Presbyterorum Ordinis 2 8


8 Établis par leur ordination dans l’ordre du presbytérat, les prêtres * sont tous liés entre eux par une intime fraternité sacramentelle ; mais de façon spéciale, dans le diocèse au service duquel ils sont affectés sous l’autorité de l’évêque propre, ils forment un seul presbyterium. Même s’ils s’adonnent à des tâches diverses, ils exercent cependant un unique ministère sacerdotal au bénéfice des hommes. En effet, tous les prêtres * sont envoyés pour coopérer à la même oeuvre, soit qu’ils exercent un ministère paroissial ou supra-paroissial, soit qu’ils contribuent à la recherche scientifique ou à l’enseignement, soit même qu’ils travaillent de leurs mains en partageant le sort des ouvriers, là où, avec l’approbation de l’autorité compétente, cela paraît opportun, soit enfin qu’ils accomplissent d’autres oeuvres apostoliques ou des oeuvres ordonnées à l’apostolat. A la vérité, tous tendent ensemble au même but, à savoir à l’édification du Corps du Christ qui, surtout de notre temps, exige de multiples fonctions et des adaptations nouvelles. C’est pourquoi il est d’une grande importance que tous les prêtres *, diocésains ou religieux, s’entraident afin de toujours collaborer pour la vérité45. Chaque membre de ce presbyterium est uni aux autres membres par des liens spéciaux de charité apostolique, de ministère et de fraternité ; c’est ce qui s’exprime dans la liturgie depuis la plus haute Antiquité par le fait que les prêtres * présents sont invités, ensemble avec l’évêque qui ordonne, à imposer les mains au nouvel élu, et par le fait qu’ils concélèbrent dans l’unanimité la sainte Eucharistie. Chaque prêtre * est donc uni à ses confrères par un lien de charité, de prière, de coopération sous toutes ses formes et, de cette façon, se manifeste l’unité dont le Christ a voulu qu’elle rende les siens parfaitement un, afin que le monde reconnaisse que le Fils a été envoyé par le Père 46.

Pour cette raison, ceux qui sont d’un âge plus avancé accueilleront les jeunes vraiment comme des frères, et ils les aideront dans leurs premières activités et dans les premières tâches du ministère ; ils s’appliqueront également à comprendre leur mentalité même si elle est différente de la leur, et à suivre leurs initiatives avec bienveillance. Les jeunes, de leur côté, respecteront l’âge et l’expérience des prêtres plus âgés, discuteront avec eux des questions qui concernent la pastorale, et collaboreront volontiers avec eux.

Poussés par l’esprit de fraternité, les prêtres * n’oublieront pas l’hospitalité47, pratiqueront la bienfaisance et le partage des biens 48, s’occupant surtout de ceux qui sont malades, affligés, surchargés de travail, isolés, chassés de leur patrie, et aussi de ceux qui subissent la persécution 49. De même, ils se retrouveront volontiers, dans la joie, pour se détendre, se souvenant des paroles par lesquelles le Seigneur invitait les apôtres fatigués : « Venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu » (
Mc 6,31) En outre, pour que les prêtres * trouvent une aide réciproque favorisant le développement de leur vie spirituelle et intellectuelle, pour qu’ils soient en état de mieux collaborer dans le ministère, pour qu’ils échappent aux dangers que peut éventuellement faire naître la solitude, il faut encourager une certaine vie commune ou une certaine forme de communauté de vie, qui peuvent revêtir des formes diverses en fonction des divers besoins personnels ou pastoraux, à savoir la cohabitation, là où c’est possible, la communauté de table, ou du moins des rencontres fréquentes et régulières. Les associations sont aussi à tenir en estime et sont à promouvoir soigneusement, car, grâce à leurs statuts contrôlés par l’autorité ecclésiastique compétente, elles encouragent la sainteté des prêtres dans l’exercice du ministère par une règle de vie adaptée et dûment approuvée, ainsi que par un soutien fraternel, et, de cette façon, elles entendent se mettre au service de tout l’ordre des prêtres *.

