Homéliaire patristique 99

5e dimanche de Pâques B

99 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (
Jn 15,1-8)

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples: "Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.

Homélie

Demeurer dans le Christ

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Commentaire sur l'évangile de Jean, 80, 1, 81, 1.3-4; CCL 36, 527-531.

Dans le passage de l'évangile où notre Seigneur dit qu'il est la vigne, et ses disciples les sarments, il parle ainsi en tant que chef de l'Église, et nous ses membres. Car le Christ est le médiateur entre Dieu et les hommes (1Tm 2,5). En effet, la vigne et les sarments ont la même nature, et voilà pourquoi, parce qu'il était Dieu, d'une autre nature que nous, il s'est fait homme, afin que la nature humaine fût en lui comme une vigne dont nous pourrions être les sarments.

Il disait aux disciples: Demeurez en moi, comme moi en vous. Ils n'étaient pas en lui de la même manière dont lui était en eux. Cette union réciproque ne lui procure aucun profit: c'est eux qu'elle avantage. Les sarments sont dans la vigne non pas pour enrichir celle-ci, mais pour recevoir d'elle le principe de leur vie. La vigne est dans les sarments pour leur communiquer sa sève vivifiante, non pour la recevoir d'eux. Ainsi cette permanence du Christ dans les disciples, et la permanence de ceux-ci dans le Christ, leur est doublement avantageuse, mais nullement au Christ. Car si vous retranchez un sarment, un autre peut surgir de la racine qui reste vivante, tandis que le sarment coupé ne peut vivre séparé de la racine.

Considérez encore plus attentivement ce que la Vérité ajoute: Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5). Pour que personne ne s'imagine que le sarment pourrait de lui-même porter quelque peu de fruit, alors que Jésus avait dit: Celui-là donne beaucoup de fruit, il ne dit pas: parce que, en dehors de moi, vous pouvez faire peu de chose, mais: vous ne pouvez rien faire. Que ce soit peu ou beaucoup, on ne peut le faire en dehors de lui puisque, en dehors de lui, on ne peut rien faire. Si le sarment porte peu de fruit, le vigneron l'émonde pour qu'il en porte davantage. Cependant si le sarment ne demeure pas uni à la vigne et ne vit pas de sa racine, il ne peut, par lui-même, porter le moindre fruit.

Si le Christ n'avait pas été un homme, il n'aurait pas pu être la vigne. Cependant il ne fournirait pas cette grâce aux sarments, s'il n'était pas également Dieu. Mais, parce que, sans cette grâce, on ne peut pas vivre, et parce que la mort est au pouvoir de notre libre arbitre, notre Seigneur ajoute: Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent (Jn 15,6). C'est pourquoi, si le bois de la vigne est d'autant plus méprisable lorsqu'il ne demeure pas uni à la vigne, il est d'autant plus glorieux quand il le demeure. Le Seigneur le dit par le prophète Ézékiel: lorsque ces bois de la vigne sont coupés, ils ne rendent aucun service au cultivateur et ne servent à aucun ouvrage ar tisanal (cf. Ez 15,4-5). Le bois de la vigne n'a que deux destinations: la vigne ou le feu. S'il ne reste pas sur la vigne, il sera brûlé. Pour ne pas aller au feu, il doit rester sur la vigne.

Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l'obtiendrez (Jn 15,7). Lorsqu'on demeure dans le Christ, que peut-on demander, sinon ce qui convient au Christ? Que peut-on vouloir, quand on demeure dans le Seigneur, sinon ce qui n'est pas étranger au salut? Nous demandons une chose parce que nous sommes dans le Christ, mais nous voulons autre chose parce que nous sommes encore en ce monde. Du fait que nous y demeurons, nous sommes parfois tentés de demander ce dont nous ignorons que cela nous est nuisible. Mais chassons l'idée que nous obtiendrons cela si nous demeurons dans le Christ, car il ne fait ce que nous lui demandons que si cela est bon pour nous.

Mais si nous demeurons en lui parce que ses paroles demeurent en nous, nous demanderons tout ce que nous voudrons, et nous l'obtiendrons.

