Pastores gregis FR 35

L'Évêque, responsable de la liturgie comme pédagogie de la foi

35Les Pères synodaux ont voulu attirer l'attention, dans les circonstances actuelles, sur l'importance du ministère de la sanctification qui s'exerce dans la liturgie, celle-ci devant se dérouler de manière à exercer son efficacité didactique et éducative.135 Cela exige que les célébrations liturgiques soient vraiment des épiphanies du mystère. Elles devront pour cela exprimer clairement la nature du culte divin, reflétant le sens authentique de l'Église qui prie et qui célèbre les mystères divins. S'il y a une participation convenable de tous, selon les différents ministères, aux célébrations, celles-ci ne manqueront pas de resplendir par leur dignité et leur beauté.

Moi-même, dans l'exercice de mon ministère, j'ai voulu donner une priorité aux célébrations liturgiques, aussi bien à Rome que durant mes voyages apostoliques dans les divers continents et pays. Faisant resplendir la beauté et la dignité de la liturgie chrétienne dans toutes ses expressions, j'ai voulu promouvoir le sens authentique de la sanctification du nom de Dieu, afin d'éduquer le sentiment religieux des fidèles et de l'ouvrir à la transcendance.

J'exhorte donc mes frères Évêques, en tant que maîtres de la foi et participants du sacerdoce suprême du Christ, à s'employer de toutes leurs forces à la promotion authentique de la liturgie. Celle-ci exige que, dans la manière de célébrer, on annonce clairement la vérité révélée, que l'on transmette fidèlement la vie divine, que l'on exprime sans ambiguïté la nature réelle de l'Église. Que tous soient conscients de l'importance des célébrations des mystères de la foi catholique. La vérité de la foi et de la vie chrétienne ne se transmet pas seulement par les paroles, mais aussi par les signes sacramentels et par l'ensemble des rites liturgiques. On connaît bien à ce sujet le vieux dicton qui lie étroitement la lex credendi à la lex orandi.136

Que chaque Évêque soit donc un exemple dans l'art de présider, conscient de tractare mysteria.Qu'il ait aussi une profonde vie théologale, qui inspirera son comportement dans tous ses contacts avec le peuple saint de Dieu. Qu'il soit capable de transmettre le sens surnaturel des paroles, des prières et des rites, de façon à entraîner tous les fidèles dans la participation aux saints mystères. En outre, l'Évêque, grâce à une promotion concrète et appropriée de la pastorale liturgique dans le diocèse, doit faire en sorte que les ministres et le peuple acquièrent une compréhension et une expérience authentiques de la liturgie, de façon à amener les fidèles à cette participation pleine, consciente, active et fructueuse aux saints mystères qui a été souhaitée par le Concile Vatican II.137

Ainsi les célébrations liturgiques, spécialement celles qui sont présidées par l'Évêque dans sa cathédrale, seront des proclamations lumineuses de la foi de l'Église, des moments privilégiés où le Pasteur présente le mystère du Christ aux fidèles et les aide à y entrer progressivement pour en faire une joyeuse expérience, dont ils témoigneront ensuite dans les oeuvres de charité (cf.
Ga 5,6).

Vu l'importance de la transmission correcte de la foi dans la sainte liturgie de l'Église, l'Évêque ne manquera pas de veiller avec soin, pour le bien des fidèles, à ce que soient toujours observées, par tous et partout, les normes liturgiques en vigueur. Cela suppose entre autres que l'on corrige de façon ferme et en temps voulu les abus et que l'on élimine l'arbitraire dans le domaine liturgique. L'Évêque lui-même sera attentif aussi, dans la mesure où cela dépend de lui, ou en collaboration avec les Conférences épiscopales et les Commissions liturgiques compétentes, à ce que la dignité et la vérité mêmes des actions liturgiques soient respectées dans les transmissions par radio et télévision.

135 Cf. Proposition 17.
136 « Legem credendi lex statuat supplicandi »: S. Célestin, Ad Galliarum episcopos : PL 45, 1759.
137 Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, nn. SC 11 SC 14.


La place centrale du Jour du Seigneur et de l'année liturgique

36 La vie et le ministère de l'Évêque doivent être comme imprégnés de la présence du Seigneur dans son mystère. En effet, promouvoir dans le diocèse la conviction de la place centrale de la liturgie, sur les plans spirituel, catéchétique et pastoral, dépend en grande partie de l'exemple donné par l'Évêque.

