B. Paul VI Homélies 50378

16 avril 1978

Béatification de Mère Marie Kasper

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UNE FEMME AU SERVICE DE SON PROCHAIN


Le 16 avril, au cours d’une émouvante célébration en la Basilique Saint-Pierre à laquelle ont assisté, avec de nombreux Archevêques et Evêques allemands, une délégation officielle du Gouvernement allemand et une multitude de fidèles Marie Catherine Kasper a été proclamée Bienheureuse.

Le Saint-Père a prononcé l’homélie, se servant tour à tour des langues italienne et allemande. En voici la traduction :



Vénérables Frères et très chers Fils,



Une nouvelle bienheureuse est offerte à la vénération des fidèles : Soeur Marie Catherine Kasper.

Vous venez d’écouter l’histoire de sa vie et l’exposé de ses vertus. Aussi, n’allons-nous pas retracer de nouveau sa biographie. Nous nous limiterons à dire quelques mots du message inhérent à cette béatification qui réjouit l’Eglise tout entière précisément en cette période liturgique caractérisée par le rayonnement spirituel de la joie pascale ; une béatification qui remplit de joie et réconforte une grande famille religieuse, celle des « Pauvres Servantes de Jésus-Christ » et offre, pour l’édification commune, l’exemple d’une femme qui a honoré sa terre natale, l’Allemagne, présentant au monde le témoignage actif d’un catholicisme mis au service du prochain, pour la gloire de Dieu.

Déjà l’existence terrestre de cette femme, exemple de foi et de force d’âme, constitue pour nous une authentique leçon de style évangélique, en ce sens qu’elle se déroule entièrement dans le sillage de celle du divin Maître. Simple et pauvre campagnarde, Catherine (qui, par la suite, prit le nom de Marie Catherine) vécut comme Lui entre le travail et les privations, accueillant comme volonté du Père céleste les humiliations et les contrariétés qu’elle trouva sur sa route. Comme Lui, surtout, elle s’engagea, avec un inlassable dévouement, à soulager les multiples formes de misère physique et spirituelle : elle se consacra aux enfants pauvres et abandonnés, aida et réconforta les malades, assista les personnes âgées, d’un coeur toujours brûlant de grand amour pour ses frères nécessiteux, nourri dans un colloque continuel et presque naturel avec Dieu, le « Dieu de toute consolation » (
2Co 1,3), connu grâce à l’amour bien plus qu’à la suite d’anxieuses spéculations.

Et c’est précisément cette femme, démunie de cet ensemble de moyens offerts par le progrès technique, sans culture, et sans argent, qui réussit à donner la vie à une grande oeuvre de culture et de promotion sociale, confirmant ainsi la profonde vérité des paroles de Saint Paul qui a dit : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre la force » (1Co 1,27).

Aussi, la pauvreté volontaire et la charité admirable de Mère Marie Catherine, traduites en généreux service en faveur des plus pauvres et des plus abandonnés, représentent-elles également un avertissement sévère et pressant adressé à notre génération, souvent tendue vers la richesse personnelle et égoïste et l’hédonisme à tout prix. Aux insidieuses inclinations matérialistes et consuméristes de la société actuelle, la nouvelle Bienheureuse oppose le dévouement altruiste envers tout être souffrant, de telle manière que la solidarité et l’esprit social, dont on parle tant aujourd’hui, ne sont pas seulement des mots, mais deviennent un service concret et quotidien d’un devoir que le christianisme porte à ses sommets les plus lumineux. Pour Mère Marie Catherine, Dieu était tout, et son amour filial pour Lui a trouvé son authentique expression dans un amour sans limites pour le prochain.

Cette incomparable leçon d’amour pour Dieu, réalisé dans la charité à l’égard des frères, est le véritable message que la nouvelle Bienheureuse a laissé à l’Eglise et au monde.

Tant la vie laborieuse de la Bienheureuse Marie Catherine Kasper que sa sainteté personnelle sont avant tout un don de la Providence et de la grâce divine : « Je ne le pouvais ni le voulais » avouait-elle souvent, et elle ajoutait : « C’est Dieu qui l’a voulu ». Elle désirait seulement être un instrument docile entre les mains du divin Maître, une pauvre et humble servante de Jésus Christ.

