Pastores gregis FR 71

Le ministère de l'Évêque dans le domaine de la santé

71 La sollicitude pour l'homme pousse l'Évêque à imiter Jésus, le vrai « bon Samaritain », rempli de compassion et de miséricorde, qui prend soin de l'homme sans aucune discrimination. Le souci de la santé occupe une place importante parmi les défis actuels. Malheureusement, les formes de maladies présentes dans les diverses parties du monde sont encore nombreuses et, bien que la science humaine progresse de façon exponentielle dans la recherche de solutions renouvelées, ou qu'elle aide à mieux les affronter, des situations nouvelles apparaissent toujours, dans lesquelles la santé physique et psychique finit par être menacée.

Dans le cadre de son diocèse, chaque Évêque, aidé par des personnes qualifiées, est appelé à travailler pour que « l'Évangile de la vie » soit annoncé dans son intégralité. Les engagements à humaniser la médecine et à assister les malades, pris par des chrétiens qui assurent à ceux qui souffrent leur présence attentive, réveillent dans l'esprit de chacun la figure du Christ, médecin des corps et des âmes. Parmi les instructions qu'il a confiées à ses Apôtres, il n'a pas manqué d'insérer l'exhortation à guérir les malades (cf.
Mt 10,8).290 C'est pourquoi l'organisation et la promotion d'une pastorale adéquate pour les agents du monde de la santé méritent vraiment une priorité dans le coeur d'un Évêque.

Les Pères synodaux ont en particulier senti le besoin d'exprimer leur empressement à promou voir une authentique « culture de la vie » dans la société contemporaine: « Ce qui, peut-être, bouleverse le plus notre coeur de pasteurs, c'est le mépris de la vie, depuis sa conception jusqu'à son terme, et la désagrégation de la famille. Le non de l'Église à l'avortement et à l'euthanasie est un oui à la vie, un oui à la bonté foncière de la création, un oui qui peut atteindre tout être humain dans le sanctuaire de sa conscience, un oui à la famille, première cellule de l'espérance en qui Dieu se complaît jusqu'à l'appeler à devenir “Église domestique” ».291

290 Cf. Proposition 57.
291 Synode des Évêques - Xe Assemblée générale ordinaire, Message (25 octobre 2001), n. 12:L'Oss. Rom., 27 octobre 2001, p. 5; La Documentation catholique 98 (2001), p.988.


La sollicitude pastorale de l'Évêque envers les migrants

72 Les mouvements des peuples ont atteint aujourd'hui des proportions inédites et se présentent comme des mouvements de masse, qui concernent un nombre énorme de personnes. Parmi celles-ci, nombreuses sont celles qui se sont éloignées de leur pays ou qui l'ont fui à cause de conflits armés, de conditions économiques précaires, d'affrontements politiques, ethniques et sociaux, de catastrophes naturelles. Toutes ces migrations, malgré leur diversité, posent de sérieuses questions à nos communautés, en ce qui concerne les problèmes pastoraux tels que l'évangélisation et le dialogue interreligieux.

Il est donc opportun que dans les Diocèses on s'attache à instituer des structures pastorales adéquates pour assurer l'accueil et le soin pastoral appropriés de ces personnes, en fonction des différentes conditions dans lesquelles elles se trouvent. Il convient aussi de favoriser la collaboration entre Diocèses limitrophes, afin de garantir un service plus efficace et plus compétent, qui englobe aussi la formation de prêtres et d'agents laïcs particulièrement généreux et disponibles pour ce service important, surtout au regard des problèmes de nature légale qui peuvent surgir pour l'insertion de ces personnes dans le nouvel ordre social.292

Dans ce contexte, les Pères synodaux provenant des Églises orientales catholiques ont posé à nouveau la question, nouvelle sous certains de ses aspects et en raison de ses graves conséquences dans la vie concrète, de l'émigration des fidèles de leurs Communautés. En effet, il arrive qu'un nombre assez considérable de fidèles provenant des Églises orientales catholiques résident désormais de manière habituelle et stable hors des territoires d'origine et des sièges des Hiérarchies orientales. Il s'agit, on le comprend, d'une situation qui pèse chaque jour sur la responsabilité des Pasteurs.

C'est pourquoi le Synode des Évêques a lui-même retenu nécessaire de mener un examen plus approfondi sur les moyens grâce auxquels les Églises catholiques, qu'elles soient orientales ou occidentales, peuvent établir des structures pastorales utiles et adaptées qui soient en mesure de répondre aux exigences de ces fidèles qui vivent en « diaspora ».293 De toute façon, c'est un devoir pour les Évêques du lieu, même s'ils sont de rite différent, d'être pour ces fidèles de rite oriental de vrais pères, leur garantissant, par la pastorale, la sauvegarde de leurs valeurs religieuses et culturelles propres, dans lesquelles ils sont nés et ont reçu leur formation chrétienne initiale.

