2002 Magistère Mariage 204

Promulgation de la doctrine chrétienne

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En conséquence, comme certains, s'écartant manifestement de la doctrine chrétienne telle qu'elle a été transmise depuis le commencement, et toujours fidèlement gardée, ont jugé bon récemment de prêcher d'une façon retentissante, sur ces pratiques, une autre doctrine, l'Eglise catholique, investie par Dieu même de la mission d'enseigner et de défendre l'intégrité et l'honnêteté des moeurs, l'Eglise catholique, debout au milieu de ces ruines morales, élève bien haut la voix par Notre bouche, en signe de sa divine mission, pour la chasteté du lien nuptial à l'abri de cette souillure, et elle promulgue de nouveau: que tout usage du mariage, quel qu'il soit dans l'exercice duquel l'acte est privé, par l'artifice des hommes, de sa puissance naturelle de procréer la vie, offense la loi de Dieu et la loi naturelle, et que ceux qui auront commis quelque chose de pareil se sont souillés d'une faute grave.

Devoir des confesseurs

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C'est pourquoi, en vertu de Notre suprême autorité et de la charge que Nous avons de toutes les âmes, ministère de la confession et tous ceux qui ont charge d'âmes, de ne point laisser dans l'erreur touchant cette très grave loi de Dieu les fidèles qui leur sont confiés, et bien plus encore de se prémunir eux-mêmes contre les fausses opinions de ce genre, et de ne pactiser en aucune façon avec elles. Si d'ailleurs un confesseur, ou un pasteur des âmes - ce qu'à Dieu ne plaise! - induisait en ces erreurs les fidèles qui lui sont confiés, ou si du moins, soit par une approbation, soit par un silence calculé, il les y confirmait, qu'il sache qu'il aura à rendre à Dieu, le Juge suprême, un compte sévère de sa prévarication; qu'il considère comme lui étant adressées ces paroles du Christ: "Ce sont des aveugles, et ils sont les chefs des aveugles; or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tombent tous deux dans la fosse". Mt 15,14

Héroïsme des époux

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Pour ce qui concerne les motifs allégués pour justifier le mauvais usage du mariage, il n'est pas rare - pour taire ceux qui sont honteux - que ces motifs soient feints ou exagérés. Néanmoins, l'Eglise, cette pieuse Mère, comprend, en y compatissant, ce que l'on dit de la santé de la mère et du danger qui menace sa vie. Et qui ne pourrait y réfléchir sans s'émouvoir de pitié? Qui ne concevrait la plus haute admiration pour la mère qui s'offre elle-même, avec un courage héroïque, à une mort presque certaine, pour conserver la vie à l'enfant une fois conçu? Ce qu'elle aura souffert pour remplir pleinement le devoir naturel, Dieu seul, dans toute sa richesse et toute sa miséricorde, pourra le récompenser, et il le fera sûrement dans une mesure non seulement pleine, mais surabondante. Lc 6,38

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L'Eglise le sait fort bien aussi: il n'est pas rare qu'un des deux époux subisse le pêché plus qu'il ne le commet, lorsque, pour une raison tout à fait grave, il laisse. se produire une perversion de l'ordre, qu'il ne veut pas lui- même; il en reste, par suite, innocent, pourvu qu'alors il se souvienne aussi de la loi de charité, et ne néglige pas de dissuader et d'éloigner du péché son conjoint. Il ne faut pas non plus accuser d'actes contre nature les époux qui usent de leur droit suivant la saine et naturelle raison, si, pour des causes naturelles, dues soit à des circonstances temporaires, soit à certaines défectuosités physiques, une nouvelle vie n'en peut pas sortir. Il y a en effet tant dans le mariage lui-même que dans l'usage du droit matrimonial, des fins secondaires - comme le sont l'aide mutuelle, l'amour réciproque à entretenir et le remède à la concupiscence - qu'il n'est pas du tout interdit aux époux d'avoir en vue, pourvu que la nature intrinsèque de cet acte soit sauvegardée, et, sauvegardée du même coup sa subordination à la fin première.

