Sacrosanctum Concilium 2 107


107 L’année liturgique sera révisée de telle sorte que, tout en gardant les coutumes et les disciplines traditionnelles liées aux temps sacrés ou en les restaurant en fonction des conditions propres à notre temps, on maintienne leur caractère originel pour nourrir comme il se doit la piété des fidèles par la célébration des mystères de la rédemption chrétienne, mais surtout du mystère pascal. Si des adaptations selon les conditions locales se révélaient nécessaires, elles se feront conformément aux articles 39 et 40.


108 L’esprit des fidèles sera orienté avant tout vers les fêtes du Seigneur par lesquelles sont célébrés, au cours de l’année, les mystères du salut. Par conséquent, le propre du temps occupera la place appropriée et l’emportera sur les fêtes de saints, pour que le cycle entier des mystères du salut soit célébré comme il se doit.


109 Le double caractère du temps du Carême qui, surtout par la commémoration ou la préparation du baptême, d’une part, et par la pénitence, d’autre part, dispose les fidèles, qui écoutent la Parole de Dieu et s’adonnent à la prière de façon plus assidue, à bien célébrer le mystère pascal, sera mis plus pleinement en lumière aussi bien dans la liturgie que dans la catéchèse liturgique. Par conséquent :

a. Les éléments baptismaux de la liturgie du Carême seront utilisés plus abondamment ; selon l’opportunité, certains seront restitués à partir de la tradition antérieure.

b. On dira la même chose à propos des éléments pénitentiels. En ce qui concerne la catéchèse, on fera prendre conscience aux fidèles, en même temps que des conséquences sociales du péché, de la nature propre de la pénitence qui déteste le péché, en tant qu’il est une offense faite à Dieu ; on ne passera pas sous silence le rôle de l’Eglise dans l’action pénitentielle et on insistera sur la prière pour les pécheurs.


110 La pénitence du temps de Carême ne sera pas uniquement intérieure et individuelle, mais aussi extérieure et sociale. Quant à la pratique de la pénitence, elle sera favorisée, selon les possibilités de notre temps et des diverses régions et aussi selon les situations des fidèles, et elle sera recommandée par les autorités mentionnées à l’article 22.

Cependant le jeûne pascal, le vendredi de la passion et de la mort du Seigneur, sera sacré et devra être partout observé et, selon l’opportunité, il sera même étendu au Samedi saint, pour qu’ainsi on parvienne, avec un coeur élevé et libéré, aux joies de la résurrection du Seigneur.


111 Selon la tradition, les saints sont l’objet d’un culte dans l’Église et leurs reliques authentiques et leurs images sont vénérées. Les fêtes des saints proclament, en effet, les merveilles du Christ dans ses serviteurs et proposent aux fidèles des exemples opportuns à imiter.

Pour éviter que les fêtes de saints ne l’emportent sur les fêtes qui rappellent les mystères mêmes du salut, le soin de la célébration du plus grand nombre d’entre elles sera laissé à chaque Église, nation ou famille religieuse particulière, et on n’étendra à l’Église universelle que les fêtes qui font mémoire de saints qui présentent réellement une importance universelle.


Chapitre VI. La musique sacrée

112 La tradition musicale de l’Église universelle constitue un trésor d’un prix inestimable, qui l’emporte sur les autres formes d’expression artistique, avant tout parce que, en tant que chant sacré lié aux paroles, la musique sacrée représente une partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle.

A la vérité, le chant sacré a été hautement loué par la sainte Écriture 1, et aussi par les Pères et par les Pontifes romains ; ces derniers, à une époque récente, à la suite de saint Pie X, ont fait ressortir avec plus de précision la fonction ministérielle de la musique sacrée dans le service divin.

C’est pourquoi la musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle aura des connexions plus étroites avec l’action liturgique, ou bien en donnant à la prière une expression plus agréable, ou bien en favorisant l’unanimité, ou bien encore en conférant aux rites sacrés plus de solennité. Mais l’Église approuve toutes les formes d’art véritable, à condition qu’elles soient dotées des qualités requises, et les admet pour le culte divin.

