Messages 1971



Messages 1971
12 mars



MESSAGE DE PAUL VI POUR LA JOURNEE DES VOCATIONS





L’âme pleine de joie et d’espérance, nous nous adressons, comme chaque année, à tous nos fils de la grande famille catholique, pour demander leur participation spirituelle, unanime, fervente, toute de bonne volonté, à la Huitième Journée Mondiale de prière pour les Vocations. Et nous saisissons cette occasion pour les inviter à réfléchir non seulement sur la grandeur de la vocation, mais aussi sur le devoir qui leur incombe d’en favoriser de toute manière l’épanouissement. C’est un colloque que nous aimons reprendre annuellement avec chacun de nos Evêques, de nos prêtres, de nos fidèles, pour qu’ensemble nous disposions nos coeurs à l’effusion de la grâce divine, qui nous appelle tous à l’engagement, comme nul autre noble et sacré, de prier le Maître de la moisson, afin qu’il envoie des moissonneurs en nombre suffisant pour les besoins accrus de l’Eglise et du monde (cf. Mt Mt 9,38). Ce colloque nous est facilité par l’atmosphère particulière à la célébration liturgique de ce jour. De fait, la Journée de prière coïncide avec le dimanche qui offre à notre méditation l’image vivante du Bon Pasteur.

1. Quand Jésus se présentait lui-même comme Bon Pasteur, il renouait avec une longue tradition biblique déjà familière à ses disciples et aux autres auditeurs. Le Dieu d’Israël, en effet, s’était toujours manifesté comme le bon Pasteur de son peuple. Il avait entendu le cri de sa douleur (Ex 3,7), il l’avait délivré de la servitude en terre étrangère (Dt 5,6), et ce peuple qu’il avait sauvé, il l’avait, dans sa bonté, guidé (Ex 15,3) tout au long de son dur cheminement à travers le désert, vers la terre promise (Ps 78 [77], 52 ss.). Par l’Alliance conclue sur le Mont Sinaï, il en avait fait son peuple à lui, sa propriété, un royaume sacerdotal, une nation sainte (Ex 19,5 s.). Siècle après siècle, le Seigneur avait continué de le conduire, le portant dans ses bras comme le pasteur porte les agneaux (Is 40,11). Il le portera encore après le châtiment de l’exil, il l’appellera de nouveau, il le rassemblera comme on rassemble des brebis dispersées, pour le ramener dans la terre de ses pères (Is 49,8 ss. ; Za 10,8).

C’est la raison pour laquelle les croyants de l’Ancienne Alliance s’adressaient à Dieu filialement, et l’appelaient leur Pasteur : « Le Seigneur est mon pasteur ; je ne manquerai de rien. Dans de verts pâturages il me fait étendre, près des eaux du repos il me mène ; il restaure mon âme. Il me conduit dans les droits sentiers » (Ps 23 [22], 1 ss. ; cf. 80 [79], 2). Ils savaient que le Seigneur était un pasteur plein de bonté, patient, sévère parfois, mais toujours miséricordieux envers son peuple, envers tous les hommes.

L’appel du Seigneur





Le Seigneur avait aussi appelé des hommes pour qu’ils fussent les pasteurs de son troupeau et le guident en son nom et selon son coeur : hommes choisis, hommes de grande foi, comme Moïse et Aaron (Ps 77 [76], 21), Josué (Nb 27,15 ss.), David (2S 5,2) et bien d’autres chefs de son peuple.

Mais ces hommes, avec toutes leurs faiblesses humaines, n’étaient que des figures, une anticipation des temps à venir. En outre, ils ne pouvaient donner cette sécurité et cette paix qui était l’aspiration profonde des âmes ; c’est pourquoi le peuple élu ne trouva pas qui dirigeât vraiment ses pas dans la voie de la vérité, dans l’accomplissement de la justice, dans le respect de la Parole divine. Finalement, le Seigneur annonça par la bouche des prophètes la venue d’un nouveau David, de l’Unique Pasteur, qui guiderait son peuple avec une fidélité absolue (Ez 34) et répondrait à son attente anxieuse.

