Homéliaire patristique 171


Temps ordinaire C

2e dimanche du temps ordinaire C

172

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (
Jn 2,1-11)

Il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples.

Homélie

Le vin nouveau de la vraie joie

Homélie attribuée à saint Maxime de Turin (+ vers 415)

Homélie 23: PL 57. 274-276

Le Fils de Dieu est donc allé aux noces pour sanctifier par sa présence bénie le mariage qu'il avait institué par une décision souveraine. Il est allé à des noces célébrées selon l'ancienne coutume, en vue de se choisir dans la société des païens une épouse qui resterait toujours vierge. Lui qui n'est pas né d'un mariage humain est allé aux noces. Il y est allé non point pour prendre part à un joyeux banquet, mais pour se révéler par un exploit vraiment admirable. Il est allé aux noces non pour boire des coupes de vin, mais pour en donner. Car, dès que les invités manquèrent de vin, la bienheureuse Marie lui dit: Ils n'ont pas de vin. Jésus apparemment contrarié lui répondit: Femme, que me veux-tu (Jn 2,3-4)?

De telles paroles sont, sans aucun doute, le signe d'un mécontentement. Elles s'expliquent pourtant, à mon avis, par le fait que la mère lui avait signalé d'une manière inattendue qu'on manquait d'une boisson matérielle, alors qu'il était venu offrir aux peuples de la terre entière le calice nouveau de l'éternel salut. En répondant: Mon heure n'est pas encore venue (Jn 2,4), il prophétisait certainement l'heure très glorieuse de sa passion, ou bien le vin de notre rédemption qui procurerait la vie à tous. Car Marie demandait une faveur temporelle, tandis que le Christ préparait une joie éternelle.

Le Seigneur très bon n'a toutefois pas hésité à accorder cette grâce moindre, alors que de grandes grâces étaient attendues. La bienheureuse Marie, parce qu'elle était véritablement la mère du Seigneur, voyait par la pensée ce qui allait arriver et connaissait d'avance la volonté du Seigneur. Aussi prit-elle bien soin d'avertir les serviteurs par ces mots: Faites tout ce qu'il vous dira (Jn 2,5). Sa sainte mère savait assurément que la parole de reproche tombée de la bouche de son fils, le Seigneur, ne cachait pas le ressentiment d'un homme en colère, mais contenait une mystérieuse compassion.

Alors, pour rassurer sa mère déconcertée par cette réprimande, le Seigneur révéla aussitôt son pouvoir souverain. Il dit aux serviteurs qui attendaient: Remplissez d'eau les cuves (Jn 2,7). Les serviteurs, dociles, s'empressèrent d'obéir. Et voici que d'une manière soudaine et merveilleuse, ces eaux commencèrent à recevoir de la force, à prendre de la couleur, à répandre une bonne odeur, à acquérir du goût, et en même temps à changer entièrement de nature. Et cette transformation des eaux en une autre substance a manifesté la présence de la puissance créatrice. Personne, en vérité, hormis celui qui a créé l'eau de rien, ne peut la transformer en une substance destinée à d'autres usages. <>

Il n'y a aucun doute, mes bien-aimés, que celui-là même qui a changé l'eau en vin, lui a donné aussi, à l'origine, la consistance de la neige et la dureté de la glace. Il l'a changée en sang pour les Égyptiens. Pour étancher la soif des Hébreux, il lui a ordonné de couler d'un dur rocher, dont il a fait jaillir, comme du sein d'une mère, une source nouvelle qui a fait vivre une multitude innombrable de peuples. <>

Tel fut, dit l'Écriture, le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui (Jn 2,11). La foi des disciples ne s'appliquait pas du tout à ce qui s'accomplissait sous leurs yeux, mais à ce que les yeux du corps ne peuvent voir. Ils ont cru, non que Jésus Christ était le fils d'une vierge, car ils le savaient, mais qu'il était aussi le Fils unique du Très-Haut, ce dont le miracle leur fournissait la preuve.

