Pastores dabo vobis_(2ed) FR 51

(La formation intellectuelle : l’intelligence de la foi)


51 La formation intellectuelle, bien qu’ayant ses exigences spécifiques, est profondément liée à la formation humaine et spirituelle, au point d’en constituer une dimension nécessaire : elle se présente en fait comme une exigence de l’intelligence par laquelle l’homme “participe à la lumière de l’intelligence divine” 156 et cherche à acquérir une sagesse qui, à son tour, porte à connaître Dieu et à adhérer à lui.

La formation intellectuelle des candidats au sacerdoce trouve sa justification spécifique dans la nature même du ministère ordonné, et le défi de la “nouvelle évangélisation” à laquelle le Seigneur appelle l’Église au seuil du troisième millénaire la rend plus urgente aujourd’hui. “Si tout chrétien – écrivent les Pères synodaux – doit être prêt à défendre la foi et à rendre compte de l’espérance qui vit en nous (1P 3,15), à plus forte raison les candidats au sacerdoce et les prêtres doivent-ils apprécier la valeur de la formation intellectuelle dans l’éducation et dans l’activité pastorales ; en effet, pour le salut de leurs frères et de leurs soeurs, ils doivent acquérir une plus profonde connaissance des mystères divins” 157 . La situation actuelle est fortement marquée par l’indifférence religieuse ; elle l’est également par une défiance diffuse à l’égard de la capacité réelle de la raison de rejoindre la vérité objective et universelle ; elle l’est encore par les interrogations nouvelles suscitées par les découvertes scientifiques et technologiques. Tout cela justifie la forte exigence d’un excellent niveau de formation intellectuelle permettant aux prêtres d’annoncer, dans un tel contexte, l’immuable Évangile du Christ et de le rendre crédible face aux légitimes exigences de la raison humaine. En outre, le phénomène du pluralisme est aujourd’hui considérablement accentué non seulement dans la société humaine, mais aussi dans la communauté ecclésiale. Cela demande une aptitude particulière au discernement critique. Cette situation fait apparaître clairement la nécessité d’une formation intellectuelle plus sérieuse que jamais.

Cette motivation “pastorale” de la formation intellectuelle confirme ce qui a été dit plus haut au sujet de l’unité du processus éducatif, compris dans ses différentes dimensions. L’obligation de l’étude, qui occupe une partie notable de la vie du candidat au sacerdoce, n’est pas un élément extérieur et secondaire du développement humain, chrétien et spirituel de sa vocation. En réalité, par l’étude, surtout de la théologie, le futur prêtre adhère à la Parole de Dieu, grandit dans la vie spirituelle et se dispose à accomplir le ministère pastoral. Tel est le but à la fois un et multiple de l’étude de la théologie, indiqué par le Concile 158 et repris dans l’Instrumentum laboris du Synode : “Pour la rendre pastoralement plus efficace, la formation intellectuelle sera intégrée dans un parcours spirituel marqué par l’expérience personnelle de Dieu, de façon à dépasser une science purement notionnelle et à parvenir à cette intelligence du coeur qui sait ‘voir’ d’abord et qui est en mesure ensuite de communiquer le mystère de Dieu aux frères” 159 .




52 L’étude de la philosophie, qui conduit à une compréhension et à une interprétation plus profondes de la personne, de sa liberté, de ses relations avec le monde et avec Dieu, est un élément essentiel de la formation intellectuelle. Elle se révèle d’une grande urgence, d’abord en raison du lien qui existe entre les problèmes philosophiques et les mystères du salut, étudiés en théologie, à la lumière de la foi 160 , mais aussi en raison de la situation culturelle, aujourd’hui si diffuse, où prévaut le subjectivisme comme mesure et critère de la vérité. Seule une saine philosophie peut alors aider les candidats au sacerdoce à développer une conscience réfléchie du rapport constitutif qui existe entre l’esprit humain et la vérité, vérité qui se révèle pleinement à nous en Jésus-Christ. On ne doit pas minimiser l’importance de la philosophie, sous prétexte de garantir cette “certitude de vérité” qui, seule, peut être à la base du don total de la personne à Jésus et à l’Église. Il n’est pas difficile de comprendre que certaines questions très concrètes, comme l’identité du prêtre et son engagement apostolique et missionnaire, sont profondément liées à la question, nullement abstraite, de la vérité. Si l’on n’est pas certain de la vérité, comment peut-on mettre en jeu sa vie entière, et avoir la force d’interpeller sérieusement celle des autres ?

La philosophie aide beaucoup le candidat à enrichir sa formation intellectuelle du “culte de la vérité ”, c’est-à-dire d’une sorte de vénération amoureuse de la vérité qui conduit à reconnaître que la vérité elle-même n’est pas créée ni mesurée par l’homme, mais qu’elle est donnée à l’homme par la Vérité suprême, par Dieu ; que la raison humaine peut, bien que d’une façon limitée et non sans difficulté parfois, atteindre la vérité objective et universelle, celle même qui concerne Dieu et le sens radical de l’existence ; enfin, que la foi elle-même ne peut pas faire abstraction de la raison ni dispenser de l’effort de “penser” ses contenus, comme en témoignait le grand esprit qu’est saint Augustin : “J’ai désiré sonder avec l’intelligence ce en quoi j’ai mis ma foi, et j’ai discuté beaucoup et j’ai beaucoup peiné” 161 .