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Pareillement Nous sommes touché au plus intime du coeur par le gémissement de ces époux qui, sous la pression d'une dure indigence, éprouvent la plus grande difficulté à nourrir leurs enfants.
Mais il faut absolument veiller à ce que les funestes conditions des choses matérielles ne fournissent pas l'occasion à une erreur bien plus funeste encore. Aucune difficulté extérieure ne saurait surgir qui puisse entraîner une dérogation à l'obligation créée par les commandements de Dieu qui interdisent les actes intrinsèquement mauvais par leur nature même. Dans toutes les conjonctures les époux peuvent toujours, fortifiés par la grâce de Dieu, remplir fidèlement leur devoir, et préserver leur chasteté conjugale de cette tache honteuse. Telle est la vérité inébranlable de la pure foi chrétienne, exprimée par le magistère du concile de Trente: "Personne ne doit prononcer ces paroles téméraires, interdites par les Pères sous peine d'anathème: qu'il est impossible à l'homme justifié d'observer les préceptes de Dieu. Car Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant il vous avertit de faire ce que vous pouvez et de demander ce que vous ne pouvez pas, et il vous aide à le pouvoir". DS 1536

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Cette même doctrine a été, de nouveau, solennellement confirmée par l'Eglise dans la condamnation de l'hérésie janséniste, qui avait osé proférer contre la bonté de Dieu ce blasphème: "Certains préceptes de Dieu sont impossibles à observer par des hommes justes, en dépit de leur volonté et de leurs efforts, étant donné leurs forces présentes: il leur manque aussi la grâce par où cette observation deviendrait possible". DS 2001 DS 1954

L'attentat à la vie de l'enfant

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Mais il faut encore, Vénérables Frères, mentionner un autre crime extrêmement grave par lequel il est attenté à la vie de l'enfant encore caché dans le sein de sa mère. Les uns veulent que ce soit là chose permise, et laissée au bon plaisir de la mère ou du père; d'autres reconnaissent qu'elle est illicite, à moins de causes exceptionnellement graves auxquelles ils donnent le nom d'indication médicale, sociale, eugénique. Pour ce qui regarde les lois pénales de l'Etat, qui interdisent de tuer l'enfant engendré mais non encore né, tous exigent que les lois de l'Etat reconnaissent l'indication que chacun d'eux préconise, indication différente, d'ailleurs, selon ses différents défenseurs; ils réclament qu'elle soit affranchie de toute pénalité. Il s'en trouve même qui font appel, pour ces opérations meurtrières, à la coopération directe des magistrats; et il est notoire, hélas! qu'il y a des endroits où cela arrive très fréquemment.

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Quant à l'"indication médicale ou thérapeutique", pour employer leur langage, nous avons déjà dit, Vénérables Frères, combien nous ressentons de pitié pour la mère que l'accomplissement du devoir naturel expose à de graves périls pour sa santé voire pour sa vie même: mais quelle cause pourrait jamais suffire à excuser en aucune façon le meurtre direct d'un innocent? Car c'est de cela qu'il s'agit ici. Que la mort soit donnée à la mère ou qu'elle soit donnée à l'enfant, elle va contre le précepte de Dieu et contre la voix de la nature: "Tu ne tueras pas!" Ex 20,13 DS 3258 DS 3298 DS 3336-3338 La vie de l'un et de l'autre est chose pareillement sacrée; personne pas même les Pouvoirs publics, ne pourra jamais avoir le droit d'y attenter.

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C'est sans l'ombre de raison qu'on fera dériver ce droit du jus gladii, qui ne vaut que contre les coupables. Il est absolument vain aussi d'alléguer ici le droit de se défendre jusqu'au sang contre un injuste agresseur (car qui pourrait donner ce nom d'injuste agresseur à un enfant innocent? ). Il n'y a pas non plus ici ce qu'on appelle le "droit de nécessité extrême", qui puisse arriver jusqu'au meurtre direct d'un innocent. Pour protéger par conséquent et pour sauvegarder chacune des deux vies, celle de la mère et celle de l'enfant, les médecins probes et habiles font de louables efforts: par contre, ils se montreraient fort indignes de leur noble profession médicale ceux qui, sous l'apparence de remèdes, ou poussés par une fausse compassion, se livreraient à des interventions .meurtrières.