Voilà pourquoi, mes frères, nous devons croire, nous aussi, de tout notre coeur, que celui-là même que nous appelons le fils de l'homme, est également le Fils de Dieu. Puisqu'il était présent aux noces en tant qu'homme, et qu'il a changé l'eau en vin en tant que Dieu, croyons que non seulement il partage notre nature, mais aussi qu'il est par nature égal au Père, afin que notre Seigneur, dans sa bonté, veuille nous donner à boire, en raison de cette foi, le vin très pur de sa grâce.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, qui régis l'univers du ciel et de la terre: exauce, en ta bonté, les prières de ton peuple et fais à notre temps la grâce de la paix. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, ton Fils a fait couler le vin pour la fête car, comme toi, il aime les hommes et ce qui les réjouit. Aide-nous à vivre les réalités quotidiennes en rendant grâce pour la joie que tu nous donnes et en cherchant toujours ta gloire. Par Jésus Christ.


3e dimanche du temps ordinaire C

173 Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (
Lc 1,1-4 Lc 4,14-21)

Lorsque Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge.

Homélie

Jésus nous parle aujourd'hui

Homélie d'Origène (+ 253)

Homélie 32, 1-3.6, GCS 9, 193-195.

Quand vous lisez: Il enseignait dans leurs synagogues, et tout le monde faisait son éloge, gardez-vous de n'estimer heureux que ces gens-là, et de vous croire privés de son enseignement. Si les Écritures sont vraies, le Seigneur n'a pas seulement parlé en ce temps-là, dans les assemblées juives, mais il parle également aujourd'hui dans notre assemblée. Et Jésus enseigne non seulement dans la nôtre, mais dans d'autres encore, et dans le monde entier. Et il cherche des instruments pour répandre ses enseignements. Priez pour qu'il me trouve, moi aussi, disposé et apte à le chanter. <>

Il vint ensuite à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction (Lc 4,16-18, citant Is 61,1).

Ce n'est pas par hasard, mais par une disposition de la divine Providence que Jésus ouvrit le livre et trouva un passage de l'Écriture qui prophétisait à son sujet. Il est écrit, en effet, qu'un moineau ne tombe pas dans le filet sans la volonté du Père (Mt 10,29), et que les cheveux de la tête des Apôtres sont tous comptés (Lc 12,7). Ne serait-ce pas aussi en vertu de sa providence que le livre d'Isaïe fut choisi plutôt qu'un autre, ainsi que ce passage précis qui parle du mystère du Christ: L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction (Is 61,1)? <>

Après avoir lu ces paroles, Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui (Lc 4,20). En ce moment aussi, dans notre synagogue, c'est-à-dire dans notre assemblée, vous pouvez, si vous le voulez, fixer les yeux sur le Sauveur. Car, lorsque vous tenez le regard le plus profond de votre coeur attaché à la contemplation de la sagesse, de la vérité et du Fils unique de Dieu, vos yeux sont fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée dont l'Écriture atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui! Comme je voudrais que cette assemblée mérite un témoignage semblable, que tous, catéchumènes, fidèles, femmes, hommes et enfants, regardent Jésus avec les yeux non du corps, mais de l'âme! Lorsque, en effet, vous tournerez vers lui votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages plus lumineux, et vous pourrez dire: Sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte (cf. ps 4,7), toi à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, dirige notre vie selon ton amour, afin qu'au nom de ton Fils bien-aimé, nous portions des fruits en abondance. Par Jésus Christ.

ou bien

En ta bonté, Seigneur, tu as voulu que la mission du Christ soit Bonne Nouvelle pour les pauvres, lumière pour les aveugles, libération pour les opprimés. Béni sois-tu! Aide-nous à déceler dans l'aujourd'hui de notre vie ta parole qui s'accomplit et ta grâce qui est à l'oeuvre. Par Jésus Christ.