Pour une compréhension plus profonde de l’homme et des phénomènes et tendances évolutives de la société, en vue d’un exercice aussi “incarné” que possible du ministère pastoral, les sciences de l’homme, comme on les appelle, peuvent être d’une grande utilité ; telles sont la sociologie, la psychologie, les sciences de l’économie et de la politique, la science des communications sociales. Tout en restant dans le cadre bien précis des sciences positives ou descriptives, elles aident le futur prêtre à prolonger l’action du Christ qui s’est fait contemporain des hommes de son temps : “Le Christ, disait Paul VI, s’est fait contemporain de certains hommes et s’est exprimé dans leur langage. Lui être fidèle, c’est faire en sorte qu’il continue à être notre contemporain” 162 .




53 La formation intellectuelle du futur prêtre se fonde et se développe surtout dans l’étude de la sacra doctrina, la théologie. La valeur et l’authenticité de la formation théologique dépendent du respect scrupuleux de la nature propre de la théologie, que les Pères synodaux ont ainsi résumée : “La vraie théologie provient de la foi et entend conduire à la foi” 163 . C’est cela que l’Église, et spécialement son Magistère, ont constamment proposé. C’est cette ligne qu’ont suivie les grands théologiens qui ont enrichi la pensée de l’Église au long des siècles. Saint Thomas est on ne peut plus explicite quand il affirme que la foi est comme l’habitus de la théologie, c’est-à-dire son principe d’opération permanent 164 , et que “toute la théologie est ordonnée à nourrir la foi” 165 .

Le théologien est donc avant tout un croyant, un homme de foi. Mais c’est un croyant qui s’interroge sur sa propre foi (fides quaerens intellectum), qui s’interroge afin d’arriver à une compréhension plus profonde de sa foi. Les deux aspects, la foi et la réflexion méthodique, sont connexes et s’interpénètrent : c’est justement leur intime coordination, leur interpénétration, qui caractérise la vraie nature de la théologie, et, par suite, ses contenus, ses modalités et l’esprit selon lesquels la sacra doctrina sera élaborée et étudiée.

Or la foi, point de départ et d’arrivée de la théologie, crée une relation personnelle du croyant avec Jésus Christ dans l’Église. Et c’est pourquoi la théologie possède, elle aussi, des connotations intrinsèques, christologiques et ecclésiales que le candidat au sacerdoce doit faire siennes consciemment, à cause des implications non seulement pour sa vie personnelle, mais aussi pour son ministère pastoral. Si la foi est accueil de la Parole de Dieu, elle s’achève dans un “oui” radical du croyant à Jésus-Christ, Parole plénière et définitive de Dieu au monde (He 1,1-4). Il doit donc en être de même de la réflexion théologique, qui trouve son centre dans l’adhésion à Jésus-Christ, Sagesse de Dieu : cette réflexion doit se considérer comme une participation à la “pensée” du Christ (1Co 2,16) sous l’aspect humain d’une science (scientia fidei). En même temps, la foi introduit le croyant dans l’Église et le rend participant de la vie de l’Église comme communauté de foi. En conséquence, la théologie possède une dimension ecclésiale, parce qu’elle est une réflexion sur la foi de l’Église, et cela de la part d’un théologien qui est membre de l’Église 166 .

Ces perspectives christologiques et ecclésiales, qui sont connaturelles à la théologie, aident à développer chez les candidats au sacerdoce, en même temps que la rigueur scientifique, un grand et vif amour envers Jésus-Christ et son Église. Cet amour qui nourrit leur vie spirituelle, les oriente aussi vers le généreux accomplissement de leur ministère. C’est précisément ce que voulait le Concile Vatican II, quand il demandait la réorganisation des études ecclésiastiques, en répartissant mieux les différentes disciplines philosophiques et théologiques “pour les faire contribuer de concert à ouvrir de plus en plus l’esprit des séminaristes au mystère du Christ, qui, concernant l’histoire entière du genre humain, ne cesse d’agir dans l’Église et d’opérer surtout par le ministère sacerdotal” 167 .

La formation intellectuelle théologique et la vie spirituelle, en particulier la vie de prière, s’unissent et se renforcent mutuellement, sans rien ôter ni au sérieux de la recherche ni à la saveur spirituelle de la prière. Saint Bonaventure nous prévient : “Que personne ne croie que suffisent la lecture sans l’onction, la spéculation sans la dévotion, la recherche sans l’admiration, l’observation sans la jubilation, l’activité sans la piété, la science sans la charité, l’intelligence sans l’humilité, l’étude sans la grâce divine, la connaissance de soi sans la sagesse infuse de Dieu” 168 .




