Jérôme oeuvres mystiques - CHAPITRE X. Saint Hillarion fait sortir le démon du corps d'un chameau prodigieux en grandeur. Estime que saint Antoine faisait de saint Hilarion.

CHAPITRE X. Saint Hillarion fait sortir le démon du corps d'un chameau prodigieux en grandeur. Estime que saint Antoine faisait de saint Hilarion.


Mais c'est peu de parler des hommes ; on lui amenait aussi tous les jours des animaux furieux, entre lesquels fut un chameau bactriaque d'une prodigieuse grandeur, lequel avait fracassé plusieurs personnes et était amené par plus de trente hommes qui le traînaient avec de grosses cordes. Il avait les yeux pleins de taches de sang, la bouche écumante, la langue enflée et dans un mouvement continuel. Mais ses effroyables rugissements, qui remplissaient tout l'air d'un bruit étrange, donnaient encore plus de terreur que tout le reste. Le saint vieillard commanda qu'on le déliât, et dès qu'il le l'ut ceux qui étaient avec lui et ceux qui avaient amené cet animal s'enfuirent tous sans en excepter un seul ; mais lui s'en alla au-devant et dit en langage syriaque : " Tu ne m'étonneras pas, ô démon, par une si grande masse corporelle, puisque soit que tu sois dans un renard ou dans un chameau, tu es toujours le même. " Ayant achevé ces paroles, il demeura ferme et étendit la main. Celte, bête, qui venait toute furieuse et comme si elle eût voulu le dévorer, tomba aussitôt qu'elle fut arrivée auprès de lui, et, baissant la tète, la tint contre terre. Tous ceux qui l'aperçurent ne pouvaient assez admirer de voir en un moment une si grande furie changée en une si grande douceur; sur quoi le saint les instruisant, leur apprit que le diable s'empare aussi des animaux à cause des hommes, auxquels il porte une haine si violente qu'il voudrait pouvoir tuer et eux et tout ce qui leur appartient ; dont il leur apportait l'exemple du bienheureux Job, lequel il ne lui fut permis de tenter qu'après qu'il eut fait mourir tout ce qui était à lui; et qu'ainsi personne ne devait s'étonner de ce que par le commandement de notre Seigneur les démons avaient fait noyer deux mille pourceaux, parce qu'à moins que de voir un si grand nombre d'animaux, comme poussés par plusieurs personnes, s'être précipités en même temps dans la mer, ceux qui en avaient été témoins n'auraient pu croire qu'il fût sorti du corps d'un seul homme une si grande multitude de démons.

Le temps me marquerait si je voulais rapporter tous les miracles qu'il a faits; car Dieu l'avait élevé à une si grande gloire que saint Antoine même, apprenant quelle était sa manière de vivre, lui écrivait et recevait très volontiers de ses lettres; et lorsque des malades venaient à lui du côté de la Syrie, il leur disait; (248) " Pourquoi vous êtes-vous donné la peine de venir de si loin, puisque vous avez de delà mon fils Hilarion ? " Ainsi à son exemple on commença à faire beaucoup de monastères dans toute la Palestine, et tous les solitaires couraient à l'envi vers lui ; ce que voyant, il rendait des louanges il Dieu de tant de grâces, et les exhortait tous à s'avancer dans la perfection en leur disant que la figure de ce monde passe, et que celle-là est la seule véritable vie qui s'acquiert par les travaux et les incommodités de la vie présente. Voulant aussi leur donner exemple d'humilité et du soin que chacun doit prendre de s'acquitter de son devoir, il visitait à certains jours, avant les vendanges, les cellules de tous les solitaires ; ce que les frères ayant reconnu, ils venaient tous en foule vers lui, et sous la conduite d'un tel chef allaient de monastère en monastère, portant chacun de quoi vivre, car ils s'assemblaient quelquefois jusqu'à deux mille. Mais, dans la suite du temps, chaque bourgade portait avec joie aux solitaires dont elle était proche de quoi nourrir tous ces saints qui les venaient visiter.


CHAPITRE XI. Saint Hilarion convertit à la foi toute une petite ville de païens.


" Dieu punit l'avarice d'un solitaire qu'il alla visiter, et fait aussi voir en un autre la grandeur de ce péché. "

