Homéliaire patristique 57

17e dimanche du temps ordinaire A

57 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 13,44-52): Jésus disait à la foule ces paraboles: "Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ."

Homélie: Gagner le Christ

Homélie d'Origène (+ 253) Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 10, 9-10, GCS 10, 10-11

A l'homme qui recherche de belles perles (Mt 13,45), il faut appliquer les paroles suivantes: Cherchez et vous trouverez, et: Celui qui cherche, trouve (Mt 7,7-8). En effet, à quoi peuvent bien se rapporter cherchez et celui qui cherche, trouve"? Disons-le sans hésiter: aux perles, et particulièrement à la perle acquise par l'homme qui a tout donné et tout perdu. A cause de cette perle, Paul dit: J'ai accepté de tout perdre afin de gagner le Christ (Ph 3,8). Par le mot tout il entend les belles perles, et par gagner le Christ l'unique perle de grand prix.

Précieuse, assurément, est la lampe pour ceux qui sont dans les ténèbres (Lc 1,79) et qui en ont besoin (cf. Ap 22,5) jusqu'au lever du soleil. Précieuse aussi la gloire resplendissante sur le visage de Moïse (cf. 2Co 3,7) (et aussi, je crois, sur celui des autres prophètes). Elle est belle à voir, et elle nous aide à progresser jusqu'à ce que nous puissions contempler la gloire du Christ, à laquelle le Père rend témoignage: Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Mais ce qui a été glorieux de cette manière partielle, ne l'est plus, parce qu'il y a maintenant une gloire suréminente (2Co 3,10). Et nous avons besoin en un premier temps d'une gloire susceptible de disparaître devant la gloire suréminente, comme nous avons besoin d'une connaissance partielle qui disparaîtra quand viendra ce qui est parfait (1Co 13,10).

Donc toute âme qui est encore dans l'enfance et chemine vers la perfection (He 6,1) a besoin d'un pédagogue, d'économes et de tuteurs jusqu'à ce que s'instaure en elle la plénitude du temps (Ga 4,4). Ainsi, celui qui d'abord ne diffère en rien d'un esclave, bien qu'il soit maître de tout (Ga 4,1), sera finalement affranchi et recevra de la main du pédagogue, des économes et des tuteurs son patrimoine: celui-ci correspond à la perle de grand prix et à la perfection qui abolit ce qui est partiel (1Co 13,10). Il y parviendra lorsqu'il sera capable d'accéder à la prééminence de la connaissance du Christ (Ph 3,8), après s'y être préparé par les connaissances, s'il convient de les appeler ainsi, qui sont dépassées par la connaissance du Christ. <>

La Loi et les Prophètes parfaitement compris sont les rudiments qui nous conduisent à bien comprendre l'Évangile et tout le sens des actes et des paroles du Christ

Prière

Tu protèges, Seigneur, ceux qui comptent sur toi; sans toi rien n'est fort et rien n'est saint; multiplie pour nous tes gestes de miséricorde, afin que, sous ta conduite, en faisant un bon usage des biens qui passent, nous puissions déjà nous attacher à ceux qui demeurent. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, le don que tu nous fais est un trésor sans prix. Garde-nous de lui préférer des biens éphémères, libère notre coeur et rends-le capable de tout sacrifier pour obtenir le Royaume des cieux. Par Jésus Christ.


18e dimanche du temps ordinaire A

58 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 14,13-21)

Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l'écart. Les foules l'apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied.

Homélie

Le don des pains en prépare un autre, plus grand

Commentaire de saint Éphrem (+ 373)

Commentaire de l'Évangile concordant, 12, 1.3-5; CSCO 145, Scriptores Armeniaci, 2, 115-117.