Prière

Dieu qui as envoyé ton Fils pour nous sauver et pour faire de nous tes enfants d'adoption, regarde avec bonté ceux que tu aimes comme un père; puisque nous croyons au Christ, accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle. Par Jésus Christ.


6e dimanche de Pâques B

100 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (
Jn 15,9-17)

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples: "Comme le Père vous a aimés, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour."

Homélie

au choix

Demeurer dans l'amour

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Commentaire sur l'évangile de Jean, 82, 1-4; CCL 36, 532-534.

Le Sauveur, en parlant à ses disciples, souligne de plus en plus la grâce par laquelle nous sommes sauvés. Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit: ainsi vous serez pour moi des disciples (Jn 15,8). <>

Si Dieu le Père est glorifié de ce que nous produisons beaucoup de fruit et devenons les disciples du Christ, nous ne devons pas le mettre au crédit de notre gloire, comme si nous tenions tout cela de nous-mêmes. Car cette grâce vient de lui, et c'est pourquoi, dans ce sens, la gloire n'est pas à nous, mais à lui. Il a dit ailleurs: Que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien... - ici, il devance en eux la pensée que ces bonnes oeuvres viendraient d'eux-mêmes, en ajoutant aussitôt: ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16). En effet, ce qui glorifie le Père, c'est que nous donnions beaucoup de fruit et que nous devenions disciples du Christ. Et par qui le devenons-nous, sinon par lui, dont la miséricorde nous a devancés? Car nous sommes son ouvrage, créés en Jésus Christ pour que nos oeuvres soient vraiment bonnes (cf. Ep 2,10).

Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jn 15,9). Voilà d'où viennent nos oeuvres bonnes. Car d'où pourraient-elles venir, sinon de la foi agissant par la charité (Ga 5,6)? Et d'où viendrait que nous aimons, sinon de ce que nous sommes aimés en premier? C'est ce que notre évangéliste nous dit de la façon la plus claire dans son épître: Aimons Dieu parce que lui-même nous a aimés le premier (cf. 1Jn 4,19). <>

Certes le Père, qui aime le Christ, nous aime, nous aussi, mais en lui, parce que la gloire du Père est que nous donnions du fruit en étant unis à la vigne qui est son Fils, et que nous devenions ses disciples.

Demeurez, dans mon amour, leur dit-il. Comment demeurer? Écoutez ce qui suit: Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour (Jn 15,10). Est-ce l'amour qui rend fidèle aux commandements, ou est-ce l'observance des commandements qui engendre l'amour? Personne ne peut douter que l'amour vient en premier. C'est pourquoi il n'a aucun motif d'observer les commandements, celui qui est sans amour. Donc, lorsque le Seigneur dit: Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, il ne nous montre pas ce qui engendre l'amour, mais ce qui le manifeste. Il semble dire: ne vous imaginez pas que vous demeurez dans mon amour, si vous n'êtes pas fidèles à mes commandements: vous y demeurerez si vous les observez. C'est-à-dire: on verra que vous demeurez dans mon amour, si vous observez mes commandements. Ainsi, que personne ne se fasse d'illusion en se disant qu'il l'aime, alors qu'il n'observe pas ses commandements. Car nous l'aimons dans la mesure où nous observons ses commandements. Moins nous les observons, moins nous aimons. <>

Ce n'est donc pas afin d'obtenir son amour que nous observons d'abord ses commandements; mais, s'il ne nous aime pas, nous ne pouvons pas les observer. Telle est la grâce qui est lumineuse pour les humbles, mystérieuse pour les orgueilleux.

ou bien

Le véritable amour

saint Thomas More (+ 1 535)

Traité sur la Passion. Le Christ les aima jusqu'au bout, Homélie 1.

Méditons profondément sur l'amour du Christ, notre Sauveur qui a aimé les siens jusqu'au bout (Jn 13,1), à tel point que pour leur bien, volontairement, il souffrit une mort douloureuse et manifesta le plus haut degré d'amour qui puisse exister. Car il a dit lui-même : Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15,13). Oui, c'est bien là le plus grand amour qu'on ait jamais montré. Et pourtant notre Sauveur en donna un plus grand encore, car il donna cette preuve d'amour à la fois pour ses amis et pour ses ennemis.