Enfin, en raison de cette communion dans le sacerdoce, les prêtres * doivent se sentir particulièrement responsables à l’égard de ceux qui éprouvent des difficultés ; ils leur fourniront une aide au moment opportun, même, si c’est nécessaire, en les avertissant discrètement. Envers ceux qui ont connu la défaillance sur certains points, ils feront toujours preuve de charité fraternelle et de générosité, adresseront à Dieu d’instantes prières pour eux et ne cesseront de se montrer vraiment frères et amis à leur égard.

40 Cf. Conc. Vat. II, décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965, n. 15 et 16 (voir plus haut p. 220-222).
41 Dans l’état actuel du droit, l’évêque a comme « sénat et conseil » le chapitre cathédral (can. 391) ou, à défaut, le groupe des consulteurs diocésains (cf. can. 423-428). Mais il est souhaitable de réviser ces institutions pour mieux répondre à la situation et aux besoins actuels. Ce groupe de prêtres est évidemment distinct du Conseil pastoral dont parle le décret du concile Vat. II Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965, n. 27 : celui-ci comporte des membres laïcs et n’est compétent que pour l’examen des questions d’action pastorale. Sur les prêtres comme conseillers de l’évêque, voir Didascalie II, 28, 4 (éd. Funk, 1P 108) ; Const. apost. II, 28, 4 (éd. Funk, 1P 109 SC 320) ; Ignace d’Antioche, Ep. aux Magnésiens, 1 (éd. Funk, p. 194, 10-16 ; SC 10) ; Ep. aux Tralliens 3, 1 (éd. Funk, p. 204, 10-12 ; SC 10) ; Origène, Contre Celse 3, 30 : les prêtres sont conseillers (bouleutais) ( D-960 A ; SC 136).
42 Ignace d’Antioche, Épître aux Magnésiens 6, 1 : « Je vous en conjure, ayez à coeur de faire toutes choses dans une divine concorde, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des presbytres qui tiennent la place du sénat des Apôtres, et des diacres qui me sont si chers, à qui a été confié le service de Jésus-Christ, qui, avant les siècles, était près de Dieu et s’est manifesté à la fin » (éd. Funk, p. 195, 10-13 [trad. P. Th. Camelot, dans Les Écrits des Pères apostoliques, Paris, 1963, p. 156] ; SC 10) ; Ep. aux Tralliens 3, 1 : « Pareillement, que tous révèrent les diacres comme Jésus-Christ, comme aussi l’évêque qui est l’image du Père et les presbytres comme le sénat de Dieu et comme l’assemblée des Apôtres : sans eux, on ne peut parler d’Église » (éd. Funk, p. 204, 10-12 [trad. Camelot, p. 162] ; SC 10) ; Ep. aux Philadelphiens VII, 1 ; Jérôme, Commentaire d'Isaïe II, 3 (PL 24, 61 A) : « Nous aussi, nous avons dans l’Église notre sénat, l’assemblée des prêtres. »
43 Cf. Paul VI, Allocution aux curés et prédicateurs de Carême de Rome à la chapelle Sixtine, lef mars 1965, AAS 57, (1965), p. 326.
44 Cf. Const. apost. VIII, 47, 39 : « Les prêtres [...] ne doivent rien faire sans l’avis de l’évêque : c’est à lui qu’est confié le peuple du Seigneur ; c’est à lui qu’il sera demandé compte de leurs âmes » (éd. Funk, p. 577 ; SC 336).
45 Cf. 3 Jn 8.
46 Cf Jn 17, 23.
47 Cf He 13, 1-2.
48 Cf He 13, 16.
49 Cf Mt 5, 10.


9 Bien que les prêtres du Nouveau Testament, en raison du sacrement de l’ordre, exercent la fonction éminente et nécessaire de pères et de maîtres dans le Peuple de Dieu et pour ce Peuple, c’est cependant ensemble avec tous les fidèles qu'ils sont disciples du Seigneur, devenus participants de son Royaume par la grâce de Dieu qui les a appelés 50. Avec tous ceux qui ont été régénérés dans la fontaine baptismale, les prêtres * sont frères parmi des frères 51, en tant que membres du seul et unique Corps du Christ, dont l’édification a été confiée à tous 52.