Au désert notre Seigneur multiplia le pain, et à Cana il changea l'eau en vin. En attendant de donner aux hommes son corps et son sang en nourriture, il habitua et exerça leur palais à son pain et à son vin. Il leur fit goûter un pain et un vin éphémères pour les entraîner à savourer le corps et le sang vivifiants. Il leur donna libéralement ces choses de peu de valeur pour qu'ils sachent que ce qu'il leur donnerait serait encore plus gratuit. Il leur donna gratuitement ce qu'ils auraient pu lui acheter, mieux, ce qu'ils avaient l'intention d'acheter, afin qu'ils sachent qu'il n'exigerait d'eux aucun paiement. Car s'ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils ne pourraient payer son corps et son sang.

Or, le Seigneur ne s'est pas contenté de nous en faire don gracieusement, mais il s'est ingénié à nous entourer de prévenances. Ces petites choses, il nous les a données gratuitement pour nous attirer, afin que nous nous avancions et recevions gratuitement le bien qui surpasse tout. <> Il nous a attirés par des aliments doux au palais pour nous entraîner vers ce qui vivifie les âmes. Aussi a-t-il incorporé une agréable saveur au vin qu'il a fait, pour montrer quels trésors immenses sont cachés dans son sang vivifiant. <>

Mais vois aussi comment sa puissance créatrice atteint toutes choses. Ayant pris un peu de pain, notre Seigneur le multiplia en un clin d'oeil. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l'ont fait dans l'instant même. Ses mains étaient sous le pain comme une terre, sa parole au-dessus de lui comme le tonnerre; le murmure de ses lèvres se répandit sur le pain comme une pluie, et le souffle de sa bouche fut comme le soleil; en un très court instant il conduisit à son terme ce qui demande à tous un temps fort long. Alors le pain ne manqua plus; d'un peu de pain sortit une multitude de pains, comme lors de la première bénédiction: Soyez féconds, multipliez-vous, et remplissez la terre (Gn 1,28). <>

Une fois de plus, le Seigneur a manifesté la sainteté de sa parole à ceux à qui il avait ordonné de la mettre en pratique et il a montré avec quelle rapidité il octroyait ses dons à ceux qui les acceptaient. Néanmoins, il n'a pas multiplié le pain autant qu'il l'aurait pu, mais en quantité suffisante pour rassasier ceux qui mangeaient. Ce n'est pas sa puissance qui a mesuré son miracle, mais la faim des affamés. Car s'il avait mesuré son miracle à sa puissance, la victoire de celle-ci n'aurait pas pu être évaluée.

Mais le miracle a été mesuré à la faim de milliers de gens, et il s'est trouvé un surplus de douze corbeilles. Chez tous les artisans, la capacité est inférieure aux besoins des clients, puisqu'ils ne peuvent fabriquer tout ce que leur demandent leurs clients. Mais l'oeuvre réalisée par le Seigneur a dépassé les désirs de ceux qui avaient faim. Et il a dit: Rassemblez les morceaux pour qu'absolument rien ne se perde (Jn 6,12), afin qu'eux ne pensent pas que son action n'était qu'apparente. Mais, en conservant les restes un jour ou deux, ils en viendraient à croire que l'action du Seigneur était bien une réalité, et non une vision trompeuse.

De fait, après qu'ils eurent été rassasiés, ils comprirent que le Seigneur les avait nourris au désert, comme il l'avait fait pour répondre aux prières de Moïse, et ils s'écrièrent: C'est vraiment lui le prophète, celui dont il est dit qu'il viendra dans le monde (Jn 6,14).

Prière

Assiste tes enfants, Seigneur, et montre à ceux qui t'implorent ton inépuisable bonté; c'est leur fierté de t'avoir pour Créateur et Providence: restaure pour eux ta création, et l'ayant renouvelée, protège-la. Par Jésus Christ.

ou bien

Père très bon, en ton Fils tu te révèles comme un Dieu de pitié, apaisant la faim des hommes non par de vaines promesses mais avec du pain. En ce monde où tant de gens ont faim, renouvelle tes largesses, suscite parmi nous des hommes qui partagent avec les pauvres la nourriture de la terre, et mets en nos coeurs le désir du pain de la vie éternelle. Par Jésus Christ.


