Pastores dabo vobis_(2ed) FR 63

(Le petit séminaire et les autres formes d’accompagnement de vocations)


63 Comme l’atteste une longue expérience, la première manifestation d’une vocation sacerdotale coïncide souvent avec les années de la pré-adolescence ou avec les toutes premières années de la jeunesse. Et même chez les sujets qui se décident plus tard à entrer au séminaire, il n’est pas rare de constater la présence d’un appel de Dieu dans des périodes bien plus anciennes. L’histoire de l’Église témoigne sans cesse d’appels du Seigneur dans le jeune âge. Saint Thomas, par exemple, explique la prédilection de Jésus pour l’Apôtre Jean “en raison de son jeune âge” et en tire la conclusion suivante : “ Cela fait comprendre que Dieu aime de façon spéciale ceux qui se donnent à son service dès leur première jeunesse” 198 .

L’Église prend soin de ces germes de vocation semés dans les coeurs d’enfants ; par les petits séminaires, elle réalise un premier discernement et les accompagne avec attention. Dans différentes parties du monde, ces séminaires continuent à faire une oeuvre éducative précieuse, pour garder et développer les germes de la vocation sacerdotale, afin que les élèves puissent plus facilement la reconnaître et soient rendus plus capables d’y répondre. Le projet éducatif de ces séminaires tend à favoriser, d’une manière adaptée et par étapes, la formation humaine, culturelle et spirituelle qui conduira le jeune à prendre le chemin du grand séminaire avec une base appropriée et solide.

Se préparer à suivre le Christ rédempteur avec générosité d’esprit et pureté de coeur” : tel est le but du petit séminaire indiqué dans le décret Optatam totius, qui en présente ainsi le style éducatif : “Sous la conduite paternelle des supérieurs, avec la coopération si utile de leurs parents, ils mèneront une vie qui convienne à l’âge, à la mentalité et à l’évolution d’adolescents, et qui réponde pleinement aux normes d’une saine psychologie. On n’omettra pas de leur assurer une expérience convenable des réalités humaines et des rapports normaux avec leurs familles” 199 .

Le petit séminaire pourra être dans le diocèse un point de référence pour la pastorale des vocations, en proposant des formes opportunes d’accueil et en offrant des occasions d’information pour les adolescents qui sont en recherche de vocation ou qui, déjà déterminés à la suivre, sont contraints de retarder leur entrée au séminaire en raison de diverses circonstances, familiales ou scolaires.




64 Là où le petit séminaire – “qui, en beaucoup de régions, semble nécessaire et très utile” – ne peut être établi, il faut faire en sorte de constituer d’autres “institutions” 200 , comme, par exemple, des groupes de vocations pour adolescents ou pour jeunes. Bien que n’étant pas permanents, ces groupes pourront offrir, dans un contexte communautaire, des conditions favorables à la confirmation et à la croissance des vocations. Tout en vivant dans leur famille et en fréquentant la communauté chrétienne qui les aide dans leur parcours de formation, ces enfants et ces jeunes gens ne doivent pas être laissés seuls. Ils ont besoin d’un groupe particulier ou d’une communauté de référence sur laquelle ils puissent s’appuyer pour accomplir l’itinéraire de vocation que le don de l’Esprit Saint a commencé en eux.

Comme cela s’est toujours produit au cours de l’histoire de l’Église, on observe actuellement, avec une nouveauté et une fréquence réconfortantes, le phénomène de vocations sacerdotales naissant à l’âge adulte, après une plus ou moins longue expérience de vie laïque et d’engagement professionnel. Il n’est pas toujours possible ni même opportun bien souvent, d’inviter ces adultes à suivre l’itinéraire éducatif du grand séminaire. On doit plutôt, après un soigneux discernement de l’authenticité de ces vocations, présenter quelque forme spécifique d’accompagnement et de formation, de manière à assurer, moyennant les adaptations voulues, l’indispensable formation spirituelle et intellectuelle 201 . Un bon dosage de relations avec les autres candidats au sacerdoce et de périodes de présence dans la communauté du grand séminaire pourra garantir la pleine insertion de ces vocations dans l’unique presbyterium et leur communion intime et cordiale avec lui.




III. LES PROTAGONISTES DE LA FORMATION SACERDOTALE

(L’Église et l’Évêque)


65 Parce que la formation des candidats au sacerdoce fait partie de la pastorale des vocations conduite par l’Église, on doit dire que l’Église, comme telle, est le sujet communautaire qui a la grâce et la responsabilité d’accompagner ceux que le Seigneur appelle à devenir ses ministres dans le sacerdoce.

En ce sens, c’est la connaissance du mystère de l’Église qui nous aide à mieux préciser la place et le devoir qu’ont ses différents membres, soit comme personnes particulières, soit comme membres d’un groupe, dans la formation des candidats au presbytérat.

