Pastores gregis FR 25


CHAPITRE III

MAITRE DE LA FOI ET HÉRAUT DE LA PAROLE


« Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle... »

(Mc 16,15)
26 Jésus ressuscité confie à ses Apôtres la mission d'aller dans toutes les nations pour en « faire des disciples », leur apprenant à garder tous les commandements qu'il leur a donnés. À l'Église, communauté des disciples du Seigneur crucifié et ressuscité, est donc confiée solennellement la tâche de prêcher l'Évangile à toute la création. C'est une tâche qui durera jusqu'à la fin des temps. À partir de ce premier commencement, il n'est plus possible désormais de penser à une Église dépourvue d'une telle mission évangélisatrice. L'Apôtre Paul a montré qu'il en était conscient quand il écrivait cette affirmation bien connue: « Annoncer l'Évangile, ce n'est pas là mon motif d'orgueil, c'est une nécessité qui s'impose à moi; malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile » (1Co 9,16).

Si le devoir d'annoncer l'Évangile est le propre de toute l'Église et de chacun de ses fils, il l'est à un titre spécial des Évêques, qui, le jour de leur ordination qui les inscrit dans la succession apostolique, assument comme engagement principal celui de prêcher l'Évangile, « appelant les hommes à la foi dans la force de l'Esprit ou les confirmant dans la foi vivante ».100

L'activité évangélisatrice de l'Évêque, qui vise à amener les hommes à la foi et à les fortifier dans la foi, est une manifestation éminente de sa paternité. Il peut donc redire avec saint Paul: « Vous auriez beau avoir dix mille surveillants pour vous mener dans le Christ, vous n'avez pas plusieurs pères: c'est moi qui, par l'annonce de l'Évangile, vous ai fait naître à la vie du Christ Jésus » (1Co 4,15). Précisément par cette dynamique génératrice de vie nouvelle selon l'Esprit, le ministère épiscopal se manifeste au monde comme signe d'espérance pour les peuples, pour tout homme.

C'est donc très opportunément que les Pères synodaux ont rappelé que l'annonce du Christ a toujours la première place et que l'Évêque est le premier annonciateur de l'Évangile par la parole et par le témoignage de sa vie. Il doit être conscient des défis que comporte l'heure actuelle et avoir le courage de les affronter. Tous les Évêques, en tant que ministres de la vérité, seront fidèles à ce devoir avec force et confiance.101

100 Conc. oecum. Vat. II, Décr. Christus Dominus, n. CD 12; cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 25.
101 Cf. Propositions 14; 15.


Le Christ au coeur de l'Évangile et de l'homme

27 Le thème de l'annonce de l'Évangile a été vraiment prioritaire dans les interventions des Pères synodaux, qui ont affirmé à maintes reprises et sur les modes les plus variés que le centre vivant de l'annonce de l'Évangile est le Christ crucifié et ressuscité pour le salut de tous les hommes.102

En effet, le Christ est le coeur de l'évangélisation, dont le programme « est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste. C'est un programme qui ne change pas avec la variation des temps et des cultures, même s'il tient compte du temps et de la culture pour un dialogue vrai et une communication efficace. Ce programme de toujours est notre programme pour le troisième millénaire ».103

Du Christ, coeur de l'Évangile, partent toutes les autres vérités de la foi et rayonne aussi l'espérance pour tous les hommes. Car le Christ est la lumière qui éclaire tout homme, et quiconque est régénéré en lui reçoit les prémices de l'Esprit qui le rendent capable d'accomplir la loi nouvelle de l'amour.104

C'est pourquoi, en vertu de sa mission apostolique elle-même, l'Évêque est habilité à introduire son peuple au coeur du mystère de la foi, où il pourra rencontrer la personne vivante de Jésus Christ. Les fidèles en arriveront ainsi à comprendre que toute l'expérience chrétienne a sa source et son point de référence indéfectible dans la Pâque de Jésus, vainqueur du péché et de la mort.105