Les prêtres * doivent donc présider de telle sorte qu’ils ne cherchent pas leur intérêt, mais celui de Jésus-Christ5Î, en unissant leurs efforts à ceux des fidèles laïcs et en se comportant au milieu d’eux à l’exemple du Maître, qui est venu parmi les hommes « non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (
Mt 20,28). Les prêtres * doivent sincèrement reconnaître et promouvoir la dignité des laïcs et la part propre qu’ils prennent dans la mission de l’Église. Ils doivent respecter soigneusement la juste liberté qui revient à tous dans la cité terrestre. Ils doivent écouter de bon coeur les laïcs, en prenant fraternellement en considération leurs désirs, et en reconnaissant leur expérience et leur compétence dans les divers domaines de l’activité humaine, afin de pouvoir discerner avec eux les signes des temps. Éprouvant les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu 54, ils chercheront à déceler, avec le sens de la foi, les charismes multiformes des laïcs, qu’ils soient humbles ou éminents, les reconnaîtront avec joie et les développeront avec un zèle empressé. Parmi ces dons de Dieu que l’on trouve avec abondance chez les fidèles, ceux qui attirent bon nombre de personnes à une vie spirituelle plus profonde sont dignes d’une attention particulière. Les prêtres doivent également confier aux laïcs, avec assurance, des charges au service de l'Église, en leur laissant la liberté et l’espace nécessaires pour l’action, bien plus, en les invitant de façon opportune à prendre d’eux-mêmes des initiatives55.

Enfin, les prêtres * sont placés au milieu des laïcs pour les conduire tous à l’unité dans l’amour « en s’aimant entre eux d’une charité fraternelle, rivalisant d’égards entre eux » (Rm 12,10). Il leur appartient donc de faire s’accorder les diverses opinions de telle sorte que personne ne se sente étranger dans la communauté des fidèles. Ils sont défenseurs du bien commun dont ils ont la charge au nom de l’évêque, et en même temps ils interviennent en témoins décidés de la vérité, pour éviter que les fidèles soient emportés à tout vent de doctrine 56. À leur sollicitude spéciale sont confiés ceux qui ont abandonné la pratique des sacrements, et peut-être même la foi, et à la rencontre desquels ils n’omettront pas d’aller, comme de bons pasteurs.

Attentifs aux prescriptions sur l’oecuménisme57, ils n’oublieront pas les frères qui ne partagent pas avec nous la pleine communion ecclésiale.

Enfin, ils considéreront comme leur étant confiés tous ceux qui ne reconnaissent pas le Christ comme leur Sauveur.

Mais les fidèles, pour leur part, doivent être conscients de leurs obligations envers leurs prêtres *, et entourer d’un amour filial ceux qui sont leurs pasteurs et leurs pères : de même, ils doivent partager leurs soucis et leur venir en aide, autant que possible, par leur prière et leur action, afin qu’ils puissent mieux surmonter les difficultés et accomplir leurs tâches de façon plus fructueuse 58.

50 Cf. 1 Th 2, 12 ; Col 1, 13.
51 Cf. Mt 23, 8 : « Il faut se faire les frères des hommes du fait même que nous désirons être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres », Paul VI, encyl. Ecclesiam suam, 6 août 1964, AAS 56 (1964), p. 647.
52 Cf. Ep 4, 7, 16 ; Const. apost. VIII, 1, 20 ; « Il ne faut pas que l’évêque s’élève au-dessus des diacres ou des prêtres, ni les prêtres au-dessus du peuple, car la structure de l’assemblée se compose des uns et des autres » (éd. F. X. Funk, 1P 467 SC 336).
53 Cf. Ph 2, 21.
54 Cf. 1 Jn4, 1.
55 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, 21 nov. 1964, n. 37, AAS 57 (1965), p. 42-43 (voir plus haut p. 126).
56 Cf. Ep 4, 14.
57 Cf. Conc. Vat. II, décret Unitatis redintegratio sur l’oecuménisme, 21 nov. 1964, AAS 57 (1965), p. 90 s. (voir plus haut p. 184).
58 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, 21 nov. 1964, n. 37, AAS 57 (1965), p. 42-43 (voir plus haut p. 126-128).