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Ces enseignements concordent pleinement avec les paroles sévères que l'évêque d'Hippone adresse aux époux dépravés, qui s'appliquent à empêcher la venue de l'enfant et qui, s'ils n'y réussissent pas, ne craignent pas de le faire mourir. "Leur cruauté libidineuse, ou leur volupté cruelle, dit-il, en arrive parfois jusqu'au point de procurer des poisons stérilisants, et si rien n'a réussi, de faire périr d'une certaine façon dans les entrailles de la mère l'enfant qui y a été conçu: on veut que l'enfant meure avant de vivre, qu'il soit tué avant de naître. A coup sûr, si les deux conjoints en sont là, ils ne méritent pas le nom d'époux; et si dès le début ils ont été tels, ce n'est pas pour se marier qu'ils se sont réunis, mais bien plutôt pour se livrer à la fornication s'ils ne sont pas tels tous deux, j'ose dire: ou celle-là est d'une certaine manière la prostituée de son mari, ou celui-ci est l'adultère de sa femme". St Augustin, De nupt. Et concupisc. Ch. 15)

L'eugénisme

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Quant aux observations que l'on apporte touchant l'indication sociale et eugénique, on peut et on doit en tenir compte, avec des moyens licites et honnêtes et dans les limites requises; mais prétendre pourvoir aux nécessités sur lesquelles elles se fondent, en tuant un innocent, c'est chose absurde et contraire au précepte divin, promulgué aussi par ces paroles: "il ne faut point faire le mal pour procurer le bien". Rm 3,8

215Index Table

Enfin, ceux qui, dans les nations, tiennent le pouvoir ou élaborent les lois, n'ont pas le droit d'oublier qu'il appartient aux pouvoirs publics de défendre la vie des innocents par des lois et des pénalités appropriées, et cela d'autant plus que ceux dont la vie est en péril et menacée, ne peuvent se défendre eux-mêmes, et c'est assurément le cas, entre tous, des enfants cachés dans le sein de leur mère. Que si les autorités de l'Etat n'omettent pas seulement de protéger ces petits, mais que, par leurs lois et leurs décrets ils les abandonnent et les livrent même aux mains de médecins ou d'autres pour que ceux-ci les tuent, qu'ils se souviennent que Dieu est juge et vengeur du sang innocent qui de la terre, crie vers le ciel. Gn 4,10

216Index Table

Il faut enfin réprouver ce pernicieux usage qui regarde sans doute directement le droit naturel de l'homme à contracter mariage, mais qui se rapporte aussi réellement, d'une certaine façon au bien de l'enfant. Il en est, en effet, qui, trop préoccupés des fins eugéniques, ne se contentent pas de donner des conseils salutaires pour assurer plus sûrement la santé et la vigueur de l'enfant - ce qui n est certes pas contraire à la droite raison -, mais qui mettent la fin eugénique au-dessus de toute autre, même d'ordre supérieur, et qui voudraient voir les pouvoirs publics interdire le mariage à tous ceux qui, d'après les règles et les conjectures de leur science, leur paraissent, à raison de l'hérédité, devoir engendrer des enfants défectueux, fussent-ils d'ailleurs personnellement aptes au mariage. Bien plus, ils veulent qu'en pareil cas la loi impose, de gré ou de force, la stérilisation par intervention médicale, et cela, non pas comme sanction portée par l'autorité pour une faute déjà commise ou comme précaution contre de criminelles récidives, mais, à l'encontre de tout droit et de toute justice, par l'attribution aux magistrats civils d'un pouvoir qu'ils n'ont jamais eu et ne sauraient légitimement avoir.

217Index Table

Tous ceux qui agissent de la sorte oublient complètement que la famille est plus sacrée que l'Etat, et que, surtout, les hommes ne sont pas engendrés pour la terre et pour le temps, mais pour le ciel et l'éternité. Il n'est certes pas permis que des hommes d'ailleurs capables de se marier, dont, après un examen attentif, on conjecture qu'ils n'engendreront que des enfants défectueux, soient inculpés d'une faute grave s'ils contractent mariage, encore que, souvent, le mariage doive leur être déconseillé.