19e dimanche du temps ordinaire A

59 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 14,22-33)

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l'autre rive, pendant qu'il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l'écart, pour prier.

Homélie

Jésus dans nos tempêtes

Commentaire d'Origène (+ 253)

Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 11,6, GCS 10, 43-45

S'il nous arrive d'être exposés à des tentations inévitables, rappelons-nous que Jésus nous a obligés à monter dans la barque et qu'il veut que nous le précédions sur l'autre rive (Mt 14,22). A la vérité, il est impossible d'atteindre l'autre rive sans supporter l'épreuve des vagues et du vent contraire. Lorsque nous nous verrons assaillis de nombreuses et graves difficultés, et que nous serons fatigués d'effectuer cette traversée avec des moyens modestes et limités, pensons que notre barque arrivant alors au milieu de la mer est tourmentée par les flots (Mt 14,24), qui veulent que nous fassions naufrage dans la foi (1Tm 1,19) ou dans quelque autre vertu. Mais lorsque nous verrons l'esprit du Mauvais combattre nos entreprises, pensons qu'alors le vent nous est contraire.

Quand donc nous aurons subi ces assauts au long des trois veilles de la nuit, en traversant l'obscurité des tentations, luttant avec tout le courage dont nous sommes capables et prenant garde à ne pas faire naufrage dans la foi ou dans quelque autre vertu, <> croyons alors qu'à la quatrième veille (Mt 14,25), lorsque la nuit sera avancée et que le jour sera tout proche (Rm 13,12), le Fils de Dieu viendra vers nous en marchant sur la mer (Mt 14,25) pour nous la rendre bienveillante. Et lorsque nous verrons le Verbe nous apparaître, nous serons troublés avant de comprendre clairement que c'est le Sauveur, venu habiter parmi nous. Croyant encore voir un fantôme (Mt 14,26), pleins de crainte, nous pousserons des cris. Mais lui nous parlera aussitôt: Confiance, dira-t-il, c'est moi, n'ayez pas peur (Mt 14,27).

Et il peut se trouver parmi nous un Pierre (Mt 14,28) tendant vers la perfection (He 6,1) sans y être encore parvenu, que cette parole d'encouragement remplira d'une ardeur nouvelle. Comme pour échapper à cette tentation qui le tourmente, il descendra de la barque ; voulant aller vers Jésus, il se mettra à marcher sur les eaux (Mt 14,29); mais, avec sa foi encore faible et ses doutes, il verra la violence du vent, il prendra peur et commencera à enfoncer. Pourtant, il ne coulera pas, parce qu'il appellera Jésus d'une voix forte et lui dira: Seigneur, sauve-moi (Mt 14,30)! Puis, à peine ce Pierre aura-t-il fini de parler et de dire: Seigneur, sauve-moi!, que le Verbe étendra la main pour lui porter secours; il le saisira au moment où il commencera à enfoncer et lui reprochera son peu de foi et ses doutes.

Observez toutefois qu'il n'a pas appelé Pierre "incrédule", mais homme de peu de foi, et qu'il lui a dit: Pourquoi as-tu douté? (Mt 14,31), car il avait une certaine foi, mais penchait aussi dans le sens contraire. Après cela, Jésus et Pierre monteront dans la barque, et le vent tombera (Mt 14,32), et ceux qui seront dans la barque, sachant de quels périls ils ont été sauvés, se prosterneront devant lui en disant <>: Vraiment, tu es le Fils de Dieu (Mt 14,33).

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, toi que nous pouvons déjà appeler notre Père, fais grandir en nos coeurs l'esprit filial, afin que nous soyons un jour capables d'entrer dans l'héritage qui nous e st promis. Par Jésus Christ.

ou bien

Quand notre barque est battue par les vagues, rends-nous la confiance, Seigneur; quand le vent est contraire et que tout semble se liguer contre nous, viens vite à notre secours en la personne de ton Fils Jésus Christ, qui seul peut nous sauver. Lui qui règne.