54 La formation théologique est une oeuvre complexe et laborieuse. Elle doit aider le candidat au sacerdoce à posséder une vision des vérités révélées par Dieu en Jésus-Christ, et de l’expérience de foi de l’Église, qui soit complète et unitaire. De là découle une double exigence : connaître “toutes” les vérités chrétiennes, sans opérer de choix arbitraires, et les connaître d’une manière méthodique. Cela exige que l’on aide l’étudiant à opérer une synthèse qui soit le fruit des apports des différentes disciplines théologiques, dont la spécificité n’acquiert de valeur authentique que dans leur profonde coordination.

Dans sa réflexion sur la foi, la théologie va dans deux directions. La première est celle de l’“ étude de la Parole de Dieu” : la parole écrite dans le Livre sacré, célébrée et vécue dans la tradition vivante de l’Église, authentiquement interprétée par le Magistère de l’Église. Cela demande l’étude de la Sainte Écriture, “qui doit être comme l’âme de toute la théologie”
169 , l’étude des Pères de l’Église, de la liturgie, de l’histoire de l’Église et des déclarations du Magistère. La seconde direction est celle de l’homme interlocuteur de Dieu : l’homme appelé à “croire ”, à “vivre ”, à “communiquer” aux autres la fides et l’“ ethos” chrétiens.Cela entraîne donc l’étude de la dogmatique, de la théologie morale, de la théologie spirituelle, du droit canonique et de la théologie pastorale.

La référence à l’homme croyant conduit la théologie à être particulièrement attentive d’une part à l’instance fondamentale et permanente du rapport foi-raison, et d’autre part à certaines exigences davantage liées à la situation sociale et culturelle de notre époque. Dans la première orientation, se situe la théologie fondamentale, qui a pour objet le fait de la révélation chrétienne et de sa transmission dans l’Église. Dans la seconde orientation, se placent des disciplines qui ont connu et connaissent un développement plus intense, comme réponses à des problèmes aujourd’hui fortement perçus. C’est le cas de l’étude de la doctrine sociale de l’Église qui “entre dans le domaine... de la théologie et particulièrement de la théologie morale” 170 et qui est à ranger parmi les “éléments essentiels” de la “nouvelle évangélisation ”, dont elle constitue un instrument 171 . Il en est ainsi de l’étude de la missiologie, de l’oecuménisme, du Judaïsme, de l’Islam, et des autres religions non chrétiennes.




55 La formation théologique actuelle doit prêter attention à certains problèmes qui soulèvent souvent des difficultés, créent des tensions et entretiennent des confusions dans la vie de l’Église. Que l’on pense au rapport entre les déclarations du Magistère et les discussions théologiques, qui ne se présente pas toujours comme il devrait, c’est-à-dire à l’enseigne de la collaboration : “Tout en ayant des charismes et des fonctions différentes, le Magistère vivant de l’Église et la théologie ont en définitive un même but : garder le peuple de Dieu dans la vérité qui libère et en faire ainsi la ‘lumière des nations’. Ce service de la communauté ecclésiale met en relations réciproques le théologien et le Magistère. Ce dernier enseigne authentiquement la doctrine des Apôtres et, tirant profit du travail théologique, réfute les objections et les déformations de la foi, proposant en outre, avec l’autorité reçue de Jésus-Christ, des approfondissements, des explicitations et des applications nouvelles de la doctrine révélée. La théologie au contraire acquiert, par la réflexion, une intelligence toujours plus profonde de la Parole de Dieu, contenue dans l’Écriture et fidèlement transmise par la Tradition vivante de l’Église, sous la conduite du Magistère ; elle cherche à éclairer l’enseignement de la Révélation face aux instances de la raison, et lui donne enfin une forme organique et systématique” 172 . Quand, cependant, pour toute une série de motifs, cette collaboration diminue, il ne faut pas se laisser égarer par des équivoques et des confusions ; il faut savoir faire soigneusement la distinction entre “la doctrine commune de l’Église et les opinions des théologiens ainsi que les tendances qui passent (les ‘modes’)” 173 . Il n’y a pas de magistère “parallèle ”, parce que l’unique Magistère est celui de Pierre et des Apôtres, du Pape et des évêques 174 .

Un autre problème, qui se rencontre surtout là où la formation intellectuelle des séminaristes est confiée à des instituts académiques, concerne le rapport entre la rigueur scientifique de la théologie et sa destination pastorale, et donc la nature pastorale de la théologie. Il s’agit en réalité de deux caractéristiques de la théologie et de son enseignement qui, non seulement ne s’opposent pas, mais concourent, même sous des profils différents, à une plus complète “intelligence de la foi ”. En fait, le caractère pastoral de la théologie ne signifie pas que la théologie est moins doctrinale ou privée de son caractère scientifique ; elle signifie au contraire que la théologie habilite les futurs prêtres à annoncer le message évangélique en tenant compte des facteurs culturels de leur temps et à comprendre l’action pastorale selon une authentique vision théologique. Ainsi, d’un côté, une étude respectueuse du caractère rigoureusement scientifique de chacune des disciplines théologiques contribuera à la formation plus complète et plus profonde du pasteur d’âmes, comme maître de la foi ; d’un autre côté, chez le futur prêtre, une sensibilité qui correspond à l’orientation pastorale rendra vraiment formatrice pour lui l’étude sérieuse et scientifique de la théologie.