Or il ne faut point de meilleure marque de ce que son extrême charité ne lui faisait négliger aucun des frères, quelque peu considérable qu'il fût, que ce qu'allant au désert de Cades, accompagné d'une très grande troupe de solitaires, pour en visiter un, il se rencontra par hasard dans une petite ville nommée Elusa, le jour qu'une solennité qui s'y faisait tous les ans avait rassemblé tout le peuple dans le temple de Vénus, qu'il révère à cause de Lucifer, au culte duquel les Arabes ont une grande dévotion; et la situation du lieu fait, à ce que l'on dit, que cette villette est à demi barbare. Les habitants, ayant su que saint Hilarion passait (car ils le connaissaient à cause qu'il avait délivré plusieurs Arabes possédés du diable), le vinrent trouver par troupes avec leurs femmes et leurs enfants, en baissant la tête et criant en syriac, barec, c'est-à-dire : donnez-nous votre bénédiction. Le saint, les recevant avec douceur et humilité, les conjurait d'adorer plutôt Dieu que non pas des pierres, ce qu'il disait en fondant en larmes, en élevant les yeux au ciel, et on leur promettant que s'ils croyaient en Jésus-Christ il les viendrait souvent visiter. Merveilleuse grâce de notre Seigneur! Ils ne lui permirent de s'en aller qu'après qu'il leur eut tracé la place d'une église et que leur prêtre, tout couronné comme il était, eut été marqué du caractère de Jésus-Christ.

Une autre année, lorsqu'il était prêt d'aller visiter les monastères, et faisait un mémoire de ceux chez qui il voulait demeurer et de ceux qu'il ne voulait voir qu'en passant, les frères, sachant qu'entre les autres solitaires il y en avait un qui était trop bon ménager, et désirant le corriger de ce vice, le priaient de le mettre au nombre de ceux chez lesquels il s'arrêterait. Il leur répondit : " Pourquoi voulez-vous que je lui fasse peine et que je vous fasse tort par même moyen? " Ce solitaire trop bon ménager, ayant su cela et en ayant honte, obtint avec grande difficulté d'Hilarion, à l'instance de tous les autres frères, que son monastère fût mis au nombre de ceux où il devait s'arrêter. Dix jours après ils y arrivèrent, et trouvèrent des gardes disposés par toute sa vigne, qui, jetant des pierres et des mottes, empêchaient que l'on n'en approchât. Ainsi ils partirent le lendemain matin sans avoir mangé une seule grappe de raisin, le vieillard n'en faisant que rire et feignant d'ignorer ce qui s'était passé. Un autre solitaire nommé Sabas (car il faut supprimer le nom de l'avare et ne pas taire celui du libéral), les ayant repos en passant un jour de dimanche, les pria tous d'entrer en sa vigne, afin qu'en mangeant des raisins avant l'heure du repas, le travail du chemin leur fût plus aisé à supporter; sur quoi le saint dit: " Malheur à celui qui nourrira son corps plutôt que son âme! Prions, chantons des psaumes; rendons ce que nous devons à Dieu ; et puis vous entrerez dans la vigne. " S'étant acquitté de toutes ces choses, il monta sur un lieu élevé d'où il bénit la vigne, et envoya ainsi paître ses ouailles. Le nombre de ceux qui se rassasièrent de ces raisins n'était pas moindre que de trois mille, et cette vigne avant qu'on v eût touché ayant été estimée pouvoir rendre cent, mesures de vin de ce pays-là, elle en rendit trois cents vingt jours après ; au lieu que ce solitaire avare, en ayant recueilli beaucoup moins qu'il n'avait (249) coutume, et tout cela encore s'étant tourné en vinaigre, se repentit trop tard de sa faute; en quoi il n'y eut rien que le vieillard n'eût prédit à plusieurs des frères devoir arriver.

Il avait en horreur sur toutes choses les solitaires qui, par une espèce d'infidélité, mettaient ce qu'ils avaient en réserve, et prenaient trop de soin ou de leur dépense, ou de leurs habits, ou de quelqu'une de ces autres choses qui passent avec le siècle. Ainsi il ne voulait plus voir l'un d'entre eux qui demeurait à cinq milles de lui, parce qu'il avait appris qu'il gardait son petit jardin avec trop de soin, de crainte que l'on y prît quelque chose, et qu'il avait un peu d'argent. Ce frère, se voulant réconcilier avec lui, venait souvent voir les autres frères, et particulièrement Hesychius, que saint Hilarion aimait avec une extrême tendresse, et lui apporta un jour une botte de pois chiches encore tout verts. Hesychius les ayant servis le soir sur la table, le vieillard s'écria qu'il ne pouvait souffrir cette puanteur, et demanda d'où ils venaient. Hesychius répondant que c'étaient les prémices du jardin d'un des frères qui les avait apportées, " ne sentez-vous pas, " repartit le saint, " cette effroyable puanteur, et combien ces pois chiches sentent l'avarice? Envoyez-les aux boeufs, envoyez-les à d'autres animaux, et. vous verrez s'ils en mangeront. " Hesychius ayant obéi et les ayant portés dans l'étable, les boeufs, tout épouvantés et mugissant extraordinairement, rompirent leurs cordes et s'enfuirent de çà et de là; car le vieillard avait le don de connaître, par l'odeur des corps, des habits et des autres choses auxquelles on avait touché, à quel démon ou à quel vice on était assujetti.