Au centre de ce ministère, il y a la célébration du mystère pascal du Christ au Jour du Seigneur ou dimanche. Comme je l'ai répété à maintes reprises, même récemment, pour donner un signe fort de l'identité chrétienne à notre époque, il faut redonner une place centrale à la célébration du Jour du Seigneur et, en lui, à la célébration de l'Eucharistie. Le dimanche est un jour qui doit être ressenti comme « un jour particulier de la foi, jour du Seigneur ressuscité et du don de l'Esprit, vraie Pâque hebdomadaire ».138

Le dimanche, qui est aussi Jour de l'Église, la présence de l'Évêque présidant l'Eucharistie dans sa cathédrale ou dans les églises du diocèse peut être un signe exemplaire de fidélité au mystère de la Résurrection et un motif d'espérance pour le peuple de Dieu dans son pèlerinage, de dimanche en dimanche, jusqu'au huitième jour sans déclin de la Pâque éternelle.139

Au cours de l'année liturgique, l'Église revit l'ensemble du mystère du Christ, de l'Incarnation et de la Nativité du Seigneur jusqu'à l'Ascension, au jour de la Pentecôte et à l'attente dans l'espérance du retour glorieux du Seigneur.140 Naturellement, l'Évêque réservera une attention particulière à la préparation et à la célébration du Triduum pascal, coeur de toute l'année liturgique, avec la veillée solennelle de Pâques et son prolongement durant les cinquante jours du temps pascal.

Avec sa cadence cyclique, l'année liturgique peut être avantageusement utilisée pour un programme pastoral de la vie du diocèse autour du mystère du Christ, dans l'attente de sa venue dans la gloire. Dans ce parcours de foi, l'Église est soutenue par la mémoire de la Vierge Marie qui, « déjà glorifiée corps et âme, [...] brille comme un signe d'espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en marche ».141 C'est une espérance qui se nourrit aussi de la mémoire des martyrs et des autres saints « qui, parvenus à la perfection par la grâce multiforme de Dieu et déjà entrés en possession du salut éternel, sont au ciel où ils chantent à Dieu une louange parfaite et intercèdent pour nous ».142

138 Jean-Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n.
NM 35: AAS 93 (2001), p. 291; La Documentation catholique 98 (2001), p. 80.
139 Cf. Proposition 17.
140 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. SC 102.
141 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 68.
142 Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. SC 104.


L'Évêque, ministre de la Célébration eucharistique

37 Au coeur du munus sanctificandi de l'Évêque, il y a l'Eucharistie, qu'il offre lui-même ou fait offrir, et dans laquelle se manifeste spécialement sa fonction de « dispensateur » ou ministre de la grâce du sacerdoce suprême.143

C'est surtout en présidant l'assemblée eucharistique que l'Évêque contribue à l'édification de l'Église, mystère de communion et de mission. L'Eucharistie est en effet le principe essentiel de la vie non seulement des simples fidèles mais de la communauté elle-même dans le Christ. Rassemblés par la prédication de l'Évangile, les fidèles forment des communautés dans lesquelles l'Église du Christ est vraiment présente, et cela est manifesté avec une particulière évidence dans la célébration du Sacrifice eucharistique.144 On connaît l'enseignement du Concile à ce sujet: « Dans toute communauté de l'autel, rassemblée sous le ministère sacré de l'Évêque, est manifesté le symbole de la charité et de “l'unité du Corps mystique, en dehors de laquelle il ne peut y avoir de salut” (cf. S. Thomas d'Aquin, S. Th.,
III 73,3).

Dans ces communautés, même si souvent elles sont petites et pauvres, ou vivent dans la dispersion, est présent le Christ, par la vertu duquel l'Église une, sainte, catholique et apostolique, s'assemble. Car “la participation au corps et au sang du Christ n'a pas d'autre effet que de nous faire passer en cela que nous recevons” ».145

Et de la célébration eucharistique, qui est « la source et le sommet de toute l'évangélisation »,146 découle aussi tout l'engagement missionnaire de l'Église, en vue de manifester à d'autres, par le témoignage de la vie, le mystère vécu dans la foi.