Or l’Église est, par sa nature intime, “la mémoire ”, le “sacrement” de la présence et de l’action de Jésus-Christ au milieu de nous et pour nous. C’est à sa présence salvifique que l’on doit l’appel au sacerdoce : non seulement l’appel, mais l’accompagnement pour que l’appelé puisse reconnaître la grâce du Seigneur et y répondre librement et avec amour. C’est l’Esprit de Jésus qui fait la lumière et donne la force dans le discernement et dans le parcours de la vocation. Il n’y a pas alors d’authentique oeuvre de formation au sacerdoce sans l’influence de l’Esprit du Christ. Tout formateur humain doit en être pleinement conscient. Comment ne pas y voir une “ressource” totalement gratuite et radicalement efficace qui a son “poids” décisif dans l’engagement en vue de la formation au sacerdoce ? Et comment ne pas se réjouir devant la dignité de tout formateur humain qui devient, en un sens, le représentant visible du Christ pour le candidat au sacerdoce ? Si la formation au sacerdoce est essentiellement la préparation d’un futur “pasteur” à l’image de Jésus Christ Bon Pasteur, qui, mieux que Jésus lui-même par l’effusion de son Esprit, peut communiquer et porter à maturité la charité pastorale qu’il a vécue jusqu’au don total de lui-même (
Jn 15,13 Jn 10,11) et dont il veut qu’elle soit revécue par tous les prêtres ?

Le premier représentant du Christ dans la formation sacerdotale est l’évêque. On pourrait dire de l’évêque, de tout évêque, ce que l’évangéliste Marc nous dit dans le texte cité déjà plusieurs fois : “Il appelle à lui ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui, et il en institua Douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher...” (Mc 3,13-14). En réalité, l’appel intérieur de l’Esprit a besoin d’être confirmé par l’appel authentique de l’évêque. Si tous peuvent “ venir à l’évêque” parce qu’il est le Père et le Pasteur de tous, ses prêtres le peuvent d’une manière particulière, à cause de leur commune participation au même sacerdoce et au même ministère : l’évêque, dit le Concile, doit les considérer et les traiter comme “des frères et des amis” (205). Et cela peut se dire d’une façon analogique de ceux qui se préparent au sacerdoce. En ce qui concerne l’autre point : “être ses compagnons ”, compagnons de l’évêque, la responsabilité de ce dernier, comme formateur des candidats au sacerdoce, lui fait un devoir de les visiter souvent et d’être en quelque manière “leur compagnon ”.

La présence de l’évêque a une valeur particulière, non seulement parce qu’elle aide la communauté du séminaire à vivre son insertion dans l’Église particulière et sa communion avec le Pasteur qui la guide, mais aussi parce qu’elle authentifie et sert la finalité pastorale qui caractérise toute la formation des candidats au sacerdoce. Surtout, en étant présent au milieu des candidats au sacerdoce, et en leur faisant part de tout ce qui regarde la marche pastorale de l’Église particulière, l’évêque apporte un élément fondamental à leur formation au “sens de l’Église ”, qui est une valeur spirituelle et pastorale centrale dans l’exercice du ministère sacerdotal.

(La communauté éducative du séminaire)


66 La communauté éducative du séminaire se construit autour des différents formateurs : le recteur, le directeur ou père spirituel, les supérieurs et les professeurs. Ceux-ci doivent se sentir profondément unis à l’évêque, qu’ils représentent à divers titres et de différentes manières ; ils doivent avoir entre eux une communion et une collaboration profondes et cordiales. Cette unité des éducateurs rend possible une réalisation adéquate du projet éducatif, et surtout elle donne aux candidats au sacerdoce un exemple significatif et concret de la communion ecclésiale qui constitue une valeur fondamentale de la vie chrétienne et du ministère pastoral.

Il est évident qu’une grande partie de l’efficacité de la formation dépend de la personnalité mûre et forte des formateurs, du point de vue humain et évangélique. C’est pourquoi il importe particulièrement de choisir avec soin les formateurs et de les encourager vivement à se rendre toujours plus aptes à la charge qui leur est confiée. Sachant bien que la préparation des candidats au sacerdoce dépend du choix et de la formation des formateurs, les Pères synodaux ont longuement précisé leurs qualités. Ils ont écrit en particulier : “La charge de la formation des candidats au sacerdoce exige non seulement une préparation spéciale des formateurs, qui soit vraiment technique, pédagogique, spirituelle, humaine et théologique, mais aussi un esprit d’union et de collaboration afin de réaliser dans une très étroite unité le programme de formation, de telle sorte que soit toujours sauvegardée l’unité dans l’action pastorale du séminaire sous l’autorité du recteur. Le groupe des formateurs donnera le témoignage d’une vie vraiment évangélique et d’une consécration totale au Seigneur. Il est opportun qu’il jouisse d’une certaine stabilité et qu’il ait sa résidence habituelle dans la communauté du séminaire. Il sera intimement uni à l’évêque, qui est le premier responsable de la formation des prêtres”
203 .