4e dimanche du temps ordinaire C

174 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (
Lc 4,21-30)

Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d'Isaïe, Jésus déclara: "Cette parole de l'Écriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit."

Homélie

La bonne nouvelle

Commentaire de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444) sur le prophète Isaïe

Sur le prophète Isaïe, 5, 5, PG 70, 1352 1353

Le Christ a voulu amener à lui le monde entier et conduire à Dieu le Père tous les habitants de la terre. Il a voulu rétablir toutes choses dans un état meilleur et renouveler, pour ainsi dire, la face de la terre. Voilà pourquoi, bien qu'il fût le Seigneur de l'univers, il a pris la condition de serviteur (Ph 2,7). Il a donc annoncé la bonne nouvelle aux pauvres, affirmant qu'il avait été envoyé dans ce but. Les pauvres, ou plutôt les gens que nous pouvons considérer comme pauvres, sont ceux qui souffrent d'être privés de tout bien, ceux qui n'ont pas d'espérance et sont sans Dieu dans le monde (Ep 2,12), comme dit l'Écriture.

Ce sont, nous semble-t-il, les gens venus du paganisme et qui, enrichis de la foi dans le Christ, ont bénéficié de ce divin trésor: la proclamation qui apporte le salut. Par elle, ils sont devenus participants du Royaume des cieux et compagnons des saints, héritiers des réalités que l'homme ne peut comprendre ni exprimer. Ce que, d'après l'Apôtre, l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (1Co 2,9).

A ceux qui ont le coeur brisé <>, le Christ promet la guérison et le pardon des péchés, et il rend aussi la vue aux aveugles. Comment ne seraient-ils pas aveugles, alors qu'ils adorent une créature, qu'ils disent à un morceau de bois: "Tu es mon père ", et à une pierre: "Tu m'a mis au monde" (Jr 2,27) et qu'ils ne reconnaissent pas Celui qui est Dieu véritable et par nature? Leur coeur n'est-il pas privé de la lumière divine et spirituelle? A eux, le Père envoie la lumière de la vraie connaissance de Dieu. Car, appelés par la foi, ils l'ont connu; plus encore, ils ont été connus par lui. Alors qu'ils étaient fils de la nuit et des ténèbres, ils sont devenus enfants de la lumière car le jour les a illuminés, le Soleil de justice s'est levé pour eux, et l'étoile du matin leur est apparue dans tout son éclat.

Rien pourtant ne s'oppose à ce que nous appliquions tout ce que nous venons de dire aux descendants d'Israël. Eux aussi, en effet, avaient le coeur brisé, ils étaient pauvres et comme prisonniers, et remplis de ténèbres. <> Mais le Christ est venu annoncer les bienfaits de son avènement, précisément aux descendants d'Israël avant les autres, et proclamer en même temps l'année de grâce du Seigneur et le jour de la récompense.

L'année de grâce, c'est celle où le Christ a été crucifié pour nous. Car c'est alors que nous sommes devenus agréables à Dieu le Père. Et nous portons du fruit par le Christ, comme lui-même nous l'a enseigné, en disant: Amen, amen, je vous le dis: si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne un fruit plus abondant (Jn 12,24). Il dit encore: Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes (Jn 12,32). En vérité, il a repris vie le troisième jour, après avoir foulé aux pieds la puissance de la mort. Puis il a dit aux saints disciples: Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du F ils, et du Saint-Esprit (Mt 28,18-19).

Prière

Accorde-nous, Seigneur, de pouvoir t'adorer sans partage, et d'avoir pour tout homme une vraie charité. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, ton Fils, venu pour accomplir les Écritures, a été rejeté par les siens. Ouvre nos coeurs à sa parole, même lorsqu'elle nous déconcerte. N'est-il pas le prophète, celui qui parle en ton nom et nous apporte ton message de grâce? Lui qui règne.


5e dimanche du temps ordinaire C

175 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint
Lc 5,1-11

Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth: la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu. Il vit deux barques amarrées au bord du lac; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon.