L’exigence, aujourd’hui fortement ressentie, de l’évangélisation des cultures et de l’inculturation du message de la foi soulève encore un autre problème. C’est une question éminemment pastorale qui doit être traitée largement et avec beaucoup d’attention au cours de la formation des candidats au sacerdoce : “Dans les circonstances actuelles, en différentes régions du monde, la religion chrétienne est considérée comme quelque chose d’étranger aux cultures soit anciennes soit modernes, il est donc d’une grande importance que, dans toute la formation intellectuelle et humaine, on considère comme nécessaire et essentielle la dimension de l’inculturation” 175 . Cela exige au préalable une théologie authentique, inspirée des principes catholiques concernant l’inculturation. Ces principes sont liés au mystère de l’Incarnation du Verbe de Dieu et à l’anthropologie chrétienne ; ils éclairent le sens authentique de l’inculturation. Celle-ci, face aux cultures les plus diverses et parfois opposées présentes dans les différentes parties du monde, veut être un acte d’obéissance au commandement du Christ de prêcher l’Évangile à toutes les nations et jusqu’aux confins de la terre. Cette obéissance ne signifie ni syncrétisme, ni simple adaptation de l’annonce évangélique, mais le fait que l’Évangile pénètre vitalement dans les cultures, s’incarne en elles, dépassant leurs éléments culturels incompatibles avec la foi et la vie chrétiennes et élevant leurs valeurs jusqu’au mystère du salut qui provient du Christ 176 . Le problème de l’inculturation peut avoir un intérêt spécial quand les candidats au sacerdoce proviennent eux-mêmes de cultures autochtones : ils auront alors besoin de parcours de formation adaptés, soit pour éviter le risque d’être moins exigeants et de se contenter d’une éducation plus faible en valeurs humaines, chrétiennes et sacerdotales, soit pour mettre en valeur les éléments bons et authentiques de leurs cultures et de leurs traditions 177 .




56 En suivant l’enseignement et les orientations du Concile Vatican II et les normes pratiques de la Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, un vaste “aggiornamento” de l’enseignement des disciplines philosophiques et surtout théologiques a été accompli dans les séminaires. Si cet “aggiornamento” appelle encore dans certains cas des retouches et des développements, il a contribué dans l’ensemble à améliorer toujours plus l’éducation donnée dans le cadre de la formation intellectuelle. À ce sujet, “les Pères synodaux ont de nouveau affirmé fréquemment et avec clarté la nécessité et même l’urgence que soit appliqué dans les séminaires et les maisons de formation le programme fondamental des études, qu’il s’agisse du programme universel ou de celui des divers pays ou Conférences épiscopales” 178 . Il est nécessaire de combattre fermement la tendance à abaisser le niveau et le sérieux des études, tendance qui se manifeste dans certains secteurs de l’Église et qui est due en partie à l’insuffisance et aux lacunes de la formation intellectuelle de base reçue par les étudiants qui commencent le cycle philosophique et théologique. C’est la situation contemporaine elle-même qui exige que les maîtres soient toujours davantage à la hauteur de la complexité des temps et soient en mesure d’affronter avec compétence, clarté et profondeur d’argumentation les questions sur le sens posées par les hommes d’aujourd’hui, questions auxquelles seul l’Évangile de Jésus-Christ apporte la réponse pleine et définitive.

(La formation pastorale : communier à la charité de Jésus-Christ, Bon Pasteur)


57 Toute la formation des candidats au sacerdoce est destinée à les disposer d’une façon plus particulière à communier à la charité du Christ Bon Pasteur. Cette formation doit donc, dans ses divers aspects, avoir un caractère essentiellement pastoral. Le décret conciliaire Optatam totius l’affirmait clairement en parlant des grands séminaires : “L’éducation complète des élèves des grands séminaires doit tendre à faire d’eux de véritables pasteurs d’âmes, à l’exemple de notre Seigneur Jésus-Christ, Maître, Prêtre et Pasteur. Ils seront donc préparés au ministère de la parole, afin qu’ils comprennent toujours mieux la parole révélée de Dieu, qu’ils la possèdent par la méditation et qu’ils l’expriment par leur voix et par leur vie ; au ministère du culte et de la sanctification, afin que, s’adonnant à la prière et aux célébrations liturgiques, ils accomplissent l’oeuvre du salut par le sacrifice eucharistique et les sacrements ; au ministère de pasteur, afin qu’ils sachent rendre présent aux hommes le Christ, qui “ n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour les multitudes ” (Mc 10,45 Jn 13,12-17), et pour que, devenus les serviteurs de tous, ils en gagnent un plus grand nombre (1Co 9,19)” 179 .

Le texte conciliaire insiste sur la profonde coordination qui existe entre les divers aspects de la formation humaine, spirituelle et intellectuelle, et en même temps sur leur finalité spécifiquement pastorale.En ce sens, la finalité pastorale assure à la formation humaine, spirituelle et intellectuelle des contenus déterminés et des caractéristiques précises, pour unifier et spécifier toute la formation des futurs prêtres.