Les évêques doivent être les premiers à sentir leur grave responsabilité pour la formation de ceux qui seront chargés de l’éducation des futurs prêtres. Pour ce ministère, il faut choisir des prêtres de vie exemplaire, possédant un ensemble de qualités : “Maturité humaine et spirituelle, expérience pastorale, compétence professionnelle, stabilité dans leur propre vocation, préparation doctrinale dans les sciences humaines (spécialement la psychologie) correspondant à leur charge, connaissance des méthodes de travail en groupe” 204 .

Étant sauves la distinction du for interne et du for externe, l’entière liberté de choix des confesseurs ainsi que la prudence et la discrétion qui conviennent au ministère de directeur spirituel, la communauté presbytérale des éducateurs se sentira solidaire dans la responsabilité d’éduquer les candidats au sacerdoce. C’est à elle, toujours en référence à l’évaluation autorisée de l’évêque et du recteur, qu’appartient en premier lieu le rôle de promouvoir et de vérifier l’aptitude des candidats quant aux dons spirituels, humains et intellectuels, surtout en ce qui concerne l’esprit de prière, l’assimilation profonde de la doctrine de la foi, la capacité d’une authentique fraternité et le charisme du célibat 205 .

En tenant compte – comme les Pères synodaux l’ont rappelé – des indications de l’Exhortation Christifideles laici et de la Lettre apostolique Mulieris dignitatem 206 , qui soulignent l’utilité d’une saine influence de la spiritualité laïque et du charisme de la féminité sur tout parcours éducatif, il est opportun de prévoir, sous des formes prudentes et adaptées aux différents contextes culturels, la collaboration de fidèles laïcs, hommes et femmes, dans l’oeuvre de formation des futurs prêtres. Ils doivent être choisis avec soin, dans le cadre des lois de l’Église, selon leur charisme particulier et leurs compétences éprouvées. De leur collaboration bien coordonnée et intégrée à la responsabilité éducative primaire des formateurs de futurs prêtres, il est permis d’attendre des fruits bienfaisants pour une croissance équilibrée du sens de l’Église et pour une perception plus précise de l’identité sacerdotale, de la part des candidats au presbytérat 207 .



(Les professeurs de théologie)


67 Ceux qui introduisent et accompagnent les futurs prêtres dans la sacra doctrina par l’enseignement théologique ont une responsabilité éducative particulière, qui, à l’expérience, se révèle souvent plus décisive que celle des autres éducateurs dans le développement de la personnalité du futur prêtre.

La responsabilité des enseignants de théologie, avant de concerner les relations pédagogiques avec les candidats au sacerdoce, porte sur la conception qu’ils doivent eux-mêmes avoir de la nature de la théologie et du ministère sacerdotal, comme aussi sur l’esprit et le style selon lesquels ils doivent exposer leur enseignement théologique. En ce sens, les Pères synodaux ont affirmé à juste titre que “le théologien doit bien avoir conscience que, dans son enseignement, il ne tire pas son autorité de lui-même, mais qu’il doit susciter et communiquer l’intelligence de la foi au nom du Seigneur et de l’Église. De cette façon, le théologien, tout en utilisant les nouvelles ressources de la science, exerce son ministère par mandat de l’Église et collabore avec l’évêque dans son devoir d’enseigner. Parce que les théologiens et les évêques sont au service de la même Église dans la promotion de la foi, ils développeront et cultiveront une confiance réciproque et, dans cet esprit, surmonteront aussi les tensions et les conflits (cf. le développement dans l’Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur La vocation ecclésiale du théologien)”
208 .

Le professeur de théologie, comme tout autre éducateur, doit rester en communion et collaborer cordialement avec toutes les autres personnes engagées dans la formation des futurs prêtres et apporter avec une rigueur scientifique, avec générosité, humilité et passion, sa contribution originale et qualifiée ; celle-ci n’est pas seulement la communication d’une doctrine – même si c’est la sacra doctrina ; elle est surtout la présentation de la perspective qui unifie dans le dessein de Dieu tous les savoirs humains et les différentes expressions de vie.

En particulier, la spécificité et l’efficacité formatrice des enseignants de théologie se mesure à leur qualité d’être avant tout “hommes de foi et pleins d’amour pour l’Église, convaincus que le sujet adéquat de la connaissance du mystère chrétien reste l’Église comme telle, persuadés, en conséquence, que leur devoir d’enseigner est un authentique ministère d’Église, étant assez riches de sens pastoral pour discerner dans l’exercice de ce ministère non seulement les contenus mais aussi leur présentation adaptée. Une totale fidélité au Magistère est requise des enseignants : témoins de la foi, ils enseignent au nom de l’Église” 209 .

(Les communautés de provenance, les associations et mouvements de jeunes)


68 Les communautés d’où provient le candidat au sacerdoce continuent, malgré le nécessaire détachement que comporte le choix de la vocation, d’exercer une influence non négligeable sur la formation du futur prêtre. Elles doivent alors être conscientes de leur part spéciale de responsabilité.