Parmi toutes les tâches du ministère pastoral de l'Évêque, la charge de la célébration de l'Eucharistie est la plus pressante et la plus importante. Il lui revient aussi, comme l'une de ses tâches principales, de veiller à ce que les fidèles aient la possibilité d'accéder à la table du Seigneur, surtout le dimanche, qui, comme je viens de le rappeler, est le jour où l'Église, communauté et famille des Fils de Dieu, prend conscience de son identité chrétienne particulière autour de ses prêtres.147

Toutefois, il arrive que dans certaines régions, soit en raison du manque de prêtres, soit pour d'autres motifs graves et persistants, on ne puisse pas pourvoir à la célébration eucharistique de manière habituelle. Cela renforce le devoir de l'Évêque, en tant que père de famille et ministre de la grâce, d'être toujours attentif à discerner les besoins effectifs et la gravité des situations. Il conviendra de procéder à une sage distribution des membres du presbytérium de manière que, même devant des urgences semblables, les communautés ne restent pas trop longtemps privées de la célébration eucharistique.

Lorsqu'il n'y a pas de Messe, l'Évêque fera en sorte que la communauté, tout en restant toujours en attente de la plénitude de la rencontre avec le Christ dans la célébration du Mystère pascal, puisse compter, au moins les dimanches et les fêtes, sur une célébration spéciale. Dans ce cas, les fidèles, sous la présidence de ministres responsables, pourront bénéficier du don de la Parole proclamée et de la communion à l'Eucharistie, grâce aux célébrations prévues d'assemblées dominicales en l'absence de prêtre.148

143 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 26.
144 Cf. Jean-Paul II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. EE 21: AAS 95 (2003), pp. 447-448; La Documentation catholique 100 (2003), p. 375-376.
145 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 26.
146 Conc. oecum. Vat. II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, n. PO 5.
147 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 28; Jean-Paul II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), nn. EE 41-42: AAS 95 (2003), pp. 460-461; La Documentation catholique 100 (2003), pp. 382-383.
148 Cf. Instruction interdicastérielle sur quelques questions concernant la collaboration des laïcs au ministère des prêtres Ecclesiae de mysterio (15 août 1997), « Dispositions pratiques », art. 7: AAS89 (1997), pp. 869-870; La Documentation catholique 94 (1997), p. 1016.


L'Évêque, responsable de l'initiation chrétienne

38 Dans les circonstances actuelles que vivent l'Église et le monde, dans les Églises jeunes comme dans les pays ou le christianisme est établi depuis des siècles, le retour de la grande tradition de la discipline de l'initiation chrétienne, surtout pour les adultes, s'avère providentiel. Ce fut là une disposition prévoyante du Concile Vatican II,149 qui a voulu ainsi offrir un chemin de rencontre avec le Christ et avec l'Église à beaucoup d'hommes et de femmes, touchés par la grâce de l'Esprit et désireux d'entrer en communion avec le mystère du salut dans le Christ, mort et ressuscité pour nous.

Grâce au cheminement de l'initiation chrétienne, les catéchumènes sont progressivement introduits dans la connaissance du mystère du Christ et de l'Église, par analogie avec l'origine, le développement et la croissance de la vie naturelle. En effet, les fidèles, renés par le Baptême et rendus participants du sacerdoce royal, sont fortifiés par la Confirmation, dont l'Évêque est le ministre originaire, et ils reçoivent ainsi une effusion spéciale des dons de l'Esprit. Participant ensuite à l'Eucharistie, ils sont nourris du pain de la vie éternelle et ils sont pleinement insérés dans l'Église, Corps mystique du Christ. De cette manière, les fidèles, « par ces sacrements de l'initiation chrétienne, reçoivent toujours davantage les richesses de la vie divine et s'avancent vers la perfection de la charité ».150

Compte tenu des circonstances actuelles, les Évêques mettront en oeuvre les prescriptions du Rite de l'initiation chrétienne des adultes. Ils auront donc à coeur de faire en sorte que, dans chaque diocèse, il y ait les structures et les agents pastoraux nécessaires pour assurer de la manière la plus digne et la plus efficace la mise en pratique des dispositions et de la discipline liturgique, catéchétique et pastorale de l'initiation chrétienne, adaptée aux nécessités du temps présent.