Homélie

Pierre, simple pêcheur, apôtre du Christ

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Sermon 43, 5-6, CCL41, 510-511

Tandis que le bienheureux apôtre Pierre se trouvait sur la montagne avec le Seigneur et deux autres disciples du Christ, Jacques et Jean, il entendit une voix venant du ciel. Elle disait: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour, écoutez-le (Mt 17,5). Le même apôtre a évoqué ce souvenir quand il a dit: Cette voix venant du ciel, nous l'avons entendue nous-mêmes quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et il a ajouté: Ainsi se confirme pour nous la parole des prophètes (2P 1,18-19). Cette voix céleste a retenti, et la parole des prophètes a été confirmée. <>

Qu'elle est grande la bonté du Christ! Celui dont nous venons de rapporter les paroles, c'est Pierre, qui fut pêcheur, et maintenant un orateur mérite un grand éloge s'il est capable de comprendre ce pêcheur. Voilà pourquoi l'apôtre Paul s'adresse aux premiers chrétiens en ces termes; Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien: parmi vous, il n'y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort. Ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages. Ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose (1Co 1,26-27).

Car si le Christ avait choisi en premier lieu un orateur, l'orateur aurait pu dire: "J'ai été choisi pour mon éloquence". S'il avait choisi un sénateur, le sénateur aurait pu dire: "J'ai été choisi à cause de mon rang". Enfin, s'il avait choisi un empereur, l'empereur aurait pu dire: "J'ai été choisi en raison de mon pouvoir". Que ces gens-là se taisent, qu'ils attendent un peu, qu'ils se tiennent tranquilles. Il ne faut pas les oublier ni les rejeter, mais les faire attendre un peu; ils pourront alors se glorifier de ce qu'ils sont en eux-mêmes.

"Donne-moi, dit le Christ, ce pêcheur, donne-moi cet homme simple et sans instruction, donne-moi celui avec qui le sénateur ne daigne pas parler, même quand il lui achète un poisson. Oui, donne-moi cet homme. Certes, j'accomplirai aussi mon oeuvre dans le sénateur, l'orateur et l'empereur. Un jour viendra où j'agirai aussi dans le sénateur, mais mon action sera plus évidente dans le pêcheur. Le sénateur, l'orateur et l'empereur peuvent se glorifier de ce qu'ils sont: le pêcheur, uniquement du Christ. Que le pêcheur vienne leur enseigner l'humilité qui procure le salut. Que le pêcheur passe en premier. C'est par lui que l'empereur sera plus aisément attiré."

Songez donc à ce pêcheur saint, juste, bon et rempli du Christ, qui a reçu la charge de prendre ce peuple et tous les autres en jetant son filet jusqu'au bout du monde. Rappelez-vous donc qu'il a dit: Ainsi se confirme pour nous la parole des prophètes (2P 1,19).

Prière

Dans ton amour inlassable, Seigneur, veille sur ta famille; et puisque ta grâce est notre unique espoir, garde-nous sous ta constante protection. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu très bon, quand tu appelles les hommes à collaborer à ton oeuvre, tu leur donnes des signes merveilleux: le filet s'est rempli de poissons et Simon-Pierre est devenu pêcheur d'hommes. Accorde-nous aujourd'hui des signes de ta présence. Alors, laissant tout, nous marcherons à la suite du Christ et nous proclamerons sa Bonne Nouvelle. Lui qui règne.


6e dimanche du temps ordinaire C

176 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (
Lc 6,17 Lc 6,20-26)

Jésus descendit de la montagne avec les douze Apôtres et s'arrêta dans la plaine. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Regardant alors ses disciples, Jésus leur dit: "Heureux, vous les pauvres: le royaume de Dieu est à vous! "

Homélie

Un autre regard sur l'épreuve

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407) sur la Deuxième lettre aux Corinthiens

Homélies sur la Deuxième lettre aux Corinthiens, 12, 4; PO 61, 486-487.