218Index Table

Les magistrats n'ont d'ailleurs aucun droit direct sur les membres de leurs sujets: ils ne peuvent jamais ni pour raison d'eugénisme, ni pour aucun autre genre de raison, blesser et atteindre directement l'intégrité du corps, dès lors qu'aucune faute n'a été commise, et qu'il n'y a aucune raison d'infliger une peine sanglante. Saint Thomas d'Aquin enseigne la même chose lorsque, se demandant si les juges humains peuvent infliger du mal à un homme pour prévenir des maux futurs, il le concède pour quelques autres maux, mais il le nie à bon droit et avec raison pour ce qui concerne la lésion du corps: "Jamais, suivant le jugement humain, personne ne doit, sans avoir commis une faute, être puni d'une peine meurtrissante; on ne peut ni les tuer, ni les mutiler, ni les frapper". II-II 108,4 ad.2

219Index Table

Au surplus, les individus eux-mêmes n'ont sur les membres de leur propre corps d'autre puissance que celle qui se rapporte à leurs fins naturelles; ils ne peuvent ni les détruire, ni les mutiler, ni se rendre par d'autres moyens inaptes à leurs fonctions naturelles, sauf quand il est impossible de pourvoir autrement au bien du corps entier: tel est le ferme enseignement de la doctrine chrétienne, telle est aussi la certitude que fournit la lumière de la raison.


Contre la foi conjugale

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Mais, pour en venir à un autre chef d'erreurs, qui concerne la foi conjugale, tout péché contre l'enfant a pour conséquence que l'on pèche aussi, d'une certaine façon, contre la fidélité conjugale, ces deux biens du mariage étant étroitement liés entre eux. Mais, en outre, il faut compter autant de chefs d'erreurs et de déformations vicieuses contre la fidélité conjugale, que cette même foi conjugale comprend de vertus domestiques la chaste fidélité des deux époux, l'honnête subordination de la femme à son mari, enfin une ferme et vraie charité entre eux.

221Index Table

Ils altèrent donc premièrement la foi conjugale, ceux qui pensent qu'il faut condescendre aux idées et aux moeurs d'aujourd'hui sur une amitié fausse et non exempte de faute avec des tierces personnes; qui réclament que l'on concède aux époux une plus grande licence de sentiment et d'action dans ces relations extérieures d'autant plus (à leur sens) que beaucoup ont un tempérament sexuel auquel ils ne peuvent satisfaire dans les limites étroites du mariage monogame. Aussi la rigidité morale des époux honnêtes, qui condamne et réprouve toute affection et tout acte sensuel avec une tierce personne leur apparaît-elle comme une étroitesse surannée d'esprit et de coeur, comme une abjecte et vile jalousie. C'est pourquoi ils veulent que l'on considère comme tombées en désuétude, ou qu'à coup sûr on les y fasse tomber, toutes les lois pénales qui ont été portées pour maintenir la fidélité conjugale.

222Index Table

Le noble coeur des époux chastes n'a besoin que d'écouter la voix de la nature pour répudier et pour réprouver ces théories comme vaines et honteuse; et cette voix de la nature trouve assurément une approbation et une confirmation tant dans ce commandement de Dieu: "Tu ne commettras point l'adultère" Ex 20,14 que dans la parole du Christ: "Quiconque arrête sur une femme des regards de concupiscence a déjà commis l'adultère dans son coeur". Mt 5,28 Nulle habitude humaine, aucun exemple dépravé, aucune apparence de progrès de l'humanité ne pourront jamais infirmer la force de ce précepte divin. Car, de même que le seul et unique "Jésus- Christ qui était hier et qui est aujourd'hui, sera toujours dans les siècles des siècles" He 13,8, de même demeure la seule et unique doctrine du Christ, dont ne passera pas même une virgule jusqu'à ce que tout s'accomplisse. Mt 5,18