Comme toute autre formation, la formation pastorale se réalise par une mûre réflexion et des exercices pratiques ; elle plonge ses racines vivantes dans un esprit qui est le centre de tout et constitue une force d’impulsion et de développement.

L’étude d’une véritable discipline théologique est donc nécessaire : la théologie pastorale ou pratique, réflexion scientifique sur l’Église qui se construit chaque jour, avec la force de l’Esprit, au cours de l’histoire, donc sur l’Église comme “sacrement universel de salut” 180 , comme signe et instrument vivant du salut de Jésus Christ dans la Parole, dans les sacrements et dans le service de la charité. La pastorale n’est pas seulement un art, ni un ensemble d’exhortations, d’expériences, de recettes ; elle possède sa pleine dignité théologique, parce qu’elle reçoit de la foi les principes de l’action pastorale de l’Église dans l’histoire, d’une Église qui “engendre” tous les jours l’Église elle-même, selon l’heureuse expression de saint Bède le Vénérable : “Ecclesia gignit quotidie Ecclesiam181 . Parmi ces principes et ces critères, il y a celui, particulièrement important, du discernement évangélique de la situation socioculturelle et ecclésiale dans laquelle se développe l’action pastorale.

L’étude de la théologie pastorale doit éclairer l’application concrète à travers quelques services pastoraux auxquels les candidats au sacerdoce doivent s’adonner, de façon progressive et toujours en harmonie avec les autres exigences de la formation : il s’agit d’“ expériences” pastorales, qui peuvent aboutir à un vrai “stage pastoral” qui pourra durer un certain temps et devra être évalué de manière méthodique.

Mais l’étude et l’activité pastorales renvoient à une source intérieure que la formation aura soin de préserver et de mettre en valeur : la communion toujours plus profonde avec la charité pastorale de Jésus. Comme elle a constitué l’origine et la force de l’action salvifique de Jésus, de même elle doit aussi, grâce à l’effusion de l’Esprit dans le sacrement de l’Ordre, constituer l’origine et la force du ministère du prêtre. Il s’agit d’une formation destinée non seulement à assurer une compétence pastorale scientifique et une habileté pratique, mais aussi et surtout à garantir la croissance d’une manière d’être en communion avec les sentiments et les comportements mêmes du Christ Bon Pasteur : “Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus” (Ph 2,5).




58 Ainsi entendue, la formation pastorale ne peut évidemment pas se réduire à un simple apprentissage, destiné à se familiariser avec des techniques pastorales. Le projet éducatif du séminaire se propose d’apprendre aux étudiants à acquérir une sensibilité pastorale, à assumer avec conscience et maturité leurs propres responsabilités, à s’entraîner intérieurement à évaluer des situations, à établir des priorités et à trouver les moyens de les réaliser, le tout à la lumière de la foi et selon les exigences théologiques de la pastorale elle-même.

Par cette expérience initiale et progressive du ministère, les futurs prêtres pourront être introduits dans la tradition pastorale vivante de leur Église particulière ; ils apprendront à élargir l’horizon de leur esprit et de leur coeur à la dimension missionnaire de la vie ecclésiale ; ils s’exerceront à certaines formes de collaboration entre eux et avec les prêtres auprès desquels ils seront envoyés. A ces derniers revient une responsabilité éducative pastorale de grande importance, en liaison avec l’enseignement donné au séminaire.

Dans le choix des lieux et des services en vue des expériences pastorales, on devra accorder une attention particulière à la paroisse
182 , cellule vitale des différentes expériences pastorales, dans laquelle les stagiaires se trouveront en face des problèmes particuliers de leur futur ministère. Les Pères synodaux ont fourni une série d’exemples concrets, comme la visite aux malades, le soin des émigrés, des exilés et des nomades, le zèle de la charité qui se traduit en des oeuvres sociales diverses. Ils écrivent en particulier : “Il est nécessaire que le prêtre soit témoin de la charité du Christ lui-même, qui “ est passé en faisant le bien ” (Ac 10,38) ; le prêtre doit aussi être le signe visible de la sollicitude de l’Église qui est Mère et Maîtresse. Et, parce que l’homme d’aujourd’hui est frappé par tant d’épreuves, spécialement l’homme qui est écrasé par une pauvreté inhumaine, par la violence aveugle et par le pouvoir injuste, il est nécessaire que l’homme de Dieu, bien préparé à toute oeuvre bonne (2Tm 3,17), revendique les droits et la dignité de l’homme. Qu’il se garde, cependant, d’adhérer à de fausses idéologies, et, alors qu’il veut promouvoir le progrès, d’oublier que le monde est racheté par la seule croix du Christ” 183 .

L’ensemble de ces activités et d’autres semblables éduque le futur prêtre à vivre comme un “service” sa mission d’“ autorité” dans la communauté, en s’abstenant de toute attitude de supériorité ou de l’exercice d’un pouvoir qui ne serait pas toujours et uniquement justifié par la charité pastorale.