Il faut nommer en premier lieu la famille : les parents chrétiens, comme aussi les frères et soeurs et les autres membres du noyau familial, ne devront jamais chercher à ramener le futur prêtre dans les étroites limites d’une logique trop humaine, sinon mondaine, même s’ils s’inspirent d’une sincère affection (
Mc 3,20-21 Mc 3,31-35). Animés eux-mêmes de la volonté d’” accomplir la volonté de Dieu ”, ils sauront, au contraire, accompagner le parcours formateur par la prière, le respect, l’exemple des vertus familiales et l’aide spirituelle et matérielle, surtout dans les moments difficiles. L’expérience enseigne que, dans beaucoup de cas, cette aide multiforme s’est révélée décisive pour le candidat au sacerdoce. Même dans le cas de parents et de familles indifférents ou opposés au choix de la vocation, l’expression sereine et claire de leur position et la stimulation qui en découle pour le séminariste peuvent être d’un grand secours pour que la vocation sacerdotale mûrisse d’une façon plus consciente et plus déterminée.

En lien profond avec la famille se trouve la communauté paroissiale ; l’une et l’autre s’unissent sur le plan de l’éducation à la foi. De plus, la paroisse, grâce à une pastorale spéciale des jeunes et des vocations, exerce un rôle de suppléance, par rapport à la famille. Surtout, en tant que réalisation plus immédiate du mystère de l’Église, la paroisse offre une contribution originale et particulièrement précieuse à la formation du futur prêtre. La communauté paroissiale doit continuer à considérer le jeune en chemin vers le sacerdoce comme une partie vivante d’elle-même. Elle doit l’accompagner par la prière, l’accueillir cordialement pendant les périodes de vacances, respecter et favoriser la formation de son identité sacerdotale, en lui offrant des occasions opportunes et des expériences propres à éprouver sa vocation à la mission sacerdotale.

Même les associations et les mouvements de jeunes, signe et confirmation de la vitalité que l’Esprit assure à l’Église, peuvent et doivent contribuer à la formation des candidats au sacerdoce, en particulier de ceux qui proviennent de l’expérience chrétienne, spirituelle et apostolique de ces réalités associatives. Les jeunes qui ont reçu leur formation de base dans de telles associations et qui s’y réfèrent pour leur expérience d’Église ne devront pas se sentir invités à se déraciner de leur passé et à interrompre les relations avec le milieu qui a contribué à la détermination de leur vocation. Ils ne devront pas effacer les traits caractéristiques de la spiritualité qu’ils y ont reçue et vécue, en tout ce qu’ils contiennent de bon, d’édifiant et d’enrichissant 210 . Pour eux aussi, ce milieu d’origine continue à être source d’aide et de soutien sur le chemin de la formation au sacerdoce.

Les occasions d’éducation de la foi et de croissance chrétienne et ecclésiale que l’Esprit offre à tant de jeunes, à travers les multiples formes de groupes, de mouvements et d’associations d’inspiration évangélique variée, doivent être considérées et vécues comme le don d’une source nourrissante à l’intérieur et au service de l’institution. En effet, un mouvement particulier ou une spiritualité particulière “n’est pas une structure de remplacement de l’institution. C’est au contraire la source d’une présence qui en régénère continuellement l’authenticité existentielle et historique. Le prêtre doit donc trouver, dans un mouvement, la lumière et la chaleur qui le rendent capable de fidélité à son évêque, qui le disposent à remplir les obligations de l’institution et à être attentif à la discipline ecclésiastique, en sorte que l’élan de sa foi et le goût de sa fidélité soient plus intenses” 211 .

Il est donc nécessaire que, dans la nouvelle communauté du séminaire où ils sont réunis par l’évêque, les jeunes provenant d’associations et de mouvements ecclésiaux apprennent “le respect des autres voies spirituelles et l’esprit de dialogue et de coopération ”, qu’ils s’en tiennent avec rigueur et cordialité aux indications de formation données par l’évêque et par les éducateurs du séminaire, en suivant avec une confiance sincère leurs consignes et leurs jugements 212 . Cette attitude prépare, en effet, et en quelque sorte anticipe le choix authentique du prêtre au service de tout le peuple de Dieu, dans la communion fraternelle du presbyterium et en obéissance à l’évêque.

La participation du séminariste et du prêtre diocésain à des spiritualités particulières et à des groupes ecclésiaux est certainement en soi un facteur bienfaisant de croissance et de fraternité sacerdotale. Cependant, elle ne doit pas gêner, mais au contraire, aider l’exercice du ministère et la vie spirituelle propres au prêtre diocésain, qui “reste toujours le pasteur de l’ensemble. Il n’est pas seulement le “ permanent ” disponible pour tous, mais il préside à la rencontre de tous – il est en particulier à la tête des paroisses – afin que tous trouvent l’accueil qu’ils sont en droit d’attendre dans la communauté et dans l’Eucharistie qui les réunit, quels que soient leur sensibilité religieuse et leur engagement pastoral” 213 .