Le nom de « Pauvres Servantes de Jésus-Christ » que, selon une providentielle inspiration, Mère Marie Catherine a donné à sa Congrégation religieuse nous fait précisément découvrir la personnalité intime et la spiritualité de la fondatrice elle-même. Sa pauvreté personnelle, son amour pour les pauvres, sa simplicité et son humilité, ainsi que sa propre oblation au service du prochain, par esprit de soumission au Christ, constituent les caractéristiques essentielles qui distinguent la piété et l’apostolat de notre nouvelle Bienheureuse. On ne nous a transmis, à son sujet, aucune attitude ou action extraordinaires. Elle a vécu elle-même de manière simple, mais incisive, ce qu’elle exigeait de ses consoeurs : « Toutes nos soeurs doivent devenir des saintes, mais des saintes cachées ». Mère Marie Catherine est pour nous un modèle, principalement en raison de sa fidélité, de son esprit consciencieux même dans les plus petits, les plus insignifiants devoirs de chaque jour, et dans son aspiration à accomplir la volonté de Dieu dans toutes les situations de la vie. Une claire intuition de ce qui est nécessaire et un amour toujours disponible pour le prochain s’unissent en elle à la persévérance et à la fermeté quand il s’agit de découvrir et de réaliser les ordres et les dispositions de Dieu. Le principe qui gouverne sa conduite s’énonce ainsi : « La sainte volonté de Dieu sera et devra être accomplie en moi, par moi et pour moi ! » Grâce à cette étroite liaison, à cette stricte harmonie avec la volonté et l’opération divines, sa vie toute entière et toute son oeuvre furent une prière et une louange permanentes à Dieu. Le service social lui-même était foncièrement pour elle un service rendu à Dieu et un moyen pour sanctifier le monde.

Par l’honneur et l’hommage qu’à l’occasion de cette fête solennelle de la béatification l’Eglise rend aujourd’hui à Mère Marie Catherine Kasper, nous entendons également rendre hommage à toutes les Soeurs de la Congrégation religieuse des Pauvres Servantes de Jésus-Christ. L’Eglise vous invite à imiter de plus en plus, désormais, le lumineux exemple de votre sainte fondatrice et à conserver précieusement son héritage spirituel.

Nous saluons également de la manière la plus cordiale les pèlerins ici présents, venus de Dernbach, lieu de naissance de la nouvelle Bienheureuse, ainsi que de son diocèse d’origine, le Limbourg, en compagnie de leur Pasteur Mgr Kempf. Nous remercions également les Représentants des Autorités civiles allemandes pour leur participation à cette mémorable cérémonie par laquelle l’Eglise honore la mémoire d’une grande Fille de leur pays.

Avec une profonde joie, nous vous recommandons tous à la maternelle intercession de la nouvelle Bienheureuse.






Dimanche 7 mai 1978

(Ascension) Béatification de Sr Marie Henriette Dominici

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LE SENS DE L’ABSOLUE GRANDEUR ET DE LA TRANSCENDANCE DE DIEU





Le jour de la célébration officielle de l’Ascension, le dimanche 7 mai, le Souverain Pontife a procédé, au cours de l’Eucharistie, à la Béatification d’une religieuse italienne, Marie Henriette Dominici. De nombreux Cardinaux, Archevêques et Evêques, une délégation officielle du gouvernement italien, les Ambassadeurs accrédités près du Saint-Siège, une multitude de fidèles remplissaient la Basilique St-Pierre. Après la lecture de l’Evangile, le Pape a prononcé en italien une homélie dont voici la traduction :



Vénérables Frères et très chers Fils,



L’Eglise tout entière est aujourd’hui en fête puisqu’elle peut présenter à la vénération et à l’imitation de ses fils et de ses filles une nouvelle bienheureuse : Maria Enrica Dominici des Soeurs de Sainte Anne et de la Providence !

A première vue, l’existence terrestre de la Bienheureuse Maria Enrica — dont nous venons d’entendre la biographie — semble être la vie ordinaire d’une religieuse qui a vécu dans la seconde moitié du XIX° siècle, vie qui, de ce fait, est liée et conditionnée par une mentalité qui pourrait nous paraître aujourd’hui dépassée.

Mais dès que nous pénétrons dans l’approfondissement et dans la contemplation de cette âme, nous y découvrons une richesse, une fécondité, un esprit moderne qui nous séduisent et nous entraînent. Ce sondage spirituel nous est facilité par l’aide que nous apportent les témoignages de ceux qui ont vécu pendant des années à ses côtés et également son Autobiographie et son Journal, écrits sur l’ordre de son directeur spirituel ainsi que les nombreuses Lettres qui nous restent d’elle.

Maria Enrica Dominici a été avant tout une femme, une religieuse, qui a eu et qui a expérimenté, d’une manière forte et vivante, le sentiment de la fragilité essentielle de l’être humain et le sens de l’absolue grandeur et de la transcendance de Dieu. C’est le message fondamental qui, déjà dans l’Ancien Testament, avait trouvé dans le livre du prophète Isaïe, l’une de ses plus hautes expressions théologiques et poétiques : « Tous les être de chair sont de l’herbe et toute leur consistance est comme la fleur des champs... L’herbe sèche, la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsistera toujours... Le Seigneur est le Dieu de toujours, il crée les extrémités de la terre » (
Is 40,6-8 cf. 1P 1,24). La grandeur de Dieu manifeste, par contraste, la pauvreté essentielle de l’homme ; et celui-ci, par conséquent, ne devient quelque chose que dans la mesure où il reconnaît sa dépendance à l’égard de Dieu, il n’a de valeur que dans la mesure où il agit consciemment à la lumière de la volonté du Très-Haut.