Pour une formation adaptée, il est nécessaire que les différentes expériences des candidats au sacerdoce revêtent un caractère “ministériel ”, restant intimement liées à toutes les exigences qui sont propres à la préparation au presbytérat et (sans que ce soit au détriment des études) en référence au service de la Parole, du culte et de la présidence. Ces services peuvent devenir la traduction concrète des ministères de Lectorat, Acolytat et Diaconat.




59 Parce que l’action pastorale est destinée par sa nature à animer l’Église qui est essentiellement “mystère ”, “communion ”, “mission ”, la formation pastorale devra tenir compte de ces dimensions dans l’exercice du ministère.

Il est fondamental d’avoir conscience que l’Église est “mystère ”, c’est-à-dire oeuvre divine, fruit de l’Esprit du Christ, signe efficace de la grâce, présence de la Trinité dans la communauté chrétienne. Cette conscience, loin d’atténuer le sens de la responsabilité propre au pasteur, le convaincra que la croissance de l’Église est une oeuvre gratuite de l’Esprit et que son service – confié par grâce divine à la libre responsabilité humaine – est celui du “ serviteur inutile” de l’Évangile (
Lc 17,10).

De plus, la conscience que l’Église est “communion” préparera le candidat au sacerdoce à pratiquer une pastorale communautaire en cordiale collaboration avec les divers membres de l’Église : prêtres et évêques, prêtres diocésains et religieux, prêtres et laïcs. Mais une telle collaboration suppose d’abord la connaissance et l’estime des différents dons et charismes, des diverses vocations et responsabilités que l’Esprit offre et confie aux membres du corps du Christ. Elle exige aussi un sens vif et précis de son identité et de celle des autres dans l’Église. Elle réclame en outre confiance mutuelle, patience, douceur, capacité de compréhension et d’écoute ; enfin et surtout, elle s’enracine dans un amour de l’Église plus grand que l’amour que l’on a pour soi et pour les groupes auxquels on appartient. Il est particulièrement important de préparer les futurs prêtres à la collaboration avec les laïcs, pour qu’ils “soient prêts – dit le Concile – à écouter l’avis des laïcs, en tenant compte fraternellement de leurs aspirations et en s’aidant de leur expérience et de leur compétence dans les différents domaines de l’activité humaine, afin de pouvoir avec eux lire les signes des temps” 184 . De même, le récent Synode a insisté sur la sollicitude pastorale envers les laïcs : “Il faut que le candidat au sacerdoce devienne capable d’intéresser et d’initier les fidèles laïcs, surtout les jeunes, aux différentes vocations (au mariage, aux services sociaux, à l’apostolat, aux ministères, aux responsabilités d’ordre pastoral, à la vie consacrée, aux charges de la vie politique et sociale, à la recherche scientifique, à l’enseignement). Surtout, il est nécessaire d’éclairer et de soutenir les laïcs dans leur vocation à s’engager dans le monde et à le transformer à la lumière de l’Évangile, en reconnaissant la valeur de cet engagement et en le respectant” 185 .

Enfin, la conscience de l’Église comme communion “missionnaire ”, aidera le candidat au sacerdoce à aimer et à vivre la dimension missionnaire essentielle de l’Église et des diverses activités pastorales ; à être ouvert et disponible à toutes les possibilités offertes aujourd’hui d’annoncer l’Évangile, sans oublier le service précieux que les moyens de communication sociale peuvent et doivent rendre en cette matière 186 ; à se préparer à un ministère qui, concrètement, pourra exiger de lui la disponibilité, en réponse à l’Esprit-Saint et à l’évêque, pour être envoyé prêcher l’Évangile au-delà des frontières de son pays 187 .


II. LES MILIEUX DE LA FORMATION SACERDOTALE

(La communauté de formation du grand séminaire)


60 La nécessité du grand séminaire – et de la maison religieuse analogue – pour la formation des candidats au sacerdoce, affirmée avec autorité par le Concile Vatican II 188 , a été réaffirmée par le Synode de la façon suivante : “L’institution du grand séminaire, en tant qu’excellent lieu de formation, doit certainement être réaffirmée comme l’espace normal, même matériel, d’une vie communautaire et hiérarchique, et même comme la maison propre de la formation des candidats au sacerdoce, avec des supérieurs vraiment consacrés à cet office. Cette institution a donné des fruits abondants au long des siècles et continue à en donner dans le monde entier” 189 .

Le séminaire se présente comme un temps et comme un lieu ; mais il se présente surtout comme une communauté éducative en cheminement : c’est la communauté établie par l’évêque pour offrir à celui qui est appelé par le Seigneur à servir comme les Apôtres la possibilité de revivre l’expérience éducative que le Seigneur a réservée aux Douze. En réalité, une relation prolongée et intime de vie avec Jésus est présentée, dans les Évangiles, comme préalable nécessaire au ministère apostolique. Cette intimité oblige les Douze à réaliser, d’une façon particulièrement claire et spécifique, le détachement, proposé dans une certaine mesure à tous les disciples, à l’égard du milieu d’origine, du travail habituel, des affections les plus chères (Mc 1,16-20 Mc 10,28 Lc 9,23 Lc 9,57-62 Lc 14,25-27). Bien des fois, nous avons rapporté la tradition de Marc qui souligne le lien profond unissant les Apôtres avec le Christ et entre eux : avant d’être envoyés pour prêcher et accomplir des guérisons, ils sont appelés à “être ses compagnons” (Mc 3,14).