III. Répartition des prêtres * et vocations sacerdotales

10 Le don spirituel que les prêtres * ont reçu lors de l’ordination les prépare, non pas à quelque mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut d’une dimension universelle « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8), car n’importe quelle forme de ministère sacerdotal participe à l’ampleur universelle de la mission confiée par le Christ aux apôtres. En effet, le sacerdoce du Christ, auquel les prêtres * participent réellement, vise nécessairement tous les peuples et tous les temps, et n’est soumis à aucune limitation de sang, de nation ou d’époque, comme le préfigure déjà de façon voilée le personnage de Melchisédech 59. Les prêtres * se souviendront donc qu’ils doivent avoir à coeur la sollicitude de toutes les Eglises. C’est pourquoi les prêtres * de ces diocèses, qui sont plus richement pourvus en vocations, se montreront volontiers prêts, avec la permission de leur ordinaire ou sur son invitation, à exercer leur ministère dans des régions, des missions ou des oeuvres qui souffrent d’une pénurie de prêtres.

Les règles d’incardination et d’excardination devront d’ailleurs être révisées de telle sorte que cette institution très ancienne reste en vigueur, mais réponde mieux aux besoins pastoraux d’aujourd’hui. Là où le mode d’apostolat l’exige, on rendra plus faciles non seulement la répartition appropriée des prêtres *, mais aussi l’organisation au profit des différents milieux sociaux d’activités pastorales particulières qui doivent s’exercer dans une région ou dans un pays déterminés ou dans n’importe quelle autre partie de la terre. A cette fin, il pourra être utile de créer des séminaires internationaux, des diocèses particuliers, des prélatures personnelles et d’autres institutions, auxquels les prêtres * pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de l’Eglise tout entière, selon des modalités à établir pour chaque initiative, et dans le plein respect des droits des ordinaires des lieux.

Autant que possible, les prêtres * ne doivent pas être envoyés à titre individuel dans une autre région, surtout s’ils n’en connaissent pas encore bien la langue et les moeurs, mais à l’exemple des disciples du Christ60, ils seront envoyés au moins à deux ou à trois, pour qu’ainsi ils puissent s’entraider. Il convient également de se préoccuper soigneusement de leur vie spirituelle, et aussi de leur santé psychique et physique ; dans la mesure du possible, on aménagera d’avance pour eux les lieux et conditions de travail en fonction des aptitudes personnelles de chacun. Il est également très important que ceux qui rejoignent un autre pays aient à coeur d’apprendre à connaître correctement non seulement la langue de ce pays, mais encore les traits caractéristiques d’ordre psychologique et social de la population au service de laquelle ils veulent se mettre en toute humilité, en étant en communion aussi parfaite que possible avec elle, de telle sorte qu’ils suivent l’exemple de l’apôtre Paul, qui a pu dire de lui-même : « Oui, alors que j’étais libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin d’en gagner le plus grand nombre. Je me suis fait Juif avec les Juifs, afin de gagner les Juifs » (1Co 9,19-20).


11 Le Pasteur et gardien de nos âmes 61 a constitué son Église de telle sorte que le Peuple qu’il s’est choisi et qu’il a acquis au prix de son Sang 62 * 64 doive avoir toujours, jusqu’à la fin des temps, ses prêtres, pour que les chrétiens ne soient jamais comme des brebis n’ayant pas de pasteurs 6). Ayant pris connaissance de cette volonté du Christ, les apôtres, sous l’effet de ce que suggérait l’Esprit Saint, ont estimé qu’il était de leur devoir de choisir des ministres « qui seraient capables d’en instruire d’autres à leur tour » (2Tm 2,2). Ce devoir relève, de fait, de la mission sacerdotale elle-même, par laquelle le prêtre * partage la préoccupation qu’a toute l’Église de ne voir jamais les ouvriers faire défaut ici-bas sur terre dans le Peuple de Dieu. Mais comme « le pilote du navire et tous ceux qui sont à bord du navire sont liés par une cause commune M », l’ensemble du peuple chrétien doit être instruit de son devoir d’apporter de diverses manières son concours, par la prière instante et par les autres moyens dont il dispose 65, pour que l’Église ait toujours les prêtres qui sont nécessaires pour l’accomplissement de sa divine mission. C’est donc avant tout par le ministère de la parole et le témoignage de leur propre vie, qui doit manifester ouvertement l’esprit de service et la vraie joie pascale, que les prêtres * s’attacheront de tout coeur à faire voir aux fidèles l’excellence du sacerdoce et sa nécessité ; et ceux que dans leur prudence ils jugent aptes à exercer un si grand ministère, qu’ils soient jeunes ou plus âgés, ils les aideront, sans épargner les efforts et la peine, pour qu’ils se préparent comme il se doit et puissent un jour être appelés par les évêques, dans le respect total de leur liberté intérieure et extérieure. Pour atteindre ce but, une direction spirituelle attentive et prudente est de la plus grande utilité. Les parents et les maîtres, et tous ceux qui sont concernés d’une manière ou d’une autre par la formation des enfants et des adolescents, les éduqueront de façon à ce qu’ils connaissent la sollicitude du Seigneur pour son troupeau, qu’ils prennent en considération les besoins de l’Eglise, et qu’ils soient prêts, en cas d’appel, à répondre généreusement au Seigneur avec le prophète : « Me voici, envoie-moi » (Is 6,8). Mais la voix du Seigneur qui appelle ne doit jamais être attendue comme parvenant aux oreilles du futur prêtre * d’une manière extraordinaire. Elle doit plutôt être interprétée et discernée à partir des signes par lesquels, chaque jour, la volonté de Dieu se fait connaître aux chrétiens avisés ; ces signes sont à considérer attentivement par les prêtres *é6.