En effet, lorque Jésus vint, à la plénitude des temps, Il trouva son peuple « comme un troupeau sans pasteur, et Il fut ému de compassion » (Mt 9,36). En Lui s’accomplissaient les prophéties et s’achevait l’attente. Avec les paroles mêmes de la tradition biblique (cf. Ez Ez 34,11-16), Jésus s’est présenté comme le Bon Pasteur, qui connaît ses brebis, les appelle par leur nom, et donne sa vie pour elles (Jn 10,11 ss.). Et ainsi « il n’y aura plus qu’un seul troupeau et un seul pasteur » (Jn 10,16). De cette manière Jésus révèle son plan d’action dans les âmes, qu’il n’appliquera pas par la violence ou la contrainte, mais par la douceur, la persuasion et l’amour (Mt 11,28-30).

Les Apôtres, fidèles à la mémoire de Jésus, se réjouissaient avec les nouveaux croyants, parce qu’ils avaient trouvé en Lui le Pasteur de leurs âmes (P 2, 25), mieux, le Prince des Pasteurs (1P 4,4).

Pour le bien du troupeau





Lorsque fut venue l’heure de retourner vers son Père, avant de laisser ce monde, il voulut se choisir et appeler d’autres pasteurs selon son coeur. Il le fit par un libre choix (Mc 3,13), afin qu’ils continuent sa propre mission dans le monde entier, jusqu’à la fin des siècles (Mt 28,18 ss.). Ils seront ses envoyés, ses messagers, ses apôtres. Ils ne seront pasteurs qu’en son Nom, pour le bien du troupeau et en vertu de son Esprit, auquel ils devront rester fidèles : Pierre, le premier d’entre eux, qui, après sa triple profession d’amour pour Jésus, est nommé pasteur de ses brebis et de ses agneaux (Jn 21,15-17) ; puis tous les apôtres ; et après eux, d’autres encore, mais tous dans le même Esprit. Et tous, en tout temps, devront guider le troupeau du Seigneur, à eux confié non comme à des dominateurs mais comme à des modèles, avec un désintéressement total et avec tout l’élan de leur coeur (1P 5,2 ss.). Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront mériter le prix, qu’ils recevront lorsque réapparaîtra le Prince des Pasteurs (1P 5,4).

2. Donc, la mission de Jésus continue. Il reste toujours avec nous (Mt 28,20) : les cieux et la terre passeront, mais ses paroles ne passeront pas (Mt 24,35). Jésus, le Bon Pasteur, continue par conséquent à appeler ceux qui veulent collaborer avec Lui à sa propre mission. Tous nous avons reçu le Baptême de Jésus. Dans cette commune vocation de chrétiens, chacun de nous est appelé à exercer une fonction particulière, pour l’application du dessein de Dieu (Rm 12,4-7 1Co 12,4 ss. ). Nous devons donc nous approcher tous du Christ avec confiance, pour redécouvrir dans sa vie, dans ses paroles, la volonté de Dieu sur nous, et mettre au service d’autrui, de l’Eglise, de l’humanité, les dons que chacun de nous a reçus (1P 4,10 ss.).

Or, Jésus a voulu que son Eglise ait jusqu’à la fin des temps des pasteurs qui participent en Lui au sacerdoce, de sorte que son acte sauveur devienne présent et efficace dans toute l’humanité et pour toutes les générations (cf. Lumen Gentium, LG 28). De nos jours, où les hommes cherchent leur voie dans l’obscurité et sont « comme des brebis errantes » (1P 2,25 cf. Mt Mt 9,36), le Coeur du Christ est plus que jamais proche d’eux, pour prévenir les dangers qui les menacent, les faux pas qui pourraient leur être fatals, et éperonner leur générosité.

C’est pourquoi chacun doit mesurer sa propre responsabilité et se rendre attentif à découvrir en soi et accueillir les signes possibles de l’appel à une mission « pastorale » plus intimement unie à l’action du souverain Pasteur, dans sa parole et dans son sacrifice.