CHAPITRE XII. Saint Hilarion regrette son ancienne solitude;

voit en esprit la mort de saint Antoine; prédit la persécution que les fidèles souffriraient en la Palestine, et va visiter le lieu où saint Antoine était mort.

A l'âge de soixante-trois ans, considérant la grandeur de son monastère, la multitude des frères qui demeuraient avec lui, et les troupes de ceux qui lui amenaient des personnes travaillées de diverses maladies et possédées du diable, ce qui remplissait sa solitude de toutes sortes de gens, il n'y avait point de jour que le souvenir de son ancienne manière de vivre et l'incroyable regret d'en être si éloigné ne lui fissent jeter des larmes. Les frères lui demandant ce qu'il avait et pourquoi il s'affligeait de la sorte, " hélas! "dit-il," je suis retourné dans le siècle, et j'ai reçu ma récompense en cette vie. Voilà que toute la Palestine et les provinces voisines me considèrent comme si j'étais quelque chose, et sous prétexte du monastère et de pourvoir aux besoins des frères, j'ai des héritages et des meubles. " Ses disciples observaient avec attention ce qui se passait en lui, mais particulièrement Hesychius, qui avait un amour et un respect incroyable pour le saint vieillard.

Ayant ainsi passé deux années en pleurs, Aristenète dont j'ai ci-devait, parlé, femme du grand-maître, mais qui n'avait rien de sa pompe et de sa magnificence, vint trouver saint Hilarion avec dessein d'aller ensuite visiter saint Antoine; sur quoi il lui dit, fondant en larmes

" Je voudrais bien y aller aussi si ce n'étais point arrêté comme en prison dans ce monastère, ou si ce voyage pouvait être utile; mais il y a deux jours que le monde a été privé d'un tel père. " Cette dame ajouta foi à ses paroles, changea de résolution, et. peu de jours après sut par un messager venu de là que saint Antoine était passé à une meilleure vie.

Que les autres admirent les miracles et les prodiges si extraordinaires faits par saint Hilarion; qu'ils admirent son incroyable abstinence, sa science et son humilité: quant â moi, rien ne m'étonne si fort que de voir qu'il ait foulé aux pieds avec tant de mépris les honneurs qu'on lui rendait et cette liante réputation que sa vertu lui avait acquise. On voyait venir à lui de tous côtés des évêques, des prêtres, des troupes de clercs et de solitaires ; on y voyait venir des principales femmes d'entre les chrétiens (ce qui est d'ordinaire un sujet de grande tentation), et non-seulement du simple peuple des villes et de la campagne, mais aussi des hommes très considérables et des magistrats, afin de recevoir de lui ou du pain béni ou de l'huile bénite ; mais au milieu de tout cela il n'avait autre pensée que la solitude ; ce qui le fit résoudre à s'en aller ; et ayant l'ait amener son âne (car il était si affaibli de jeûnes qu'il lui était presque impossible de marcher), il voulait à toute force se mettre en chemin. Ce bruit ayant été répandu et reçu comme un (250) présage de la désolation et de la ruine de la Palestine, plus de dix mille personnes de divers âges et de divers sexes s'assemblèrent autour de lui pour l'arrêter; mais lui, demeurant inflexible à leurs prières et frappant sur le sable avec son bâton, disait : " Je n'ai garde de m'imaginer que mon Dieu soit trompeur : je ne puis voir ses églises renversées, les autels de Jésus-Christ foulés au pieds, et le sang de mes enfants arroser la terre." Tous ceux qui étaient présents connurent bien qu'il avait eu révélation de quelque secret qu'il ne voulait point déclarer, et le gardaient néanmoins pour l'empêcher de partir ; sur quoi il résolut et protesta devant tous à haute voix de ne boire ni ne manger chose quelconque jusqu'à ce que l'on le laissât aller. Enfin le septième jour, voyant l'extrême faiblesse on il était réduit faute de manger, ils lui permirent de faire ce qu'il voudrait. Ainsi disant adieu à plusieurs, et une infinie multitude le suivant encore, il vint en Béthel, où il persuada à toutes ces troupes de s'en retourner, et choisit seulement quarante solitaires qui portaient de quoi se nourrir et qui étaient assez robustes pour marcher en jeûnant, c'est-à-dire pour ne manger qu'après que le soleil était, couché. Le cinquième jour il vint à Peluse, où, ayant visité les frères qui demeuraient dans un désert proche de là nommé Lychnos, il arriva trois jours après à Thébate pour y voir Dragonce, évêque et confesseur, qui y était en exil. Ayant revu une incroyable consolation de l'entretien d'un si grand personnage, il arriva, à trois autres jours de là, avec un extrême travail en Babylone, pour y voir l'évêque Philon, lequel souffrait aussi pour la confession de la foi ; car l’empereur Constance, favorisant l'hérésie des Ariens, les avait relégués tous deux en ces lieux-là. Etant parti de Babylone, il vint en deux jours à la villette d'Aphrodite, où, ayant envoyé quérir le diacre Baïsane, qui, à cause du manquement d'eau qu'il y a dans le désert, avait coutume de louer des chameaux fort vites pour mener ceux qui allaient voir saint Antoine, il déclara à ses disciples que le jour que ce saint était mort s'approchait, et qu'il le voulait célébrer au même lieu où il avait fini sa vie, en y passant toute la nuit en prières. Ainsi, ayant traversé en trois jours cette vaste et effroyable solitude, ils arrivèrent enfin sur une très haute montagne où ils trouvèrent deux solitaires, Isaac et Pélusian, dont le premier avait servi de truchement à saint Antoine.