Seuls les chrétiens estiment les choses à leur vraie valeur, et ils n'ont pas les mêmes motifs de se réjouir et de s'attrister que le reste des hommes. A la vue d'un athlète blessé, portant sur la tête la couronne du vainqueur, celui qui n'a jamais pratiqué aucun sport considère seulement les blessures qui font souffrir cet homme. Il n'imagine pas le bonheur que lui procure sa couronne.

Ainsi font les gens dont nous parlons. Ils savent que nous subissons des épreuves, mais ignorent pourquoi nous les supportons. Ils ne considèrent que nos souffrances! Ils voient les luttes dans lesquelles nous sommes engagés et les dangers qui nous menacent. Mais les récompenses et les couronnes leur restent cachées, non moins que la raison de nos combats.

Que voulait dire Paul en affirmant: On nous croit démunis de tout, et nous possédons tout (2Co 6,10)? Il entendait par là les biens terrestres et spirituels. Lorsque les villes le recevaient comme un ange, que les gens se seraient fait arracher les yeux pour les lui donner et qu'ils se seraient laissé couper la tête pour lui, n'avait-il pas toutes leurs richesses à sa disposition?

Et si tu veux considérer les biens spirituels, tu reconnaîtras qu'il les possédait aussi en abondance. Aimé du Roi de l'univers, du Maître des anges, au point de partager ses secrets, il était le plus riche de tous, et tout lui appartenait. Aucun démon n'était capable de résister à son autorité, aucune souffrance ni maladie ne pouvait lui imposer sa loi.

Pour ce qui nous regarde, quand nous sommes soumis à l'épreuve à cause du Christ, supportons-la vaillamment, bien plus, avec joie. Si nous jeûnons, bondissons de joie comme si nous étions dans les délices. Si l'on nous outrage, dansons allègrement comme si nous étions comblés d'éloges. Si nous subissons un dommage, considérons-le comme un gain. Si nous donnons au pauvre, persuadons-nous que nous recevons. Celui qui ne donne pas de cette manière, ne donne pas de bon coeur.

Aussi bien, quand tu veux faire un don à quelqu'un, ne considère pas seulement ce que cela te coûte. Songe plutôt que tu en retires un profit plus important, car ceci l'emporte sur cela. En faisant l'aumône, comme en pratiquant n'importe quelle vertu, pense à la douceur de la récompense, plutôt qu'à la dureté du sacrifice.

Avant tout, rappelle-toi que tu combats pour le Seigneur Jésus. Alors tu entreras de bon coeur dans la lutte et tu vivras toujours dans la joie, car rien ne nous rend si heureux qu'une bonne conscience.

Prière

Dieu qui veux habiter les coeurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce; alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure. Par Jésus Christ.

ou bien

Nombreux sont les hommes qui, maintenant, pleurent ou ont faim, nombreux sont les pauvres, nombreux les mal aimés. Dieu notre Père, fais jaillir, au coeur même de leur détresse, une étincelle de ta joie, et suscite parmi tes disciples des hommes généreux qui sachent leur venir en aide. Par Jésus Christ.


7e dimanche du temps ordinaire C

177 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (
Lc 6,27-38)

Jésus déclarait à la foule: "Je vous le dis, à vous qui m'écoutez: Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent."

Homélie

Agir dans l'amour et la vérité

Homélie de saint Augustin (+ 430) sur le psaume 60

Homélies sur les psaumes, Ps 60, 9; CCL 39, 771.

Toutes les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois (Ps 24,10). Ce que le psaume dit de l'amour et de la vérité est de première importance. <> Il parle de l'amour, car Dieu ne regarde pas nos mérites mais sa bonté, en vue de nous pardonner nos péchés et de nous promettre la vie éternelle. Il parle aussi de la vérité, parce que Dieu ne manque jamais de tenir ses promesses.