Tels sont quelques-uns seulement des domaines dans lesquels le témoignage chrétien et le ministère épiscopal sont concernés d'une manière particulièrement urgente. Assumer ses responsabilités par rapport au monde, à ses problèmes, à ses défis et à ses attentes fait partie de l'engagement d'annoncer l'Évangile de l'espérance. Ce qui est en jeu, en effet, c'est toujours l'avenir de l'homme, en tant qu'« être d'espérance ».

Alors que s'accumulent les défis que l'espérance doit affronter, il est bien compréhensible que surgisse la tentation du scepticisme et du manque de confiance. Mais le chrétien sait qu'il peut affronter les situations les plus difficiles, car le fondement de son espérance réside dans le mystère de la Croix et de la Résurrection du Seigneur. C'est là seulement qu'il est possible de puiser la force de se mettre et de demeurer au service de Dieu, qui veut le salut et la libération intégrale de l'homme.

292 Cf. Proposition 58.
293 Cf. Proposition 23.


CONCLUSION

73 Face à des situations humainement si complexes pour l'annonce de l'Évangile, le récit de la multiplication des pains raconté dans les Évangiles revient presque spontanément à la mémoire. Les disciples expriment à Jésus leur perplexité concernant la foule qui, ayant faim de sa parole, l'a suivi jusque dans le désert, et ils lui proposent: « Dimitte turbas... Renvoie cette foule... » (Lc 9,12). Peut-être ont-ils peur, ne sachant vraiment pas que faire pour rassasier un nombre aussi important de personnes.

Une attitude analogue pourrait surgir dans notre esprit, tant nous pourrions être découragés par l'énormité des problèmes qui pèsent sur l'Église et sur nous, Évêques, personnellement. Il convient, dans ce cas, de recourir à cette nouvelle imagination de la charité qui doit se déployer non seulement et non pas tant dans les secours prodigués avec efficacité, mais plus encore dans la capacité de se faire proches de ceux qui sont dans le besoin, permettant aux pauvres de se sentir chez eux dans chaque communauté chrétienne.294

Cependant Jésus a une manière qui lui est propre de résoudre les problèmes. Provoquant presque les Apôtres, il leur dit: « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Lc 9,13). Nous connaissons bien la fin du récit: « Tous mangèrent à leur faim, et l'on ramassa les morceaux qui restaient: cela remplit douze paniers » (Lc 9,17). Cette abondance de restes est présente aujourd'hui encore dans la vie de l'Église!

Aux Évêques du troisième millénaire il est demandé de faire ce que tant de saints Évêques surent faire tout au long de l'histoire, jusqu'à aujourd'hui. Comme saint Basile, par exemple, qui voulut construire, aux portes de Césarée, une vaste structure d'accueil pour ceux qui étaient dans le besoin, une véritable citadelle de la charité, qui en référence à lui prit le nom de Basiliade: de cela il apparaît clairement que « la charité des oeuvres donne une force incomparable à la charité desmots ».295 Tel est le chemin que nous devons parcourir nous aussi: le Bon Pasteur a confié son troupeau à chaque Évêque, pour qu'il le nourrisse par la parole et pour qu'il le forme par l'exemple.

Alors, nous autres Évêques, où prendrons-nous le pain nécessaire pour apporter une réponse aux questions si nombreuses, à l'intérieur ou à l'extérieur des Églises et de l'Église? Nous pourrions être tentés de nous lamenter, comme les Apôtres de Jésus: « Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour qu'une telle foule mange à sa faim? » (Mt 15,33). Quels sont les « lieux » où nous puiserons les ressources? Nous pouvons au moins mentionner quelques réponses fondamentales.

Notre première ressource, transcendante, est la charité de Dieu répandue dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné (cf. Rm 5,5). L'amour dont Dieu nous a aimés est tel qu'il peut toujours nous aider à trouver les justes chemins qui permettent de rejoindre le coeur des hommes et des femmes d'aujourd'hui. À chaque instant, le Seigneur nous donne, avec la force de son Esprit, la capacité d'aimer et d'inventer les formes les plus belles et les plus justes de l'amour. Appelés à être serviteurs de l'Évangile pour l'espérance du monde, nous savons que cette espérance ne provient pas de nous, mais de l'Esprit Saint, lequel « ne cesse d'être le gardien de l'espérance dans le coeur de l'homme: de l'espérance de toutes les créatures humaines et spécialement de celles qui “possèdent les prémices de l'Esprit” et qui “attendent la rédemption de leur corps” ».296

L'autre ressource que nous possédons est l'Église, dans laquelle nous avons été incorporés par le Baptême avec tant d'autres de nos frères et de nos soeurs, avec lesquels nous confessons l'unique Père céleste et nous nous abreuvons à l'unique Esprit de sainteté.297 Faire de l'Église « la maison et l'école de la communion » est l'engagement auquel nous invite la situation actuelle, si nous voulons répondre aux attentes du monde.298