(Le candidat lui-même)


69 On ne peut oublier enfin que le candidat au sacerdoce est lui-même le protagoniste nécessaire et irremplaçable de sa formation : toute formation, même sacerdotale, est finalement une auto-formation. Personne en effet ne peut se substituer à la liberté responsable que chacun possède comme personne unique.

Certes, le futur prêtre doit être le premier à acquérir une conscience plus vive que le Protagoniste par excellence de sa formation, c’est l’Esprit Saint qui, par le don du coeur nouveau, configure et identifie à Jésus Christ Bon Pasteur : en ce sens, le candidat affermira de manière radicale sa liberté d’accueillir l’action éducative de l’Esprit. Mais accueillir cette action signifie aussi, de la part du candidat au sacerdoce, accueillir les “médiations” humaines dont l’Esprit se sert. C’est pourquoi l’action des différents éducateurs n’est vraiment et pleinement efficace que si le futur prêtre y collabore de façon personnelle, convaincue, et de bon coeur.



CHAPITRE VI


JE T’INVITE A RAVIVER LE DON QUE DIEU A DÉPOSÉ EN TOI


La formation permanente des prêtres

(Les raisons théologiques de la formation permanente)



70 “Je t’invite à raviver le don que Dieu a déposé en toi” (2Tm 1,6).

Les paroles de l’Apôtre Paul à Timothée peuvent à juste titre s’appliquer à cette formation permanente à laquelle tous les prêtres sont appelés en vertu du “don de Dieu” reçu à l’ordination. Ces paroles nous amènent à saisir toute la vérité et l’originalité de la formation permanente des prêtres. Un autre texte de Paul, où il écrit au même Timothée, nous y aide également : “Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, qui t’a été conféré par une intervention prophétique accompagnée de l’imposition des mains du collège des presbytres. Prends cela à coeur. Sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. Veille sur ta personne et sur ton enseignement ; persévère en ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t’écoutent” (1Tm 4,14-16).

Comme on attise le feu sous la cendre, l’Apôtre demande à Timothée de “raviver” le don divin, de l’accueillir et de le vivre sans jamais perdre ou oublier cette “nouveauté permanente” propre à chaque don de Dieu, Lui qui renouvelle toutes choses (Ap 21,5), et par conséquent de vivre ce don dans toute sa fraîcheur et sa beauté première.

“Raviver” le don divin n’est pas seulement l’accomplissement d’un devoir confié à la responsabilité personnelle de Timothée, ou encore le résultat d’un effort de sa mémoire et de sa volonté. C’est le fruit du dynamisme de grâce propre au don de Dieu. En effet, c’est Dieu lui-même qui ravive son propre don, mieux encore qui libère l’extraordinaire richesse de grâce et de responsabilité qu’il recèle.

Par l’effusion sacramentelle de l’Esprit Saint qui consacre et envoie, le prêtre est configuré à Jésus-Christ, Tête et Pasteur de l’Église, et il est envoyé pour accomplir le ministère pastoral. Ainsi, pour toujours et d’une façon indélébile, le prêtre est marqué dans son être comme ministre de Jésus et de l’Église. Il est intégré dans une condition de vie permanente et irréversible et il est chargé d’un ministère pastoral qui, étant enraciné dans son être et engageant toute son existence, est lui aussi permanent. Le sacrement de l’Ordre confère au prêtre la grâce sacramentelle qui le fait participer non seulement au “pouvoir” et au “ministère” salvifique de Jésus, mais aussi à son “amour ”. En même temps, cette grâce assure au prêtre toutes les grâces actuelles qui lui seront données chaque fois que ce sera nécessaire et utile pour bien accomplir le ministère qu’il a reçu.

La formation permanente trouve ainsi son fondement propre et sa motivation originale dans le dynamisme du sacrement de l’Ordre.

Il ne manque certainement pas de raisons, même sur le plan humain, pour inviter le prêtre à la formation permanente. Celle-ci est une exigence de sa croissance humaine : chaque vie est un cheminement constant vers la maturité qui exige une formation continue. C’est de plus une exigence du ministère sacerdotal, si on le considère dans sa nature générale commune aux autres professions comme service aux autres. Aujourd’hui, il n’y a pas de profession, d’engagement ou de travail qui ne demande une mise à jour continuelle pour demeurer efficace. L’exigence de “rester au pas” avec le cheminement de l’histoire est une autre raison humaine qui justifie la formation permanente.

Mais ces motifs et d’autres encore sont assumés et spécifiés par les raisons théologiques rappelées ici et approfondies dans ce qui suit.

Le sacrement de l’Ordre, par sa nature de “signe” qui est caractéristique de tous les sacrements, peut être considéré, ce qu’il est réellement, comme Parole de Dieu : il est Parole de Dieu qui appelle et envoie, et il est l’expression la plus forte de la vocation et de la mission du prêtre. Par le sacrement de l’Ordre, Dieu appelle en présence de l’Église le candidat “au” sacerdoce. Le “viens et suis-moi” de Jésus est proclamé totalement et de façon définitive dans la célébration du sacrement de son Église ; il se manifeste et se communique par la voix de l’Église sur les lèvres de l’évêque qui prie et impose les mains. Et le prêtre répond dans la foi à l’appel de Jésus : “Je viens et je te suis ”. Commence alors cette réponse, cette option fondamentale, qui doit être réexprimée et réaffirmée au long des années par de si nombreuses autres réponses, toutes enracinées et vivifiées par le “oui” de l’ordination.