Quelle différence entre cet amour fidèle et les autres formes d'amour faux et inconstant que l'on trouve dans notre pauvre monde! Le flatteur prétend vous aimer parce qu'il fait chez vous de bons repas. Mais si l'adversité amoindrit vos revenus et qu'il ne trouve plus la table mise, alors: adieu! et voilà votre frère le flatteur parti chercher une autre table. Il pourrait même devenir votre ennemi et médire de vous cruellement.

Qui peut être sûr, dans l'adversité, de garder beaucoup de ses amis, quand notre Sauveur lui-même, lorsqu'il fut arrêté, est resté seul, abandonné des siens? Quand vous partez, qui voudra partir avec vous? Seriez-vous roi, votre royaume ne vous laisserait-il pas partir seul pour vous oublier aussitôt? Même votre famille ne vous laisserait-elle pas partir, comme une pauvre âme abandonnée qui ne sait où aller?

Alors, apprenons à aimer en tout temps, comme nous devrions aimer: Dieu par-dessus toute chose, et toutes les autres choses à cause de lui. Car tout amour qui ne se rapporte pas à cette fin, c'est-à-dire à la volonté de Dieu, est un amour tout à fait vain et stérile. Tout amour que nous portons à une créature quelconque et qui affaiblit notre amour envers Dieu est un amour détestable et un obstacle à notre marche vers le ciel. Dans l'amour que vous portez à vos enfants, que votre tendresse ne vous empêche jamais, au cas où Dieu vous le commanderait, d'être prêt à en faire le sacrifice, comme Abraham était prêt à sacrifier son fils Isaac. Et puisque Dieu ne le fera pas, offrez votre enfant au service de Dieu d'une autre façon. Car tout ce que nous aimons et qui nous fait enfreindre un commandement divin, si nous l'aimons plus que Dieu, c'est un amour mortel et condamnable.

Donc, puisque notre Seigneur nous a tant aimés pour notre salut, implorons assidûment sa grâce, de crainte qu'en comparaison de son grand amour, nous soyons convaincus d'ingratitude.

Prière

Dieu tout-puissant, accorde-nous, en ces jours de fête, de célébrer avec ferveur le Christ ressuscité: que le mystère de Pâques dont nous faisons mémoire reste présent dans notre vie et la transforme. Par Jésus Christ.


Ascension du Seigneur B

101 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (
Mc 16,15-20)

Jésus ressuscité dit aux onze Apôtres: "Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé."

Homélie

Une fidélité réciproque

Homélie de saint Augustin (+ 430)

Commentaire sur la Première Épître de Jean, 4,2-3; SC 75, 220-224

Nous croyons en Jésus que nous n'avons pas vu. Ceux qui l'ont vu et qui l'ont touché, qui ont entendu la parole de sa propre bouche, nous l'ont annoncé. Ils ont été envoyés par lui pour persuader le genre humain de la vérité. Ils n'ont pas eu l'audace d'y aller eux-mêmes. Et où ont-ils été envoyés? Vous l'avez entendu, quand on nous a lu l'Évangile: Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création (Mc 16,15). Les disciples ont donc été envoyés partout. On les croyait parce que, confirmés par des signes et des prodiges, ils disaient ce qu'ils avaient vu. Et nous, nous croyons en celui que nous n'avons pas vu, et dont nous attendons le retour. Tous ceux qui l'attendent avec joie se réjouiront alors. Et ceux qui ne croient pas, lorsque viendra ce qu'ils ne voient pas maintenant, seront couverts de honte. <>

Demeurons donc dans ses paroles pour éviter d'être confondus quand il viendra. Car lui-même dit dans l'Évangile à ceux qui avaient cru en lui: Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples. Et comme s'ils avaient demandé pour quel avantage, il ajoute: Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres (Jn 8,31-32). Car, pour le moment, notre salut existe en espérance, pas encore en réalité. Puisque nous ne tenons pas encore ce qui a été promis, nous espérons seulement que cela viendra. Il est fidèle, celui qui a promis, il ne te trompe pas. Mais de ton côté, ne succombe pas, attends la promesse, car la vérité ne peut pas tromper. Et toi, ne sois pas menteur en professant une chose tandis que tu en fais une autre. Garde la foi, et lui gardera sa promesse. Mais si tu ne gardes pas la foi, c'est toi qui es coupable de fraude, non celui qui a promis.

