage ne peuvent plus jamais être privés du secours et du lien sacramentels. CIS 1110. Bien plus, comme l'ajouté le même saint Docteur, devenus adultères, ils traînent avec eux ce lien sacré, non certes pour la gloire de la grâce désormais, mais pour l'opprobre du crime, "de même que l'âme apostate, même après avoir perdu la foi, ne perd pas, en brisant son union avec le Christ le Sacrement de la foi, qu'elle a reçu avec l'eau régénératrice du baptême".(St Augustin De nupt. Et concup. l. I, Cap. X)

193Index Table

Que les époux, non pas enchaînés, mais ornés du lien d'or du sacrement, non pas entravés, mais fortifiés par lui, s'appliquent de toutes leurs forces à faire que leur union, non pas seulement par la force et la signification du sacrement, mais encore par leur propre esprit et par leurs moeurs, soit toujours et reste la vive image de cette très féconde union du Christ avec l'Eglise, qui est à coup sûr le mystère vénérable de la plus parfaite charité.
Si l'on considère toutes ces choses, Vénérables Frères, avec un esprit attentif et une foi vive, si l'on met dans la lumière qui convient les biens précieux du mariage - les enfants, la foi conjugale, le sacrement -, personne ne pourra manquer d'admirer la sagesse, la sainteté et la bonté divines, qui, dans la seule chaste et sainte union du pacte nuptial, ont pourvu si abondamment, en même temps qu'à la dignité et au bonheur des époux, à la conservation et à la propagation. du genre humain.



Deuxième partie

Erreurs et vices contraires au mariage

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Tandis que Nous considérons toute cette splendeur de la chaste union conjugale, il Nous est d'autant plus douloureux de devoir constater que cette divine institution, de nos jours surtout, est souvent méprisée et, un peu partout, répudiée.

195Index Table

Ce n'est plus, en effet, dans le secret ni dans les ténèbres, mais au grand jour, que, laissant de côté toute pudeur, on foule aux pieds ou l'on tourne en dérision la sainteté du mariage, par la parole et par les écrits, par les représentations théâtrales de tout genre, par les romans, les récits passionnés et légers, les projections cinématographiques, les discours radiophonés, par toutes les inventions les plus récentes de la science. On y exalte au contraire les divorces, les adultères et les vices les plus ignominieux, et, si on ne va pas jusqu'à les exalter, on les y peint sous de telles couleurs qu'ils paraissent innocentés de toute faute et de toute infamie. Les livres mêmes ne font point défaut, que l'on ne craint pas de représenter comme des ouvrages scientifiques, mais qui, en réalité, n'ont souvent qu'un vernis de science, pour se frayer plus aisément la route. Les doctrines qu'on y préconise sont celles qui se propagent à son de trompe comme les merveilles de l'esprit moderne - c'est-à-dire de cet esprit qui, déclare-t-on, uniquement préoccupé de la vérité, s'est émancipé de tous les préjugés d'autrefois, et qui renvoie et relègue aussi parmi ces opinions périmées la doctrine chrétienne traditionnelle du mariage.

196Index Table

Et, goutte à goutte, cela s'insinue dans toutes les catégories d'hommes, riches et pauvres, ouvriers et maîtres, savants et ignorants, célibataires et personnes mariées, croyants et impies, adultes et jeunes gens; à ces derniers surtout, comme à des proies plus faciles à prendre, les pires embûches sont dressées.
Tous les fauteurs de ces doctrines nouvelles ne se laissent pas entraîner jusqu'aux extrêmes conséquences de la passion effrénée: il en est qui, s'efforçant de s'arrêter à mi-route, pensent qu'il faut seulement en quelques préceptes de la loi divine et naturelle concéder quelque chose à notre temps. Mais ceux-là aussi, plus ou moins consciemment, sont les émissaires du pire des ennemis qui s'efforce sans cesse de semer la zizanie au milieu du froment. Mt 13,25

197Index Table

C'est pourquoi Nous, que le Père de famille a préposé à la garde de son champ, Nous que presse le devoir sacré de ne pas laisser étouffer la bonne semence par les mauvaises herbes, Nous considérons comme dites à Nous-même par l'Esprit-Saint les paroles si graves par lesquelles l'apôtre Paul exhortait son cher Timothée:-"Mais toi, veille... ton ministère. Prêche la parole, insiste à temps, à contretemps, raisonne, menace, exhorte en toute patience et en toute doctrine" 2Tm 4,2-5 Si l'on veut échapper aux embûches de l'ennemi, il faut tout d'abord les mettre à nu, et il est souverainement utile de dénoncer ses perfidies à ceux qui ne les soupçonnent pas: Nous préférerions à coup sûr ne point même nommer ces iniquités, "comme il convient aux Saints" Ep 5,3, mais pour le bien et le salut des âmes, il nous est impossible de les taire tout à fait.