L'émancipation

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Les mêmes maîtres d'erreurs, qui ternissent l'éclat de la fidélité et de la chasteté nuptiales, n'hésitent pas à attaquer la fidèle et honnête subordination de la femme à son mari. Nombre d'entre eux poussent l'audace jusqu'à parler d'une indigne servitude d'un des deux époux à l'autre; ils proclament que tous les droits sont égaux entre époux; estimant ces droits violés par la "servitude" qu'on vient de dire, ils prêchent orgueilleusement une émancipation de la femme, déjà accomplie ou qui doit l'être. Ils décident que cette émancipation doit être triple, qu'elle doit se réaliser dans le gouvernement de la vie domestique, dans l'administration des ressources familiales, dans la faculté d'empêcher ou de détruire la vie de l'enfant. Et ils l'appellent sociale, économique, physiologique: physiologique, car ils veulent que les femmes soient à leur gré affranchies des charges conjugales et maternelles de l'épouse (ce qui n'est pas émancipation, mais crime détestable, Nous l'avons suffisamment montré); économique: ils entendent par là que la femme, même à l'insu de son mari, et contre sa volonté puisse gérer librement ses affaires les administrer sans se soucier autrement de ses enfants, de son mari et de toute sa famille; sociale enfin: et par là ils enlèvent à la femme les soins domestiques, ceux des enfants et ceux de la famille, pour que, ceux-là négligés, elle puisse se livrer à son génie naturel, se consacrer aux affaires et occuper des charges, même les charges publiques.

224Index Table

Mais ce n'est pas là une vraie émancipation de la femme, et ce n'est pas là non plus cette digne liberté conforme à la raison, qui est due à la noble tâche de la femme et de l'épouse chrétienne; c'est bien plutôt une corruption de l'esprit de la femme et de la dignité maternelle, un bouleversement aussi de toute la famille, par où le mari est privé de sa femme, les enfants de leur mère, la maison et la famille tout entière d'une gardienne toujours vigilante. Bien plus, c'est au détriment de la femme elle-même que tourne cette fausse liberté et cette égalité non naturelle avec son mari; car si la femme descend de ce siège vraiment royal où elle a été élevée par l'Evangile dans l'intérieur des murs domestiques, elle sera bien vite réduite à l'ancienne servitude (sinon en apparence, du moins en réalité) et elle deviendra - ce qu'elle était chez les païens -, un pur instrument de son mari

225Index Table

Mais quant à cette égalité des droits qui est si exaltée et que l'on réclame si vivement, il faut la reconnaître dans les choses qui sont propres à la personne et à la dignité humaines, qui accompagnent le pacte nuptial et qui sont impliquées par la vie conjugale. En ces choses-là, chacun des deux époux jouit assurément des mêmes droits et il est tenu à la même obligation dans les autres choses, une certaine inégalité et une juste proportion sont nécessaires, celles qu'exigent le bien de la famille ou l'unité et la stabilité nécessaires d une société domestique ordonnée.

226Index Table

Si parfois, cependant, les conditions sociales et économiques de la femme mariée doivent se modifier en quelque manière, à cause du changement qui s'est introduit dans la forme et les usages des relations humaines, il appartient aux pouvoirs publics d'adapter les droits civils de la femme aux nécessités et aux besoins de notre époque, en tenant compte de ce qu'exigent le tempérament différent du sexe féminin, l'honnêteté des moeurs, le bien commun de la famille, et pourvu que l'ordre essentiel de la société domestique soit sauvegardé. Cet ordre a été institué par une autorité plus haute que l'autorité humaine, savoir par l'autorité et la sagesse divines, et ni les lois de l'Etat, ni le bon plaisir des particuliers ne sauraient le modifier.