Ainsi donc, le saint Concile, conservant les normes et les préceptes de la tradition et de la discipline ecclésiastiques et prenant en considération la fin de la musique sacrée, à savoir la gloire de Dieu et la sanctification des fidèles, décrète ce qui suit.

1 Cf. Ep 5, 19 ; Col 3, 16.



113 L’action liturgique revêt une forme plus noble, lorsque les Offices divins sont célébrés solennellement avec chant, que les ministres sacrés y sont présents et que le peuple y participe de façon active.

Pour la langue à employer, on observera les prescriptions de l’article 36 ; pour la messe, ceux de l’article 54 ; pour les sacrements, ceux de l’article 63 ; pour l’Office divin, ceux de l’article 101.


114 Le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec le plus grand soin. Les scholae cantorum seront assidûment développées surtout auprès des églises cathédrales ; cependant les évêques et les autres pasteurs d’âme veilleront soigneusement à ce que, dans n’importe quelle action sacrée qui doit se célébrer avec chant, toute l’assemblée des fidèles puisse assurer la participation active qui lui revient, en conformité avec les articles 28 et 30.


115 On attachera un grand prix à l’enseignement et à la pratique de la musique dans les séminaires, les noviciats et les maisons d’études des religieux des deux sexes, de même que dans les autres institutions et écoles catholiques ; pour faire acquérir cette formation, les maîtres qui ont la charge d’enseigner la musique sacrée seront formés avec soin.

On recommande en outre l’érection d’instituts supérieurs de musique sacrée, en cas d’opportunité.

Les musiciens et les chantres, surtout les enfants, recevront aussi une vraie formation liturgique.


116 L’Église reconnaît le chant grégorien comme le chant propre de la liturgie romaine ; celui-ci occupera donc la première place dans les actions liturgiques, toutes choses étant égales par ailleurs. Les autres genres de musique sacrée, mais avant tout la polyphonie, ne sont nullement exclus de la célébration des Offices divins, sous réserve qu’ils s’accordent avec l’esprit de l’action liturgique, conformément à l’article 30.


117 On mènera à son terme l’édition typique des livres de chant grégorien ; bien plus, on procurera une édition plus critique des livres déjà édités depuis la réforme de Pie X.

Il convient aussi de procurer une édition contenant des mélodies plus simples à l’usage des petites églises.


118 On cherchera à promouvoir de façon avisée le chant religieux populaire, pour que dans les exercices pieux et sacrés et dans les actions liturgiques elles-mêmes, en conformité avec les normes et les prescriptions des rubriques, puissent résonner les voix des fidèles.


119 Puisque dans certaines régions, surtout en pays de missions, on trouve des peuples qui ont une tradition musicale propre revêtant une grande importance dans leur vie religieuse et sociale, on accordera à cette musique l’estime qui lui est due et la place qui lui convient, aussi bien en éduquant le sens religieux de ces peuples qu’en adaptant le culte à leur génie, selon l’esprit des articles 39 et 40.

C’est pourquoi, dans la formation musicale des missionnaires, on veillera avec soin à ce que, autant que possible, ils soient capables de promouvoir la musique traditionnelle de ces peuples, aussi bien à l’école que dans les actions sacrées.


120 On tiendra en honneur, dans l’Église latine, l’orgue à tuyaux, en tant qu’instrument musical traditionnel, dont le son est en mesure d’ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Église et d’élever puissamment les âmes vers Dieu et vers les choses d’en haut.

Quant à d’autres instruments, selon le jugement et le consentement de l’autorité territoriale compétente, conformément aux articles 22, § 2, 37 et 40, il est permis de les admettre dans le culte divin, dans la mesure où ils sont adaptés à un usage sacré ou peuvent le devenir, où ils conviennent à la dignité de la maison de Dieu et où ils favorisent réellement l’édification des fidèles.