20e dimanche du temps ordinaire A

60 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 15,21-28)

Jésus s'était retiré vers la région de Tyr et de Sidon. Voici qu'une Cananéenne, venue de ces territoires, criait: "Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David! Ma fille est tourmentée par un démon."

Homélie

La prière instante est exaucée

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélie "Que le Christ soit annoncé", 12-13, PG 51, 319-320

Une Cananéenne s'approcha de Jésus et se mit à le supplier à grands cris pour sa fille qui était possédée par le démon. Elle lui disait: Aie pitié de moi, Seigneur, ma fille est tourmentée par un démon (Mt 15,22). Cette femme, une étrangère, une barbare, sans aucun lien avec la communauté juive, qu'était-elle sinon une chienne indigne d'obtenir ce qu'elle demandait? Il n'est pas bien, dit Jésus, de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens (Mt 15,26)! Pourtant, sa persévérance lui a mérité d'être exaucée. Celle qui n'était qu'une chienne, Jésus l'a élevée à la noblesse des petits enfants; bien plus, û l'a comblée d'éloges. Il lui dit en la renvoyant: Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux (Mt 15,28)! Quand on entend le Christ dire: Ta foi est grande, on n'a pas à chercher d'autre preuve de la grandeur d'âme de cette femme. Vois comme elle a effacé son indignité par sa persévérance. Remarque également que nous obtenons davantage du Seigneur par notre prière que par la prière des autres.

Comme la femme poussait des cris, les disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent: Donne-lui satisfaction, car elle nous poursuit de ses cris (Mt 15,23)! Mais il leur répondit: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël (Mt 15,24). Alors la Cananéenne elle-même s'avança et lui cria encore: C'est vrai, Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres (Mt 15,27). Alors le Seigneur lui accorda aussitôt la faveur qu'elle désirait, en disant: Que tout se fasse pour toi comme tu le veux (Mt 15,28)!

Observe qu'après avoir opposé un refus aux disciples, le Seigneur accorde sa grâce à cette femme qui la lui demandait elle-même. <> D'abord elle n'avait obtenu aucune réponse à sa requête. Il a fallu qu'elle s'approche une, deux et trois fois, pour qu'il lui accorde la grâce désirée. A la fin, il a exaucé sa prière. Il nous a fait comprendre ainsi qu'en la faisant attendre, il n'avait pas l'intention de rejeter la Cananéenne, mais voulait nous donner à tous sa patience en exemple. <>

Forts désormais de tous ces enseignements du Seigneur, ne nous abandonnons pas au désespoir! Quand bien même nos péchés nous rendraient indignes d'obtenir sa grâce, sachons que nous pourrons la mériter par notre persévérance.

Prière

Pour ceux qui t'aiment, Seigneur, tu as préparé des biens que l'oeil ne peut voir: répands en nos coeurs la ferveur de ta charité, afin que t'aimant en toute chose et par-dessus tout, nous obtenions de toi l'héritage promis qui surpasse tout désir. Par Jésus Christ.

ou bien

Aie pitié de nous, Seigneur, fils de David, et viens à notre secours. Si notre peu de foi ne nous permet pas de goûter aujourd'hui le pain de tes enfants, accorde-nous quelques miettes tombées de la table où tu nous ras sasieras dans l'éternité. Toi qui règnes.


21e dimanche du temps ordinaire A

61 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 16,13-20)

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples: "Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes?"

Homélie

Le péché de Pierre, chemin de miséricorde

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélie sur saint Pierre et saint Élie, 1; PG 50, 727-728.