Puisque vous savez que Dieu est juste, reconnaissez aussi que tout homme qui vit selon la justice de Dieu est vraiment né de lui (1Jn 2,29). Actuellement notre justice vient de la foi. La justice parfaite ne se trouve que chez les anges, et même pas chez eux si on les compare à Dieu. Pourtant s'il y a une justice parfaite dans les âmes et les esprits créés par Dieu, c'est bien chez les anges saints, justes et bons que nulle chute n'a fait dévier, qu'aucun orgueil n'a fait tomber, mais qui demeurent toujours dans la contemplation du Verbe de Dieu et qui trouvent leur unique douceur en celui qui les a créés. En eux la justice est parfaite, et en nous, par la foi, elle commence à exister selon l'Esprit.

Prière

Dieu qui élèves le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l'action de grâce, car l'Ascension de ton Fils est déjà notre victoire: nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c'est là que nous vivons en espérance. Par Jésus Christ.


7e dimanche de Pâques B

102 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (
Jn 17,11-19)

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi: "Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes."

Homélie

Qu'ils soient un!

au choix

Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444)

Commentaire sur l'évangile de Jean, 11,9; PG 74, 516-517

Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom, que tu m'as donné en partage (Jn 17,11). Le Christ veut garder ses disciples dans l'unité d'esprit et de volonté, en sorte qu'ils soient comme fondus les uns dans les autres, quant à l'âme et à l'esprit, par le lien de la paix et de l'amour mutuel, qu'ils soient unis par la chaîne infrangible de la charité. Ils progresseront ainsi vers une unité si parfaite que cette union, librement choisie, de leurs volontés soit le reflet de l'unité de nature que nous reconnaissons entre le Père et le Fils.

C'est donc une unité qui ne doit pas être ébranlée par aucun des assauts des forces ou des plaisirs de ce monde, ni être brisée par le désaccord des volontés, mais qui doit plutôt garder intacte la puissance de l'amour dans l'unité du culte et de la sainteté.

Or, c'est bien ce qu'ils firent. Car nous lisons dans les Actes des Apôtres: La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul coeur et une seule âme (Ac 4,32) dans l'unité qui vient de l'Esprit. C'est encore ce que dit saint Paul: Un seul Corps et un seul Esprit (Ep 4,4), car la multitude que nous sommes est un seul corps (1Co 10,17) dans le Christ, car tous nous participons à un même pain, et tous nous avons reçu l'onction d'un même Esprit, celui du Christ.

Donc, puisque les disciples devaient former un seul corps et participer à un seul et même Esprit pour que s'accomplisse l'unité spirituelle, Jésus veut qu'ils réalisent un accord indestructible dans une concorde parfaite.

Si l'on pense que cette unité des disciples est conforme à celle du Père et du Fils, qui n'est pas seulement l'unité de leur nature divine, mais l'unité parfaite de leur volonté, les disciples - il est permis de le croire - n'ont qu'une seule nature sainte et une même volonté. Car il est juste de constater chez les chrétiens une même volonté, bien qu'il n'y ait pas chez nous la même notion de consubstantialité qu'il y a entre le Père et le Verbe de Dieu, lequel procède du Père et demeure en lui.

ou bien

Jésus prie pour les siens

Homélie du bienheureux Guerric d'Igny (+ 1157)

Sermon pour l'Ascension, 1-2, SC 202, 272

Père, quand j'étais avec eux... (Jn 17,11-12). Le Seigneur a prononcé cette prière la veille de sa passion, mais il n'est pas absurde de l'appliquer au jour de l'Ascension, c'est-à-dire au moment où il allait s'éloigner définitivement de ses petits enfants, qu'il recommandait à son Père. Car celui qui dans les cieux a créé la multitude des anges, qui les enseigne et les gouverne, s'était attaché sur la terre un petit troupeau (Lc 12,32) de disciples qu'il formerait par sa présence dans la chair jusqu'à ce que, leur connaissance ayant quelque peu progressé, ils soient devenus capables de recevoir l'enseignement de l'Esprit Saint.