En raison de sa nature même d'insertion progressive dans le mystère du Christ et de l'Église, mystère qui vit et qui est agissant dans chaque Église particulière, le parcours de l'initiation chrétienne requiert la présence et le ministère de l'Évêque diocésain, tout spécialement dans l'étape culminante de la démarche, lors de l'administration des sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l'Eucharistie, qui a lieu normalement au cours de la Veillée pascale.

Il revient aussi à l'Évêque de réglementer, selon les lois de l'Église, ce qui concerne l'initiation chrétienne des petits enfants et des enfants en âge scolaire, établissant ce qui concerne la préparation catéchétique qui convient et leur engagement progressif dans la vie de la communauté. Il devra aussi veiller à ce que les éventuels parcours de catéchuménat, ou de reprise et de renforcement des démarches de l'initiation chrétienne, ou d'approche des fidèles qui se sont éloignés de la vie de foi normale et communautaire, se déroulent selon les normes de l'Église et en pleine harmonie avec la vie des communautés paroissiales du diocèse.

Enfin, pour ce qui concerne le sacrement de la Confirmation, l'Évêque, qui en est le ministre originaire, prendra soin de le conférer normalement lui-même. Sa présence dans la communauté paroissiale, où se trouvent les fonts baptismaux et la Table eucharistique, et qui est donc le lieu naturel et ordinaire de la démarche de l'initiation chrétienne, rappelle efficacement le mystère de la Pentecôte et se révèle extrêmement utile pour resserrer les liens de la communion ecclésiale entre pasteur et fidèles.

149 Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, n.
SC 64.
150 Paul VI, Const. apost. Divinae consortium naturae (15 août 1971): AAS 63 (1971), p. 657; La Documentation catholique 68 (1971), p. 852.


La responsabilité de l'Évêque dans la discipline de la pénitence

39 Dans leurs interventions, les Pères synodaux ont accordé une attention particulière à la discipline de la pénitence, insistant sur son importance et rappelant le soin spécial que les Évêques doivent attacher, en tant que successeurs des Apôtres, à la pastorale et à la discipline du sacrement de la Pénitence. C'est avec joie que je les ai entendus réaffirmer ce qui constitue ma conviction profonde, à savoir qu'il faut accorder le plus grand soin pastoral à ce sacrement de l'Église, source de réconciliation, de paix et de joie pour nous tous qui avons besoin de la miséricorde du Seigneur et de la guérison des blessures du péché.

À l'Évêque, en tant que premier responsable de la discipline pénitentielle dans son Église particulière, revient avant tout la tâche de l'invitation kérygmatique à la conversion et à la pénitence. Il est de son devoir de proclamer en toute liberté évangélique la triste et destructrice présence du péché dans la vie des hommes et dans l'histoire des communautés. En même temps, il doit annoncer le mystère insondable de la miséricorde que Dieu nous a prodiguée sur la Croix et dans la Résurrection de son Fils, Jésus Christ, ainsi que par l'effusion de l'Esprit pour la rémission des péchés. Cette annonce, qui est aussi une invitation à la réconciliation et un appel à l'espérance, se trouve au coeur de l'Évangile. C'est la première annonce des Apôtres au jour de la Pentecôte, annonce dans laquelle se révèle le sens même de la grâce du salut, communiquée par les sacrements.

L'Évêque sera, sous les formes opportunes, un ministre exemplaire du sacrement de la Pénitence, et lui-même y recourra assidûment et fidèlement. Il ne cessera d'exhorter ses prêtres à tenir en grande estime le ministère de la Réconciliation, reçu dans l'ordination sacerdotale, les encourageant à l'exercer avec générosité et un sens surnaturel, imitant le Père, Lui qui accueille ceux qui reviennent à la maison paternelle, et le Christ, Bon Pasteur, qui porte sur ses épaules la brebis perdue.151

La responsabilité de l'Évêque s'étend aussi au devoir de veiller à ce que le recours à l'absolution collective ne se fasse pas hors des normes du droit. À ce sujet, dans le Motu proprioMisericordia Dei, j'ai souligné que les Évêques ont le devoir de rappeler la discipline en vigueur, selon laquelle la confession individuelle et intégrale, et l'absolution, constituent l'unique manière ordinaire par laquelle le fidèle, conscient d'un péché grave, est réconcilié avec Dieu et avec l'Église. Seule une impossibilité physique ou morale dispense de cette voie ordinaire, auquel cas la réconciliation pourra être obtenue selon d'autres modes. L'Évêque ne manquera pas de rappeler à tous ceux qui, en raison de leur office, ont charge d'âme, le devoir d'offrir aux fidèles la possibilité de recourir à la confession individuelle.152 Il aura soin aussi de vérifier que, de fait, soient données aux fidèles les plus grandes facilités pour pouvoir se confesser.