Dans l'annonce de la mort et de la résurrection du Seigneur est comprise « l'annonce prophétique d'un au-delà, vocation profonde et définitive de l'homme à la fois en continuité et en discontinuité avec la situation présente: au-delà du temps et de l'histoire, au-delà de la réalité de ce monde dont la figure passe [...]. L'évangélisation contient donc aussi la prédication de l'espérance dans les promesses faites par Dieu dans la nouvelle alliance en Jésus Christ ».106

102 Cf. Proposition 14.
103 Jean-Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n.
NM 29: AAS 93 (2001), pp. 285-286; La Documentation catholique 98 (2001), p. 78.
104 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. GS 22.
105 Cf. Proposition 15.
106 Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. EN 28: AAS 68 (1976), p. 24; La Documentation catholique 73 (1976), p. 6.


L'Évêque écoute et garde la Parole

28 Dans la ligne tracée par la tradition de l'Église, le Concile Vatican II explique que la mission d'enseignement propre aux Évêques consiste à garder saintement la foi et à l'annoncer courageusement.107

De ce point de vue, le geste prévu par le rite romain de l'Ordination épiscopale se révèle dans toute sa richesse, quand l'évangéliaire ouvert est imposé sur la tête de l'Évêque élu; ce geste veut exprimer, d'une part, que la Parole imprègne et protège le ministère de l'Évêque et, de l'autre, que la vie de ce dernier doit être totalement soumise à la Parole de Dieu en s'adonnant quotidiennement à la prédication de l'Évangile avec le maximum de patience et de doctrine (cf.
2Tm 4). Les Pères synodaux ont souvent rappelé, eux aussi, que l'Évêque est celui qui veille avec amour sur la Parole de Dieu et qui la défend avec courage, témoignant de son message de salut. En effet, le sens dumunus docendi épiscopal découle de la nature même de ce qui doit être conservé, à savoir le dépôt de la foi.

Dans l'Écriture sainte de l'un et de l'autre Testament, et dans la Tradition, le Christ notre Seigneur a confié à son Église le dépôt unique de la Révélation divine, qui est comme le miroir dans lequel elle-même, « dans son pèlerinage sur terre, contemple Dieu, de qui elle reçoit tout, jusqu'à ce qu'elle soit amenée à le voir face à face tel qu'il est ».108 C'est ce qui s'est passé tout au long des siècles jusqu'à nos jours: accueillant la Parole toujours nouvelle et efficace au cours des temps qui se succèdent, les différentes communautés ont écouté docilement la voix de l'Esprit Saint, s'employant à la rendre vivante et agissante dans l'actualité des diverses périodes historiques. De cette façon, la Parole transmise, la Tradition, est devenue toujours plus consciemment Parole de vie et, en même temps, la tâche de l'annoncer et de la conserver s'est progressivement réalisée, sous la conduite et l'assistance de l'Esprit de Vérité, comme transmission ininterrompue de tout ce qu'est l'Église et de tout ce qu'elle croit.109

Cette Tradition, qui tire son origine des Apôtres, progresse dans la vie de l'Église, comme l'a enseigné le Concile Vatican II. De la même manière, la compréhension des choses et des paroles transmises s'accroît et se développe, de sorte que, par le maintien, la mise en pratique et la profession de la foi transmise, s'établit un remarquable accord de sentiments entre les Évêques et les fidèles.110 Dans la recherche de la fidélité à l'Esprit, qui parle à l'intérieur de l'Église, les fidèles et les pasteurs se rencontrent donc et établissent les liens profonds de foi qui sont comme le premier moment du sensus fidei.Il est utile de reprendre à ce sujet les expressions du Concile: « L'ensemble des fidèles, qui ont l'onction qui vient du Saint (cf. 1Jn 2,20 et 27), ne peut faillir dans la foi et manifeste cette qualité qui lui est propre par le moyen du sens surnaturel de la foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque “des Évêques jusqu'aux derniers des fidèles laïcs” il exprime son accord universel en matière de foi et de moeurs ».111