La vie doit être consacrée à quelque chose de grand. On ne peut rester inerte et insensible lorsque des cinq continents tant de mains se lèvent vers ceux qui, représentant le Christ au milieu des hommes, peuvent répondre à leur espérance et combler leur attente. Ce sont des mains d’enfants et de jeunes qui demandent qu’on leur enseigne la voie de la vérité et de la justice ; des mains d’hommes et de femmes à qui la dureté de la vie quotidienne fait sentir d’une manière plus aiguë le besoin de Dieu ; des mains de vieillards, de souffrants, de malades ; qui attendent que l’on s’intéresse à eux, qu’on se penche sur leurs tribulations, que l’on adoucisse leurs amertumes, qu’on ouvre leurs âmes fatiguées à l’espérance du ciel ; des mains d’affamés, de lépreux, de parias, qui appellent au secours. Il faut pour cela des prêtres et des religieux, il faut des religieuses, il faut des âmes consacrées dans les Instituts Séculiers.

Mais souvent, hélas ! les uns et les autres manquent justement là où les besoins sont plus urgents et se font de jour en jour plus tragiques. C’est pourquoi nous faisons appel au peuple de Dieu : à chacun le Seigneur peut faire entendre sa voix; et les ouvriers de la dernière heure seront rétribués comme ceux de la première par le même salaire d’amour éternel (Mt 20,9-16).

Appel aux jeunes





Mais c’est surtout aux jeunes que nous nous adressons, parce que, aujourd’hui comme hier, ce sont eux que Jésus choisit de préférence et appelle à être prêtres selon son Coeur, auxquels il parle comme à « ses amis » (Jn 15,9-15) ; il les choisit et les appelle dans les divers états de la vie religieuse et de la spiritualité consacrée, pour être les témoins de sa charité altérée du salut des âmes. Le monde actuel, qui a besoin de pasteurs, a tout autant besoin de ces symboles vivants dans lesquels brille d’une plus vive lumière le dessein de Dieu sur l’humanité : il a besoin de ces vies, telles que l’Esprit-Saint en a suscité dès l’origine de l’Eglise et qui, en vertu d’une consécration totale au Seigneur et d’une totale immolation de soi à son service et au service de leurs frères, manifestent aux yeux de tous ce que Dieu attend de chacun et ce qu’il prépare pour tous: son règne d’amour. Notre époque difficile a aussi besoin de religieux et de religieuses. Tous les jeunes au coeur généreux doivent s’interroger pour savoir si le Seigneur Jésus n’est pas « en train de parler justement à leur propre coeur » (cf. Os Os 2,16). Il n’y a pas de limites à cette générosité et à ce don de soi : au delà de la patrie de chacun, s’ouvrent à l’évangélisation les champs immenses où croissent les moissons du Seigneur (cf. Lumen Gentium, LG 44 Perfectae Caritatis, PC 1 Ad Gentes, AGD 3).

A vous, donc, jeunes gens et jeunes filles qui avez la foi, nous voulons répéter la parole de la parabole : « Pourquoi rester là sans rien faire ? ». Ce n’est point de paroles, mais d’oeuvres, que l’on a besoin aujourd’hui; non de velléités, mais de générosité concrète ; non de contestations stériles, mais de sacrifice personnel qui, par un engagement direct, transforme ce monde en désagrégation. Seuls les jeunes peuvent comprendre cette nécessité : et aux meilleurs d’entre eux peut s’ouvrir le champ incommensurable de l’apostolat sacerdotal, missionnaire, caritatif, assistentiel dont nos frères ont besoin. Ecoutez la voix du Christ qui vous appelle, qui vous appelle parmi ses ouvriers : donnez un sens à la vie en faisant vôtres les sollicitudes de l’Eglise pour l’élévation et le progrès des peuples. L’Eglise, en effet, comprend vraiment les exigences de vos coeurs généreux, et elle seule ne les décevra pas, ne les instrumentalisera pas à des fins secondaires, ne les rendra pas vaines.