Pierre devait recevoir les clés de l'Église, plus encore les clés des cieux, et le gouvernement d'un peuple nombreux devait lui être confié. Le Seigneur lui avait dit: Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux (Mt 16,19). Si Pierre, avec sa tendance à la sévérité, était resté sans péché, comment aurait-il pu faire preuve de miséricorde pour ses disciples? Or, par une disposition de la grâce divine, il est tombé dans le péché, si bien qu'après avoir fait lui-même l'expérience de sa misère, il a pu se montrer bon envers les autres.

Rends-toi compte: celui qui a cédé au péché, c'est bien Pierre, le coryphée des Apôtres, le fondement solide, le rocher indestructible, le guide de l'Église, le port imprenable, la tour inébranlable, lui qui avait dit au Christ: Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas (Mt 26,35); lui qui, par une divine révélation, avait confessé la vérité: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16).

Or, l'évangile rapporte que, la nuit même où le Christ fut livré, Pierre vint s'approcher du feu pour se chauffer. Une jeune fille lui dit alors: Toi aussi, hier, tu étais avec cet homme, et Pierre lui répondit: Je ne connais pas cet homme (cf. Mt 26,69-72).

Tu viens de dire: Même si je dois mourir avec toi, et maintenant tu nies en disant: Je ne connais pas cet homme. Pierre, est-ce bien cela que tu avais promis? On ne t'a encore fait subir aucune torture, infligé aucun coup de fouet, mais il a suffi qu'une fille t'adresse la parole pour que tu te mettes à nier! <>

Une deuxième fois, la fille lui dit: Toi aussi, hier, tu étais avec lui. Et Pierre répondit: Je ne connais pas l'homme en question.

Quelle est la personne qui te parle pour que tu nies ainsi? Une femme sans influence, une portière, une étrangère, une esclave, qui n'a droit à aucune considération, te parle et tu lui réponds en niant. Que c'est étonnant! Une fille vient vers Pierre, une femme de mauvaise vie bouleverse la foi de Pierre. Lui, la colonne, le rempart, se dérobe devant les soupçons d'une femme. Ce n'étaient que des mots, mais ils ont ébranlé la colonne, ils ont fait trembler le rempart lui-même. <>

On lui dit une troisième fois: Toi aussi, hier tu étais avec cet homme, mais il le nia une troisième fois.

Finalement, Jésus fixa sur lui son regard pour lui rappeler ce qu'il lui avait dit. Pierre comprit, se repentit de sa faute et se mit à pleurer. Mais alors le Seigneur miséricordieux lui accorda son pardon, car il savait que Pierre, étant un homme, était sujet à la faiblesse humaine.

Comme je l'ai déjà dit, Dieu en a disposé ainsi et a permis que Pierre commette un péché, parce qu'un peuple nombreux allait lui être confié: car il ne fallait pas que, sévère parce que sans péché, il soit incapable de pardonner à ses frères. Il a été soumis au péché pour que la conscience de sa faute et du pardon reçu du Seigneur, le conduise à pardonner aux autres par amour. Il accomplissait ainsi une disposition providentielle conforme à la manière d'agir de Dieu.

Il a fallu que Pierre, lui à qui l'Église devait être confiée, la colonne des Églises, le port de la foi, le docteur du monde, se montre faible et pécheur. C'était, en vérité, pour qu'il puisse trouver dans sa faiblesse une raison d'exercer sa bonté envers les autres hommes.

Prière

Dieu, qui peux mettre au coeur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d'aimer ce que tu commandes et d'attendre ce que tu promets; pour qu'au milieu des changements de ce monde, nos coeurs s'établissent fermement là où se trouvent les vraies joies. Par Jésus Christ.

ou bien

Père des cieux, tu as révélé ton Fils à Simon Pierre pour faire de lui le fondement de l'Église. Accorde-nous la grâce de ne jamais cesser de chercher qui est le Fils de l'homme, quelle est sa place dans nos vies. Fais-nous redécouvrir avec l'Apôtre, dans un émerveillement toujours neuf, qu'il est le Messie, le Fils du Dieu vivant. Lui qui règne.