En ce sens, il est donc possible de parler d’une vocation “dans” le sacerdoce. En réalité, Dieu continue à appeler et à envoyer quand il révèle son dessein de salut dans le déroulement de la vie du prêtre, dans les événements de la vie de l’Église et de la société. C’est dans cette perspective qu’apparaît la signification de la formation permanente ; elle est nécessaire pour discerner et suivre cette constante vocation ou volonté de Dieu. C’est ainsi que l’Apôtre Pierre est appelé à suivre Jésus même après que le Ressuscité lui a confié son troupeau : “Jésus lui dit : “ Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, un autre te nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas ”. Il indiquait par là le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant ainsi parlé, il lui dit : “ Suis-moi ” ” (Jn 21,17-19). Il y a donc un “suis-moi” qui accompagne la vie et la mission de l’apôtre. C’est un “suis-moi” qui confirme l’appel et l’exigence de fidélité jusqu’à la mort (Jn 21,22), un “suis-moi” pouvant signifier une suite du Christ par le don total de soi dans le martyre 214 .

Les Pères du Synode ont exprimé la raison qui montre la nécessité de la formation permanente et qui en révèle la nature profonde quand ils l’ont qualifiée de “fidélité” au ministère sacerdotal et de “processus de conversion continue215 .

C’est l’Esprit Saint, donné dans le sacrement, qui soutient le prêtre dans cette fidélité, qui l’accompagne et le stimule dans ce cheminement de conversion continue. Le don de l’Esprit ne remplace pas mais sollicite la liberté du prêtre afin qu’il coopère d’une manière responsable et assume sa formation permanente comme une tâche qui lui est confiée. De cette façon, la formation permanente est à la fois l’expression et la condition de cette fidélité du prêtre à son ministère, plus encore à son être même. Elle est donc amour de Jésus-Christ et cohérence avec soi-même. Mais elle est aussi un acte d’amour envers le peuple de Dieu dont le prêtre est le serviteur. Il s’agit même d’un véritable acte de justice : le prêtre doit en rendre compte, car il est appelé à reconnaître et à promouvoir ce “droit” fondamental du peuple de Dieu comme destinataire de la Parole de Dieu, des sacrements et du service de la charité qui forment le contenu original et irréductible de son ministère pastoral. La formation permanente est nécessaire afin que le prêtre puisse répondre de façon appropriée à ce droit du peuple de Dieu.

L’âme et la forme de la formation permanente du prêtre sont la charité pastorale. L’Esprit Saint, qui donne la charité pastorale, conduit et accompagne le prêtre dans une connaissance toujours plus profonde du mystère du Christ dont la richesse est insondable (Ep 3,14-19) et, d’un même mouvement, dans la connaissance du mystère du sacerdoce chrétien. Cette même charité pastorale incite le prêtre à se préoccuper toujours plus des attentes, des besoins, des problèmes et des sentiments des destinataires de son ministère, cela dans leurs situations concrètes, personnelles, familiales et sociales.

Voilà donc l’objectif de la formation permanente : un projet libre et conscient pour correspondre au dynamisme de la charité pastorale et de l’Esprit Saint qui en est la source principale et le soutien constant. En ce sens, la formation permanente est une exigence intrinsèque du don de l’ordination et du ministère sacramentel ainsi reçu. Elle se révèle toujours nécessaire, en tout temps. Aujourd’hui cependant, elle est particulièrement urgente, non seulement à cause de la mutation rapide des conditions sociales et culturelles des personnes et des peuples auprès desquels s’exerce le ministère presbytéral, mais aussi pour cette “nouvelle évangélisation” qui constitue la tâche urgente de l’Église en cette fin du second millénaire.

(Les diverses dimensions de la formation permanente)


71 La formation permanente des prêtres, diocésains ou religieux, est le prolongement naturel et tout à fait nécessaire du processus de structuration de la personnalité sacerdotale commencé et développé au séminaire ou dans la maison religieuse durant la formation en vue de l’ordination.

Il est particulièrement important de percevoir et de respecter le lien intrinsèque entre la formation précédant l’ordination sacerdotale et celle qui vient ensuite. Car s’il y avait discontinuité ou même divergence entre ces deux étapes de la formation, il en résulterait immédiatement de graves conséquences pour l’activité pastorale et la communion fraternelle entre les prêtres, surtout entre ceux d’âges différents. La formation permanente n’est pas une répétition de celle qui a été acquise au séminaire et qu’il s’agirait simplement de revoir ou d’élargir par de nouvelles applications. Avec un contenu et surtout selon des procédés relativement neufs, elle se développe comme une réalité vitale et intégrée. Tout en s’enracinant dans la formation reçue au séminaire, elle exige adaptations, mises à jour et rectifications, sans pour autant opérer des ruptures ou des solutions de continuité.