121 Les musiciens, imprégnés d’esprit chrétien, auront conscience d’avoir été appelés à cultiver la musique sacrée et à en accroître le trésor.

Ils composeront des mélodies qui porteront la marque de la véritable musique sacrée et qui pourront être chantées non seulement par les grandes scholae cantorum, mais qui conviennent aussi aux petites et favorisent la participation active de toute l’assemblée des fidèles.

Les textes destinés au chant sacré seront conformes à la doctrine catholique et même seront tirés de préférence des saintes Écritures et des sources liturgiques.


Chapitre VII. L’art sacré et le matériel du culte

122 Parmi les plus nobles activités de l’esprit humain, on compte très justement les arts libéraux, mais surtout l’art religieux et sa forme la plus élevée, l’art sacré. Par nature, ils visent l’infinie beauté de Dieu, qui de quelque façon doit trouver son expression dans les oeuvres humaines, et ils sont d’autant plus consacrés à Dieu, à l’accroissement de sa louange et de sa gloire, qu’ils n’ont pas d’autres propos que de contribuer le plus possible, par leurs oeuvres, à tourner l’âme des hommes pieusement vers Dieu.

Aussi la vénérable Mère Église a-t-elle toujours été amie des beaux-arts et elle a sans cesse recherché leur noble ministère, surtout afin que les objets servant au culte soient vraiment dignes, séants et beaux, et soient signes et symboles des réalités célestes, et elle n’a cessé de former des artistes. L’Église a même toujours, à bon droit, porté des jugements sur les beaux-arts, discernant parmi les oeuvres des artistes celles qui pourraient s’accorder avec la foi, la piété et les lois pieusement transmises et qui pourraient être considérées comme appropriées à un usage sacré.

L’Église a veillé avec un zèle particulier à ce que les objets sacrés contribuent à relever de façon digne et harmonieuse la beauté du culte, tout en admettant soit dans les matériaux, soit dans les formes, soit dans la décoration, les changements que les progrès de la technique ont introduits au cours des âges. Les Pères ont, en conséquence, décidé en ces matières ce qui suit.


123 L’Église n’a considéré aucun style artistique comme le sien propre, mais selon le caractère et les conditions propres des peuples et selon les exigences des divers rites, elle a admis les genres de chaque époque, produisant, au cours des siècles, un trésor artistique qu’il faut conserver avec tout le soin requis. De même l’art de notre époque et celui de tous les peuples et de toutes les régions aura la liberté de s’exercer dans l’Église pourvu qu’il serve les édifices et les rites sacrés avec le respect et l’honneur qui leur sont dus, de telle sorte qu’il soit en état de joindre sa voix à cet admirable concert de gloire que les plus grands hommes ont chanté en l’honneur de la foi catholique au cours des siècles passés.


124 Les Ordinaires veilleront à ce que, en promouvant et en favorisant un art vraiment sacré, ils visent à une noble beauté plutôt qu’à la seule somptuosité. Cela doit s’entendre aussi des vêtements et ornements sacrés. Les évêques veilleront aussi à ce que les oeuvres artistiques, qui sont incompatibles avec la foi et les moeurs ainsi qu’avec la piété chrétienne, et qui offensent le sentiment vraiment religieux par la dépravation des formes ou l’insuffisance, la médiocrité et le caractère frelaté de leur art, soient soigneusement écartées des maisons de Dieu et des autres lieux sacrés.

Dans la construction des édifices sacrés, on veillera attentivement à ce que ceux-ci soient adaptés à l’accomplissement des actions liturgiques et favorisent une participation active des fidèles.


125 On restera fermement fidèle à la pratique de proposer dans les églises des images sacrées à la vénération des fidèles ; mais elles seront exposées en nombre limité et selon une disposition appropriée, afin de ne pas susciter l’étonnement du peuple chrétien et de ne pas favoriser une dévotion qui ne soit pas saine.