Dans sa grandeur, il aimait ces petits d'un grand amour. En effet, il les avait détachés de l'amour du monde et il voyait que, leur ayant fait abandonner toute espérance d'ici-bas, ses disciples dépendraient uniquement de lui. Cependant, aussi longtemps qu'il voulut vivre avec eux corporellement, il ne leur donna pas facilement de nombreuses marques d'affection, se montrant envers eux plutôt grave que tendre, comme il convenait à un maître et à un père. Mais lorsqu'arriva le moment de les quitter, il sembla comme vaincu par sa tendre affection pour eux, et il ne put leur dissimuler l'immensité de sa douceur, qu'il leur avait cachée jusque-là.

C'est ainsi que, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout (Jn 13,1). Alors, en effet, il répandit sur ses amis presque toute l'immensité de son amour, avant que lui-même se répandît comme de l'eau (Ps 21,15) pour eux. Alors il leur remit le sacrement de son corps et de son sang, et il leur prescrivit de le célébrer. Je ne sais ce qui est plus étonnant, de sa puissance ou de son amour! Pour les consoler de son départ, il inventait ce nouveau mode de présence: ainsi, tout en s'éloignant d'eux quant à la présence visible de son corps, il serait non seulement avec eux, mais aussi en eux par la vertu de ce sacrement. <>

Alors, levant les yeux au ciel, il les recommanda à son Père, en parlant ainsi: Père, quand j'étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom, et aucun ne s'est perdu, sauf celui qui s'en va à sa perte. Maintenant je viens à toi. Garde-les dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné. Je ne te demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais (cf. Jn 17,12-13.11.15). 0

L'ensemble de cette prière tient en trois points, où l'on trouve l'essentiel du salut. Qu'ils soient préservés du mal et sanctifiés dans la vérité, afin qu'ils soient glorifiés avec lui, Jésus. Père, dit-il, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu'ils contemplent ma gloire (Jn 17,24).

Heureux disciples, qui ont pour juge leur avocat en personne, et pour intercesseur celui qu'on doit adorer au même titre que le Père auquel il adresse sa prière. Ce Père avec qui le Christ n'a qu'une seule volonté et une seule puissance, car Dieu est unique (Mc 12,32). Toute prière du Christ doit nécessairement s'accomplir, car sa parole est puissance, et sa volonté efficacité. Pour toutes les choses qui existent, il parla, et ce qu'il dit exista; il commanda, et ce qu'il dit survint (Ps 32,9). Je veux, dit-il, que là où je suis, eux aussi soient avec moi. Quelle sécurité pour ceux qui ont la foi! Car cette sécurité ne fut pas seulement offerte aux Apôtres, et à ceux qui furent disciples en même temps qu'eux, mais à tous ceux qui, par leur parole, croiraient au Verbe de Dieu. Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, dit-il, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi (Jn 17,20).

Prière

Entends notre prière, Seigneur: nous croyons que le Sauveur des hommes est auprès de toi dans la gloire; fais-nous croire aussi qu'il est encore avec nous jusqu'à la fin des temps, comme il nous l'a promis. Lui qui règne.


Pentecôte B

103 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (
Jn 15,26-27 Jn 16,12-15)

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples: "Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d'auprès du Père, lui, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur."

Homélie

au choix L'Esprit Saint, clé de la connaissance

Catéchèse de Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022)

Catéchèses, 33, SC 113, 255-261.