Les oeuvres de vocation, soit diocésaines soit nationales, leur sont donc fortement recommandées 66 67. Dans la prédication, la catéchèse, les revues, il faut présenter de façon claire les besoins de l’Église locale et de l’Église universelle, mettre en pleine lumière le sens et l’éminence du ministère sacerdotal, dans lequel de si grandes joies sont liées à de si grandes charges et dans lequel surtout, comme l’enseignent les Pères, on peut donner au Christ un très grand témoignage d’amour68.

59 Cf. He 7, 3.
60 Cf. Lc 10, 1.
61 Cf 1 P 2, 25.
62 Cf Ac 20, 28.
63 Cf Mt 9, 36.
64 Pontifical romain, Ordination des prêtres.
65 Cf. Conc. Vat. II, décret Optatam totius, sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965, n. 2 (voir plus haut p. 264-266).
66 « La voix de Dieu qui appelle s’exprime de deux façons différentes, merveilleuses et convergentes ; l’une est intérieure, c’est celle de la grâce, celle de l’Esprit Saint, de l’ineffable attrait intérieur que la voix silencieuse et puissante du Seigneur exerce dans les insondables profondeurs de l’âme humaine ; l’autre est extérieure, humaine, sensible, sociale, juridique, concrète, c’est celle du ministre qualifié de la Parole de Dieu, celle de l’Apôtre, celle de la hiérarchie, instrument indispensable, institué et voulu par le Christ comme un véhicule permettant de traduire en langage tombant sous l’expérience le message du Verbe et du précepte divin. C’est ce qu’avec S. Paul enseigne la doctrine catholique : "Comment entendre sans personne qui prêche [...] La foi vient de ce qu’on entend” (Rm 10, 14, 17) » (Paul VI, exhortation du 5 mai 1965, L’Osservatore Romano, 6 mai 1965).
67 Cf. Conc. Vat. II, décret Optatam totius sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965, n. 2 (voir plus haut p. 266).
68 C’est ce qu’enseignent les Pères quand ils commentent les paroles du Christ à Pierre : « M’aimes-tu [...] Pais mes brebis» (Jn 21,17) : ainsi, Jean Chrysostome, Du Sacerdoce II, 1-2 ( PG 48, 633 ; SC 272) ; S. Grégoire le Grand, Pastoral, P. I, c. 5 (PL 77, 19A).