Ce message clair engage particulièrement l’homme contemporain qui entend les échos, à tous les niveaux, des contestations nées du phénomène de la sécularisation.

Maria Enrica Dominici comprend très jeune qu’il vaut la peine de consacrer toute sa vie à Dieu et — comme elle le confesse elle-même — elle était charmée « par le désir toujours croissant de devenir bonne et de servir le Seigneur d’un coeur véritable » et, faisant écho aux paroles célèbres de Saint Augustin (cf. Confessions, 1,1), elle reconnaît que : « seul mon Dieu pouvait remplir et rassasier mon pauvre coeur ; de tout le reste, je n’avais cure ».

Et le Dieu qu’elle a cherché et trouvé dès son enfance, et qu’elle veut servir toute sa vie se présente à elle comme le Père de l’amour infini. A l’école du Christ, dans ses écrits, dans ses lettres, dans ses conversations, elle appelle Dieu d’une façon familière et très douce : « Mon papa ». C’est avec une simplicité et une tranquillité que seules les âmes remplies de foi peuvent avoir qu’elle écrit : « Il me semblait être toute reposée au sein de Dieu comme une petite fille sur le sein de sa mère et qui y dort tranquillement : j’aimais Dieu et je dirais presque, si je ne craignais d’exagérer, que je goûtais sa bonté ».

La donation à Dieu dans la vie religieuse comporte un abandon complet à sa volonté (cf. Mt 7,21). Maria Enrica avait décidé d’accomplir toujours, à tout prix, la volonté de Dieu : « Je suis toute à mon Dieu et Lui est tout à moi. Que pourrais-je craindre — écrit-elle — et que ne pourrais-je pas faire ou souffrir pour Son amour, puisque je suis toute à Lui ?... Mon Dieu, je veux faire votre volonté et rien d’autre ».

Ceci nous semble être le premier aspect saillant de la physionomie spirituelle de la nouvelle bienheureuse. Cet aspect est essentiellement religieux et comporte une double reconnaissance simultanée, celle de l’infinie transcendance du Dieu ineffable, et celle non moins ineffable de l’intimité que Dieu lui-même, mystérieusement, par l’intermédiaire du Christ, accorde à ceux ; qui ne le refusent pas, en leur permettant de s’adresser à lui par le nom suprême et confidentiel de Père, ce qui introduit en nous l’esprit et le langage de fils privilégiés de l’adoption (cf. Rm 8,15 Rm 9,4 Ga 4,5 Ep 1,5).

A ce premier aspect, que nous pourrions appeler théologique, de la figure de la Bienheureuse Maria Enrica Dominici s’ajoute un autre aspect caractéristique de sa personne (même si on le retrouve chez de nombreuses autres personnalités religieuses de son temps), et il nous semble devoir le mettre en relief. Il s’agit de l’aspect ascétique qui est également une caractéristique de la vie religieuse. La consécration religieuse implique en effet un dépouillement, un reniement de soi, un renoncement, une souffrance parce que la religieuse doit être l’épouse fidèle qui suit le Christ dans son cheminement vers la Croix (cf. Mt 16,24 Lc 9,23). Déjà quand elle se préparait à sa profession religieuse, Maria Enrica, convaincue de la valeur incomparable de la « sagesse de la croix » écrivait : « je ferai souvent ma demeure dans le jardin des Oliviers et sur le mont Calvaire, où l’on reçoit des enseignements très importants et très utiles ».

Très jeune elle avait rêvé du cloître. Mais Dieu avait d’autres intentions sur elle. A vingt et un ans elle entrait dans l’Institut des Soeurs de Sainte Anne et de la Providence, oeuvre née en 1834 à Turin à l’initiative d’un pieux foyer piémontais, les marquis Falletti di Barolo, Charles Tancrède et Julia Colbert. Leur but était d’offrir une éducation convenable aux adolescentes de familles peu fortunées. C’est à cette congrégation, dont la finalité spirituelle est en harmonie avec les exigences du temps, que Mère Enrica, au cours de ses trente trois ans de généralat, devait donner un élan et une ardeur extraordinaire, avec une ouverture exceptionnelle et une vision lucide des problèmes urgents de l’Italie et de l’Eglise, pendant la période complexe et troublée qui va de 1861 — année de la première élection de la bienheureuse supérieure générale — à 1894, année de son pieux décès.

Au cours de sa vie religieuse, d’abord comme novice, puis comme professe et ensuite comme supérieure générale, la bienheureuse a vécu avec une joyeuse générosité, la plénitude du message évangélique : la pauvreté, la chasteté, l’obéissance, et elle a montré que la vie consacrée loin de renfermer l’âme dans une espèce de forteresse d’individualisme, l’ouvre largement à des horizons insoupçonnés et inexplorés, en lui donnant de mystérieuse capacités de fécondité intérieure. Enfin, troisième aspect, une dimension sociale qui nous semble bien digne d’être mise en relief chez la nouvelle bienheureuse qui, une fois encore, a confirmé la grande vérité évangélique qui veut que l’authentique amour de Dieu soit en même temps un véritable amour à l’égard des pauvres qu’ils le soient dans leur corps ou dans leur esprit (Mt 25,34 ss. ; Jn 15,22 ss. ; 3, 16-23). Son grand modèle est toujours Jésus-Christ : « Vivre pour Jésus, souffrir pour Jésus, se sacrifier pour Jésus ».