227Index Table

Mais les ennemis les plus récents de l'union conjugale vont plus loin encore: à l'amour véritable et solide, fondement du bonheur conjugal et de la douce intimité, ils substituent une certaine correspondance aveugle des caractères, et une certaine union des coeurs, qu'ils appellent sympathie; quand celle-ci prend fin, ils enseignent que le lien se relâche par lequel seul les coeurs sont unis, et qu'il se dénoue tout à fait. Mais n est-ce pas là, en toute vérité, édifier la maison sur le sable? Dès que celle-ci sera exposée aux flots des adversités, dit Notre- Seigneur, elle sera aussitôt ébranlée et elle croulera: "Et les vents ont soufflé, et ils se sont rués sur cette maison et elle est tombée, et sa ruine a été grande" Mt 7,27. Mais, au contraire, la maison qui aura été établie sur la pierre, savoir sur la charité entre les époux, et consolidée par l'union délibérée et constante des coeurs, ne sera pas ébranlée par aucune adversité, et à plus forte raison ne sera-t-elle pas renversée.

Contre le sacrement

228Index Table

Nous venons, Vénérables Frères, de défendre les deux premiers biens du mariage chrétien, que les actuels ennemis de la société s'efforcent de ruiner. Mais, comme le troisième de ces biens, le sacrement, l'emporte de beaucoup sur les précédents, il n'y a rien d'étonnant à ce que nous voyions les mêmes hommes assaillir surtout, avec plus d'âpreté encore, son excellence. Et tout d'abord, ils présentent le mariage comme une chose absolument profane et purement civile, et qui ne saurait en aucune façon être confiée à la société religieuse, l'Eglise du Christ, mais à la seule société civile. Ils ajoutent alors que le pacte nuptial doit être libéré de tout lien indissoluble, que les séparations d'époux, ou divorces, doivent, en conséquence, être non seulement tolérées mais sanctionnées par la loi. D'où il résultera finalement que, dépouillée de toute sainteté, l'union conjugale sera reléguée au rang des choses profanes et civiles.

229Index Table

Ils décrètent principalement à ce sujet ce premier point: que l'acte civil même doit être considéré comme le vrai contrat nuptial (ce qu'ils appellent mariage civil) l'acte religieux ne sera plus qu'une addition au mariage civil, le maximum de la concession qu'on puisse faire au peuple trop superstitieux. Ils veulent ensuite que sans aucun blâme les catholiques puissent s'unir conjugalement avec les non- catholiques, sans tenir aucun compte de la religion ni demander le consentement de l'autorité religieuse. Le second point, qui suit celui-là, consiste à excuser les divorces complets et à louer et promouvoir les lois civiles qui favorisent la rupture du lien.

230Index Table

Pour ce qui regarde le caractère religieux de toute union conjugale, et plus particulièrement celui du mariage chrétien et du sacrement, l'encyclique de Léon XIII, que Nous avons rappelée souvent, et que Nous avons déjà faite expressément Nôtre, en a traité avec plus de développement et en a donné de graves raisons: aussi y renvoyons-Nous ici, et jugeons- Nous bon de n'en reprendre maintenant que quelques données.

231Index Table

La seule lumière de la raison - surtout si l'on scrute les antiques monuments de l'histoire, si l'on interroge la conscience constante des peuples, si l'on consulte les institutions et les moeurs des nations - suffit à établir qu'il y a dans le mariage naturel lui-même quelque chose de sacré et de religieux, "non adventice, mais inné, non reçu des hommes, mais inséré par la nature même", parce que ce mariage "a Dieu pour auteur, et qu'il a été, dès le principe, comme une image de l'Incarnation du Verbe de Dieu" . Le caractère sacré du mariage, intimement lié avec l'ordre de la religion et des choses saintes, ressort en effet soit de son origine divine, que Nous avons rapportée plus haut, soit de sa fin qui est d'engendrer et de former pour Dieu les enfants, et de rattacher pareillement à Dieu les époux par l'amour chrétien et l'aide mutuelle soit enfin du devoir naturel de l'union conjugale elle-même, instituée par la très sage Providence du Dieu Créateur, et qui est de Servir, pour transmettre la vie, d'une sorte de véhicule, par où les parents deviennent comme des instruments de la toute- puissance divine.