C'est pourquoi la vie de l'Église et la vie dans l'Église sont pour tout Évêque la condition indispensable de l'exercice de sa mission d'enseigner. Un Évêque trouve son identité et sa place au sein de la communauté des disciples du Seigneur, où il a reçu le don de la vie divine et le premier enseignement de la foi. Tout Évêque, spécialement quand de son siège épiscopal il exerce devant l'assemblée des fidèles sa fonction de maître dans l'Église, doit pouvoir redire avec saint Augustin: « À voir la place que nous occupons, nous sommes vos maîtres; mais par rapport à l'unique Maître, nous sommes avec vous condisciples dans la même école ».112 Dans l'Église, école du Dieu vivant, Évêques et fidèles sont tous condisciples et ont tous besoin d'être instruits par l'Esprit.

Les lieux d'où l'Esprit donne son enseignement intérieur sont vraiment nombreux. Tout d'abord le coeur de chacun, puis la vie des diverses Églises particulières, où apparaissent et se font sentir les multiples besoins des personnes et des différentes communautés ecclésiales, par des langages connus, mais aussi par des langages divers et nouveaux.

L'Esprit se fait entendre encore quand il suscite dans l'Église différentes formes de charismes et de services. C'est certainement pour cette raison aussi que bien souvent, dans la Salle du Synode, on a entendu des voix qui exhortaient les Évêques à la rencontre directe et au contact personnel avec les fidèles qui vivent dans les communautés confiées à leur sollicitude pastorale, à l'exemple du Bon Pasteur qui connaît ses brebis et qui les appelle chacune par son nom. En effet, la rencontre fréquente de l'Évêque en tout premier lieu avec ses prêtres, puis avec les diacres, avec les personnes consacrées et leurs communautés, avec les fidèles laïcs, individuellement et en groupes de diverses natures, a une grande importance pour l'exercice d'un ministère efficace au milieu du peuple de Dieu.

107 Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 25; Const. dogm. Dei Verbum, n. DV 10; Code de Droit canonique, can. CIC 747, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 595, § 1.
108 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. DV 7.
109 Cf. ibid., n. DV 8.
110 Cf. ibid., n. DV 10.
111 Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 12.
112 En. in Ps. 126, 3: PL 37, 1669.


Le service authentique et qualifié de la Parole

29 Par l'Ordination épiscopale, chaque Évêque a reçu la mission fondamentale d'annoncer la Parole d'une manière qualifiée. En effet, tout Évêque, en vertu de l'Ordination sacrée, est un docteur authentique qui prêche au peuple qu'on lui a confié la foi à laquelle il doit adhérer et qu'il doit faire passer dans ses moeurs. Cela veut dire que les Évêques sont revêtus de l'autorité même du Christ et c'est pour cette raison fondamentale que « les Évêques, enseignant en communion avec le Pontife romain, doivent être révérés partous comme témoins de la vérité divine et catholique; les fidèles doivent se mettre en accord avec le jugement exprimé par leur Évêque au nom du Christ en matière de foi et de moeurs, et doivent y adhérer avec une religieuse soumission de l'esprit ».113 Dans ce service de la Vérité, tout Évêque est placé face à la communauté, en ce sens qu'il est pour la communauté, vers laquelle il oriente sa sollicitude pastorale et pour laquelle il élève sa prière vers Dieu avec insistance.

Ce qu'il a entendu et reçu du coeur de l'Église, tout Évêque le rend donc à ses frères, dont il doit avoir soin comme le Bon Pasteur. Le sensus fidei atteint en lui sa plénitude. Le Concile Vatican II enseigne en effet que « grâce à ce sens de la foi, suscité et entretenu par l'Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, qui permet, si on le suit fidèlement, d'accueillir non plus une parole humaine, mais véritablement la Parole de Dieu (cf.
1Th 2,13), le peuple de Dieu adhère indéfectiblement à la foi qui a été “transmise aux saints une fois pour toutes” (Jud 3), y pénètre plus profondément par un jugement droit et la met plus pleinement en pratique dans sa vie ».114 C'est donc une parole qui, au sein de la communauté et face à elle, n'est plus simplement parole de l'Évêque comme personne privée, mais parole du Pasteur qui confirme la foi, qui rassemble autour du mystère de Dieu et qui engendre à la vie.