La bienheureuse Maria Enrica a immensément et tendrement aimé sa congrégation qu’elle a vue — sous sa direction — croître et se déployer admirablement jusqu’aux missions en Inde. Elle a aimé ses « très chères filles ». Elle a aimé les enfants, les adolescentes à travers les différentes et géniales initiatives de son Institut. Elle a aimé l’Eglise. Elle a aimé et prié pour sa patrie, dans une période au cours de laquelle les rapports entre le Piémont et le Siège apostolique devenaient de plus en plus difficiles et complexes.

Ses dernières paroles, adressées à ses soeurs, avant de quitter cette terre, furent : « je vous recommande l’humilité... et l’humilité ».

Nous pensons que dans cette parole, simple et suprême, est synthétisé le grand message que la nouvelle bienheureuse adresse au monde contemporain.

Une humilité qui devienne, en présence de Dieu, adoration. Que l’homme apprenne de nouveau le geste fondamental de la foi religieuse qui ne l’humilie pas, mais au contraire l’exalte car il lui fait reconnaître sa dimension essentielle de créature « La foi est obscure — écrit la bienheureuse — mais elle nous laisse toujours une lumière suffisante pour aller à Dieu ».

Une humilité qui devienne, dans les rapports avec les autres, charité, service, solidarité, harmonieuse coexistence, paix, avec comme conséquence, au niveau personnel et social, un renoncement aux vexations et à la violence.

Une humilité qui devienne, à l’égard de l’Eglise, amour et docilité, dans une conviction qu’elle est « dans le Christ comme un sacrement ou un signe et un instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen Gentium, LG 1).

Une humilité qui devienne, à notre propre égard, une paisible conscience que notre existence humaine ne peut acquérir son sens global et authentique qu’en s’insérant dans le dessein d’amour de la volonté de Dieu : « vouloir ce que Dieu veut, comme Dieu le veut et jusqu’où IL le veut ». Ce sont les paroles de la Bienheureuse Maria Enrica que nous confions à votre réflexion. Ainsi soit-il.




28 mai 1978

LE CORPS ET LE SANG DU CHRIST

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Au cours de la célébration de la Fête-Dieu qui s’est déroulée en fin d’après-midi le 28 mai dernier dans le cadre de la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs à Rome, Paul VI a prononcé l’homélie dont voici la traduction :



Vénérables Frères et très chers Fils,



Avec paternelle effusion de sentiments nous voulons avant tout vous adresser notre salut, à vous qui, sous l’impulsion de la foi et de l’amour, vous êtes rassemblés en cette Basilique pour célébrer avec nous la fête du Corps et du Sang du Christ, c’est-à-dire rendre un culte public et solennel à Jésus-Eucharistie. En Lui, nous reconnaissons le Bon Pasteur qui nous conduit sur les routes de l’existence, le Maître sage qui dispense la lumière à nos coeurs enténébrés, le Rédempteur qui avec tant de prodigalité d’amour et de grâces vient à notre rencontre et se fait ineffablement le Pain de vie pour notre démarche dans le temps, sur le chemin qui mène à l’éternelle possession de Dieu. Nous voudrions toucher chacun de vous avec un mot personnel et affectueux, comme il convient entre des personnes animées de la même joie, du fait qu’elles sont invitées à s’asseoir à la même table de fête. Nous ne le pouvons malheureusement pas et nous devons en conséquence nous fier à votre intuition attentive et cordiale qui saura cueillir, dans le discours adressé à tous, notre intention sincère de saisir avec une tendresse respectueuse et participante, les situations particulières de chacun de vous, afin de vous inviter à être attentifs, conscients et exultants devant la réalité du mystère eucharistique.

Très chers Fils, la fête que nous célébrons aujourd’hui, l’Eglise l’a voulue, vous le savez bien, pour que ses fils puissent rendre au Sacrement de l’Eucharistie, habituellement caché dans le silence recueilli des tabernacles, ce témoignage public de joyeuse reconnaissance dont tout coeur conscient de la réalité de cette mystérieuse présence du Christ ne saurait s’empêcher de ressentir le pressant besoin. C’est pourquoi, en ce jour, la foi des chrétiens déborde, avec sobre gaieté, dans une exultation de prières chorales et de chants d’allégresse qui se déverse également au-dehors des temples, portant de toutes parts un air de joie et un message d’espérance.