232Index Table

Une nouvelle cause de dignité s'y ajoute, venant du sacrement, qui rend le mariage des chrétiens de beaucoup le plus noble, et qui l'élève à une si haute excellence qu'il a apparu à l'Apôtre comme un grand mystère, digne de toute vénération. Ep 5,32 He 13,4
Ce caractère sacré du mariage et sa haute signification de la grâce et de l'union entre le Christ et l'Eglise, exigent des futurs époux une sainte révérence envers le mariage chrétien, une sainte vigilance et un saint zèle pour que le mariage auquel ils se disposent se rapproche le plus possible de l'archétype du Christ et de l'Eglise.

Les mariages mixtes

233Index Table

Ils se mettent bien en défaut à cet égard, et parfois non sans risquer leur salut éternel, ceux qui s'engagent témérairement dans les unions mixtes, dont l'amour maternel et la maternelle prévoyance de l'Eglise, pour des raisons très graves, détourne les siens - comme on le voit par de nombreux documents y compris le canon du Code qui décrète ceci: "L'Eglise prohibe très sévèrement le mariage entre deux personnes baptisées, dont une est catholique et dont l'autre est adhérente à une secte hérétique ou schismatique; que s'il y a péril de perversion pour l'époux catholique et pour les enfants, le mariage est interdit par la loi divine elle-même" CIS 1060. Si l'Eglise, quelquefois, pour des raisons de temps, de choses, de personnes, ne refuse point de dispenser de ces sévères prescriptions (le droit divin étant sauf, et le péril de perversion ayant été écarté dans toute la mesure possible), il arrivera toutefois difficilement que l'époux catholique ne subisse en ce genre de mariage aucun détriment.

234Index Table

Il n'est pas rare qu'il en résulte pour les enfants de déplorables défections religieuses, ou, du moins, un glissement rapide en ce qu'on appelle l'indifférence religieuse, si proche de l'infidélité et de l'impiété. Ajoutons que les mariages mixtes rendent beaucoup plus difficile cette vivante unanimité qui reproduit le mystère que nous avons dit, savoir l'union ineffable de l'Eglise avec le Christ.

235Index Table

Elle y fera facilement défaut, cette étroite union des coeurs qui, signe et note de l'Eglise du Christ, doit être pareillement le signe, la gloire et l'ornement du mariage chrétien. C'est que la divergence des esprits et des volontés sur les vérités et les sentiments religieux, les plus essentiels et les plus élevés parmi ceux qui sont proposés à la vénération des hommes, entraîne d'ordinaire la rupture ou tout au moins le relâchement du lien qui unit leurs âmes. Il faut craindre par suite, en pareil cas, que ne s'affaiblisse l'amour des époux et que, par suite, ne soient entamés le bonheur et la paix de la famille qui viennent surtout de l'union des coeurs. Car, selon la définition de l'ancien Droit Romain: "Les noces sont la conjonction de l'homme et de la femme, la mise en commun de toute leur vie, la communauté parfaite du droit divin et du droit humain". (Modestinus: (in Dig. Liv 23,II: de ritu nuptiarum) l. I régularum.)

Le divorce

236Index Table

Mais, comme Nous l'avons déjà relevé, Vénérables Frères, ce qui empêche surtout cette restauration et cette perfection du mariage, établies par le Christ Rédempteur, c'est la facilité sans cesse croissante des divorces. Bien plus, les fauteurs du néopaganisme, nullement instruits par une triste expérience, continuent à s'élever avec une âpreté toujours nouvelle contre l'indissolubilité sacrée du mariage et contre les lois qui la favorisent; ils insistent pour obtenir l'autorisation légale du divorce, afin qu'une autre loi, et une loi plus humaine, se substitue aux lois vieillies et périmées.