Chapitre III. La vie des prêtres *


I. Vocation des prêtres * à la perfection

12 Par le sacrement de l’ordre les prêtres * sont configurés au Christ Prêtre en tant que ministres du Christ Tête pour construire et édifier son Corps tout entier qui est l’Église, comme coopérateurs de l’ordre épiscopal. Déjà dans la consécration baptismale ils ont reçu, comme tous les chrétiens, le signe et le don de la vocation et de la grâce si grandes de pouvoir et de devoir chercher à atteindre, même au milieu des faiblesses humaines 1, la perfection selon les paroles du Seigneur : « Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Mais les prêtres sont tenus d’acquérir cette perfection pour une raison spéciale, car, en étant consacrés à Dieu d’une façon nouvelle en recevant l’ordre, ils deviennent les instruments vivants du Christ Prêtre éternel, pour être en mesure de poursuivre au long des siècles l’oeuvre admirable par laquelle, avec une efficacité souveraine, il a restauré la communauté humaine tout entière2. Du moment que tout prêtre tient, à sa manière, la place du Christ lui-même, il est aussi doté d’une grâce particulière de façon à ce que, en se mettant au service du peuple qui lui est confié et du Peuple de Dieu tout entier, il puisse mieux tendre à la perfection de Celui qu’il représente, et que sa faiblesse provenant de la chair humaine soit guérie par la sainteté de Celui qui s’est fait pour nous grand Prêtre « saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs » (He 7,26).

Le Christ que le Père a sanctifié, c’est-à-dire consacré, et qu’il a envoyé dans le monde « s’est donné pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, et de purifier un peuple qui lui appartienne en propre, plein de zèle pour faire le bien » (Tt 2,14) et ainsi, par la souffrance il est entré dans sa gloire4 ; de la même manière, les prêtres *, consacrés par l’onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, font mourir en eux les oeuvres de la chair et se vouent totalement au service des hommes et, ainsi, ils peuvent progresser vers l’Homme parfait5 dans la sainteté dont ils ont été dotés par le Christ.

C’est pourquoi, en exerçant le ministère de l’Esprit et de la justice6, ils sont affermis dans la vie spirituelle, à condition toutefois qu’ils soient dociles à l’Esprit du Christ qui les vivifie et les conduit. En effet, c’est par les actes liturgiques quotidiens eux-mêmes ainsi que par l’ensemble de leur ministère, qu’ils exercent en communion avec l’évêque et les autres prêtres *, qu’ils sont ordonnés à la perfection de leur vie. Quant à la sainteté des prêtres *, elle contribue fortement à rendre fructueux l’accomplissement de leur propre ministère ; même si la grâce de Dieu peut aussi accomplir l’oeuvre du salut par l’intermédiaire de ministres indignes, Dieu préfère cependant, en règle générale, manifester ses hauts faits par ceux qui sont devenus plus dociles aux impulsions et à la conduite de l’Esprit, et qui, en raison de leur union intime avec le Christ et de la sainteté de leur vie, peuvent dire avec l’Apôtre : «Je vis, mais ce n’est plus moi, mais c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).

C’est pourquoi ce saint Concile, pour atteindre ses fins pastorales de rénovation intérieure de l’Église, de diffusion de l’Évangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde d’aujourd’hui, exhorte instamment tous les prêtres à avoir recours aux moyens appropriés recommandés par l’Église7, et à tendre vers cette sainteté toujours plus grande, qui leur permettra de devenir des instruments toujours mieux adaptés au service du Peuple de Dieu tout entier.

1 Cf. 2 Co 12, 9.
2 Cf. Pie XI, encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935, AAS 28 (1936), p. 10.
3 Cf. Jn 10, 36.
4 Cf. Lc 24, 26.
5 Cf. Ep 4, 13.
6 Cf. 2 Co 3, 8-9.
7 Cf. entre autres : Pie X, exhort. au clergé Haerent animo, 4 août 1908, S. Pii X Acta, vol. IV (1908), p. 237 s. ; Pie XI, encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935, AAS 28 (1936), p. 5 s. ; Pie XII, exhor. apost. Menti nostrae, 23 sept. 1950, AAS 42 (1950), p. 657 ; Jean XXIII, encycl. Sacerdotii Nostri primordia, 1er août 1959, AAS 51 (1959), p. 545 s.


13 En s’acquittant sincèrement et inlassablement de leurs fonctions dans l’Esprit du Christ, les prêtres * parviendront à la sainteté d’une manière qui leur est propre.