126 Pour l’appréciation des oeuvres d’art, les Ordinaires des lieux entendront la Commission diocésaine d’art sacré et, le cas échéant, d’autres personnes particulièrement expertes, ainsi que les commissions dont il est question dans les articles 44, 45, 46.

Les Ordinaires veilleront avec soin à ce que le mobilier sacré ou les oeuvres de prix ne soient pas aliénés ou détruits, puisqu’ils servent d’ornement de la maison de Dieu.


127 Les évêques, par eux-mêmes ou par des prêtres qualifiés, doués de compétence et ayant l’amour de l’art, se soucieront des artistes en cherchant à les imprégner de l’esprit de l’art sacré et de la sainte liturgie.

En outre, on recommande la création d’écoles ou d’académies d’art sacré pour la formation des artistes dans les régions où on le jugera bon.

Mais tous les artistes qui, poussés par leur talent, veulent servir la gloire de Dieu dans la sainte Eglise, se rappelleront toujours qu’il s’agit en quelque sorte d’une imitation sacrée du Dieu créateur et d’oeuvres destinées au culte catholique, à l’édification des fidèles ainsi qu’à leur piété et à leur formation religieuse.


128 Seront révisés au plus tôt, en même temps que les livres liturgiques conformément à l’article 25, les canons et statuts ecclésiastiques qui concernent la réalisation des objets matériels relevant du culte divin, surtout pour ce qui est de la construction digne et appropriée des édifices sacrés, de la forme et de l’édification des autels, de la noblesse, de la disposition et de la sécurité du tabernacle eucharistique, de l’emplacement convenable et de la dignité du baptistère, ainsi que de la juste manière d’utiliser les images sacrées, la décoration et l’ornementation : ce qui paraît convenir moins bien à la liturgie restaurée sera amendé ou supprimé ; ce qui la favorise sera conservé ou introduit.

En ce domaine, surtout pour ce qui concerne les matières et les formes du mobilier sacré et des vêtements, faculté est accordée aux conférences territoriales d’évêques d’opérer des adaptations aux nécessités et aux moeurs locales, conformément à l’article 22 de la présente constitution.


129 Pendant leurs études philosophiques et théologiques, les clercs recevront aussi une formation relative à l’histoire et à l’évolution de l’art sacré et aux sains principes sur lesquels doivent se fonder les oeuvres d’art sacré, afin qu’ils apprécient et conservent les monuments vénérables de l’Église et qu’ils soient capables de donner des conseils appropriés aux artistes pour la réalisation de leurs oeuvres.


130 Il convient que l’usage des insignes pontificaux soit réservé aux personnages ecclésiastiques qui jouissent du caractère épiscopal ou d’une juridiction particulière.


Appendice

Déclaration du II' concile du Vatican sur la révision du calendrier

Le saint Concile oecuménique, IIe du Vatican, estimant d’une importance non négligeable les désirs de beaucoup de voir fixer la date de la fête de Pâques à un dimanche déterminé et de voir le calendrier se stabiliser, après avoir évalué attentivement les conséquences qui pourraient découler de l’introduction d’un nouveau calendrier, déclare ce qui suit :

1. Le saint Concile ne s’oppose pas à ce que la fête de Pâques soit fixée à un dimanche déterminé dans le calendrier grégorien, avec l’assentiment de ceux à qui cela importe, surtout des frères séparés de la communion avec le Siège apostolique.

2. En outre, le saint Concile déclare qu’il ne s’oppose pas aux projets qui tendent à introduire dans la société civile un calendrier perpétuel.

Mais parmi les divers systèmes qui sont envisagés pour établir un calendrier perpétuel fixe et pour l’introduire dans la société civile, les seuls auxquels l’Église ne s’oppose pas sont ceux qui respectent et sauvegardent la semaine de sept jours avec le dimanche, sans que soit intercalé aucun jour hors de la semaine, de telle sorte que la succession des semaines soit laissée intacte, à moins que n’interviennent de très graves raisons dont le Siège apostolique aurait à juger.





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