D’autre part, la formation permanente se prépare dès le temps du séminaire. Il faut éveiller l’intérêt et le désir des futurs prêtres en leur montrant la nécessité, les avantages et l’esprit de la formation permanente, et en assurant les conditions de sa mise en oeuvre.

Parce que la formation permanente prolonge celle du séminaire, elle ne vise pas seulement une attitude pour ainsi dire professionnelle par l’apprentissage de nouvelles techniques pastorales. Elle doit plutôt garder vivant et complet tout un processus de maturation continue par l’approfondissement de chacune des dimensions de la formation (humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale) et de leur relation étroite et spécifique dans la charité pastorale.




72 Un premier aspect de cet approfondissement concerne la dimension humaine de la formation sacerdotale. Le prêtre doit grandir dans le contact quotidien avec les autres et dans le partage de leur vie de chaque jour ; il doit approfondir la sensibilité humaine qui permet de comprendre les besoins et d’accueillir les appels, de pressentir les demandes inexprimées, de partager les espoirs et les attentes, les joies et les soucis de la vie commune, d’être capable de rencontrer chacun et de dialoguer avec tous. Par-dessus tout, en connaissant et en partageant, c’est-à-dire en faisant sienne l’expérience humaine de la souffrance sous toutes ses formes, de l’indigence à la maladie, de la marginalité à l’ignorance, à la solitude et aux diverses pauvretés matérielles ou morales, le prêtre enrichit son expérience humaine qu’il rend plus authentique et transparente dans un amour croissant et ardent pour l’homme.

Pour l’épanouissement de sa formation humaine, le prêtre reçoit l’aide de la grâce de Jésus-Christ : la charité du Bon Pasteur, en effet, s’est exprimée non seulement par le don du salut aux humains mais aussi par le partage de leur vie ; le Verbe qui s’est fait “chair” (
Jn 1,14) a voulu connaître la joie et la souffrance, expérimenter la fatigue, partager les émotions et soulager la peine. En vivant comme un homme parmi les hommes et avec les hommes, Jésus-Christ offre l’expression la plus complète, la plus authentique et la plus parfaite de ce qui est humain : nous le voyons prendre part à une fête aux noces de Cana, fréquenter une famille d’amis, s’émouvoir pour la foule affamée qui le suit, rendre à leurs parents des enfants malades ou morts, pleurer la perte de Lazare...

Le peuple de Dieu doit pouvoir dire du prêtre, dont la sensibilité humaine s’est enrichie d’une expérience de plus en plus grande, quelque chose d’analogue à ce que l’auteur de la Lettre aux Hébreux dit de Jésus : “Nous n’avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché” (He 4,15).

La dimension spirituelle de la formation du prêtre est une exigence de la vie nouvelle et évangélique à laquelle il est appelé d’une façon spécifique par l’Esprit Saint donné dans le sacrement de l’Ordre. L’Esprit, en consacrant le prêtre et le configurant à Jésus Christ Tête et Pasteur, crée un lien dans l’être même du prêtre ; ce lien doit être assumé et vécu d’une manière personnelle, c’est-à-dire consciente et libre, par une vie de communion et d’amour toujours plus riche et un partage toujours plus grand et radical des sentiments et des attitudes de Jésus-Christ. Dans ce lien entre le Seigneur Jésus et le prêtre, lien ontologique et psychologique, sacramentel et moral, résident le fondement en même temps que la force nécessaire de cette “vie dans l’Esprit” et de ce “radicalisme évangélique” auquel chaque prêtre est appelé et que favorise la formation permanente sous son aspect spirituel. Cette formation est également nécessaire pour le ministère sacerdotal, pour son authenticité et sa fécondité spirituelle. “Te consacres-tu au soin des âmes ? ”, se demandait saint Charles Borromée. Et il répondait ainsi dans un discours aux prêtres : “Ne néglige pas pour cela le soin de toi-même et ne te donne pas aux autres au point qu’il ne reste rien de toi et rien pour toi. Tu dois sans doute te souvenir des âmes dont tu es le pasteur, mais ne t’oublie pas toi-même. Comprenez, mes frères, que rien ne nous est aussi nécessaire que la méditation qui précède, accompagne et suit toutes nos actions : je chanterai, dit le prophète, et je méditerai (Ps 100,1). Si tu donnes les sacrements, mon frère, médite ce que tu fais. Si tu célèbres la messe, médite ce que tu offres. Si tu récites les psaumes au choeur, médite à qui et de quoi tu parles. Si tu guides les âmes, médite sur le sang qui les a purifiées. Et que tout soit fait entre vous dans la charité (1Co 16,14). Ainsi nous pourrons surmonter les difficultés que nous rencontrons chaque jour, et elles sont nombreuses. Du reste, c’est ce qu’exige la tâche qui nous est confiée. Si nous agissons ainsi, nous aurons la force pour engendrer le Christ en nous et chez les autres” 216 .