La nature profonde du séminaire est d’être, à sa manière, une continuation, dans l’Église, de la communauté apostolique groupée autour de Jésus, à l’écoute de sa Parole, en marche vers l’expérience de la Pâque, dans l’attente de l’Esprit donné pour la mission. Tel est l’idéal auquel doit tendre tout séminaire. Le séminaire, comme institution humaine, a connu dans l’histoire les formes les plus diverses et de multiples vicissitudes. Son identité le stimule toujours à trouver une réalisation concrète, fidèle aux valeurs évangéliques dont il s’inspire, et capable de répondre aux situations et aux nécessités des temps.

Le séminaire est en lui-même une expérience originale de la vie de l’Église : en lui, l’évêque se rend présent par le ministère du recteur et le service de coresponsabilité et de communion qu’il anime avec les autres éducateurs, pour la croissance pastorale et apostolique des candidats. Les divers membres de la communauté du séminaire, réunis par l’Esprit Saint en une fraternité unique, collaborent, chacun selon son propre don, à la croissance de tous dans la foi et la charité, pour se préparer comme il convient au sacerdoce et donc à prolonger, dans l’Église et dans l’histoire, la présence salvifique de Jésus-Christ, le Bon Pasteur.

Déjà, sur le plan humain, le grand séminaire doit tendre à devenir “une communauté dont les membres sont liés par une amitié et une charité profondes, pour pouvoir être considéré comme une vraie famille qui vit dans la joie” 190 . Sur le plan chrétien, le séminaire doit se constituer – continuent les Pères synodaux – comme “communauté ecclésiale ”, comme “communauté des disciples du Seigneur, dans laquelle on célèbre la même liturgie (qui imprègne toute la vie d’esprit de prière) ; qui se forme tous les jours dans la lecture et la méditation de la Parole de Dieu et par le sacrement de l’Eucharistie ; elle est unie dans l’exercice de la charité fraternelle et de l’esprit de justice ; dans cette communauté, l’Esprit du Christ et l’amour de l’Église resplendissent, grâce au progrès de la vie communautaire et de la vie spirituelle de chacun de ses membres” 191 . Confirmant et explicitant concrètement la dimension ecclésiale essentielle du séminaire, les Pères synodaux continuent : “Comme communauté ecclésiale, tant diocésaine qu’interdiocésaine ou même religieuse, le séminaire doit nourrir le sens de la communion ecclésiale des candidats avec leur évêque et avec leur presbyterium, de sorte qu’ils participent à leur espérance et à leurs angoisses et sachent étendre cette ouverture aux nécessités de l’Église universelle” 192 . Il est essentiel, pour la formation des candidats au sacerdoce et au ministère pastoral qui est ecclésiale par sa nature, que le séminaire soit considéré, non d’une manière extérieure et superficielle, c’est-à-dire comme un simple lieu d’habitation et d’étude, mais d’une façon intérieure et profonde, comme une communauté spécifiquement ecclésiale, une communauté qui revive l’expérience des Douze unis à Jésus 193 .




61 Le séminaire est donc une communauté ecclésiale éducative, mieux, une communauté particulière qui éduque. Ce qui détermine sa physionomie, c’est sa fin spécifique, c’est-à-dire l’accompagnement de la vocation des futurs prêtres, et, par conséquent, le discernement de cette vocation, l’aide pour y répondre et la préparation à recevoir le sacrement de l’Ordre avec les grâces et les responsabilités qu’il comporte et par lesquelles le prêtre est configuré à Jésus-Christ, Tête et Pasteur, et est habilité et engagé à en partager la mission de salut dans l’Église et dans le monde.

Le séminaire étant une communauté éducative, toute la vie que l’on y mène, dans ses expressions les plus diverses, est axée sur la formation humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale des futurs prêtres : c’est une formation qui, bien qu’ayant de nombreux points communs avec la formation humaine et chrétienne de tous les membres de l’Église, présente des contenus, des modalités et des caractéristiques qui découlent d’une façon particulière de la fin poursuivie : préparer au sacerdoce.

Or les contenus et les formes de l’oeuvre éducative exigent que le séminaire ait sa programmation précise, c’est-à-dire un programme de vie ayant son unité organique en même temps qu’il s’harmonise en accord avec la seule fin qui justifie l’existence du séminaire : la préparation des futurs prêtres.

En ce sens, les Pères synodaux écrivent : “En tant que communauté éducative, [le séminaire] doit suivre un programme clairement défini qui ait comme note caractéristique l’unité de la direction, représentée par le Recteur et ses collaborateurs, par la cohérence dans l’ordonnancement de la vie et de l’activité formatrice et par les exigences fondamentales de la vie communautaire, laquelle comporte aussi des aspects essentiels relevant de la tâche de formation. Ce programme doit être, sans hésitation ni flottement, au service de la finalité spécifique qui seule justifie l’existence du séminaire : la formation des futurs prêtres, pasteurs de l’Église”
194 .