Nécessité de la prière





Mais c’est aussi tout le peuple chrétien qui est invité à contribuer, chacun pour sa part, à offrir au Seigneur ces pasteurs et ces âmes consacrées; dont le même peuple chrétien a besoin pour vivre et pour croître. Ils ont tous le devoir de coopérer à l’édification du Corps Mystique du Christ. Le IIe Concile du Vatican a souligné vigoureusement ce devoir : « Si donc, dans l’Eglise, tous ne marchent pas par le même chemin, tous, cependant, sont appelés à la sainteté et ont reçu une foi qui les rend égaux dans la justice de Dieu (cf. 2P 1,1). Même si certains, par la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité. Car la différence même que le Seigneur a mise entre les ministres sacrés et le reste du peuple de Dieu comporte en soi union, étant donné que les pasteurs et les autres fidèles se trouvent liés les uns aux autres par une communauté de rapports : aux pasteurs de l’Eglise qui suivent l’exemple du Seigneur, d’être au service les uns des autres et au service des autres fidèles ; à ceux-ci de leur côté d’apporter aux pasteurs et aux docteurs le concours joyeux de leur aide. Ainsi, dans la diversité même, tous rendent témoignage de l’admirable unité qui règne dans le Corps du Christ » (Lumen Gentium, LG 32). D’où la nécessité de l’apostolat, de la collaboration missionnaire, surtout de la prière pour les vocations.

C’est tout le peuple chrétien qui doit préparer, dans ses familles exemplaires, la bonne terre où la semence pourra germer et produire. C’est tout le peuple chrétien qui doit manifester son attente et son estime envers le prêtre, le religieux, la religieuse, et créer ainsi le climat favorable à l’ouverture des jeunes à l’égard des choses de Dieu. C’est tout le peuple chrétien qui doit demander à Dieu humblement ce que Dieu seul peut donner, en priant, selon le commandement du Maître pour qu’il envoie des ouvriers dans son champ (Mt 9,38). Tout le peuple : mais d’abord, tout les premiers, les prêtres eux-mêmes et les religieux, à l’exemple, à la ferveur, à la fidélité desquels est suspendu tout l’avenir de l’Eglise.

Nous sommes certains que nos paroles trouveront un écho dans le coeur de nos fils et de nos filles de toute l’Eglise catholique, y suscitant un besoin plus ardent de la prière, une offrande plus intense dans le sacrifice, une correspondance plus fidèle à la volonté divine qui nous appelle tous à nous livrer à l’amour pour l’édification de l’Eglise. Que personne ne recule devant ce devoir ; et afin que les bonnes dispositions ne fassent pas défaut, nous vous donnons de tout coeur notre Bénédiction Apostolique, et, d’une manière particulière à ceux qui suivent leur sainte vocation, aux familles qui les ont offerts au Seigneur, et à tous ceux qui, par la prière, par la souffrance, par une aide concrète les soutiennent dans ce chemin ardu et joyeux.

Du Vatican, le 12 mars de l’année 1971, la VIIIe de notre Pontificat.



paulus PP. VI






25 mars



MESSAGE DU SOUVERAIN PONTIFE POUR LA JOURNEE MONDIALE DES COMMUNICATIONS SOCIALES





Chers Frères et Fils,

et vous tous, Hommes de bonne volonté,



« Les moyens de communication sociale, au service de l’unité des hommes » : tel est l’objectif que la Journée mondiale des communications sociales propose cette année à votre réflexion, à votre étude, à vos échanges, à votre prière, à votre action.

Qui ne désirerait, de toute son âme, voir plus efficacement promue l’unité de la famille humaine ? Les hommes n’ont-ils pas pris conscience de la solidarité qui les lie, dans la vie quotidienne comme dans les moments exceptionnels, devant les exploits scientifiques comme devant les fléaux naturels ? Ils semblent décidés, de toute manière, à élargir sans cesse les cercles où se nouent des collaborations aussi fécondes que pacifiques aux divers plans économique et social, culturel et politique, sans perdre pour autant la richesse de tant de particularités multiformes. Serait-ce une utopie de former le projet d’une famille humaine universelle, dont chaque homme serait le citoyen fraternel ? (cf. Populorum Progressio, PP 79).

La conviction du chrétien est en tout cas bien assurée : « Dieu... a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se traitent mutuellement comme des frères. Tous, en effet, ont été créés à l’image de Dieu... et tous sont appelés à une seule et même fin qui est Dieu lui-même » (Gaudium et Spes, GS 24, § 1). La solidarité dans la vocation du premier Adam, puis dans son péché, est désormais vécue et renforcée dans le Christ : par sa croix, il a renversé le mur qui séparait les peuples en les réconciliant avec Dieu (cf. Ep Ep 2,14), et par sa résurrection, il a répandu son Esprit de charité dans le coeur des hommes, en les appelant, ces enfants de Dieu dispersés, à former en lui un seul Peuple, un seul Corps. L’Eglise elle-même, tout en expérimentant elle aussi des tensions, voire des divisions en son sein, n’a de cesse qu’elle ne réalise visiblement cette unité, entre ses fils de toute langue, de toute nation, de tout milieu social et professionnel. Ce faisant, elle a conscience d’être un signe prophétique d’unité et de paix pour le monde entier (cf. Is Is 11,12).