Considérant à la lumière de la Tradition et du Magistère de l'Église le lien profond qui existe entre le sacrement de la Réconciliation et la participation à l'Eucharistie, il est aujourd'hui de plus en plus nécessaire de former la conscience des fidèles pour que ceux-ci participent dignement et d'une manière fructueuse au Banquet eucharistique, s'en approchant en état de grâce.153

Il est utile en outre de rappeler qu'appartient par ailleurs à l'Évêque la tâche d'établir, de manière convenable et par un choix avisé de ministres idoines, la discipline qui concerne l'exercice des exorcismes et les célébrations de prière pour obtenir des guérisons, dans le respect des récents documents du Saint-Siège.154

151 Cf. Proposition 18.
152 Cf. Motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002), n. 1: AAS 94 (2002), pp. 453-454; La Documentation catholique 99 (2002), p. 453.
153 Cf. Proposition 18.
154 Cf. Rituel Romain, Rite des exorcismes (22 novembre 1998), Cité du Vatican 1999; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. sur les prières pour obtenir de Dieu la guérisonArdens felicitatis (14 septembre 2000): L'Oss. Rom., 24 novembre 2000, p. 6; La Documentation catholique 97 (2000), pp.1061-1066.


L'attention à l'égard de la piété populaire

40 Les Pères synodaux ont rappelé l'importance que revêt la piété populaire dans la transmission et dans le développement de la foi. En effet, comme l'a dit mon prédécesseur Paul VI, elle est riche de valeurs pour les relations avec Dieu et avec nos frères,155 de manière à constituer un véritable trésor de spiritualité pour la vie des communautés chrétiennes.

Dans notre temps aussi, où l'on note une soif diffuse de spiritualité, qui porte souvent de nombreuses personnes à adhérer à des sectes religieuses ou à d'autres formes de vague spiritualisme, les Évêques sont appelés à discerner et à favoriser les valeurs et les formes de la vraie piété populaire.

Ce qui a été écrit dans l'Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi demeure toujours actuel: « La charité pastorale doit dicter, à tous ceux que le Seigneur a placés comme chefs de communautés ecclésiales, les normes de conduite à l'égard de cette réalité, à la fois si riche et si menacée. Avant tout, il faut y être sensible, savoir percevoir ses dimensions intérieures et ses valeurs indéniables, être disposé à l'aider à dépasser ses risques de déviation. Bien orientée, cette religiosité populaire peut être de plus en plus, pour nos masses populaires, une vraie rencontre avec Dieu en Jésus Christ ».156

Il convient donc d'orienter cette religiosité, purifiant, le cas échéant, ses formes d'expression selon les principes de la foi et de la vie chrétiennes. Grâce à la piété populaire, les fidèles doivent être conduits à la rencontre personnelle avec le Christ, à la communion avec la Bienheureuse Vierge Marie et avec les Saints, spécialement par l'écoute de la Parole de Dieu, par le recours à la prière, par la participation à la vie sacramentelle, par le témoignage de la charité et par les oeuvres de miséricorde.157

Pour une plus ample réflexion sur cette question, et pour un précieux ensemble de suggestions théologiques, pastorales et spirituelles, il m'est agréable de renvoyer aux documents émanant du Siège apostolique, où il est rappelé que toutes les manifestations de la piété populaire sont, dans le diocèse, sous la responsabilité de l'Évêque. Il lui revient de les réglementer, de les encourager dans leur fonction d'aide aux fidèles pour la vie chrétienne, de les purifier lorsque c'est nécessaire et de les évangéliser.158

155 Cf. Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n.
EN 48: AAS 68 (1976), pp. 37-38;La Documentation catholique 73 (1976), p. 10.
156 Ibid. EN 48
157 Cf. proposition 19.
158 Cf. Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie (17 décembre 2001), n. 21: Paris 2003, pp. 32-33.