Et comment pourrait-il en être autrement, quand nous savons que sous le voile candide de l’Hostie consacrée nous avons avec nous le Seigneur de la vie et de la mort. Celui « qui est, qui était et qui vient » (
Ap 1,4) ? Nous célébrons une fête de la joie, parce que, malgré tout, il est avec nous chaque jour jusqu’au dernier (cf. Mt 28,28), une fête du passé, qui est présente dans le souvenir de la Cène et de la mort du Seigneur, au-delà de toute distance temporelle ; une fête du futur, parce que, déjà maintenant sous le voile du Sacrement, est présent Celui qui porte avec soi tout futur, le Dieu de l’éternel amour (cf. K. Rahner, La Fede che ama la terra, 1968, p. 114).

Quel ensemble de considérations suggestives et corroborantes s’offre au regard méditatif de l’âme en prière. C’est une méditation que nous aimerions mieux conduire dans le silence d’une contemplation adorante plutôt que la livrer aux paroles. Toutefois, nous voulons vous proposer quelques rapides sujets de réflexions, les suggérant plutôt que les développant.

Avant tout concernant la valeur de « souvenir » du rite que nous sommes en train de célébrer. Vous savez le pourquoi des deux espèces eucharistiques. Jésus veut rester sous les apparences du pain et du vin qui figurent respectivement son Corps et son Sang, afin d’actualiser dans le signe sacramentel la réalité de son sacrifice, de cette immolation sur la croix, donc, qui a apporté le salut au monde. Qui ne se souvient des paroles de l’Apôtre Paul : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1Co 11,26) ? Dans l’Eucharistie Jésus est donc présent comme « l’homme des douleurs » (cf Is 53,3), comme « l’agneau de Dieu » qui s’offre en victime pour les péchés du monde (cf Jn 1,29).

Comprendre cela, signifie voir s’ouvrir devant soi d’immenses perspectives : dans ce monde il n’y a pas de rédemption sans sacrifice (cf He 9,22), et il n’y a pas d’existence rachetée qui ne soit en même temps une existence de victime. Dans l’Eucharistie est offerte aux chrétiens de tous les temps la possibilité de donner au calvaire quotidien des souffrances, des incompréhensions, des maladies, de la mort, la dimension d’une oblation rédemptrice qui associe la douleur des individus à la Passion du Christ, acheminant l’existence de chacun vers cette immolation dans la foi qui, à son ultime accomplissement, s’ouvre sur le matin pascal de la résurrection.

Comme nous voudrions pouvoir répéter à chacun, personnellement, et surtout à ceux qu’oppriment la tristesse, la maladie, cette parole de foi et d’espérance ! La douleur n’est pas inutile ! Si elle est unie à celle du Christ, la douleur humaine acquiert quelque chose de la valeur rédemptrice de la Passion même du Fils de Dieu.

L’Eucharistie — et ceci est la deuxième réflexion que nous voudrions vous soumettre — est un événement de communion. Le Corps et le Sang du Christ sont offerts comme aliment qui nous rachète de tout esclavage et nous introduit dans la communion trinitaire, nous faisant participer à la vie même du Christ et à sa communion avec le Père. Ce n’est pas par hasard que la prière sacerdotale du Christ est en intime relation avec le mystère eucharistique, et son invocation passionnée « ut unum sint » (Jn 17) se situe proprement dans le climat et dans la réalité de ce mystère.

L’Eucharistie postule la communion. C’est ce qu’avait bien compris l’Apôtre à qui est dédiée cette Basilique, lui qui, écrivant aux chrétiens de Corinthe, leur demandait : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au Corps du Christ ? ». Intuition fondamentale dont l’Apôtre tire, de manière strictement logique, la conclusion bien connue : Puisqu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps car tous nous avons part à ce pain unique » (1Co 10,16-17).

L’Eucharistie est communion avec Lui, le Christ, et pour cela même, elle se transforme et se manifeste dans notre communion avec nos frères : elle est une invitation à réaliser entre nous la concorde et l’amour, à promouvoir tout ce qui nous rend frères, à construire l’Eglise qui est le Corps du Christ dont le Sacrement de l’Eucharistie est le signe, la cause et l’aliment. Dans l’Eglise primitive, la rencontre eucharistique devenait la source de cette communion de charité qui constituait un spectacle devant le monde païen. Et pour nous également, chrétiens du XX° siècle, c’est de notre participation à la table divine que doit jaillir l’amour vrai, celui qui se voit, se répand, qui fait l’histoire.

Il y a un troisième aspect de ce mystère : l’Eucharistie est anticipation et gage de la gloire future. En célébrant ce mystère, l’Eglise se rapproche, de jour en jour, de la Patrie et, cheminant sur la voie de la Passion et de la mort, elle se rapproche de la résurrection et de la vie éternelle. Le pain eucharistique est le viatique qui la soutient sur la route pleine d’ombre de cette existence terrestre et qui, de quelque manière la fait pénétrer dès à présent, dans l’expérience de l’existence glorieuse du ciel. En répétant le geste divin de la Cène, nous édifions dans le temps qui fuit, la cité divine qui demeure, Il nous incombe donc à nous, chrétiens, d’être, au milieu des autres hommes, les témoins de cette réalité, les messagers de cette espérance. Le Seigneur, présent dans la vérité du Sacrement, ne répète-t-il pas à nos coeurs, à chaque messe : « Ne craignez point ! C’est moi, le Premier et le Dernier, le Vivant » (Ap 1,17-18) ? Ce dont le monde actuel a probablement le plus besoin est qu’avec un humble courage, les chrétiens élèvent bien haut la voix prophétique de leur espérance. Ce sera précisément d’une vie eucharistique intense et consciente que leur témoignage fera jaillir la chaleureuse transparence et la capacité de conviction qui sont nécessaires pour faire brèche dans le coeur humain.