Une question, dès lors, surgit : les moyens de communication sociale dont l’importance est croissante, jusqu’à être quasi omniprésents dans la culture moderne, vont-ils, à leur niveau, être des moyens privilégiés pour promouvoir cette unité et cette fraternité, c’est-à-dire ce respect compréhensif, ce dialogue ouvert, cette collaboration confiante dans un monde où les problèmes deviennent vite planétaires ?

Ce serait se leurrer gravement que de sous-estimer la force des tensions tragiques entre milieux sociaux, entre sociétés et personnes, entre pays industriellement développés et pays du Tiers-monde, entre adeptes de systèmes idéologiques ou politiques antagonistes. Suscitant souvent une résonance accrue à travers le monde, les conflits continuent de créer des fossés dangereux, et se traduisent, hélas, par des actes de violence, et des situations de guerre. Devant ces manifestations d’opposition et de déchirement entre les hommes et entre les peuples, on ne peut certes attendre de la presse, de la radio, de la télévision, du cinéma, qu’ils les minimisent ou les passent sous silence. Leur rôle n’est-il pas, bien au contraire, de mettre en lumière tous les aspects de la réalité, même les plus tragiques, d’en tenter une approche toujours plus profonde et plus objective : celle où se lit malheureusement la misère, où s’étale le péché d’égoïsme, bref les multiples blessures qui saignent au coeur de la grande famille humaine ; mais aussi celle où apparaissent les réalisations positives, les signes de renouveau, les raisons d’espérer ?

Qui nierait en effet la tentation d’utiliser ces puissants moyens audio-visuels à l’impact si profond, pour aggraver, en les radicalisant, les tensions, les oppositions, et les divisions, allant jusqu’à décourager beaucoup d’hommes de bonne volonté dans leurs tentatives imparfaites certes, mais généreuses, d’union et de fraternité ? Ce risque, il nous faut le dénoncer avec force et l’affronter avec courage. Qui dira, par contre, les immenses possibilités, trop peu explorées encore, de ces merveilleux moyens de communication sociale, pour faire prendre conscience aux lecteurs, aux auditeurs, aux spectateurs, des vrais problèmes des autres ? pour aider les hommes à mieux se connaître et à s’apprécier davantage, dans leurs diversités légitimes ? pour dépasser, dans la compréhension et l’amour, ces barrières de toutes sortes ? mieux encore : pour éprouver, par delà tant d’obstacles, la solidarité réelle qui nous met tous, les uns avec les autres, les uns pour les autres, à la recherche du bien commun de la grande communauté des hommes ? (cf. Allocution à l’Assemblée Générale de l’ONU à New York, LE 4 octobre 1965, dans AAS, 57 [1965] PP 879-884). Il y va de l’avenir même de l’homme « auquel tout doit être ordonné sur terre, comme à son centre et sommet » (cf. Gaudium et Spes, GS 12).

Ah oui, artisans et bénéficiaires des moyens de communication sociale, unissez vos efforts pour qu’il en soit ainsi, partout à travers le monde et à tous les niveaux de participation et de responsabilité. Rejetez tout ce qui rompt le véritable dialogue entre les hommes, tout ce qui masque les devoirs comme les droits de chacun, tout ce qui attise l’incompréhension, la haine et tout ce qui détourne de la paix et d’une fraternité toujours plus élargie comme de la vérité recherchée dans la liberté. N’est-ce pas à chacun de nous, finalement, qu’est posée cette grave question : que cherches-tu ? que veux-tu ? Oui ou non, entends-tu être un frère pour ton frère ? Car si la communication n’est pas par elle-même déjà une communion, elle peut en être le chemin privilégié.