Les fidèles ont besoin de la parole de leur Évêque, ils ont besoin que leur foi soit confirmée et purifiée. Pour sa part, l'Assemblée synodale a souligné ce besoin, mettant en relief certains domaines spécifiques où il est ressenti d'une manière toute particulière. L'un de ces domaines est celui de la première annonce ou kérygme, qui est toujours nécessaire pour susciter l'obéissance de la foi, mais qui est encore plus urgente dans la situation actuelle marquée par l'indifférence et par l'ignorance religieuse de nombreux chrétiens.115 Dans le domaine de la catéchèse également, il est évident que l'Évêque est le catéchiste par excellence. Le rôle incisif de saints et grands Évêques, dont les textes catéchétiques sont aujourd'hui encore consultés avec admiration, encourage à souligner qu'il est du devoir toujours actuel de l'Évêque d'assumer la haute direction de la catéchèse. Dans cette fonction, il ne manquera pas de se référer au Catéchisme de l'Église catholique.

Ce que j'ai écrit dans l'exhortation apostolique Catechesi tradendae est par conséquent toujours valable: « Vous [Évêques] avez une mission particulière dans vos Églises: vous y êtes les tout premiers responsables de la catéchèse ».116 C'est pourquoi il est du devoir de tout Évêque d'assurer dans son Église particulière la priorité effective à une catéchèse active et efficace. Et même il doit personnellement exercer sa sollicitude au moyen d'interventions directes destinées aussi à susciter et à entretenir une authentique passion pour la catéchèse.117

Conscient de sa responsabilité dans le domaine de la transmission de la foi et de l'éducation à la foi, chaque Évêque doit s'employer à ce qu'une semblable sollicitude se trouve chez ceux qui, en raison de leur vocation et de leur mission, sont appelés à transmettre la foi. Il s'agit des prêtres et des diacres, des fidèles de vie consacrée, des pères et mères de famille, des agents pastoraux et d'une façon spéciale des catéchistes, comme aussi des professeurs de théologie et de sciences ecclésiastiques, et des enseignants de religion catholique.118 C'est pourquoi l'Évêque prendra soin de leur formation, initiale et permanente.

Il sera particulièrement utile, également pour répondre à ce devoir, d'entretenir un dialogue ouvert et de collaborer avec les théologiens, auxquels il appartient d'approfondir avec une méthode appropriée l'insondable richesse du mystère du Christ. Les Évêques ne manqueront pas de leur offrir, ainsi qu'aux institutions scolaires et académiques où ils oeuvrent, leurs encouragements et leur soutien, pour qu'ils accomplissent leur travail au service du peuple de Dieu dans la fidélité à la Tradition et en étant attentifs aux faits saillants de l'histoire.119 Là où ce serait nécessaire, les Évêques défendront avec fermeté l'unité et l'intégrité de la foi, jugeant avec autorité ce qui est conforme ou non à la Parole de Dieu.120

Les Pères synodaux ont également attiré l'attention des Évêques sur leur responsabilité magistérielle dans le domaine moral. Les normes que l'Église propose reflètent les commandements divins, dont la synthèse et le couronnement se trouvent dans le commandement évangélique de la charité. La fin à laquelle tend toute norme divine est le plus grand bien de l'homme. La recommandation du Deutéronome a encore toute sa valeur aujourd'hui: « Vous suivrez tout le chemin que le Seigneur votre Dieu vous a tracé, alors vous vivrez, vous aurez bonheur et longue vie » (5,33). En outre, il ne faut pas oublier que les commandements du Décalogue sont fermement enracinés dans la nature même de l'homme et que, par conséquent, les valeurs qu'ils défendent ont une portée universelle. Cela est vrai en particulier pour la vie humaine – qu'il faut défendre de sa conception jusqu'à sa conclusion par la mort naturelle –, la liberté des personnes et des nations, la justice sociale et les structures pour sa mise en oeuvre.121