Et pour que ce programme soit vraiment adapté et efficace, il faut que ses grandes lignes se traduisent plus concrètement, en détail, par quelques normes particulières destinées à ordonner la vie communautaire, en fixant des moyens et des rythmes temporels précis.

Un autre aspect est à souligner ici. L’oeuvre éducative est par nature l’accompagnement de personnes concrètes, qui vivent dans l’histoire, qui marchent vers des choix et vers l’adhésion à certains idéaux de vie. C’est précisément la raison pour laquelle l’oeuvre éducative doit savoir concilier harmonieusement la vision claire du but à atteindre, l’exigence d’une marche sérieuse vers ce but, l’attention au “voyageur ”, c’est-à-dire au sujet concret engagé dans l’aventure de la formation, et donc à une série de situations, de problèmes, de difficultés, de rythmes de marche et de croissance. Cela exige une sage souplesse, qui exclut tout compromis sur les valeurs comme sur l’engagement conscient et libre, et qui signifie amour véritable et respect sincère pour celui qui avance vers le sacerdoce dans ses dimensions personnelles. Cela vaut non seulement pour chacune des personnes, mais aussi pour les différents contextes sociaux et culturels dans lesquels vivent les séminaires et les diverses formes de leur histoire. En ce sens, l’oeuvre éducative exige un continuel renouvellement. Les Pères l’ont souligné avec force, même en ce qui concerne la configuration des séminaires : “Étant sauve la valeur des formes classiques du séminaire, le Synode désire que le travail de consultation des Conférences épiscopales sur les besoins actuels de la formation se poursuive, comme cela a été prévu par le décret Optatam totius (n. 1) et par le Synode de 1967. Les Rationes de chaque nation ou rite seront revues opportunément, soit à l’occasion des demandes faites par les Conférences épiscopales, soit dans les visites apostoliques des séminaires des différentes nations, pour y introduire les diverses modalités de formation, qui doivent répondre aux besoins des peuples de culture dite autochtone, aux besoins des vocations d’adultes, des vocations pour les missions etc.” 195 .




62 La finalité et la structure éducative du grand séminaire exigent que les candidats au sacerdoce y entrent avec une certaine préparation. Celle-ci ne posait pas de problème particulier, du moins jusqu’à ces dernières décennies, lorsque les candidats au sacerdoce provenaient habituellement des petits séminaires et que la vie chrétienne des communautés ecclésiales offrait facilement à tous, sans distinction, une bonne instruction et une bonne éducation chrétienne.

La situation a évolué en beaucoup d’endroits. Il y a un grand contraste entre, d’un côté, le style de vie et la préparation de base des enfants, des adolescents et des jeunes, même s’ils sont chrétiens et parfois engagés dans la vie de l’Église, et, de l’autre, le style de vie du séminaire et ses exigences de formation. Dans ce contexte, en communion avec les Pères synodaux, je demande qu’il y ait une période convenable de préparation précédant la formation donnée au séminaire : “Il est utile qu’il y ait une période de préparation humaine, chrétienne, intellectuelle et spirituelle pour les candidats au grand séminaire. Ces candidats doivent cependant présenter des qualités déterminées : l’intention droite, un degré suffisant de maturité humaine et une connaissance assez ample de la doctrine de la foi, une certaine initiation aux méthodes de prière et à un style de vie conforme à la tradition chrétienne. Qu’ils aient aussi les comportements qui expriment, selon les usages de leurs régions, un effort de recherche de Dieu et de la foi (Evangelii nuntiandi
EN 48) ”. 196

La “connaissance assez ample de la doctrine de la foi” dont parlent les Pères synodaux est requise avant la théologie : on ne peut pas développer une “intelligentia fidei ”, si on ne connaît pas la “fides” en son contenu. Une telle lacune pourra être plus facilement comblée grâce au prochain Catéchisme universel.

Alors que la conviction de la nécessité de cette préparation avant l’entrée au séminaire se généralise, les opinions divergent sur ses contenus et ses caractéristiques, c’est-à-dire sur son but premier : formation spirituelle pour le discernement de la vocation ou formation intellectuelle et culturelle. D’autre part, on ne peut pas oublier les nombreuses et profondes diversités qui existent non seulement chez les différents candidats, mais aussi dans les régions ou les pays. Cela invite à prolonger la phase actuelle d’étude et d’expérimentation pour que l’on puisse définir d’une façon plus opportune et plus significative les éléments de cette préparation ou “période propédeutique ” : temps, lieu, forme, thèmes de cette période, qu’il faut par ailleurs coordonner avec les années suivantes de la formation au séminaire.

En ce sens, je reprends moi-même et je propose à nouveau à la Congrégation pour l’Éducation catholique la demande formulée par les Pères synodaux : “Le Synode demande que la Congrégation pour l’Éducation catholique recueille toutes les informations sur les premières expériences de cette formation déjà faites ou qui se déroulent en ce moment. En temps opportun, la Congrégation communiquera aux Conférences épiscopales les informations sur ce problème” 197 .


Pastores dabo vobis_(2ed) FR 51