Quant à vous, frères et fils chrétiens, Nous vous demandons spécialement de réfléchir et de prier, et aussi de prendre hardiment, avec discernement et courage, tous les moyens que votre compétence et votre zèle vous suggèrent pour que, de tant de fils entrecroisés et si souvent emmêlés, vous dégagiez la trame et tissiez un monde de frères et de fils de Dieu. « Dominant toutes les forces dissolvantes de contestation et de babélisation, c’est la cité des hommes qu’il faut construire, une cité dont le seul ciment durable est l’amour fraternel, entre les races et les peuples, comme entre les classes et les générations » (Discours à l’Organisation Internationale du Travail, Genève, 10 juin 1969, n. 21, dans AAS 61 [1969], p. 500). De grand coeur, à tous ceux qui travaillent par les moyens de communication sociale, à réaliser cette aspiration de l’homme selon le dessein de Dieu, Nous donnons une large Bénédiction Apostolique.



Du Vatican, le 25 mars 1971.



paulus PP. VI








11 avril



NOTRE FORCE ET NOTRE CERTITUDE: L’ESPERANCE





Message pascal de Paul VI.



Frères et Fils qui attendez de Nous le message pascal, écoutez: tandis que, en vertu de notre ministère apostolique, Nous vous parlons du haut de cette tribune et Nous regardons le panorama du monde, Nous avons l’impression d’avoir devant Nous la vision d’une mer agitée, avec menace de plus grandes tempêtes encore. Que prépare l’homme pour lui-même et pour les générations futures en étant d’une façon trop fréquente et trop flagrante infidèle aux grands principes de solidarité, de justice et de paix que lui-même, instruit par les terribles expériences subies, a proclamés pour la civilisation actuelle comme pour la civilisation future ? Ne voyons-nous pas sans cesse de nouvelles guerres, et même des signes avant-coureurs de plus terribles encore, des armements terrifiants, des révolutions incessantes, des luttes sociales institutionnalisées, des contestations endémiques, une lente décadence morale, un recours déplorable, sur le plan professionnel et bureaucratique, aux succédanés du véritable amour, un oubli aveugle et orgueilleux de la religion irremplaçable ? L’Eglise elle-même n’est-elle pas, ça et là, secouée, sur le plan doctrinal et disciplinaire, par des courants perturbateurs, qui cherchent en vain à se réclamer du souffle authentique de l’Esprit vivifiant ?

Mais en même temps, Nous sentons que l’humanité éprouve un besoin douloureux et, en un certain sens, prophétique d’espérance, comme on sent le besoin de respirer pour vivre. Sans espoir, il n’y a pas de vie possible. L’activité de l’homme est plus conditionnée par l’attente du futur que par la possession du présent. L’homme a besoin d’un but, d’un encouragement, il a besoin de goûter à l’avance des joies futures. L’enthousiasme, qui est le ressort de l’action et du risque, ne peut être suscité que par une espérance à la fois forte et sereine. L’homme a besoin d’un optimisme sincère, non illusoire.

Eh bien ! sachez-le, amis qui Nous écoutez : Nous sommes en mesure aujourd’hui de vous adresser un message d’espoir. Non seulement la cause de l’homme n’est pas perdue, mais elle est en situation avantageuse et sûre. Les grandes idées, qui sont comme les phares du monde moderne, ne s’éteindront pas. L’unité du monde se fera. La dignité de la personne humaine sera réellement reconnue, et pas seulement pour la forme. Le caractère inviolable de la vie, depuis le sein maternel jusqu’à l’ultime vieillesse, sera admis par tous d’une manière effective. Les injustes inégalités sociales seront supprimées. Les rapports entre les peuples seront fondés sur la paix, la raison et la fraternité. Ce ne seront plus l’égoïsme, la violence, l’indigence, la licence des moeurs, l’ignorance, les si nombreuses déficiences dont souffre encore la société contemporaine, qui empêcheront d’instaurer un véritable ordre humain, un bien commun, une civilisation nouvelle. On ne pourra pas abolir la faiblesse humaine, pas plus que la déception des buts atteints, pas plus que la douleur, le sacrifice, la mort temporelle. Mais chaque misère humaine pourra bénéficier d’assistance et de réconfort ; elle connaîtra aussi cette super-valeur que notre secret peut conférer à toute décadence humaine. L’espérance ne s’éteindra pas, en vertu même de ce secret, qui n’est d’ailleurs plus un secret pour aucun de ceux qui nous écoutent. Vous, vous le comprenez : c’est le secret et aussi la Bonne Nouvelle pascale.