113 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 25.
114 Ibid., n. LG 12.
115 Cf. Proposition 15.
116 N. CTR 63: AAS 71 (1979), p. 1329; La Documentation catholique 76 (1979), p. 917.
117 Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse (15 août 1997), n. 233:Ench. Vat. 16, n. 1065, pp. 939-941.
118 Cf. Proposition 15.
119 Cf. Proposition 47.
120 Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Donum veritatis (24 mai 1990), n. 19: AAS82 (1990), p.1558; La Documentation catholique 87 (1990), p. 696; Code de Droit canonique, can. CIC 386, § 2; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 196, § 2.
121 Cf. Proposition 16.


Le ministère épiscopal pour l'inculturation de l'Évangile

30 L'évangélisation de la culture et l'inculturation de l'Évangile font partie intégrante de la nouvelle évangélisation et constituent donc une tâche propre de la charge épiscopale. Reprenant à ce sujet quelques-unes de mes précédentes expressions, le Synode a redit: « Une foi qui ne devient pas culture est une foi qui n'est ni pleinement accueillie, ni entièrement méditée, ni fidèlement vécue ».122

Il s'agit en réalité d'une tâche ancienne et toujours nouvelle, qui a son origine dans le mystère même de l'Incarnation et sa raison dans la capacité intrinsèque qu'a l'Évangile de s'enraciner dans toute culture, de la façonner et de la promouvoir, la purifiant et l'ouvrant à la plénitude de vérité et de vie qui s'est réalisée dans le Christ Jésus. Une grande attention a été accordée à ce thème durant les Synodes continentaux, d'où sont sorties de précieuses indications. Je me suis attardé sur lui en maintes circonstances.

C'est pourquoi chaque Évêque, considérant les valeurs culturelles présentes sur le territoire où vit son Église particulière, fera tout son possible pour que l'Évangile soit annoncé dans son intégrité, de telle sorte qu'il façonne le coeur des hommes et les moeurs des peuples. Dans cette entreprise d'évangélisation, il pourra trouver une aide précieuse dans la contribution des théologiens, de même que dans celle des experts chargés de mettre en valeur le patrimoine culturel, artistique et historique du diocèse, patrimoine qui concerne aussi bien l'ancienne que la nouvelle évangélisation et qui constitue un instrument pastoral efficace.123

Pour l'annonce de l'Évangile dans les « nouveaux aréopages » et pour la transmission de la foi, s'avèrent également d'une grande importance les moyens de communication sociale, auxquels se sont intéressés aussi les Pères synodaux, qui ont encouragé les Évêques à une plus grande collaboration entre les Conférences épiscopales, au niveau tant national qu'international, en vue d'une action plus qualifiée dans ce domaine délicat et précieux de la vie sociale.124

En réalité, quand il s'agit de l'annonce de l'Évangile, en plus de son orthodoxie, il est important aussi de se préoccuper de donner à cette annonce un caractère incisif qui en favorise l'écoute et la réception. Cela comporte évidemment l'effort de réserver, spécialement dans les séminaires, un temps adéquat pour former les candidats au sacerdoce à l'usage des moyens de communication sociale, de manière que les évangélisateurs soient de bons proclamateurs et de bons communicateurs.

122 Discours aux participants au Congrès national italien du Mouvement ecclésial d'engagement culturel (16 janvier 1982), n. 2: Insegnamenti V/1, p. 131; L'Oss. Rom., éd. hebd. en langue française, 16 février 1982, p. 10; Proposition 64.
123 Cf. Proposition 65.
124 Cf. Proposition 66.