Très chers Frères et Fils, serrons-nous donc étroitement autour de l’Autel ! Ici est présent Celui qui, après avoir partagé notre condition humaine, règne à présent, glorieux, dans la joie sans ombre du ciel. Lui qui, jadis, a maîtrisé les ondes menaçantes du Lac de Tibériade, guide aujourd’hui la barque de l’Eglise sur laquelle nous nous trouvons tous, naviguant à travers les tempêtes du monde, jusqu’aux rives sereines de l’éternité. Nous nous confions à Lui, réconfortés par la certitude que notre espérance ne sera pas déçue.





29 juin 1978

SERVIR LA VÉRITÉ DANS LA FOI

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Le jeudi 29 juin, fête des Saints Pierre et Paul, qui était aussi l’occasion de célébrer les quinze années du Pontificat, le Souverain Pontife a tenu chapelle papale dans la Basilique Saint Pierre. Au cours de la célébration eucharistique, après la lecture de l’Evangile, le Pape a prononcé, en italien, l’allocution dont voici la traduction :



Frères vénérés et chers Fils,



Les images des saints Apôtres Pierre et Paul imprègnent notre esprit, aujourd’hui plus que jamais, au cours de la célébration de cette liturgie. Non seulement parce qu’elles nous viennent, comme d’habitude, du déroulement de l’année liturgique, mais aussi en raison de la signification particulière que revêt pour nous ce quinzième anniversaire de notre élection au souverain Pontificat, alors que, après avoir atteint nos quatre-vingt ans, le cours naturel de notre vie va vers son crépuscule.

Pierre et Paul : « les grandes et justes colonnes » (Saint Clément de Rome, 1, 5, 2) de l’Eglise qui est à Rome et de l’Eglise universelle ! Les textes de la liturgie de la Parole, que l’on vient d’entendre, nous les présentent sous un aspect qui suscite en nous une profonde impression : voici Pierre qui renouvelle à travers les siècles la grande confession de Césarée de Philippes ; voici Paul qui, de Rome où il est captif, laisse à Timothée le testament le plus élevé de sa mission. En les contemplant, nous jetons un regard d’ensemble sur la période durant laquelle le Seigneur nous a confié l’Eglise. Et bien que nous nous considérions comme le dernier et indigne Successeur de Pierre, nous nous sentons, arrivé à ce seuil extrême, réconforté et soutenu par la conscience d’avoir inlassablement répété devant l’Eglise et devant le monde : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (
Mt 16,16) ; nous aussi, comme Paul, nous pouvons dire : « J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé ma course, j’ai gardé la foi » (2Tm 4,7).


1) Sauvegarde de la foi

Notre charge est celle même de Pierre, auquel le Christ a confié la mission de confirmer ses frères (cf. Lc 22,32) : c’est la charge de servir la vérité de la foi, et d’offrir cette vérité à ceux qui la cherchent, selon l’expression admirable de Saint Pierre Chrysologue : « Le bienheureux Pierre, qui à sa propre chaire vit et préside, offre à ceux qui la cherchent la vérité de la foi » (Ep. à Eutiché, inter Ep. S. Leoni Magni, XXV, 2 ; PL 54, 743-4). En effet, la foi est «plus précieuse que l’or » (1P 1,7), dit Saint Pierre ; il ne suffit pas de recevoir mais il faut la conserver même au milieu des difficultés (« elle est éprouvée par le feu », ibid.). Les Apôtres ont été les prédicateurs de cette foi jusque dans la persécution, scellant leur témoignage par leur mort, à l’imitation de leur Maître et Seigneur qui, selon la belle formule de saint Paul, « a rendu son beau témoignage devant Ponce Pilate » (1Tm 6,13). Or la foi n’est pas le résultat de la spéculation humaine (cf. 2P 1,16), mais le « dépôt » reçu des Apôtres qui eux-mêmes l’avaient recueilli des lèvres du Christ qu’ils ont « vu, contemplé et écouté » (cf. 1Jn 1,1-3). C’est la foi de l’Eglise, la foi apostolique. L’enseignement reçu du Christ se conserve intact dans l’Eglise grâce à la présence en elle de l’Esprit Saint et à la mission spéciale confiée à Pierre, pour lequel le Christ a prié : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22,32) et au Collège des Apôtres en communion avec lui : « qui vous écoute, m’écoute » (Lc 10,16). La fonction de Pierre se perpétue chez ses successeurs, si bien que les évêques du Concile de Chalcédoine purent s’écrier, après avoir écouté la lettre que leur envoyait le Pape Léon : « Pierre a parlé par la bouche de Léon » (cf. H. Grisar, Roma alla fine del tempo antico, I, 359). Et le noyau de cette foi, c’est Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, confessé ainsi par Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16).