Comme ils sont les ministres de la Parole de Dieu, ils lisent et écoutent tous les jours cette Parole de Dieu qu’ils doivent enseigner aux autres ; s’ils s’attachent en même temps à l’accueillir en eux-mêmes, ils deviendront des disciples toujours plus parfaits du Seigneur, selon les paroles de Paul apôtre à Timothée : « Prends cela à coeur, sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. Fais attention à toi-même et à ton enseignement ; persévère dans ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras toi-même et ceux qui t’écoutent » (1 Tm4,15-16). En effet, en cherchant comment ils pourront transmettre aux autres, de la manière la mieux appropriée, ce qu’ils ont contemplé 8, ils goûteront plus profondément « les insondables richesses du Christ » (
Ep 3,8) et la sagesse multiforme de Dieu 9. Considérant que c’est le Seigneur qui ouvre les coeurs 10, et que leur pouvoir extraordinaire vient de la puissance de Dieu et non d’eux-mêmes 11, ils seront unis intimement au Christ Maître dans l’acte même de la transmission de la Parole et ils seront conduits par son Esprit. Etant ainsi en communion avec le Christ, ils participent à la charité de Dieu, dont le mystère, caché depuis les siècles 12, a été révélé dans le Christ.

En qualité de ministres de la liturgie, surtout dans le sacrifice de la messe, les prêtres * agissent de manière spéciale, à la place du Christ, qui s’est offert lui-même comme victime pour sanctifier les hommes ; c’est pourquoi ils sont invités à imiter ce qu’ils accomplissent ; puisqu’ils célèbrent le mystère de la mort du Christ, qu’ils aient le souci de faire mourir leurs membres aux vices et aux mauvais penchants 13. Dans le mystère du sacrifice eucharistique, dans lequel les prêtres exercent leur fonction principale, l’oeuvre de notre rédemption est sans cesse opérée l4 15, et pour cette raison sa célébration quotidienne est instamment recommandée car, même si la présence des fidèles ne peut être assurée, elle est un acte du Christ et de l’Église ,5. Ainsi, en s’unissant à l’acte du Christ Prêtre, tous les jours les prêtres * s’offrent tout entiers à Dieu, et en se nourrissant du Corps du Christ, ils participent du fond de leur coeur à la charité de Celui qui se donne en nourriture aux fidèles. De la même façon, dans l’administration des sacrements ils s’unissent à l’intention et à la charité du Christ ; ils le font d’une manière spéciale lorsqu’ils se montrent toujours pleinement prêts à administrer le sacrement de pénitence chaque fois que les fidèles le demandent de manière raisonnable. En récitant l’office divin, ils prêtent leur voix à l’Église qui avec persévérance prie au nom de toute l’humanité, en union avec le Christ qui est « toujours vivant pour intercéder pour nous » (He 7,25).

En dirigeant et en paissant le Peuple de Dieu, ils sont incités par la charité du Bon Pasteur à donner leur vie pour leurs brebis 16, prêts aussi au sacrifice suprême à l’exemple de ces prêtres qui, même de notre temps, n’ont pas refusé de donner leur vie ; étant éducateurs de la foi et ayant eux-mêmes « l’assurance pour l’accès au sanctuaire dans le sang du Christ » (He 10,19), ils s’approchent de Dieu « avec un coeur sincère dans la plénitude de la foi » (He 10,22) ; à l’égard de leurs fidèles l’espérance est ferme 17, afin qu’ils puissent eux-mêmes consoler ceux qui vivent dans toutes sortes de tribulations de la même consolation que celle par laquelle Dieu les console eux-mêmes 18 ; comme responsables de la communauté, ils pratiquent l’ascèse propre au pasteur d’âmes, en renonçant à leur intérêt personnel, en cherchant non l’avantage personnel, mais celui du grand nombre, afin qu’ils soient sauvés I9, en allant toujours plus loin dans l’accomplissement plus parfait de la tâche pastorale, et en étant prêts, s’il en est besoin, à s’engager dans les voies pastorales nouvelles, sous la conduite de l’Esprit d’amour qui souffle où il veut20.