Prêcher par la parole et par l'exemple

31 Le ministère de l'Évêque comme annonciateur de l'Évangile et gardien de la foi dans le peuple de Dieu ne serait pas complètement décrit s'il l'on ne mentionnait pas le devoir de la cohérence personnelle: son enseignement est prolongé par le témoignage et par l'exemple d'une authentique vie de foi. Si l'Évêque, qui enseigne avec une autorité s'exerçant au nom de Jésus Christ125 la Parole écoutée dans la communauté, ne vivait pas ce qu'il a enseigné, il donnerait à la communauté elle-même un message contradictoire.

Ainsi il apparaît clairement que toutes les activités de l'Évêque doivent avoir pour fin la proclamation de l'Évangile, « puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant » (
Rm 1,16). Sa tâche essentielle est d'aider le peuple de Dieu à réserver à la parole de la Révélation l'obéissance de la foi (cf. Rm 1,5) et à adhérer intégralement à l'enseignement du Christ. On pourrait dire que, dans l'Évêque, la mission et la vie s'unissent d'une manière telle que l'on ne peut plus penser à elles comme à deux choses distinctes: nous, Évêques, nous sommes notre mission. Si nous ne l'accomplissions pas, nous ne serions plus nous-mêmes. C'est dans le témoignage de notre foi que notre vie devient un signe visible de la présence du Christ dans nos communautés.

Le témoignage de la vie devient pour un Évêque comme un nouveau titre d'autorité, qui s'ajoute au titre objectif reçu par la consécration. Ainsi l'autorité juridique est appuyée par l'autorité morale. Toutes les deux sont nécessaires. De la première, en effet, découle l'exigence objective de l'adhésion des fidèles à l'enseignement authentique de l'Évêque; la seconde les aide à placer leur confiance dans le message. Il me plaît de reprendre à ce sujet ce qu'écrivait un grand Évêque de l'Église antique, saint Hilaire de Poitiers: « Le bienheureux Apôtre Paul, traçant le portrait idéal d'un futur Évêque, créant véritablement par ses directives un office nouveau pour l'Église, a enseigné dans ces termes ce qui est comme le résumé des vertus rassemblées en cet homme: “Qu'il ait toujours une parole conforme à l'enseignement de la foi, afin d'être capable d'exhorter selon la saine doctrine et de confondre les contradicteurs”. [...] Car on ne fait pas d'un coup un prêtre bon et utile [...] puisqu'un honnête homme ne fait profit que pour lui-même s'il n'est pas savant et un savant manque d'autorité dans son enseignement s'il n'est pas honnête ».126

C'est toujours l'Apôtre Paul qui fixe la conduite à suivre par ces paroles: « Toi-même, sois un modèle dans ta façon de bien agir: par le sérieux et la pureté de ton enseignement, par la solidité inattaquable de ta parole, pour la plus grande confusion de l'adversaire qui ne trouvera aucune critique à faire sur nous » (Tt 2,7-8).

125 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. DV 10.
126 Traité sur la Trinité, VIII, 1: PL 10, 236; SCh 448 (2000), p. 373.




CHAPITRE IV

MINISTRE DE LA GRÂCE DU SACERDOCE SUPRÊME


« Sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints »

(1Co 1,2)
32 Tandis que je m'apprête à traiter de l'une des premières et fondamentales fonctions de l'Évêque, le ministère de la sanctification, je pense aux paroles que l'Apôtre Paul adressait aux fidèles de Corinthe, comme pour leur mettre sous les yeux le mystère de leur vocation: « À ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de Jésus Christ, notre Seigneur » (1Co 1,2). La sanctification du chrétien se réalise dans l'eau du Baptême, elle est affermie par les sacrements de la Confirmation et de la Réconciliation, et elle est nourrie par l'Eucharistie, le bien le plus précieux de l'Église, le sacrement par lequel l'Église est constamment édifiée comme peuple de Dieu, corps du Christ et temple de l'Esprit Saint.127

L'Évêque est le ministre, surtout au moyen de la sainte Liturgie, de cette sanctification qui se répand dans la vie de l'Église. De la Liturgie, spécialement de la Célébration eucharistique, il est dit qu'elle est le sommet et la source de la vie de l'Église.128 Cette affirmation trouve en quelque sorte un écho dans le ministère liturgique de l'Évêque, qui se présente comme le moment central de son activité visant à la sanctification du peuple de Dieu.