Conformons-nous donc à ce divin modèle et imitons Dieu qui nous a manifesté son amour et sa vérité: son amour en nous remettant nos péchés, sa vérité en réalisant ses promesses. Comme lui, accomplissons en ce monde des oeuvres pleines d'amour et de vérité. Soyons bons envers les malades, les pauvres et même envers nos ennemis.

Vivons dans la vérité en évitant de faire le mal. Ne multiplions pas les péchés, car celui qui présume de la bonté de Dieu, laisse s'introduire en lui la volonté de rendre Dieu injuste. Il se figure que, même s'il s'obstine dans ses péchés et refuse de s'en repentir, Dieu viendra quand même lui donner une place parmi ses fidèles serviteurs.

Mais serait-il juste que Dieu te mette à la même place que ceux qui ont renoncé à leurs péchés, alors que tu persévères dans les tiens? Veux-tu être injuste au point de rendre Dieu injuste? Pourquoi donc veux-tu le plier à ta volonté? Soumets-toi plutôt à la sienne.

Qui donc met en pratique ce que je viens de dire, sinon un petit nombre d'hommes, dont il est dit: Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé (Mt 24,13)? Le psalmiste dit justement à ce propos: Qui recherchera l'amour et la vérité du Seigneur pour sa gloire (Ps 60,8 latin)? Que signifie: pour sa gloire! Il suffisait de dire: Qui recherchera l'amour et la vérité du Seigneur! Pourquoi ajoute-t-il: pour sa gloire! En voici la raison. Beaucoup cherchent à s'instruire de l'a mour du Seigneur et de sa vérité dans les Livres saints. Mais une fois qu'ils y sont parvenus, ils vivent pour eux, non pour lui. Ils recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus Christ. Ils prêchent l'amour et la vérité et ne les pratiquent pas. Ils les connaissent pourtant, puisqu'ils les prêchent; ils ne pourraient d'ailleurs pas les enseigner sans les connaître.

Quant à celui qui aime Dieu et le Christ, lorsqu'il prêche la vérité et l'amour divins, il les recherche pour Dieu et non dans son propre intérêt. Il ne prêche pas pour en retirer des avantages matériels, mais pour le bien des membres du Christ, c'est-à-dire de ceux qui mettent leur foi en lui. Il leur dispense ses connaissances en esprit de vérité, de sorte que le vivant n'ait plus sa vie centrée sur lui-même, mais sur celui qui est mort pour tous (cf. 2Co 5,15).

Prière

Accorde-nous, Dieu tout-puissant, de conformer à ta volonté nos paroles et nos actes dans une inlassable recherche des biens spirituels. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Père, quand nous étions tes ennemis, tu as envoyé ton Fils pour réconcilier avec toi toute l'humanité. Accorde-nous, à son exemple, d'aimer ceux qui ne nous aiment pas, de faire du bien à ceux qui nous font du tort et d'être miséricordieux comme tu l'es toi-même. Par Jésus Christ.


8e dimanche du temps ordinaire C

178 Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (
Lc 6,39-45)

Jésus s'adressait à la foule en paraboles: "Un aveugle peut-il guider un autre aveugle? Ne tomberont-ils pas tous deux dans un trou? Le disciple n'est pas au-dessus du maître; mais celui qui est bien formé sera comme son maître."

Homélie

Être lucide à l'égard de soi-même

Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444)

Commentaire sur l'évangile de Luc, 6; PG 72, 601-604

Les bienheureux disciples étaient destinés à devenir les guides et les maîtres spirituels de la terre entière. Ils devaient donc faire preuve, plus que les autres, d'une éminente piété, être familiarisés avec la manière de vivre évangélique et entraînés à pratiquer toute oeuvre bonne. Ils auraient à transmettre à ceux qu'ils instruiraient la doctrine exacte, salutaire et strictement conforme à la vérité, après l'avoir d'abord contemplée eux-mêmes, et avoir laissé la lumière divine éclairer leur intelligence.