CHAPITRE XIII. Description de la demeure de saint Antoine.


Puisque l'occasion s'en offre et que j'en suis venu là, il me semble qu'il sera bien à propos de décrire en peu de paroles la demeure d'un si grand personnage. Une montagne pierreuse et fort élevée, laquelle a environ mille pas de circuit, pousse de son pied des eaux dont le sable boit une partie, et le reste, tombant plus bas, forme peu à peu un petit ruisseau. Il y a au-dessus un nombre infini de palmiers qui contribuent extrêmement à la beauté et à la commodité élu lieu. Vous eussiez vu Hilarion courir de çà et de là avec les disciples du bienheureux Antoine, qui lui disaient : " Voici où il avait coutume de chanter des psaumes; voici oit il priait d'ordinaire; voici où il travaillait, et voici oit il se reposait lorsqu'il était las. Lui-même a planté cette vigne et ces arbrisseaux ; lui-même de ses propres mains a fait cette petite aire; lui-même, avec beaucoup de sueur et de travail, a creusé ce réservoir pour arroser son petit jardin; et cette bêche, que vous voyez lui a servi plusieurs années à labourer la terre. " Hilarion voulut coucher dans son petit lit, et le baisait continu si saint Antoine n'eût fait que de le quitter. Sa cellule ne contenait en carré qu'autant d'espace qu'il en faut à un homme pour s'étendre en dormant, Il y avait outre cela sur le sommet de la montagne (où l'on n'allait duc par un sentier fait en forme de limaçon et par lequel il était très difficile de monter) deux autres cellules de la même grandeur, où il se retirait lorsqu'il voulait fuir la presse de ceux qui venaient vers lui et la communication de ses disciples; mais ces deux cellules étant taillées dans le roc, on y avait seulement mis deux portes Lorsqu'ils furent venus au petit jardin, " voyez-vous, " leur dit Isaac, " ce jardin planté de petits arbres et plein de légumes? il y a environ trois ans qu'une troupe d'ânes sauvages le ravageant tout, le saint commanda à l'un de ceux qui conduisaient les autres de s'arrêter, et, lui donnant de son petit bâton par le flanc, lui dit: "Pourquoi mangez- vous ce que vous n'avez pas (251) semé?" Depuis ce,jour-là ces animaux n'ont jamais touché ni à aucun arbrisseau ni à aucun herbage ; mais ils venaient seulement boire." Hilarion priant ces deux disciples de saint Antoine de lui montrer le lieu de sa sépulture, ils le menèrent à l'écart, et on ne sait s'ils le lui montrèrent ou non. lis disaient que la raison pourquoi ils le tenaient secret, suivant ce que saint Antoine le leur avait ordonné, était de crainte que Pergame, qui était un homme fort riche de ces quartiers-là, n'enlevât le corps pour le l'aire porter chez lui et lui bâtir une chapelle.


CHAPITRE XIV Saint Hilarion va au désert d'Aphrodite, obtient de l'eau du ciel par ses prières, passe jusque dans le désert d'oasis;

et ce qui lui arriva en chemin.

Hilarion, étant retourné à Aphrodite, ne retint que deux frères avec lui et s'arrêta dans le désert proche de là, oie il vivait avec tant d'abstinence et dans un si grand silence qu'il disait n'avoir commencé qu'alors à servir Jésus-Christ. Il y avait déjà trois ans qu'il n'avait plu en ce pays-là, et ainsi la terre était dans une sécheresse étrange ; ce qui faisait dire aux habitants que les éléments mêmes pleuraient la mort de saint Antoine. Or, la réputation de saint Hilarion ne leur avant pu être cachée, ils vinrent à lui en foule, hommes et femmes, avec des visages plombés et exténués de faim, le conjurant due, comme serviteur de Jésus-Christ et successeur de saint Antoine, il leur obtint de la pluie par ses prières. Les voyant en cet état, il fut touché d'une merveilleuse compassion, et, élevant les yeux et les mains au ciel, il obtint de Dieu à l'heure même l'effet de sa demande. Mais dès que cette terre altérée et sablonneuse eut été trempée de pluie, elle produisit un si grand nombre de serpents et d'autres bêtes venimeuses qu'infinies personnes en étant piquées, elles fussent mortes à l’heure même si elles n'eussent eu recours au saint, qui leur donna de l'huile bénite, laquelle mettant sur leurs plaies, elles ne manquaient point d'être guéries.