De là apparaît clairement l'importance de la vie liturgique dans l'Église particulière, où l'Évêque exerce son ministère de sanctification en proclamant et en prêchant la parole de Dieu, en guidant la prière pour son peuple et avec son peuple, en présidant la célébration des sacrements. C'est pour cette raison que la constitution dogmatique Lumen gentium attribue à l'Évêque un beau titre, tiré de la prière de consécration épiscopale dans le rite byzantin, celui de « dispensateur de la grâce du sacerdoce suprême, surtout dans l'Eucharistie, qu'il offre lui-même ou qu'il fait offrir, et qui fait que l'Église vit et grandit sans cesse ».129

Entre le ministère de la sanctification et les deux autres, celui de la parole et celui du gouvernement, il existe un lien profond de corrélation. La prédication est en effet ordonnée à la participation à la vie divine, puisée à la double table de la Parole et de l'Eucharistie. Cette vie divine se développe et se manifeste dans l'existence quotidienne des fidèles, car tous sont appelés à exprimer dans leur comportement ce qu'ils ont reçu dans la foi.130 Le ministère de gouvernement, comme celui de Jésus Bon Pasteur, s'exprime dans des fonctions et des oeuvres visant à faire apparaître dans la communauté des fidèles la plénitude de vie dans la charité, à la gloire de la sainte Trinité et en témoignage de sa présence prévenante dans le monde.

En conséquence, tout Évêque, tandis qu'il exerce le ministère de la sanctification (munus sanctificandi), met en oeuvre ce que vise le ministère de l'enseignement (munus docendi)et en même temps puise la grâce pour son ministère de gouvernement (munus regendi), modelant son comportement sur celui du Christ Grand Prêtre, de manière que tout soit ordonné à l'édification de l'Église et à la gloire de la Trinité sainte.

127 Cf. Jean-Paul II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), nn. EE 22-24: AAS 95 (2003), pp. 448-449; La Documentation catholique 100 (2003), pp. 376-377.
128 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. SC 10.
129 N. LG 26.
130 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. SC 10.


Source et sommet de la vie de l'Église particulière

33 L'Évêque exerce le ministère de la sanctification par la célébration de l'Eucharistie et des autres sacrements, la louange divine de la Liturgie des Heures, la présidence des autres rites sacrés et aussi par la promotion de la vie liturgique et de la piété populaire authentique. Parmi toutes les célébrations présidées par l'Évêque, celles qui font apparaître la particularité du ministère épiscopal comme plénitude du sacerdoce ont une importance spéciale. Il s'agit notamment de l'administration du sacrement de la Confirmation, des Ordinations sacrées, de la Célébration solennelle de l'Eucharistie où l'Évêque est entouré de son presbytérium et des autres ministres – par exemple dans la liturgie de la Messe chrismale –, de la consécration des églises et des autels, de la consécration des vierges et d'autres rites importants pour la vie de l'Église particulière. Dans ces célébrations, l'Évêque se présente d'une manière visible comme le père et le pasteur des fidèles, le « grand prêtre » de son peuple (cf. He 10,21), le priant et le maître de la prière, qui intercède pour ses frères et qui, avec le peuple lui-même, implore et remercie le Seigneur, mettant en relief la primauté de Dieu et de sa gloire.