Sans quoi, ils seraient des aveugles conduisant d'autres aveugles. Car ceux qui sont plongés dans les ténèbres de l'ignorance ne peuvent pas conduire à la connaissance de la vérité les hommes souffrant de cette même ignorance. Le voudraient-ils d'ailleurs, qu'ils rouleraient tous ensemble dans l'abîme de leurs passions.

Aussi le Seigneur a-t-il voulu éteindre la passion ostentatoire de la vantardise que l'on trouve chez tant de gens, et les dissuader de rivaliser avec leurs maîtres pour les dépasser en estime. Il leur a dit: Le disciple n'est pas au-dessus de son maître (Lc 6,39). Même s'il arrive à certains d'atteindre un degré de vertu égal à celui de leurs maîtres, ils se conformeront à la modestie dont ceux-ci font preuve, et ils les imiteront. Paul, à son tour, nous en donne la certitude quand il dit: Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ (1Co 11,1).

Eh bien, pourquoi juges-tu, alors que le Maître ne juge pas encore? Car il n'est pas venu juger le monde, mais lui faire grâce. Entendue dans le sens que je viens précisément d'indiquer, la parole du Christ devient: "Si je ne juge pas, ne juge pas non plus, toi qui es mon disciple. Il se peut que tu sois coupable de fautes plus graves que celui que tu juges. Quelle ne sera pas ta honte quand tu en prendras conscience! "

Le Seigneur nous donne le même enseignement dans une autre parabole où il dit: Qu'as-tu à regarder la paille dans l'oeil de ton frère (Lc 6,41)? Il nous convainc par des arguments irréfutables de ne pas vouloir juger les autres, et de scruter plutôt nos coeurs. Ensuite il nous demande de chercher à nous libérer des passions qui y sont installées, en demandant cette grâce à Dieu. C'est lui, en effet, qui guérit ceux qui ont le coeur brisé et nous délivre de nos maladies spirituelles. Car si les péchés qui t'accablent sont plus grands et plus graves que ceux des autres, pourquoi leur fais-tu des reproches sans te soucier des tiens?

Tous ceux qui veulent vivre avec piété, et surtout ceux qui ont charge d'instruire les autres, tireront donc nécessairement profit de ce précepte. S'ils sont vertueux et tempérants, donnant précisément par leurs actions l'exemple de la vie évangélique, ils reprendront avec douceur ceux qui ne se sont pas résolus à agir de même, leur remontrant qu'ils ne prennent pas pour modèles les manières de vivre conformes à la vertu des maîtres.

Prière

Fais que les événements du monde, Seigneur, se déroulent dans la paix, selon ton dessein, et que ton peuple connaisse la joie de te servir sans inquiétude. Par Jésus Christ.

ou bien

Aide-nous, Seigneur, à découvrir la poutre qui est dans notre oeil. Alors, lucides envers nous-mêmes, nous pourrons guider nos frères sur le chemin qui mène jusqu'à toi. Par Jésus Christ.


9e dimanche du temps ordinaire C

179 Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (
Lc 7,1-10)

Lorsque Jésus eut achevé de faire entendre au peuple toutes ses paroles, il entra dans Capharnaüm. Un centurion de l'armée romaine avait un esclave auquel il tenait beaucoup; celui-ci était malade, sur le point de mourir. Le centurion avait entendu parler de Jésus; alors il lui envoya quelques notables juifs pour le prier de venir sauver son esclave.

Homélie

La foi du centurion

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Sermon 62, 1.3-4, PL 38, 414-416.

Dans l'évangile qui vient d'être lu, nous avons entendu Jésus faire l'éloge de notre foi vécue dans l'humilité. Quand le Seigneur lui eut promis de se rendre chez lui pour y guérir son serviteur, le centurion répondit: Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri (Mt 8,8). En faisant l'aveu de son indignité, il s'est rendu digne de la visite du Christ dans son coeur plutôt que dans sa demeure.