8 Cf. Thomas, Somme théol., Ila-IIae, q. 188, a. 7.
9 Cf. Ep 3,9-10.
10 Cf. Ac 16, 14.
11 Cf. 2 Co 4, 7.
12 Cf. Ep 3, 9.
13 Cf. Pontifical romain, Ordination des prêtres.
14  Cf. Missel romain, Prière sur les offrandes du 9' dimanche après la Pentecôte.
15 « La messe, même si elle est célébrée en particulier par un prêtre, n’est pas pour autant privée, mais elle est action du Christ et de l’Église. Celle-ci a appris à s’offrir elle-même dans le sacrifice qu’elle offre, en sacrifice universel, appliquant au salut du monde entier la vertu rédemptrice, unique et infinie, du sacrifice de la Croix. Toute messe célébrée est, en effet, offerte non seulement pour le salut de quelques-uns, mais pour le salut du monde entier [...]. C’est pourquoi Nous recommandons avec une paternelle insistance aux prêtres qui, à un titre particulier, sont, dans le Seigneur, Notre joie et Notre couronne de [...] célébrer la messe chaque jour en toute dignité et dévotion » (Paul VI, encycl. Mysterium Fidei, MF 3 sept. 1965, AAS 57 (1965), p. 761-762) ; cf. Conc. Vat. II, const. Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, 4 déc. 1963, n. 26 et 27, AAS 56 (1964), p. 107 (voir plus haut p. 20).
16 Cf. Jn 10, il.
17 Cf. 2 Co 1, 7.
18 Cf. 2 Co 1, 4.
19 Cf. 1 Co 10, 33.
20 Cf. Jn 3, 8.


14 Comme dans le monde d’aujourd’hui les hommes doivent assumer tellement de tâches, et comme il existe une telle diversité de problèmes qui les pressent, et qui assez souvent exigent des solutions rapides, il n’est pas rare qu’ils courent des risques, parce qu’ils se dispersent. Les prêtres *, impliqués dans les très nombreuses obligations de leur charge, connaissent le tiraillement et peuvent se demander, non sans angoisse, comment concilier les requêtes de l’action extérieure avec la vie intérieure pour en assurer l’unité. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété, quelque grand que soit leur apport pour le développement de cette unité. Les prêtres * peuvent y parvenir en suivant dans l’accomplissement de leur ministère l’exemple du Christ Seigneur, lui dont la nourriture était de faire la volonté de celui qui l’a envoyé pour accomplir son oeuvre21.

En vérité, afin que se fasse sans cesse dans le monde, par l’Église, cette même volonté du Père, le Christ agit à travers ses ministres et, pour cette raison, il demeure toujours la source et le principe d’unité de leur vie. Les prêtres * parviendront donc à l’unité de leur vie en s’unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père et dans le don d’eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié22 * *. Assumant ainsi le rôle du Bon Pasteur, les prêtres trouveront dans l’exercice même de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui assure l’unité de leur vie et de leur action. Or cette charité pastorale25 découle avant tout du sacrifice eucharistique, qui est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre *, si bien que, dans son for intérieur, le prêtre doit s’efforcer de rapporter à lui-même ce qui se fait sur l’autel du sacrifice. Cela ne peut s’obtenir que si les prêtres, par la prière, pénètrent toujours plus profondément dans le mystère du Christ.

Pour pouvoir aussi vérifier concrètement l’unité de leur vie, les prêtres examineront toutes leurs activités pour discerner quelle est la volonté de Dieu24, c’est-à-dire quelle est la conformité de ces activités avec les normes de la mission évangélique de l’Église. En effet, la fidélité au Christ ne peut être dissociée de la fidélité à l’Église. La charité pastorale exige donc que les prêtres *, pour ne pas courir en vain25 *, travaillent toujours en communion avec les évêques et les autres frères dans le sacerdoce. En agissant de cette façon, les prêtres * trouveront l’unité de leur propre vie dans l’unité même de la mission de l’Église et, ainsi, ils seront unis à leur Seigneur et par lui avec le Père, dans l’Esprit Saint, afin de pouvoir être remplis de consolation et surabonder de joie26.

21 Cf. Jn 4, 34.
22 Cf. 1 Jn 3, 16.
23 « Qu’on donne une preuve de son amour en paissant le troupeau du Seigneur » (S. Augustin, Traités sur S. Jean 123,5, PL 35, 1967).
24 Cf. Rm 12, 2.
25 Cf. Ga 2, 2.
26 Cf. 2 Co 7, 4.



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