Notre communion dans le corps épiscopal, dans lequel nous avons été introduits par la consécration, est aussi une formidable richesse, car elle constitue un soutien très appréciable pour lire avec attention les signes des temps et pour discerner clairement ce que l'Esprit dit aux Églises. Au coeur du Collège des Évêques se trouvent le soutien et la solidarité du Successeur de l'Apôtre Pierre, dont le pouvoir suprême et universel n'annule pas, mais au contraire confirme, fortifie et défend le pouvoir des Évêques, successeurs des Apôtres. Dans cette perspective, il sera important de mettre en valeur les instruments de la communion selon les grandes directives du Concile Vatican II. En effet, il ne fait aucun doute qu'il existe des circonstances – on en rencontre beaucoup aujourd'hui – dans lesquelles une Église particulière et aussi plusieurs Églises voisines se trouvent dans l'incapacité ou dans l'impossibilité pratique d'intervenir de manière adéquate sur des problèmes de plus grande importance. C'est surtout en de telles circonstances que le recours aux instruments de la communion épiscopale peut offrir une aide authentique.

Une dernière ressource immédiate pour un Évêque à la recherche du « pain » qui calmera la faim de ses frères est son Église particulière, quand la spiritualité de la communion ressort en elle comme principe éducatif « partout où sont formés l'homme et le chrétien, où sont éduqués les ministres de l'autel, les personnes consacrées, les agents pastoraux, où se construisent les familles et les communautés ».299 C'est là que se manifeste une fois de plus le lien établi entre la XeAssemblée générale ordinaire du Synode des Évêques et les trois autres Assemblées générales qui l'ont immédiatement précédée. Car un Évêque n'est jamais seul: il ne l'est pas dans l'Église universelle et il ne l'est pas non plus dans son Église particulière.

294 Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. NM 50: AAS 93 (2001), p. 303; La Documentation catholique 98 (2001), p. 86.
295 Cf. ibid.
296 Jean-Paul II, Encycl. Dominum et vivificantem (18 mai 1986), n. DEV 67: AAS 78 (1986), p. 898;La Documentation catholique 83 (1986), p. 609.
297 Cf. Tertullien, Apologeticum, 39, 9: CCL 1, 151.
298 Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. NM 43: AAS 93 (2001), p. 296; La Documentation catholique 98 (2001), p. 83.
299 Ibid. NM 43

74 L'engagement de l'Évêque au début d'un nouveau millénaire est ainsi clairement défini. C'est l'engagement de toujours: annoncer l'Évangile du Christ, salut du monde. Mais c'est un engagement caractérisé par des urgences nouvelles, qui exigent que toutes les composantes du peuple de Dieu s'y consacrent d'un même coeur. L'Évêque devra pouvoir compter sur les membres du presbytérium diocésain et sur les diacres, ministres du sang du Christ et de la charité; sur les soeurs et les frères consacrés, appelés à être dans l'Église et dans le monde des témoins éloquents du primat de Dieu dans la vie chrétienne et de la puissance de son amour dans la fragilité de la condition humaine; enfin, sur les fidèles laïcs, dont les plus grandes possibilités d'apostolat dans l'Église constituent pour les Pasteurs la source d'un soutien particulier et un motif spécial de réconfort.

Au terme des réflexions développées dans ces pages, nous nous rendons compte que le thème de la Xe Assemblée générale ordinaire du Synode oriente chacun de nous, Évêques, vers tous nos frères et soeurs dans l'Église, et vers tous les hommes et toutes les femmes du monde. C'est vers eux que le Christ nous envoie, comme il a envoyé un jour les Apôtres (cf.
Mt 28,19-20). Notre tâche est d'être, pour chaque personne, d'une façon éminente et visible, un signe vivant de Jésus Christ, Maître, Prêtre et Pasteur.300

Jésus Christ est donc l'icône vers laquelle nous regardons, vénérés Frères dans l'épiscopat, pour exercer notre ministère de hérauts de l'espérance. Comme Lui, nous devons nous aussi savoir offrir notre existence pour le salut de ceux qui nous sont confiés, en annonçant et en célébrant la victoire de l'amour miséricordieux de Dieu sur le péché et sur la mort.

Invoquons sur cette tâche qui est la nôtre l'intercession de la Vierge Marie, Mère de l'Église et Reine des Apôtres. Elle a soutenu au Cénacle la prière du Collège apostolique: qu'elle nous obtienne la grâce de ne pas nous dérober à la consigne d'amour que le Christ nous a confiée! Témoin de la vraie vie, Marie « brille comme un signe d'espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en marche – et en particulier devant nous, qui en sommes les Pasteurs–, jusqu'à ce que vienne le jour du Seigneur ».301

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 16 octobre 2003, vingt-cinquième anniversaire de mon élection au Pontificat.

JEAN-PAUL II

300 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 21.
301 Ibid., n. LG 68.


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