22e dimanche du temps ordinaire A

62 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 16,21-27)

Pierre avait dit à Jésus: "Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant." A partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu'il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.

Homélie

Prendre sa croix pour suivre le Christ

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Sermon 96, 1 3-4, PL 38, 584-586

Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive (Mc 8,34). Quand le Seigneur engage l'homme qui veut le suivre à renoncer à soi-même, nous trouvons son commandement difficile et dur à entendre. Mais si celui qui commande nous aide à l'accomplir, son commandement n'est ni difficile ni pénible. <> Et cette autre parole sortie de la bouche du Seigneur est également vraie: Mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger (Mt 11,30).

L'amour, en effet, adoucit ce que les préceptes peuvent avoir de pénible. Nous connaissons toutes les merveilles que l'amour peut accomplir. Sans doute, cet amour est souvent immoral et malhonnête! Quelles rigueurs les hommes n'ont-ils pas endurées, quelles conditions de vie indignes et intolérables n'ont-ils pas supportées pour arriver à posséder l'objet de leur amour! <> Or, ce qu'ils aiment nous permet, le plus souvent, de savoir ce qu'ils sont eux-mêmes; ils devraient, quand ils s'interrogent sur la direction à donner à leur vie, se soucier uniquement du choix de ce qu'ils aimeront. Pourquoi s'étonner que celui qui aime le Christ et veut le suivre, renonce à soi-même pour l'aimer? Car, si l'homme se perd en s'aimant soi-même, il doit sans aucun doute se trouver en se renonçant. <>

Qui refuserait de suivre le Christ au séjour du bonheur parfait, de la paix suprême et de l'éternelle tranquillité? Il est bon de le suivre jusque là; encore faut-il connaître la voie pour y parvenir. Aussi bien le Seigneur n'a pas fait cette recommandation après sa résurrection, mais avant sa passion. Il devait encore être crucifié, endurer l'ignominie, les outrages, les coups, les épines, les blessures, les insultes, l'opprobre et la mort!

Le chemin te semble couvert d'aspérités, il te rebute, tu ne veux pas suivre le Christ. Marche à sa suite! Le chemin que les hommes se sont tracé est raboteux, mais il a été aplani quand le Christ l'a foulé en retournant au ciel. Qui donc refuserait d'avancer vers la gloire? Tout le monde aime à s'élever en gloire, mais l'humilité est la marche à gravir pour y arriver. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi? Tu veux donc tomber au lieu de monter? Commence par cette marche: déjà elle te fait monter.

Les deux disciples qui disaient: Seigneur, accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ton Royaume (Mc 10,37), ne prêtaient aucune attention à ce degré d'humilité. Ils visaient le sommet et ne voyaient pas la marche. Mais le Seigneur leur a montré la marche. Eh bien, qu'a-t-il répondu? "Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire (Mc 10,38)? Vous qui désirez parvenir au faîte des honneurs, pouvez-vous boire le calice de l'humilité?" Voilà pourquoi il ne s'est pas borné à dire d'une manière générale: Qu'il renonce à lui-même et qu'il me suive, mais il a ajouté: Qu'il prenne sa croix et qu'il me suive (Mc 8,34).

Que signifie: Qu'il prenne sa croix? Qu'il supporte tout ce qui lui est pénible; c'est ainsi qu'il me suivra. Dès qu'il aura commencé à me suivre en se conformant à ma vie et à mes commandements, il trouvera sur son chemin bien des gens qui le contrediront, qui chercheront à le détourner et à le dissuader, et cela même parmi ceux qui passent pour des compagnons du Christ. <>

Quelles que soient les menaces, les séductions ou les interdictions dont tu seras l'objet, si tu veux le suivre, fais de tout cela ta croix. Accepte-la, porte-la, ne succombe pas sous le poids.