La clé de la connaissance n'est pas autre chose que la grâce du Saint-Esprit. Elle est donnée par la foi. Par l'illumination, elle produit très réellement la connaissance et même la connaissance plénière. Elle ouvre notre esprit enfermé et obscurci, souvent avec des paraboles et des figures, mais aussi avec des affirmations plus claires. <>

Faites donc bien attention au sens spirituel de la parole. Si la clé n'est pas bonne, la porte ne s'ouvre pas. Car, dit le Bon Pasteur, c'est à lui que le portier ouvre (Jn 10,3). Mais si la porte ne s'ouvre pas, personne n'entre dans la maison du Père, car le Christ a dit: Personne ne va vers le Père sans passer par moi (Jn 14,6).

Or, c'est l'Esprit Saint qui, le premier, ouvre notre esprit et nous enseigne ce qui concerne le Père et le Fils. Le Christ nous dit cela aussi: Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur, et il vous guidera vers la vérité tout entière (cf. Jn 15,26; 16,13). Vous voyez comment, par l'Esprit ou plutôt dans l'Esprit, le Père et le Fils, inséparablement, se font connaître. Et Jésus dit encore: Si je ne m'en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous; mais lorsqu'il viendra, lui, il vous rappellera toute chose (Jn 16,7). Et encore: Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur, qui sera toujours avec vous: c'est l'Esprit de vérité (cf. Jn 14,15-17). <>

Si l'on appelle le Saint-Esprit une clé, c'est parce que, par lui et en lui d'abord, nous avons l'esprit éclairé. Une fois purifiés, nous sommes illuminés par la lumière de la connaissance. Nous sommes baptisés d'en haut, nous recevons une nouvelle naissance et devenons enfants de Dieu, comme dit saint Paul: L'Esprit Saint intervient pour nous par des cris inexprimables (Rm 8,26), et encore: Dieu a envoyé en nos coeurs son Esprit qui crie: Abba, Père (cf. Ga4,6)!

C'est donc lui, l'Esprit, qui nous montre la porte, cette porte qui est lumière. Et cette porte nous enseigne que l'habitant de la maison est, lui aussi, lumière inaccessible (cf. 1 Tm6,16).

ou bien

L'Esprit du Seigneur remplit l'univers

Sermon de saint Aelred de Rielvaux (+ 1167)

Sermon sur la septuple voix du Saint-Esprit à la Pentecôte, Sermones inediti, éd. C.H. talbot, Rome, 1952, 1, 112-114.

La solennité de ce jour nous enthousiasme, non seulement parce que nous reconnaissons son importance, mais aussi parce que nous savourons sa douceur. Ce qu'elle met surtout en valeur, c'est l'amour. Or il n'y a pas dans le langage des hommes une parole plus douce à entendre, un sentiment plus délicieux à cultiver. Cet amour n'est rien d'autre que la bonté de Dieu, sa bienveillance, son amour. Ou plutôt, c'est Dieu qui est en personne la bonté, la bienveillance, l'amour. Et cette bonté de Dieu s'identifie à son Esprit, lequel est lui-même Dieu. <>

Et selon le dessein de Dieu, au commencement, l'Esprit de Dieu a rempli l'univers, déployant sa vigueur d'un bout du monde à l'autre et gouvernant toute chose avec douceur (Sg 8,1). Mais, en ce qui concerne son oeuvre de sanctification, c'est à partir de ce jour de Pentecôte et par la suite que l'Esprit du Seigneur a rempli l'univers. Car c'est aujourd'hui que cet Esprit de douce ur est envoyé par le Père et le Fils pour sanctifier toute créature selon un plan nouveau, une manière nouvelle, une manifestation nouvelle de sa puissance et de sa vertu. Certes, auparavant l'Esprit n'avait pas été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (Jn 7,39). <>

Mais aujourd'hui, venant du séjour céleste, l'Esprit s'est donné aux âmes des mortels avec toute sa richesse, toute sa fécondité. Ainsi cette rosée divine s'étendrait sur toute l'étendue de la terre, dans la diversité de ses dons spirituels. Et il est juste que la plénitude de ses richesses ait ruisselé pour nous du haut du ciel, puisque peu de jours auparavant, par la générosité de notre terre, le ciel avait reçu ce fruit d'une merveilleuse douceur. Car notre terre a-t-elle jamais produit rien de plus doux, de plus agréable, de plus délicieux, de plus saint? Oui, la vérité a germé de la terre (Ps 84,12).