Toute espérance se fonde sur une certitude, sur une vérité, qui dans le drame humain, ne peut être seulement expérimentale et scientifique. La véritable espérance, qui doit soutenir l’homme dans son cheminement intrépide, se fonde sur la foi. Celle-ci justement, dans le langage biblique « est le fondement des choses que l’on espère » (He 11,1) ; et, dans la réalité historique, c’est l’avènement, c’est Celui qu’aujourd’hui nous célébrons : Jésus-Christ !

Il ne s’agit pas d’un songe, ni d’une utopie, ni d’un mythe : c’est le réalisme évangélique. Et sur ce réalisme, nous, croyants, nous fondons notre conception de la vie, de l’histoire, de la civilisation terrestre elle-même, que notre espérance transcende, mais en même temps encourage dans ses conquêtes hardies et confiantes.

Ce n’est pas le moment de vous expliquer les raisons solides de ce paradoxe, c’est-à-dire comment nous, hommes de l’espérance transcendante et éternelle, nous pouvons encore soutenir, et avec quelle vigueur, l’espérance qui concerne l’horizon temporel et présent. Le Concile en a d’ailleurs parlé avec sagesse et abondamment (cf. Gaudium et Spes). Mais c’est ici le moment où notre voix se fait l’écho de celle du vainqueur, le Christ Seigneur : « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde » (Jn 16,33) ; et de celle de l’interprète évangéliste : « La victoire qui est vainqueur du monde, c’est notre foi » (1Jn 5,4) ; en entendant ici par monde tout ce qui, caduc et pervers, a comme cadre naturel l’existence humaine.

Nous regardons encore de ce podium, de là hauteur que nous permet notre humble ministère apostolique, le panorama qui s’ouvre à notre regard, et Nous vous voyons, hommes qui travaillez et sourirez, vous qui vous appliquez dans tous vos efforts à guider la société vers la justice et la paix, vous jeunes, avides d’authenticité et de dévouement, vous, innombrables cohortes de gens honnêtes et bons, qui, dans le silence, par la prière et par l’action, avec fidélité et esprit de sacrifice, donnez un sens au déroulement du temps, vous qui souffrez et qui. êtes déçus d’un bien-être désormais dépassé, et surtout vous, croyants comme nous dans le Christ ressuscité et consacrés à Lui. Et alors, notre âme se remplit de joie et d’espérance, et vous annonce à tous : « Soyez heureux dans le Seigneur, toujours, je le répète, soyez heureux ! » (Ph 4,4). Christ est ressuscité !







MESSAGE DU PAPE PAUL VI


AU PÈLERINAGE INTERNATIONAL


DES HANDICAPÉS MENTAUX À LOURDES


Dimanche de Pâques, 11 avril 1971




Jamais encore, chers amis handicapés dans votre esprit et parfois blessés dans votre coeur, vous n’aviez connu un tel rassemblement d’amitié et de prière, autour de vous, pour vous, tout près de la grotte où Notre-Dame a bien voulu converser avec la jeune Bernadette.

Cette attention humaine qui vous entoure aujourd’hui, c’est le signe du grand Amour que Dieu, notre Père des cieux, vous réserve, et que Jésus, son Fils bien-Aimé et votre Frère, n’a cessé de manifester d’abord aux handicapés de toute sorte, aux faibles, aux prisonniers, aux humbles: «Bienheureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous» (Lc 6,20). Il vous suffit de le regarder avec confiance, de l’accueillir avec amour. Et Dieu le Père fait de vous son enfant. Le Christ vous prend avec lui, comme l’un des membres de son Corps sacré. L’Esprit de Dieu habite en vous.