Ces paroles du Christ ont encouragé les martyrs. Ne faut-il pas, à l'heure de la persécution, que tu comptes pour rien toutes choses à cause du Christ?

Prière

Dieu tout-puissant, de qui vient tout don parfait, enracine en nos coeurs l'amour de ton nom; resserre nos liens avec toi, pour développer ce qui est bon en nous; veille sur nous avec sollicitude, pour protéger ce que tu as fait grandir. Par Jésus Christ.

ou bien

Que tes pensées, Seigneur Dieu, deviennent de plus en plus les nôtres. Il nous est pénible de marcher à la suite de ton Fils sur le chemin de la croix. Donne-nous le courage de perdre notre vie pour la sauver en vérité. Par Jésus Christ.


23e dimanche du temps ordinaire A

63 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 18,15-20)

Jésus disait à ses disciples: "Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère."

Homélie

Se soucier du salut de ses frères

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)

Catéchèses baptismales, 6, 18-20; SC 50, 224-225.

Écoute cette exhortation de l'Apôtre: Tout ce que vous faites: manger, boire ou n'importe quoi d'autre, faites-le pour la gloire de Dieu (1Co 10,31). Oui vraiment, tout ce que tu feras servira à la gloire de Dieu, si tu t'emploies, dès que tu auras quitté ce lieu, au salut de tes frères. Tu leur adresseras non seulement des reproches et des blâmes, mais aussi des conseils et des encouragements, pour les avertir du tort q ue leur causent les divertissements profanes, et tu leur montreras le profit et l'utilité qu'ils peuvent retirer de notre enseignement. Tu te ménageras ainsi un double salaire, en travaillant d'une part très efficacement à ton propre salut, et en cherchant d'autre part à guérir celui qui est avec toi membre du Corps du Christ. La fierté de l'Église, le commandement du Sauveur, c'est que tu ne penses pas uniquement à toi, mais aussi à ton prochain.

Considère à quel point celui qui se préoccupe du salut de son frère mérite d'être honoré. En faisant cela, il imite Dieu autant qu'il est au pouvoir de l'homme. Écoute donc ce que le Seigneur dit par son prophète: Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est méprisable, tu seras comme ma propre bouche (Jr 15,19), ce qui revient à dire: "Celui qui s'efforce de sauver son frère négligent et de l'arracher à la dent du diable, m'imite moi-même, autant qu'il est au pouvoir de l'homme." Qu'est-ce qui pourrait bien égaler une pareille action? C'est la plus grande de toutes les bonnes oeuvres et le couronnement de toute vie vertueuse.

C'est aussi ce qu'il te convient vraiment de faire, puisque le Christ a versé son sang pour notre salut. Quand Paul parle des fauteurs de scandales, qui blessent la conscience de ceux qui les voient faire, il s'écrie: La connaissance que tu as va faire périr le faible, ce frère pour qui le Christ est mort (1Co 8,11). Ton Maître a donc versé son sang pour cet homme. Aussi bien, ceux qui, par leur mollesse, sont tombés dans les filets du diable, peuvent à juste titre attendre de chaque chrétien qu'il leur apporte au moins l'encouragement de sa parole et leur tende une main secourable.

Vous le ferez, j'en suis sûr, à cause de la grande affection que vous éprouvez pour ceux qui sont avec vous membres du Corps du Christ, et vous n'épargnerez aucun effort pour ramener vos frères à notre mère commune, car vous êtes capables, avec la grâce de Dieu, de donner aux autres des avertissements pleins de sagesse.

Prière

Dieu qui as envoyé ton Fils pour nous sauver et pour faire de nous tes enfants d'adoption, regarde avec bonté ceux que tu aimes comme un père; puisque nous croyons au Christ, accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur, Père des cieux, c'est au nom de Jésus que nous sommes réunis pour te prier. Accorde-nous de construire avec amour la communauté de l'Église et, puisque nous sommes solidaires de nos frères dans le bien comme dans le mal, donne-nous la douceur persuasive qui reprend sans irriter. Par Jésus Christ.