Hilarion, voyant les extrêmes honneurs qu'on lui rendait, s'en alla à Alexandrie pour passer ensuite dans le désert le plus reculé de tous, nommé Oasis; et, comme depuis qu'il avait embrassé la vie solitaire il n'avait jamais demeuré dans aucune ville, il s'arrêta citez des solitaires qu'il connaissait, en un lieu nommé Bruchion, fort peu éloigné d'Alexandrie. Ils le reçurent avec une merveilleuse joie, et la nuit étant proche, ils furent extrêmement surpris de voir que ses disciples préparaient son âne parce qu'il s'en voulait aller ; ils se jetèrent à ses pieds en le conjurant de ne leur point faire ce tort, protestant qu'ils mourraient plutôt que de souffrir d'être privés d'un tel hôte. Il leur répondit : " Je ne me hâte de partir qu'afin de n'être pas cause que vous receviez un déplaisir, et vous connaîtrez par la suite que ce n'est pas sans sujet que je m'en vais si promptement." Le lendemain les magistrats de Gaza, qui le jour précédent avaient su son arrivée, entrèrent dans le monastère avec des archers, et, ne le trouvant point, disaient l'un à l'autre " Ce que l'on nous a rapporté est bien véritable, qu'il est magicien et connaît l'avenir. " Sur quoi il faut savoir qu'après qu'Hilarion eut quitté la Palestine et que Julien eut succédé à l'empire, les habitants de Gaza ruinèrent le monastère du saint, et obtinrent de l'empereur par leurs prières qu'on le ferait mourir et Hesychius avec lui, y ayant ordre pour cela de les chercher tous deux en quelque lieu du monde qu'ils fussent. Hilarion, après avoir traversé une solitude inaccessible, arriva en Oasis, oit ayant passé environ un au, et vouant que son nom était arrivé jusque-là, comme s'il lui eût été impossible de se cacher en tout l'Orient oit tant de gens le connaissaient par réputation et même de visage, il était dans le dessein de passer en des îles désertes, afin de rencontrer au moins sur la mer la sûreté qu'il ne pouvait trouver sur la terre.


CHAPITRE XV. Saint Hilarion va en en Libye et passe de là en Sicile, sans pouvoir être caché en aucun lieu, les démons le découvrant partout, et faisant partout des miracles.


Environ ce temps, Adrien. l'un de ses disciples, arrivant de Palestine, lui dit que Julien avait été. tué, qu'un empereur chrétien régnait en sa place, et qu'il devait retourner pour voir les reliques de son monastère. Le saint, ne pouvant se résoudre à cela, loua un chameau, et arriva à travers une vaste solitude dans une (252) ville de Libye nommée Parétoine, assise sur le bord de la mer, d'où le malheureux Adrien, voulant retourner en Palestine, et se servant du nom de son maître pour recevoir les mêmes honneurs qu'il lui avait vu rendre autrefois, lui fit un extrême tort; et, ayant volé et tourné à son profit tout ce que les frères avaient mis entre ses mains pour porter à Hilarion, il s'en alla enfin sans lui dire adieu. Sur quoi, n'étant pas ici le lieu de m'étendre, je dirai seulement pour faire trembler ceux qui méprisent ainsi leurs maîtres, que quelque temps après il mourut de la jaunisse.

Hilarion, ayant avec lui Zanane, monta sur un vaisseau qui faisait voile en Sicile; et, comme il était en résolution de vendre un livre des Evangiles qu'il avait transcrit étant jeune, afin d'avoir de quoi payer son passage, lorsqu'ils furent vers le milieu de la mer Adriatique le fils du Pilote, étant agité par un démon, commença à crier : " Hilarion, serviteur de Dieu, pourquoi faut-il que par toi nous ne soyons pas en sûreté même sur la mer? Donne-moi au moins le temps d'aller à terre, de peur qu'étant chassé dès d'ici, je ne sois précipité dans les abîmes. "Le saint lui répondit: " Si mon Dieu te permet de demeurer, demeure; mais si c'est lui qui te chasse, pourquoi en,jettes-tu la haine sur moi, qui ne suis qu'un pécheur et un pauvre mendiant? " ce qu'il disait de crainte que les mariniers et les marchands qui étaient sur le vaisseau ne le découvrissent lorsqu'ils seraient arrivés en terre. Incontinent après il délivra cet enfant, le père et tous les autres qui étaient présents lui ayant donné parole de ne dire son nom à qui que ce fût. Lorsqu'ils furent arrivés au promontoire de Pachyne en Sicile, il offrit au pilote ce livre des Evangiles pour le salaire du passage de Zanane et de lui ; mais le pilote ne voulut pas le recevoir, et, en étant pressé, il jura qu'il ne le recevrait point, étant d'autant plus porté à cela qu'il vit qu'excepté ce livre et leurs habits, ils n'avaient chose quelconque. Ainsi Hilarion le garda, se confiant sur ce qu'il savait en sa conscience qu'il n'était pas moins pauvre de volonté que d'effet ; et il n'avait point une plus grande joie que de penser qu'il ne possédait rien de toutes les choses du siècle, et que les habitants de ce lieu-là le prenaient pour un mendiant. Or, craignant que les marchands qui venaient du Levant ne le reconnussent et ne le fissent connaître, il s'enfuit vers le milieu de l'île, à vingt milles de la mer, où, s'arrêtant dans un petit champ abandonné, il ramassait tous les jours du bois pour faire un fagot, qu'il mettait sur le dos de son disciple, lequel, le vendant dans un village proche de là, achetait de quoi les nourrir tous deux, et un peu de pain pour ceux qui par hasard les venaient voir.