237Index Table

En faveur du divorce ils font d'ailleurs valoir des causes aussi nombreuses que variées, les unes fondées sur une tare ou un défaut personnel, les autres appuyées sur les choses elles- mêmes (ils appellent les premières des causes subjectives, et les secondes des causes objectives): bref tout ce qui peut rendre la vie en commun trop pénible et désagréable. Ces causes de divorces et ces dispositions légales, ils veulent les justifier par de multiples raisons tout d'abord le bien des deux époux, soit que l'un soit innocent et qu'en conséquence il ait le droit de se séparer du coupable, soit qu'il soit criminel, et qu'il doive, pour ce motif, être écarté d'une union pénible et contrainte; puis le bien des enfants, dont l'éducation est viciée ou demeure sans fruit parce que, scandalisés par les discordes des parents et leurs autres méfaits, ils sont trop facilement détournés de la voie de la vertu; le bien commun de la société enfin, qui réclame d'abord la totale extinction des mariages incapables de réaliser ce que la nature a en vue; qui réclame ensuite la légalisation des séparations conjugales, soit pour éviter les crimes que laissent aisément craindre la vie en commun ou les rapports continus de ces époux, soit pour mettre fin aux affronts infligés, avec une fréquence croissante, aux tribunaux et à l'autorité des lois, étant donné que les époux, pour obtenir la sentence désirée en faveur de leur divorce, ou bien commettent à dessein les délits pour lesquels le juge, aux termes de la loi, pourra rompre leur lien, ou bien, devant le juge, qui sait fort bien à quoi s'en tenir, s'accusent insolemment, avec mensonge et parjure, d'avoir commis ces délits.

238Index Table

Les fauteurs du divorce clament qu'il faut absolument conformer les lois à ces nécessités, aux conditions changées des temps, aux opinions des hommes, aux institutions et aux moeurs des Etats: autant de raisons qui, même prises à part, mais surtout réunies en faisceau, leur semblent prouver surabondamment que le divorce, dans certains cas précis, doit absolument être autorisé. D'autres vont encore plus loin: à leur sens, le mariage est un contrat purement privé, et, comme tous les autres contrats privés, il doit être absolument abandonné au consentement et au jugement privé des deux contractants et, par suite, pouvoir se rompre pour n'importe quelle cause.

réponse aux objections

239Index Table

Mais contre toutes ces insanités se dresse, Vénérables Frères, une loi de Dieu, irréfragable, très amplement confirmée par le Christ, une loi qu'aucun décret des hommes, aucun plébiscite, aucune volonté des législateurs ne pourra affaiblir: "Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare point" Mt 19,6. Que si, prévariquant, l'homme a opéré cette séparation, son acte est sans aucune valeur; et il en résultera ce que le Christ a lui-même clairement confirmé: "Quiconque renvoie son épouse et en prend une autre commet un adultère; et quiconque prend la femme renvoyée par son mari commet un adultère" Lc 16,18. Ces paroles du Christ s'appliquent à n'importe quel mariage, même seulement naturel et légitime; car cette indissolubilité convient à tout vrai mariage, qui, par elle, pour ce qui est de la rupture du lien, est soustrait à ce bon plaisir des parties et à toute puissance séculière.

240Index Table

Il faut pareillement rappeler le jugement solennel par lequel le concile de Trente a réprouvé ces choses sous peine d'anathème: Si quelqu'un dit qu'à cause de l'hérésie, ou à cause des difficultés de la vie en commun, ou à cause de l'absence systématique d'un époux, le lien du mariage peut être rompu; qu'il soit anathème" DS 1805, et:"Si quelqu'un dit que l'Eglise s'est trompée quand elle a enseigné et lorsqu'elle enseigne, conformément à la doctrine évangélique et apostolique, qu'à raison de l'adultère d'un des époux le lien du mariage ne peut être rompu et qu'aucun des deux, même l'époux innocent, ne peut, du vivant de l'autre époux, contracter un autre mariage, et que celui, qui, ayant renvoyé sa femme adultère, en prend une autre, commet un adultère, et pareillement, celle qui, ayant renvoyé son époux, s'est unie à un autre: qu'il soit anathème" DS 1807


241Index Table

Que si l'Eglise ne s'est pas trompée et si elle ne se trompe pas quand elle a enseigné et quand elle continue à enseigner Ces choses, et s'il est certain, en conséquence, que le lien du mariage ne peut être rompu même pas par l'adultère, il est évident que toutes les autres causes, beaucoup plus faibles, de divorce, que l'on pourrait présenter et que l'on a coutume de présenter, ont bien moins de valeur, et qu'il n'en faut tenir aucun compte.


2002 Magistère Mariage 204