La promotion de la sainteté pour tous les fidèles

41 La sainteté du peuple de Dieu, à laquelle est ordonné le ministère de sanctification de l'Évêque, est un don de la grâce divine et une manifestation de la primauté de Dieu dans la vie de l'Église. C'est pourquoi, dans son ministère, l'Évêque doit promouvoir inlassablement une véritable pastorale et une réelle pédagogie de la sainteté, de manière à réaliser le programme proposé par le cinquième chapitre de la Constitution Lumen gentium concernant la vocation universelle à la sainteté.

J'ai voulu moi-même proposer un tel programme à toute l'Église au début du troisième millénaire, comme priorité pastorale et comme fruit du grand Jubilé de l'Incarnation.159 En effet, la sainteté est encore aujourd'hui un signe des temps, une preuve de la vérité du christianisme qui resplendit dans ses membres les meilleurs, aussi bien ceux qui, en grand nombre, ont été élevés aux honneurs des autels, que ceux, encore plus nombreux, qui ont fécondé et fécondent de manière cachée l'histoire des hommes par l'humble et joyeuse sainteté du quotidien. Aujourd'hui encore, en effet, il ne manque pas de précieux témoignages de formes de sainteté, personnelle et communautaire, qui sont pour tous, même pour les nouvelles générations, un signe d'espérance.

Pour faire apparaître le témoignage de la sainteté, j'exhorte donc mes Frères Évêques à recueillir et à mettre en lumière les signes de la sainteté et des vertus héroïques qui, aujourd'hui encore, se manifestent, spécialement en ce qui concerne les fidèles laïcs de leurs diocèses, notamment les époux chrétiens. Là où cela serait jugé vraiment opportun, je les encourage à promouvoir leurs procès de canonisation.160 Cela pourra être pour tous un signe d'espérance et, pour la marche du peuple de Dieu, une source d'encouragement dans leur témoignage, devant le monde, de la présence permanente de la grâce dans le tissu des réalités humaines.

159 Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), nn.
NM 29-41: AAS 93 (2001), pp. 285-295;La Documentation catholique 98 (2001), pp. 78-82.
160 Cf. Proposition 48.




CHAPITRE V

LE GOUVERNEMENT PASTORAL DE L'ÉVÊQUE


« C'est un exemple que je vous ai donné »

(Jn 13,15)
42 En traitant du devoir des Évêques de guider la famille de Dieu et de prendre soin de manière habituelle et quotidienne du troupeau du Seigneur Jésus, le Concile Vatican II explique que, dans l'exercice de leur ministère de pères et de pasteurs au milieu de leurs fidèles, ils doivent se comporter comme « ceux qui servent », en gardant toujours sous les yeux l'exemple du Bon Pasteur, qui est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mt 20,28 Mc 10,45 Lc 22,26-27 Jn 10,11).161

Cette image de Jésus, modèle suprême de l'Évêque, trouve son expression éloquente dans le geste du lavement des pieds, rapporté dans l'Évangile selon saint Jean: « Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout. Au cours du repas, [...] il se lève de table, quitte son vêtement, et prend un linge qu'il se noue à la ceinture; puis il verse de l'eau dans un bassin, il se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu'il avait à la ceinture. [...] Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. Il leur dit alors: “[...] C'est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j'ai fait pour vous” » (Jn 13,1-15).

Nous contemplons alors Jésus qui, en accomplissant ce geste, semble nous donner une clé pour la compréhension de son être même et de sa mission, de sa vie et de sa mort. Nous contemplons aussi l'amour de Jésus, qui se traduit en actes, en gestes concrets. Nous contemplons Jésus qui prend totalement, avec un radicalisme absolu, la condition de serviteur (cf. Ph 2,7). Lui, le Maître et Seigneur, qui a tout reçu des mains de son Père, nous a aimés jusqu'au bout, jusqu'à se livrer complètement aux mains des hommes, acceptant d'eux tout ce qu'ils feraient de Lui. Ce geste de Jésus est un geste d'amour accompli dans le contexte de l'institution de l'Eucharistie et dans la claire perspective de la passion et de la mort. C'est un geste révélateur du sens de l'Incarnation, mais, plus encore, révélateur de l'essence même de Dieu. Dieu est amour, et c'est pourquoi il a pris la condition de serviteur: Dieu s'est mis au service de l'homme pour amener l'homme à la pleine communion avec Lui.