En ces divers moments jaillit comme d'une source la grâce divine, qui imprègne toute la vie des fils de Dieu au cours de leur marche terrestre, l'orientant vers son sommet et sa plénitude dans la patrie bienheureuse. C'est pourquoi le ministère de la sanctification est un moment fondamental pour la promotion de l'espérance chrétienne. Non seulement l'Évêque annonce par la prédication de la Parole les promesses de Dieu et trace les chemins de l'avenir, mais il encourage le peuple de Dieu dans son pèlerinage terrestre et, à travers la célébration des Sacrements, gage de la gloire future, il lui fait goûter par avance sa destinée finale, en communion avec la Vierge Marie et les saints, dans la certitude inébranlable de la victoire définitive du Christ sur le péché et sur la mort, et de sa venue dans la gloire.



L'importance de l'église cathédrale


34 Bien que le ministère de sanctification soit exercé par l'Évêque dans tout le diocèse, son centre est l'église cathédrale, qui est comme l'église-mère et le point de convergence de l'Église particulière.

La cathédrale est en effet le lieu où l'Évêque a son Siège, du haut duquel il instruit le peuple et le fait grandir par la prédication, et où il préside les principales célébrations de l'année liturgique et des sacrements. Quand il est assis sur son Siège, précisément, l'Évêque se manifeste à l'assemblée des fidèles comme celui qui préside in loco Dei Patris; et c'est pourquoi, comme je l'ai déjà rappelé, selon une très ancienne tradition propre à l'Orient comme à l'Occident, seul l'Évêque peut s'asseoir sur le Siège épiscopal. Et justement, la présence de ce Siège fait de l'église cathédrale le centre spatial et spirituel d'unité et de communion pour le presbytérium diocésain et pour tout le peuple saint de Dieu.

On ne peut oublier à ce sujet l'enseignement du Concile Vatican II sur l'estime la plus haute que tous doivent avoir pour « la vie liturgique du diocèse autour de l'Évêque, surtout dans l'église cathédrale, étant convaincus que la principale manifestation de l'Église réside dans la participation plénière et active de tout le saint peuple de Dieu aux mêmes célébrations liturgiques, surtout à la même Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l'autel unique où préside l'Évêque entouré de son presbytérium et de ses ministres ».131 Dans la cathédrale, où a lieu le moment le plus fort de la vie de l'Église, s'accomplit donc aussi l'acte le plus élevé et le plus sacré du munus sanctificandi de l'Évêque, qui comporte en même temps, comme la liturgie elle-même qu'il préside, la sanctification des personnes ainsi que le culte et la gloire de Dieu.

Certaines célébrations particulières constituent des circonstances spéciales pour cette manifestation du mystère de l'Église. Parmi elles, je rappelle la liturgie annuelle de la Messe chrismale, qui doit être considérée comme « l'une des principales manifestations de la plénitude du sacerdoce de l'Évêque et un signe de l'union étroite des prêtres avec lui ».132 Pendant cette célébration, en même temps que l'Huile des malades et l'Huile des catéchumènes, est béni le saint Chrême, signe sacramentel de salut et de vie parfaite pour tous ceux qui sont renés de l'eau et de l'Esprit Saint. Parmi les liturgies les plus solennelles, il faut compter bien sûr celles qui concernent l'administration des Ordres sacrés: le lieu propre et normal de ces rites est l'église cathédrale.133 À cela s'ajoutent d'autres circonstances comme l'anniversaire de la consécration de la cathédrale et la fête des saints Patrons du diocèse.

Ces occasions, et d'autres selon le calendrier liturgique de chaque diocèse, sont des circonstances précieuses pour resserrer les liens de communion avec les prêtres, les personnes consacrées, les fidèles laïcs, et pour stimuler l'ardeur de la mission chez tous les membres de l'Église particulière. C'est pourquoi le Cérémonial des Évêques met en lumière l'importance de l'église cathédrale et des célébrations qui s'y déroulent, pour le bien et l'exemple de toute l'Église particulière.134

131 Ibid., n.
SC 41.
132 Pontifical romain, Bénédiction des huiles, Préliminaires, n. 1.
133 Cf. ibid., Ordination de l'Évêque, des prêtres et des diacres, Préliminaires, nn. 21, 120, 202.
134 Cf. nn. 42-54.



Pastores gregis FR 25