Voici, Frères et Fils, le dessein inlassable, vigilant, lancinant qui nous a poussé au cours de ces quinze années de pontificat. Fidem servavi !, pouvons-nous dire aujourd’hui, avec la conscience humble et ferme de n’avoir jamais trahi « la sainte vérité » (A. Manzoni). Nous rappelons, comme confirmation de cette conviction, et pour le réconfort de notre esprit qui se prépare continuellement à la rencontre avec le juste Juge (2Tm 4,8), quelques uns des documents saillants du pontificat, qui ont voulu marquer les étapes de notre ministère d’amour et de service de la foi et de la discipline, mais source pour nous de souffrances : parmi les encycliques et les exhortations apostoliques l’encyclique Ecclesiam suam (9 août 1964 ; cf. AAS 56, 1964, PP 609-659) qui, à l’aube du pontificat, traçait pour l’Eglise des lignes d’action envers elle-même et pour son dialogue avec le monde de nos frères chrétiens séparés, des non-chrétiens, des non-croyants ; Mysterium fidei, sur la doctrine eucharistique (3 septembre 1965 ; cf. AAS 57, 1965, PP 753-774) ; Sacerdotales caelibatus (24 juin 1967 ; cf. AAS 59, 1967, PP 657-697), sur le don total de soi qui caractérise le charisme et la fonction presbytérale ; Evangelica testificatio (29 juin 1971 ; cf. AAS 63, 1971, PP 497-526), sur le témoignage que la vie religieuse est appelée à rendre aujourd’hui devant le monde, en tant que manière parfaite de suivre le Christ ; Paterna cum benevolentia (8 décembre 1974 ; cf. AAS 67, 1975, PP 5-23), à la veille de l’Année Sainte, sur la réconciliation à l’intérieur de l’Eglise ; Gaudete in Domino, (9 mai 1975 ; cf. AAS, ibid. pp. PP 289-322), sur la richesse jaillissante et transformatrice de la joie chrétienne ; et enfin l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi (8 décembre 1975 ; cf. AAS 1976, PP 5-6), qui a voulu tracer le panorama exaltant et divers de l’action évangélisatrice de l’Eglise aujourd’hui.

Mais par-dessus tout, nous ne voulons pas oublier notre Profession de foi que, voici exactement dix ans, le 30 juin 1968, nous prononcions solennellement en engageant toute l’Eglise et en son nom, comme le Credo du Peuple de Dieu (cf. AAS 60, 1968, PP 436-445), pour rappeler, pour réaffirmer, pour confirmer les points principaux de la foi de l’Eglise, proclamée par les plus importants Conciles oecuméniques, en un moment où des expérimentations doctrinales faciles érigées en théories semblaient ébranler la certitude de nombreux prêtres et fidèles, et réclamaient un retour aux sources. Grâce au Seigneur, bien des périls se sont atténués ; mais devant les difficultés que l’Eglise doit affronter encore aujourd’hui sur le plan de la doctrine comme sur celui de la discipline, nous nous référons encore énergiquement à cet abrégé de la profession de foi que nous considérons comme un acte important de notre magistère pontifical, car c’est seulement dans la fidélité à l’enseignement du Christ et de l’Eglise, qui nous a été transmis par les Pères, que nous pouvons avoir cette force conquérante et cette lumière de l’intelligence et de l’esprit qui proviennent de la possession mûre et consciente de la vérité divine. Et nous voulons aussi adresser un appel, attristé mais ferme, à tous ceux qui s’engagent eux-mêmes et qui entraînent autrui par leurs paroles, leurs écrits, leur comportement, sur les chemins des opinions personnelles et ensuite sur ceux de l’hérésie et du schisme, désorientant les consciences de beaucoup et la communauté entière, elle qui doit être avant tout Koinonia, c’est-à-dire la communion dans l’adhésion à la vérité de la Parole de Dieu, afin de vérifier et de garantir la Koinonia dans l’unique Pain et l’unique Calice. Nous les avertissons paternellement : qu’ils se gardent de continuer à troubler l’Eglise ; le moment de la vérité est arrivé, et il faut que chacun connaisse ses propres responsabilités face aux décisions qui doivent sauvegarder la foi, trésor commun que le Christ, qui est la Petra, c’est-à-dire le Roc, a confié à Pierre, Vicarius Petrae, Vicaire de celui qui est le Roc, comme l’appelle Saint Bonaventure (cf. Quaest. disp. de perf. evang., q. 4, a. 3 ; éd. Quarachi, V, 1891, p. 195).