Si tel est donc le Maître et Seigneur, le sens du ministère et de l'être même de celui qui est appelé, comme les Douze, à entrer dans la plus grande intimité avec Jésus ne peut que consister dans une disponibilité totale et inconditionnelle envers les autres, aussi bien ceux qui font déjà partie de la bergerie que ceux qui ne lui appartiennent pas encore (cf. Jn 10,16).

161 Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 27; Décr. Christus Dominus, n. CD 16.


L'autorité de service pastoral de l'Évêque

43 L'Évêque est envoyé au nom du Christ comme pasteur pour prendre soin d'une portion déterminée du peuple de Dieu. Grâce à l'Évangile et à l'Eucharistie, il doit la faire croître comme réalité de communion dans l'Esprit Saint.162 Il en résulte que l'Évêque représente et gouverne l'Église qui lui est confiée, avec le pouvoir nécessaire pour exercer le ministère pastoral reçu par le sacrement (munus pastorale), comme participation à la consécration et à la mission mêmes du Christ.163 En vertu de quoi, « les Évêques dirigent les Églises particulières qui leur sont confiées, en tant que vicaires et légats du Christ, par leurs conseils, leurs recommandations, leur exemple, mais aussi par l'exercice de leur autorité et de leur pouvoir sacré, dont toutefois ils ne font usage qu'en vue d'édifier leur troupeau dans la vérité et la sainteté, se souvenant que celui qui est le plus grand doit se faire comme le plus petit et celui qui commande comme celui qui sert (cf. Lc 22,26-27) ».164

Ce passage du Concile est une admirable synthèse de la doctrine catholique concernant le gouvernement pastoral de l'Évêque et il est repris dans le rite de l'Ordination épiscopale: « L'épiscopat n'est pas un honneur, mais un service, car le rôle de l'Évêque est plus de servir que de dominer, selon le commandement de Jésus notre Maître ».165 Nous trouvons ici le principe fondamental selon lequel, dans l'Église, comme l'affirme saint Paul, l'autorité a pour but l'édification du peuple de Dieu et non sa ruine (cf. 2Co 10,8). L'édification du troupeau du Christ dans la vérité et dans la sainteté exige que l'Évêque, comme cela a été souligné à maintes reprises durant le Synode, soit doté de certaines qualités, parmi lesquelles une vie exemplaire, la capacité d'entretenir des relations authentiques et constructives avec les personnes, l'aptitude à susciter et à développer la coopération, la bonté d'âme et la patience, la compréhension et la compassion devant les misères de l'âme et du corps, l'indulgence et le pardon. Il s'agit en effet d'exprimer de la meilleure manière possible le modèle suprême, Jésus Bon Pasteur.

Le pouvoir de l'Évêque est un pouvoir authentique, mais il est éclairé par la lumière du Bon Pasteur et calqué sur son modèle. Exercé au nom du Christ, ce pouvoir est « propre, ordinaire et immédiat, bien que son exercice soit régi en dernier ressort par l'autorité suprême de l'Église et qu'il puisse être soumis par celle-ci à certaines limitations en considération du bien de l'Église ou des fidèles. En vertu de ce pouvoir, les Évêques ont le droit sacré et, devant le Seigneur, le devoir de porter des lois pour leurs sujets, de rendre des jugements et de régler tout ce qui regarde le bon ordre du culte et de l'apostolat ».166 L'Évêque est donc investi, en vertu de la charge qu'il a reçue, d'un pouvoir juridique objectif, destiné à s'exprimer en actes de pouvoir par lesquels il accomplit le ministère de gouvernement (munus pastorale) qu'il a reçu par le Sacrement.

Il convient toutefois de rappeler que, dans ce cas aussi, le gouvernement de l'Évêque n'aura une efficacité pastorale que s'il s'appuie sur une autorité morale venant de sa sainteté de vie. C'est cette sainteté qui dispose les âmes à accueillir l'Évangile qu'il annonce dans son Église, tout comme les normes qu'il donne pour le bien du peuple de Dieu. C'est pourquoi saint Ambroise donnait cet avertissement: « Chez les prêtres, on ne recherche rien de vulgaire, rien de commun avec les aspirations, les habitudes, les moeurs de la multitude peu raffinée. La dignité sacerdotale revendique pour elle-même une dignité qui se tient loin des tumultes, une vie austère et une autorité particulière ».167

L'exercice de l'autorité dans l'Église ne peut pas être conçu comme quelque chose d'impersonnel et de bureaucratique, précisément parce qu'il s'agit d'une autorité qui vient du témoignage. En tout ce que l'Évêque dit et fait, c'est l'autorité de la parole et de l'agir du Christ qui doit être révélée. Si l'autorité provenant de la sainteté de vie de l'Évêque, c'est-à-dire son témoignage de foi, d'espérance et de charité, venait à manquer, le peuple de Dieu pourrait difficilement reconnaître dans son gouvernement la manifestation de la présence active du Christ dans son Église.