Bien sûr, vous continuez à ressentir des limites, qui vous font tant souffrir, pour étudier, pour travailler, pour entrer en rapport avec les autres. Les savants, les médecins, les éducateurs, vos proches font tout ce qui est en leur pouvoir pour y remédier. Mais tous les hommes portent eux aussi en eux des faiblesses, des handicaps, parfois secrets. Et, vous l’avez vu ces jours-ci, Jésus lui-même, tout Fils de Dieu qu’il était, s’est trouvé un moment dépouillé de toute gloire, de toute puissance. Il a porté sa Croix avec amour. Il est ressuscité dans la Gloire. Il nous montre le chemin. Saint Paul nous l’explique: notre corps a été semé dans la misère, il ressuscitera dans la gloire; il a été semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force (Cfr. 1Co 15,43). Voilà chers Fils, la Bonne Nouvelle que Nous vous répétons de Rome en ce matin de Pâques, au nom du Seigneur Jésus.

Et dès maintenant, vous prenez part à cette Vie nouvelle de Jésus, en regrettant vos péchés, en recevant le baptême, en communiant au Corps du Christ, en aimant vos frères. Oui, dès maintenant, réjouissez- vous d’être ainsi aimés de Dieu.

Soyez-en sûrs: vous avez votre place dans la société. Au milieu des hommes, souvent grisés par le rendement et l’efficacité, vous êtes là, avec votre simplicité et votre joie, avec votre regard qui quête un amour gratuit, avec votre capacité merveilleuse de comprendre les signes de cet amour et d’y répondre avec délicatesse. Et dans l’Eglise, qui est avant tout une Maison de prière, vous avez plus encore un rôle de choix: pour comprendre les secrets de Dieu qui restent cachés souvent aux sages et aux habiles (Lc 10,21); pour demander aussi à Dieu tout ce dont ont besoin vos parents, vos amis, les prêtres, les missions, toute l’Eglise, les peuples où l’on manque de pain, de paix, d’amour. Nous savons que le Christ vous écoute de façon privilégiée, que notre Mère la Vierge Marie lui présente vos prières, comme à Cana.

Et vous, chers parents, Nous sommes de tout coeur avec vous. Oh! Nous devinons la blessure profonde qui vous a atteints, et qui demeure peut-être toujours ouverte. Nous Nous inclinons devant le courage patient avec lequel vous avez su y faire face, et devant l’amour privilégié dont vous vous êtes alors attachés à votre enfant. Mystérieuse souffrance des innocents, qui ne prend son sens, pour les croyants, que devant la Passion du Christ, chargée, comme elle, de la présence muette du Dieu d’amour, et promise, comme elle, à la transfiguration pascale! Oui, regardez votre enfant avec tendresse comme Dieu lui-même. Et puisse votre épreuve, avec la grâce de Dieu, vous unir au mystère du Christ, stimuler votre recherche d’un progrès humain, si ténu soit-il, fortifier votre solidarité à l’intérieur de votre foyer, et vous ouvrir à tous les autres parents d’handicapés, que vous comprenez tellement mieux que les autres! Cette foi, ce soutien, cette solidarité élargie que vous éprouvez aujourd’hui, ne sont-ils pas déjà un commencement de salut?

Enfin, c’est à toute la société que Nous lançons un appel pressant. Amis et voisins, n’ayez pas de réticence pour visiter et accueillir avec égard ces frères que vous côtoyez; intégrez-les en toute simplicité, dans vos relations. Et vous, médecins, psychologues, éducateurs, enseignants, travailleurs sociaux, voués au service des handicapés mentaux, Nous vous félicitons du soin et de l’espérance que vous apportez à ces pauvres. Nous encourageons l’acharnement avec lequel vous essayez d’épanouir leurs facultés entravées. Nous souhaitons que votre témoignage ébranle dans son matérialisme l’indifférence d’une société qui ne sait plus toujours respecter la vie, qui ferme trop volontiers les yeux sur ce qui n’est pas confort, puissance, efficacité. Que les responsables de l’économie, du pouvoir, n’oublient pas d’intégrer dans leurs plans ces déshérités de leurs pays, comme ceux du Tiers-Monde! Pour Nous, c’est là le test de cet humanisme véritable, dont on veut tant se prévaloir. Et que tous les pasteurs de l’Eglise sachent entourer ces démunis, comme Jésus, de leur prédilection! Que ce pèlerinage laisse, pour tous, un sillage de foi et de lumière!

Sur chacun de vous, chers fils handicapés, sur vos parents et amis, Nous implorons de grand coeur, en gage d’espérance, la Bénédiction du Sauveur, mort et ressuscité pour nous.


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