Mais certes, ainsi qu'il est écrit : " Une ville assise sur une montagne ne saurait être cachée. "Un armurier, étant tourmenté du démoli dans l'église de saint Pierre de Rome et ce malin esprit parlant par sa bouche, s'écria : "Il y a quelque jours qu'Hilarion, serviteur de Jésus-Christ, est entré dans la Sicile, où personne ne le tonnait et où il croit être bien caché; mais j'irai et le découvrirai. " Aussitôt après cela il monta avec ses valets sur un vaisseau qui était au port, lequel le mena à Pachyne, d'où il fut conduit par le démon à la petite cabane du vieillard, devant lequel il se prosterna contre terre et fut aussitôt délivre. Ce premier des miracles qu'il fit en Sicile fut cause qu'une multitude incroyable, non-seulement de malades, mais aussi de personnes de piété, le vinrent trouver, entre lesquels l'un des principaux, qui était hydropique, fut guéri le même jour; et lui ayant ensuite apporté de très grands présents, le saint au lieu de les recevoir lui dit cette parole de Jésus-Christ à ses disciples

" Donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement."


CHAPITRE XVI. Hesychius va trouver saint Hilarion, qui passe en Dalmatie, où il fait brûler un dragon épouvantable et arrête l'inondation de la mer.


Tandis que ces choses se passaient en Sicile Hesychius, son fidèle disciple, cherchait le saint vieillard par tout le monde. Il n'y avait point de rivages qu'il ne courût ni de déserts qu'il ne pénétrât; et. toute son espérance pour le trouver était fondée sur ce qu'en quelque lieu qu'il fût, il était impossible qu'il demeurât longtemps caché. Au bout de trois ans il apprit à Methone, d'un Juif qui vendait de vieux baillons aux pauvres gens, qu'il avait paru en Sicile un prophète des chrétiens, lequel faisait tant de miracles que l'on croyait que c'était un des saints du temps passé. Sur quoi, lui (253)demandant comment il était vêtu, quel était son marcher, son langage et particulièrement son âge, il n'en put rien apprendre, ce Juif disant qu'il ne le connaissait que par réputation. Hesychius, s'étant ensuite embarqué sur la mer Adriatique, arriva heureusement à Pachyne; et, s'informant du vieillard dans un hameau qui est sur le rivage, il apprit par le bruit commun le lieu où il était et ce qu'il faisait; en quoi on n'admirait rien tant en lui que ce qu'après avoir fait un si grand nombre de miracles, il n'avait pas seulement voulu recevoir un morceau de pain de qui que ce fût.

Mais, pour ne m'étendre pas trop sans besoin, le saint homme Hesychius, se jetant aux genoux de son maître et arrosant ses pieds de ses larmes, après avoir été relevé par lui et l'avoir entretenu deux ou trois jours, apprit de Zanane que le saint vieillard ne pouvait se résoudre à demeurer là plus longtemps, mais voulait s'en aller dans quelques pays barbares où on ne le connût point et où on n'entendit pas même son langage. Il le mena donc à Epidaure, qui est un bourg de Dalmatie, où, ayant demeuré quelques jours dans un petit champ proche de là, il ne put être caché davantage parce qu'un dragon d'une prodigieuse grandeur, et qui était du nombre de ceux qu'ils nomment en ce pays-là Boa à cause qu'ils sont si extraordinairement grands qu'ils dévorent même les boeufs, ravageait toute cette province, et n'engloutissait pas seulement les troupeaux et les bêtes, mais aussi les paysans et les pasteurs, qu'il attirait à lui par son souffle. Saint Hilarion, après avoir fait élever un grand bûcher et adressé sa prière à Jésus-Christ, commanda au dragon de monter sur le monceau de bois, et puis y mit le feu. Ainsi en présence de tout le peuple il brûla cette monstrueuse bête. Cette action le mettant en inquiétude à cause qu'elle l'avait fait connaître, il ne savait que faire ni à quoi se résoudre et se préparait à une autre fuite; son amour pour la solitude lui faisait courir en esprit toute la terre afin d'y trouver un lieu pour se cacher, et il s'affligeait de ce que, quelque soin qu'il prit de se taire, ses miracles parlaient pour lui et le découvraient.