Il y a quelques jours, nous avons envoyé en avant-coureur ce que le ciel possédait de plus doux, afin que nous le possédions à notre tour. L'humanité du Christ, c'est toute la grâce de la terre; l'Esprit du Christ, c'est toute la douceur du ciel. Il s'est donc produit une sorte d'échange très salutaire: l'humanité du Christ est montée de la terre au ciel; aujourd'hui, du ciel est descendu vers nous l'Esprit du Christ. <>

Puisque l'Esprit du Christ remplit l'univers, lui qui tient ensemble tous les êtres, il entend toutes les voix (Sg 1,7). C'est partout que l'Esprit Saint agit, c'est partout que l'Esprit prend la parole. Sans doute, avant l'Ascension, l'Esprit du Seigneur fut donné aux disciples, lorsque le Seigneur leur dit: Recevez le Saint-Esprit. Tous ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus (Jn 20,23). Mais en aucune façon, avant la Pentecôte, on n'entendit la voix de l'Esprit Saint, on ne vit briller sa puissance. Et sa connaissance ne parvint pas aux disciples du Christ, qui n'avaient pas été confirmés en courage, puisque la peur les obligeait encore à se cacher dans une salle fermée à clé.

Mais à partir de ce jour, la voix du Seigneur domine les eaux, le Dieu de la gloire déchaîne le tonnerre, la voix du Seigneur brise les cèdres, elle taille des lames de feu, elle épouvante le désert de Cadès, elle ravage les forêts, et tous s'écrient: Gloire! (cf. ps 28,3-9)

Prière

Aujourd'hui, Seigneur, par le mystère de la Pentecôte, tu sanctifies ton Église chez tous les peuples et dans toutes les nations; répands les dons du Saint-Esprit sur l'immensité du monde, et continue dans les coeurs des croyants l'oeuvre d'amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique. Par Jésus Christ.



Solennités du temps ordinaire B

La Sainte Trinité B

104 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (
Mt 28,16-20)

Au temps de Pâques, les onze disciples s'en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent.

Homélie

L'action propre à chaque personne divine

Homélie de Nicolas Cabasilas (+ 1323)

La Vie en Christ, 2, PG 150, 532-533

Bien que la sainte Trinité ait donné le salut au genre humain par un seul et même amour des hommes, la foi nous dit que chacune des personnes divines y apporte sa contribution particulière. Le Père se réconcilia avec nous, le Fils opéra la réconciliation, et le Saint-Esprit fut le don accordé à ceux qui étaient devenus les amis de Dieu. Le Père nous a libérés, le Fils fut la rançon de notre délivrance; quant à l'Esprit, il est la liberté en personne, selon la parole de saint Paul: Là où l'Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté (2Co 3,17). Si le Père nous a créés, le Fils nous a re-créés, et c'est l'Esprit qui fait vivre (Jn 6,63). Car, dans la création initiale, la Trinité s'inscrivait en filigrane. Le Père était le modeleur, le Fils était sa main, l'Esprit Défenseur insufflait la vie. Mais pourquoi parler de cela? Car c'est seulement dans la création nouvelle que nous ont été révélées les distinctions qui existent en Dieu.

En effet, à toutes les époques, Dieu a répandu ses bienfaits sur la création, mais vous n'en trouverez pas un que l'on puisse rapporter au Père seul, au Fils seul, ou à l'Esprit seul. Au contraire, ils sont tous communs à la Trinité, parce que c'est par une seule puissance, une seule providence et une seule activité créatrice qu'elle réalise toute chose.