La vie de prière, en particulier, doit être en “réforme” permanente chez le prêtre. En effet, l’expérience enseigne que, dans le domaine de l’oraison, on ne peut vivre sur son acquis. Non seulement il faut chaque jour reconquérir la fidélité extérieure aux moments de prière, surtout ceux de la Liturgie des Heures et ceux qui sont laissés au choix personnel sans le soutien du rythme liturgique, mais encore faut-il spécialement rééduquer la recherche persévérante d’une vraie rencontre personnelle avec Jésus, un dialogue confiant avec le Père et une expérience profonde de l’Esprit.

Ce que l’Apôtre Paul affirme au sujet de tous les croyants qui doivent parvenir “à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ” (Ep 4,13) peut être appliqué d’une façon spécifique aux prêtres appelés à la perfection de la charité et donc à la sainteté ; leur ministère pastoral lui-même exige qu’ils soient des modèles vivants pour tous les fidèles.

La dimension intellectuelle de la formation demande aussi à être poursuivie et approfondie durant toute la vie du prêtre, en particulier par l’étude et un “aggiornamento” culturel sérieux et appliqué. Participant à la mission prophétique de Jésus et intégré dans le mystère de l’Église, maîtresse de vérité, le prêtre est appelé à révéler aux hommes à la fois le visage de Dieu et le vrai visage de l’homme en Jésus-Christ 217 . Cela exige cependant que le prêtre lui-même recherche ce visage et le contemple avec vénération et amour (Ps 26,8 Ps 41,2). Ainsi seulement pourra-t-il le faire connaître aux autres. En particulier, la poursuite de l’étude de la théologie est indispensable pour que le prêtre puisse remplir fidèlement le ministère de la Parole, annonçant celle-ci sans confusion ni ambiguïté, la distinguant des opinions simplement humaines, si renommées et répandues soient-elles. Il pourra ainsi se mettre vraiment au service du peuple de Dieu en l’aidant à rendre compte, à tous ceux qui le réclament, de son espérance chrétienne (1P 3,15). En outre, “en s’appliquant avec conscience et persévérance à l’étude de la théologie, le prêtre est en mesure d’assimiler sous une forme solide et personnelle l’authentique richesse de l’Église. Il peut alors accomplir la mission qui lui fait un devoir de répondre aux difficultés sur l’authentique doctrine catholique, de surmonter la tendance – la sienne et celle d’autrui – à la désapprobation et à l’attitude négative vis-à-vis du Magistère et de la tradition” 218 .

L’aspect pastoral de la formation permanente est bien exprimé par l’Apôtre Pierre : “Chacun selon la grâce reçue, mettez-vous au service les uns des autres, comme de bons intendants d’une multiple grâce de Dieu” (1P 4,10). Pour vivre chaque jour selon la grâce reçue, le prêtre doit être toujours plus ouvert pour faire sienne la charité pastorale de Jésus-Christ donnée par son Esprit dans le sacrement reçu. De même que toute l’action du Seigneur a été le fruit et le signe de sa charité pastorale, il doit en être de même pour l’activité ministérielle du prêtre. Par ailleurs, la charité pastorale est un don et, en même temps, un devoir, une grâce et une responsabilité réclamant notre fidélité ; il faut donc l’accueillir et en vivre le dynamisme jusque dans ses exigences les plus radicales. Cette même charité pastorale, comme il a été dit, incite et pousse le prêtre à toujours mieux connaître la condition réelle de ceux et celles à qui il est envoyé, à discerner les appels de l’Esprit dans les circonstances historiques où il se trouve, à rechercher enfin les méthodes les plus adaptées et les façons les plus utiles d’exercer aujourd’hui son ministère. La charité pastorale anime ainsi et soutient les efforts humains du prêtre afin que son activité pastorale soit adaptée, crédible et efficace. Mais ceci exige une formation pastorale permanente.

Le cheminement vers la maturité demande non seulement que le prêtre approfondisse sans cesse toutes ces dimensions de sa formation, mais aussi et surtout qu’il sache les intégrer avec harmonie au point d’en arriver peu à peu à l’unité intérieure qui sera assurée par la charité pastorale. En effet, celle-ci non seulement coordonne et unifie ces divers aspects de la formation mais elle leur confère leur qualité spécifique de formation du prêtre en tant que tel, c’est-à-dire comme image transparente et vivante, comme sacrement de Jésus le Bon Pasteur.

La formation permanente aide le prêtre à surmonter la tentation de ramener son ministère à un activisme qui serait une fin en soi, de l’occuper de façon impersonnelle à toutes sortes de choses, si spirituelles ou sacrées soient-elles, ou encore de le réduire à un fonctionnariat au service de l’organisation ecclésiastique. Seule la formation permanente aide le “prêtre” à préserver avec un amour vigilant le “mystère” qu’il porte en lui pour le bien de l’Église et de l’humanité.


Pastores dabo vobis_(2ed) FR 63