En ce temps cet. universel tremblement de terre qui arriva après la mort de Julien lit sortir les mers de leurs bornes, et, comme si Dieu eût menacé les hommes d'un second déluge ou que toutes choses dussent retourner dans leur ancien chaos, les vaisseaux pendaient sur le haut des montagnes où la tempête les avait portés. Les habitants d'Epidaure, voyant les flots bruire de la sorte et ces effroyables montagnes d'eau venir fondre sur leurs tûtes, craignant, ainsi qu'il était autrefois arrivé, que leur bourg ne fût submergé, vinrent trouver le vieillard et, comme s'ils fussent allés au combat, le mirent à leur tête sur le rivage. Le saint ayant fait trois signes de croix sur le sable et étendu ses mains vers ce déluge qui les menaçait, il n'est pas croyable jusque à quelle hauteur la mer s'enfla et se tint ainsi devant lui ; mais, après avoir grondé longtemps comme si elle eût supporté avec impatience de rencontrer cet obstacle, elle s'abaissa peu à peu et lit retourner ses eaux dans elle-même. Epidaure et toute cette contrée publient encore aujourd'hui ce miracle, et les mères le content à leurs enfants afin d'en faire passer la mémoire à toute la postérité. Ainsi il se voit que ce que Jésus-Christ a dit à ses apôtres : " Si vous avez de la foi vous direz à cette montagne : " Jette-toi dans la mer, " et elle s'y jettera, " se peut accomplir au pied de la lettre, pourvu que l'on ait une foi égale à celle des apôtres et telle que notre Seigneur leur commanda de l'avoir; car quelle différence y a-t-il ou qu'une montagne saute dans la. mer, ou que d'épouvantables montagnes d'eau soient demeurées fixes en un moment et due, d'un coté étant comme de pierre devant les pieds de saint Hilarion, elles se soient doucement écoulées de l'autre. Tout le bourg fut rempli d'admiration, et le bruit d'un si grand miracle se répandit mime jusqu'à Salone.


CHAPITRE XVII. Saint Hilarion passe en Cypre. Miracle qu'il lit en chemin et dans cette île, où Hesychius le va trouver.


Hilarion, ayant su cela, s'enfuit de nuit dans une petite chaloupe; et deux,jours après, ayant rencontré un vaisseau marchand, il prit la route de Cypre. Des pirates, qui avaient laissé sur le rivage, entre les îles de Malée et de Cythère, le reste de leur flotte, composée de vaisseaux qui allaient à rames et non pas à voiles, vinrent, pour rencontrer ce vaisseau, sur deux (254) grandes fustes très légères et qui avaient double rang de rames. Tous ceux qui étaient avec Hilarion commencèrent à trembler, à pleurer leur malheur, à courir de çà, de là, et à préparer leurs rames ; et, comme si un seul message n'eût pas été suffisant, ils allaient coup sur coup dire au vieillard que les pirates étaient proches. Lui, les regardant de loin, se mit à sourire, et, se tournant vers ses disciples, leur dit : " Gens de petite foi, pourquoi avez-vous peur? Ceux qui vous font ainsi trembler sont-ils en plus grand nombre que l'armée de Pharaon, dont, par la volonté de Dieu, il ne resta un seul qui ne fût submergé. " Durant qu'il parlait ainsi les pirates s'avançaient toujours et étaient déjà prêts à fondre sur eux, n'étant éloignés que d'un jet de pierre. Alors Hilarion, demeurant ferme sur la proue du vaisseau, étendit sa main vers eux et leur dit : " Contentez-vous d'être venus jusqu'ici. " O merveilleux effet et presque incroyable de la foi! ces barques commencèrent soudain à reculer, et tout l'effort des rames tournait contre la poupe. Les pirates ne pouvaient assez s'étonner de ce que malgré eux ils retournaient ainsi en arrière, et, s'efforçaient de tout leur pouvoir d'aborder le vaisseau d'Hilarion, ils furent reportés au rivage beaucoup plus vite qu'ils n'en étaient venus.