Ces paroles, si pleines de foi et d'humilité, le centurion ne les aurait pas prononcées s'il n'avait pas déjà accueilli dans son coeur celui qu'il craignait de laisser entrer dans sa maison. D'ailleurs, aurait-il été tellement heureux d'accueillir le Seigneur dans son habitation, sans l'avoir en même temps dans son coeur? Celui qui nous a enseigné l'humilité par sa parole et son exemple est allé manger, il est vrai, chez un pharisien orgueilleux appelé Simon. Le Fils de l'homme s'est bien attablé chez lui, mais il n'a trouvé dans son coeur aucune place où reposer la tête (cf. Lc 7,36). <>

Pourtant, sans entrer dans la maison du centurion, il a pris possession de son coeur. <> A celui qui a dit: Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, le Seigneur a répondu: Amen, je vous le déclare, je n'ai trouvé une telle foi chez personne en Israël (Mt 8,10), c'est-à-dire dans l'Israël terrestre; cet homme, en effet, appartenait déjà à l'Israël spirituel. Le Seigneur était venu chez les Juifs, l'Israël selon la chair, pour chercher d'abord les brebis perdues de ce peuple, dans lequel et duquel il avait pris corps. Or, il dit lui-même: Je n'y ai pas trouvé une telle foi.

Nous pouvons évaluer la foi des hommes dans la mesure du possible. Mais celui qui voit le fond des coeurs et que personne ne peut tromper, a rendu témoignage aux dispositions intérieures d'un homme qui lui avait manifesté son humilité, et il a prononcé une sentence de guérison.

Comment donc cette confiance est-elle venue au centurion? "Ainsi, dit-il, moi qui suis soumis à une autorité, j'ai des soldats sous mes ordres. Je dis à l'un: 'Va', et il va. A un autre 'Viens', et il vient, et à mon esclave: 'Fais ceci', et il le fait (Mt 8,9). J'exerce un pouvoir sur mes subordonnés et je suis moi-même soumis à une autorité supérieure. Si donc moi, un subordonné, j'ai le pouvoir de donner des ordres, que ne pourras-tu pas faire, toi, de qui dépendent toutes les puissances?"

Cet homme, venu de chez les païens, était centurion. <> Ce soldat de métier réglait sa conduite dans les limites de son pouvoir de centurion. Soumis à une autorité, il exerçait également l'autorité. Il obéissait en tant que subordonné et il commandait à ses subordonnés. Le Seigneur, lui, <> appartenait au peuple juif. Mais il proclamait déjà qu'il enverrait ses Apôtres dans le monde entier pour y établir l'Église. Sans le voir, les païens ont cru en lui, tandis que les Juifs, qui l'avaient vu, l'ont mis à mort.

Le Seigneur n'est donc pas allé chez le centurion, mais il a fortifié sa foi. Sans y entrer, il a fait sentir sa divine présence dans cette maison et lui a apporté la guérison. De la même manière, le Seigneur n'est apparu visiblement que dans le peuple juif. Aucun autre peuple ne l'a vu naître d'une vierge, souffrir, marcher, supporter toutes les vicissitudes de l'existence humaine, ni accomplir des merveilles divines. Il n'a fait aucune de ces choses parmi les autres peuples, et pourtant ce qui avait été prophétisé de lui s'est accompli: Un peuple d'inconnus m'est asservi. Comment était-ce possible, puisque ces hommes ne l'ont pas connu? Au premier mot ils m'obéissent (Ps 17,44-45). C'est le monde entier qui a entendu et qui a cru.

Prière

Seigneur notre Père, nous en appelons à ta providence qui jamais ne se trompe en ses desseins: tout ce qui fait du mal, écarte-le, et donne-nous ce qui peut nous aider. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, nous nous sommes engagés envers toi depuis longtemps, mais notre foi n'est pas aussi grande que celle du centurion. Malgré notre indignité, entre dans notre coeur et rends plus ferme notre foi, pour qu'elle puisse faire l'admiration de Jésus Christ, notre Seigneur. Lui qui règne.



Homéliaire patristique 171