24e dimanche du temps ordinaire A

64 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 18,21-35)

Pierre s'approcha de Jésus pour lui demander: "Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu'à sept fois?" Jésus lui répondit: "Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois."

Homélie

Pardonnez, et l'on vous pardonnera

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Sermon 83, 2.4; PL 38, 515-516.

Le Seigneur a raconté pour notre instruction la parabole du débiteur impitoyable, et, comme il ne veut pas que nous périssions, il y a joint cet avertissement: C'est ainsi que votre Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur (Mt 18,35). Vous le voyez, mes frères, la parole est claire, l'avertissement utile; ils réclament notre obéissance, ce moyen de salut très efficace, qui nous rend capables d'observer le commandement.

Tout homme, il est vrai, est débiteur de Dieu, et tout homme a un frère qui est son débiteur. Y a-t-il quelqu'un qui ne doive rien à Dieu, sinon celui en qui on ne peut trouver de péché? Et quel est l'homme qui n'a pas un frère pour débiteur, sinon celui que personne n'a offensé? Pourrait-on, à ton avis, en trouver un seul dans le genre humain, qui ne soit comptable de quelque manquement envers un frère?

Donc, tout homme est débiteur envers quelqu'un, et il a, lui aussi, un débiteur. Dès lors, le Dieu juste t'a donné une règle à suivre envers ton débiteur, règle qu'il appliquera lui-même envers le sien. Il existe, en effet, deux oeuvres de miséricorde qui peuvent nous libérer. Le Seigneur lui-même les a formulées brièvement dans son évangile: Remettez, et il vous sera remis; donnez, et l'on vous donnera (Lc 6,37-38). La première a pour objet le pardon, et la seconde, la charité.

Le Seigneur parle du pardon. Or, tu désires obtenir le pardon de tes péchés, et tu as aussi des péchés à pardonner à quelqu'un. Il en va de même pour la charité: un mendiant te demande l'aumône et tu es le mendiant de Dieu, car nous sommes tous, quand nous le prions, les mendiants de Dieu. Nous nous tenons, ou plutôt nous nous prosternons devant la porte de notre Père de famille; nous le supplions en nous lamentant, désireux de recevoir de lui une grâce, et cette grâce, c'est Dieu même. Que te demande le mendiant? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu? Simplement le Christ, qui dit: Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel (Jn 6,51). Vous voulez être pardonnes? Pardonnez. Remettez, et il vous sera remis. Vous voulez recevoir? Donnez, et l'on vous donnera. <>

Oui, vraiment, si nous considérons nos péchés et passons en revue les fautes que nous avons commises par action, par la vue, par l'ouïe, par la pensée, par tant de mouvements de notre coeur, j'ignore si nous pourrions nous endormir sans sentir peser tout le poids de notre dette. Voilà pourquoi chaque jour nous présentons à Dieu des demandes, chaque jour nos prières vont frapper à ses oreilles, chaque jour nous nou s prosternons en disant: Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient (Mt 6,12).

Quelles dettes veux-tu te faire remettre? Toutes, ou une partie? Tu vas répondre "Toutes." Fais-donc de même pour ton débiteur. C'est la règle que tu formules et la condition que tu poses. Tu les rappelles lorsque tu pries en accord avec ce pacte et cette alliance, et que tu dis: Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient.

Prière

Dieu créateur et maître de toute choses, regarde-nous, et pour que nous ressentions l'effet de ton amour, accorde-nous de te servir avec un coeur sans partage. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu de justice et de tendresse, ne fais pas le compte de notre dette, mais donne-nous la conscience d'être toujours tes débiteurs insolvables. Alors nous pratiquerons, envers ceux qui nous ont fait du tort, la bonté, la patience et le pardon, à l'imitation de ton Fils Jésus Christ, notre Seigneur. Lui qui règne.



Homéliaire patristique 57