Je passe plusieurs autres choses, de peur qu'il ne semble qu'en les racontant toutes je veuille faire un volume; au lieu d'un discours. Je dirai seulement que, naviguant avec un vent favorable entre les îles des Cyclades, il entendait les voix des démons qui criaient de côté et d'autre dans les villes et les bourgs, et couraient vers le rivage. Etant entré dans l'une des villes de Cypre nommée Paphos, que les poètes ont rendue si célèbre, et qui par plusieurs tremblements a été réduite en tel état que l'on ne voit plus maintenant que par ses ruines quelle elle a été autrefois, il demeurait à deux vrilles de là, avec une extrême joie de ce que, n'étant connu de personne, il y avait passe quelques journées en repos. Mais vingt jours n'étaient pas encore, accomplis que tous ceux de l'île qui étaient possédés des démons commencèrent à crier qu'Hilarion, serviteur de Jésus-Christ, était venu, et qu'ils devaient se hâter de l'aller trouver. Ce bruit retentissait dans Salamine, dans Curie, dans Lapète et dans toutes les autres villes, plusieurs assurant qu'ils savaient bien quel était Hilarion et que c'était un véritable serviteur de Dieu, mais qu'ils ignoraient où il était. Au bout de trente jours ou un peu plus, environ deux cents personnes, tant. hommes que femmes, s'assemblèrent auprès de lui ; ce que voyant, et étant fâché de ce que les démons ne pouvaient souffrir qu'il demeurât en repos, devenant plus cruel que de coutume contre ces malins esprits, et comme s'il se fût voulu venger d'eux, il les persécuta de telle sorte qu'il les contraignit à force de prières de sortir des corps de ces misérables, les uns sur-le champ, les autres au bout de deux jours, et tous généralement avant que la semaine fût passée.

Ayant demeuré là deux ans dans une continuelle pensée de s'enfuir, il envoya Hesychius en Palestine, avec ordre de retourner au printemps pour y visiter ses frères et voir les reliques de son monastère. Après son retour il désira d'aller encore en Egypte pour demeurer dans ces lieux que l'on nomme Bucolia, à cause qu'il n'y a pas un seul chrétien et qu'ils sont seulement habités par une nation barbare et farouche ; mais Hesychius lui conseilla de se retirer plutôt dans le lieu le plus écarté de l'île où ils étaient; et, ayant pour cela tout visité avec beaucoup de temps et de soin, il le mena, à douze milles de la mer, dans des montagnes fort reculées et très rudes, où l'on pouvait à peine monter en se traînant sur les mains et sur les genoux. Saint Hilarion, y étant arrivé et considérant ce lieu caché et si effroyable, vit qu'il était environné d'arbres de tous côtés, qu'il y avait des eaux coulantes, un petit jardin fort agréable et plusieurs arbres fruitiers dont il ne mangea néanmoins jamais de fruit, et que proche de là était un très ancien temple tout ruiné, d'où, à ce qu'il disait et comme ses disciples le témoignent, on entendait retentir nuit et jour les voix d'une si incroyable multitude de démons qu'il semblait que ce fussent celles de toute une armée; ce qui lui donna beaucoup de,joie, voyant par là qu'il aurait si près de lui des ennemis à combattre. Il y demeura cinq années, Hesychius l'allant souvent visiter; et ce ne lui fut pas une petite consolation dans ce dernier temps de sa vie de ce que, à cause de l'extrême difficulté d'un chemin si rude et de tant d'ombrages qui le couvraient, il n'y avait que peu ou point de personnes qui (255) pussent ou qui osassent entreprendre de monter cette montagne.

Un soir, au sortir de son petit jardin, il vit un homme paralytique de tout le. corps couché par terre devant la porte; sur quoi, ayant demandé à Hesychius qui il était et comment il avait été amené là, il lui répondit qu'il avait été receveur de cette petite métairie et que le jardinet où ils étaient lui appartenait. Alors le saint se mit à pleurer, et, tendant la main à ce pauvre malade, lui dit : " Je te commande, au nom de Jésus-Christ, de te lever et de marcher. " O admirable promptitude! il n'avait pas encore achevé de prononcer ces paroles que, toutes les parties du corps de cet homme étant déjà fortifiés, il se trouva en état de se pouvoir lever et de se tenir debout. Ce miracle ayant été su, plusieurs personnes, par le besoin qu'elles avaient de l'assistance du saint, surmontèrent la difficulté d'aller vers lui par ces chemins inaccessibles; et tous les habitants d'alentour ne travaillaient à rien avec. tant de soin qu'à prendre garde qu'il ne s'échappât ; car le bruit s'était répandu parmi eux qu'il lie pouvait demeurer longtemps en un même lieu; ce qu'il ne faisait ni par légèreté ni par une impatience et une inquiétude puériles, mais à cause qu'il fuyait l'honneur et l'importunité des visites, ayant toujours aimé le silence et une vie inconnue aux hommes.



Jérôme oeuvres mystiques - CHAPITRE X. Saint Hillarion fait sortir le démon du corps d'un chameau prodigieux en grandeur. Estime que saint Antoine faisait de saint Hilarion.