Par la volonté du Seigneur, les Évêques, ministres de l'apostolicité de l'Église, revêtus de la puissance de l'Esprit du Père, qui gouverne et guide (Spiritus principalis), sont les successeurs des Apôtres non seulement dans l'autorité et le pouvoir sacré, mais aussi dans la forme de vie apostolique, dans les souffrances apostoliques pour l'annonce et la diffusion de l'Évangile, dans la sollicitude pleine de tendresse et de miséricorde envers les fidèles qui leur sont confiés, dans la défense des faibles, dans l'attention constante à l'égard du peuple de Dieu.

Durant les travaux du Synode, il a été rappelé que, après le Concile Vatican II, l'exercice de l'autorité dans l'Église s'est souvent révélé difficile. Même si certaines des difficultés les plus aiguës semblent maintenant surmontées, une telle situation dure encore. La question est donc de savoir comment le service nécessaire de l'autorité peut être mieux compris, mieux accepté et mieux rempli. Une première réponse se trouve dans la nature même de l'autorité ecclésiale: elle est – et elle doit se montrer telle le plus clairement possible – une participation à la mission du Christ, qu'il faut vivre et exercer dans l'humilité, avec dévouement et en esprit de service.

Valoriser l'autorité de l'Évêque ne signifie pas donner de l'importance à ce qui est extérieur, mais approfondir le sens théologique, spirituel et moral de son ministère, fondé sur le charisme de l'apostolicité. Ce qui a été dit dans la Salle synodale à propos de la scène du lavement des pieds, et le lien qui a été établi dans ce contexte entre la figure du serviteur et celle du pasteur, fait comprendre que l'épiscopat est vraiment un honneur quand il est un service. Chaque Évêque doit donc s'appliquer à lui-même la parole de Jésus: « Vous le savez: ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous: car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,42-45). Gardant en mémoire ces paroles du Seigneur, l'Évêque gouverne avec le coeur de l'humble serviteur et du pasteur plein d'amour, qui conduit son troupeau en cherchant la gloire de Dieu et le salut des âmes (cf. Lc 22,26-27). Si elle est vécue ainsi, la forme de gouvernement de l'Évêque est vraiment unique au monde.

On a déjà rappelé le texte de Lumen gentium où il est dit que les Évêques, en tant que vicaires et légats du Christ, dirigent les Églises particulières qui leur sont confiées « par leurs conseils, leurs recommandations, leur exemple ».168 Il n'y a pas ici de contradiction avec les mots qui suivent, quand le Concile Vatican II ajoute que les Évêques gouvernent, c'est vrai, « par leurs conseils, leurs recommandations, leur exemple, mais aussi par l'exercice de leur autorité et de leur pouvoir sacré ».169 Il s'agit en effet d'un « pouvoir sacré » qui s'enracine dans l'autorité morale dont l'Évêque est revêtu en vertu de la sainteté de sa vie. C'est elle qui facilite la bonne réception de toute son action de gouvernement et qui la rend efficace.

162 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décr. Christus Dominus, n. CD 11; Code de Droit canonique, can. CIC 369; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 177, § 1.
163 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 27; Décr. Christus Dominus, n. CD 8; Code de Droit canonique, can. CIC 381, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 178.
164 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 27.
165 Pontifical romain, Rite de l'ordination d'un Évêque, Propositions pour l'homélie.
166 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 27; cf. Code de Droit canonique, can. CIC 381, § 1; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 178.
167 Ad Irenaeum Epistulae, lib. I, ep. VI: Sancti Ambrosii episcopi Mediolanensis opera (SAEMO), Milan-Rome (1988), 19, p. 66.
168 N. LG 27.
169 Ibid. LG 27



Pastores gregis FR 35