Les sources des erreurs

198Index Table

En conséquence, pour commencer par les sources de ces maux, leur racine principale est dans leur théorie sur le mariage, qui n'aurait pas été institué par l'Auteur de la nature, ni élevé par Notre-Seigneur à la dignité d'un vrai sacrement, mais qui aurait été inventé par les hommes. Dans la nature et dans ses lois, les uns assurent qu'ils n'ont rien trouvé qui se rapporte au mariage, mais qu'ils y ont seulement observé la faculté de procréer la vie et une impulsion véhémente à satisfaire cet instinct; d'autres reconnaissent que la nature humaine décèle certains commencements et comme des germes du vrai mariage, en ce sens que si les hommes ne s'unissaient point par un lien stable, il n'aurait pas été bien pourvu à la dignité des époux, ni à la propagation et à l'éducation des générations humaines. Ceux-ci n'en enseignent pas moins que le mariage lui-même va bien au delà de ces germes, et qu'en conséquence, sous l'action de causes diverses, il a été inventé par le seul esprit des hommes, institué par leur seule volonté.

199Index Table

Combien profonde est leur erreur à tous, et combien ignominieusement ils s'écartent de l'honnêteté, on l'a déjà constaté par ce que Nous avons exposé en cette encyclique touchant l'origine et la nature du mariage, de ses fins et des biens qui lui sont attachés. Quant au venin de ces théories, il ressort des conséquences que leurs partisans en déduisent eux-mêmes: les lois, les institutions et les moeurs qui doivent régir le mariage, étant issues de la seule volonté des hommes, ne seraient aussi soumises qu'à cette seule volonté, elles peuvent donc, elles doivent même, au gré des hommes, et suivant les vicissitudes humaines, être promulguées, être changées, être abrogées. La puissance génératrice, justement parce qu'elle est fondée sur la nature même, est plus sacrée et va bien plus loin que le mariage: elle peut donc s'exercer aussi bien en dehors du mariage qu'à l'intérieur du foyer conjugal, elle le peut même sans tenir compte des fins du mariage, et ainsi la honteuse licence de la prostituée jouirait presque des mêmes droits que l'on reconnaît à la chaste maternité de l'épouse légitime.

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Appuyés sur ces principes, certains en sont arrivés à imaginer de nouveaux genres d'unions, appropriés, suivant eux, aux conditions présentes des hommes et des temps; ils veulent y voir autant de nouvelles espèces de mariages: le mariage temporaire, le mariage à l'essai, le mariage amical, qui réclame pour lui la pleine liberté et tous les droits du mariage après en avoir éliminé toutefois le lien indissoluble et en avoir exclu les enfants, jusqu'au moment, du moins, où les parties auraient transformé leur communauté et leur intimité de vie en un mariage de plein droit.

201Index Table

Bien plus, il en est qui veulent et qui réclament que ces monstruosités soient consacrées par les lois ou soient tout au moins excusées par les coutumes et les institutions publiques des peuples; et ils ne paraissent pas même soupçonner que des choses pareilles n'ont rien assurément de cette culture moderne dont ils se glorifient si fort, mais qu'elles sont d'abominables dégénérescences qui, sans aucun doute, abaisseraient les nations civilisées elles-mêmes jusqu'aux usages barbares de quelques peuplades sauvages.

Contre les enfants

202Index Table

Mais, pour aborder en détail l'exposé de ce qui s'oppose à chacun des biens du mariage, il faut commencer par les enfants, que beaucoup osent nommer une charge fastidieuse de la vie conjugale. A les en croire, les époux doivent avec soin s'épargner cette charge, non point d'ailleurs par une vertueuse continence (permise dans le mariage aussi, quand les deux époux y consentent), mais en viciant l'acte de la nature. Les uns revendiquent le droit à cette criminelle licence, parce que, ne supportant point les enfants, ils désirent satisfaire la seule volupté sans aucune charge; d'autres, parce qu'ils ne peuvent, disent-ils, ni garder la continence, ni - à raison de leurs difficultés personnelles, ou de celles de la mère, ou de leur condition familiale - accueillir des enfants.

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Mais aucune raison assurément, si grave soit-elle, ne peut faire que ce qui est intrinsèquement contre nature devienne conforme à la nature et honnête. Puisque l'acte du mariage est, par sa nature même destiné à la génération des enfants, ceux qui, en l'accomplissant, s'appliquent délibérément à lui enlever sa force et son efficacité, agissent contre la nature; ils font une chose honteuse et intrinsèquement déshonnête.
Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir les Saintes Ecritures attester que la divine Majesté déteste au plus haut point ce forfait abominable, et qu'elle l'a parfois puni de mort, comme le rappelle saint Augustin: "Même avec la femme légitime, l'acte conjugal devient illicite et honteux dès lors que la conception de l'enfant y est évitée. C'est ce que faisait Onan, fils de Judas, ce pourquoi Dieu l'a mis à mort". (St Augustin De conjug. Adult. L. II, n. 12 Gn 38,8-10 )


2002 Magistère Mariage 166