Dans le plan du salut par lequel elle a restauré notre genre humain en le renouvelant, c'est bien la Trinité tout entière qui a voulu mon salut et qui a prévu comment il se réaliserait. Mais ce n'est pas la Trinité tout entière qui l'a réalisé. Son artisan, ce n'est ni le Père ni le Saint-Esprit, mais le Verbe seul, le Fils unique seul. C'est lui qui a assumé la chair et le sang. C'est lui qui a subi les fouets et la douleur, c'est lui qui est mort et ressuscité. C'est par lui que la nature a reçu une vie nouvelle et que le baptême fut institué comme une naissance nouvelle et une création nouvelle. C'est pourquoi, lorsque l'on baptise, il faut invoquer Dieu en distinguant les personnes: le Père, le Fils, le Saint-Esprit, que cette création nouvelle est seule à nous révéler.

Prière

Dieu notre Père, tu as envoyé dans le monde ta Parole de vérité et ton Esprit de sainteté pour révéler aux hommes ton admirable mystère; donne-nous de professer la vraie foi en reconnaissant la gloire de l'éternelle Trinité, en adorant son Unité toute-puissante. Par Jésus Christ.


Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ B

105 Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (
Mc 14,12-16 Mc 14,22-26)

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent: "Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs de ton repas pascal?"

Homélie

Le mystère de la Pâque nouvelle

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélies sur l'évangile de saint Matthieu, 82, 1, PG 58, 737-739

Pendant le repas, Jésus prit le pain et le rompit (Mt 26,26 passim). Pourquoi célèbre-t-il ce mystère au moment de la Pâque? Afin de vous montrer de toute façon qu'il est le législateur de l'Ancien Testament et que tous les événements de ce jour y étaient préfigurés. Il remplace le symbole figuratif par la vérité. Que cela se soit passé le soir, signifiait la plénitude des temps et la fin prochaine de ce qui concernait le Christ.

Pourquoi rend-il grâce? Pour nous enseigner comment il faut accomplir ce mystère. Pour nous montrer qu'il ne va pas à la Passion malgré lui. Et il nous formait à supporter avec action de grâce ce que nous avons à souffrir, en y puisant même de grandes espérances.

Si le signe figuratif a obtenu la délivrance de l'esclavage, combien plus encore la vérité affranchira-t-elle l'univers et nous sera-t-elle accordée pour le plus grand bien de notre nature! C'est donc pour cela que le Christ ne nous livre pas plus tôt ce mystère, mais seulement lorsque doivent cesser les observances légales. Il abolit alors la principale des fêtes juives, il invite ses disciples à une autre table, autrement digne de crainte. Et il leur dit: Prenez, mangez, ceci est mon corps, rompu pour vous (cf. 1Co 16,24).

Comment n'ont-ils pas été troublés en entendant cela? Parce qu'il leur avait déjà donné de grands et magnifiques enseignements. C'est pourquoi maintenant il n'insiste pas, car ils ont été assez instruits. Mais il leur dit le motif de sa Passion, qui est d'enlever les péchés. Le sang de la nouvelle alliance signifiait le gage de cette Loi nouvelle qu'il avait annoncée. Il avait promis longtemps auparavant que la nouvelle alliance devait être ratifiée par son sang. De même que l'Ancien Testament avait les sacrifices des brebis et des taureaux, de même le Nouveau Testament a le sang du Seigneur. Par là Jésus montre encore qu'il doit mourir. C'est pourquoi il parle de Testament en rappelant le premier, car celui-ci avait été consacré par le sang. Et il parle encore de la cause de sa mort: Ce sang sera répandu pour beaucoup en rémission des péchés. Puis il ajoute: Quand vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi.

Il parle ainsi pour montrer que sa passion et sa croix sont un mystère, et, par là, consoler encore ses disciples. Comme Moïse disait: Ceci sera pour vous un mémorial éternel (cf. Ex 3,15), Jésus dit de même: en mémoire de moi, jusqu'à ce que je vienne (cf. 1Co 11,26). C'est pourquoi il disait aussi: J'ai ardemment désiré manger cette Pâque (Lc 22,15), pour vous donner ces institutions nouvelles et vous laisser une Pâque qui ferait de vous des hommes animés par l'Esprit.

Prière

Seigneur Jésus Christ, dans cet admirable sacrement tu nous as laissé le mémorial de ta Passion; donne-nous de vénérer d'un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de la rédemption. Toi qui règnes.



Homéliaire patristique 99