2) Défense de la vie humaine

Dans cette tâche — offerte dans la souffrance — de notre magistère au service de la vérité et pour sa défense, nous considérons que l’on ne peut pas faire abstraction de la défense de la vie humaine. Le Concile Vatican II a rappelé, en termes très graves, que « Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de préserver la vie » (GS 51). Et nous, qui nous sommes donné comme consigne précise la fidélité absolue aux enseignements du même Concile, nous avons fait de la défense de la vie sous toutes les formes sous lesquelles elle peut être menacée, atteinte ou supprimée, le programme de notre pontificat.

Rappelons ici aussi les points les plus significatifs qui attestent notre volonté :


a) Nous avons avant tout souligné le devoir de favoriser la promotion technique et matérielle des populations en voie de développement, ceci par l’encyclique Populorum Progressio (26 mars 1967 ; cf. AAS 59, 1967, PP 257-299).

b) Mais la défense de la vie doit commencer à la source même de l’existence humaine. Ce fut là un enseignement grave et clair du Concile qui, dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, enseignait que « la vie, dès la conception, doit être sauvegardée avec un soin extrême ; l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables » (GS 51). Nous n’avons rien fait d’autre que recueillir cet enseignement lorsque, il y a dix ans, nous avons publié l’encyclique Humanae vitae (25 juillet 1968 ; cf. AAS 60, 1968, PP 481-503) : inspiré par l’enseignement biblique et évangélique intangible, qui conforte les prescriptions de la loi naturelle et les impératifs — que nul ne peut supprimer — de la conscience concernant le respect de la vie, dont la transmission est confiée à la paternité et à la maternité responsable, ce document est devenu aujourd’hui d’une actualité nouvelle et plus urgente à cause des atteintes portées par des législations publiques à la sainteté indissoluble du lien matrimonial et au respect intangible où à la vie humaine dès le sein maternel.

c) De là les affirmations répétées de la doctrine de l’Eglise catholique au sujet de la réalité douloureuse et des effets désastreux du divorce et de l’avortement, affirmations contenues dans notre magistère ordinaire, comme dans les actes particuliers de la Congrégation compétente. Nous les avons exprimés poussé unique ment par notre responsabilité suprême de maître et de pasteur universel, et pour le bien du genre humain !

d) Mais nous sommes poussé aussi par l’amour de la jeunesse qui grandit, confiante dans un avenir plus serein, joyeusement tendue vers sa propre auto-réalisation, mais souvent déçue et découragée par l’absence de réponse adéquate de la part de la société des adultes. La jeunesse est la première à souffrir des bouleversements de la famille et de la vie morale. Elle est le patrimoine le plus riche qu’il y ait à défendre et à valoriser. C’est pourquoi nous tournons nos regards vers les jeunes : ils sont l’avenir de la communauté civile, l’avenir de l’Eglise.


Vénérables Frères et Fils très chers !

Nous vous avons ouvert notre coeur, en brossant le panorama, même s’il est rapide, des points culminants de notre Magistère pontifical relativement à la vie humaine, pour qu’un cri profond s’élève de nos coeurs vers le Rédempteur; face aux dangers que nous avons précisés, comme devant les douloureuses défections de caractère ecclésial ou social, nous nous sentons poussé, comme l’apôtre Pierre, à aller vers Lui, comme l’unique salut, et à lui crier : « Seigneur, à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68). Lui seul est la vérité, Lui seul est notre force, Lui seul est notre salut.

Réconfortés par Lui, nous poursuivrons ensemble notre chemin.

Mais aujourd’hui, en cet anniversaire, nous (vous demandons encore de remercier le Seigneur avec nous pour l’aide puissante par laquelle il nous a jusqu’à présent fortifié, de sorte que nous pouvons dire, comme Pierre, « Maintenant je sais réellement que le Seigneur a envoyé son ange » (Ac 12,11). Oui, le Seigneur nous a assisté : nous le remercions et nous le louons ; et nous vous demandons de le louer avec nous et pour nous, par l’intercession des Patrons de cette « noble Rome » et de toute l’Eglise fondée sur eux.

O saints Pierre et Paul, qui avez répandu à travers le monde le nom du Christ et avez rendu à celui-ci le suprême témoignage de l’amour et du sang, protégez encore et toujours cette Eglise pour laquelle vous avez vécu et souffert ; gardez-la dans la vérité et la paix ; augmentez en tous ses fils la fidélité inébranlable à la Parole de Dieu, la sainteté jaillissant de l’Eucharistie et des autres sacrements, l’unité sereine dans la foi, la concorde dans la charité mutuelle, l’obéissance constructive aux Pasteurs. Que la sainte Eglise continue d’être dans le monde le signe vivant, joyeux et efficace du dessein salvifique de Dieu et de son alliance avec les hommes ! C’est ainsi que l’Eglise vous prie par la voix tremblante de l’humble Vicaire du Christ qui vous a regardés, ô saints Pierre et Paul, comme des modèles et des inspirateurs ; gardez-la donc par votre intercession, maintenant et toujours, jusqu’aux terme de la rencontre définitive et bienheureuse avec le Seigneur qui vient. Amen, amen !









B. Paul VI Homélies 50378