Messages 1971

Du Vatican, en la fête de Pâques. 11 avril 1971.

PAULUS PP. VI




AUX PARTICIPANTS AU 74ème CONGRÈS NATIONAL


DE L’UNION DES OEUVRES CATHOLIQUES DE FRANCE


Mercredi 14 avril 1971




Chers Fils et chères Filles,

Consacré à l’enfant, aux enfants d’aujourd’hui, votre soixante- quatorzième Congrès national de l’Union des OEuvres Catholiques de France, réuni sous la présidence de Monseigneur Vial, revêt une importance particulière. D’aussi près qu’il Nous était possible, Nous en avons suivi la préparation. Une enquête serrée et l’utilisation des meilleures acquisitions de la psychologie et des sciences humaines vous ont permis, en réunion générale comme en carrefour, d’élargir votre vision. Prêtres, religieuses et laïcs, vous avez regardé vivre les enfants, entre eux, avec les adultes, au sein de leur milieu social et culturel devenu mobile. Vous avez analysé leurs comportements et leurs relations affectives, déchiffré leur langage propre, mieux perçu leurs aspirations. Pourquoi tout ce travail, sinon pour reconnaître, pour redonner toute leur place à ces enfants dans la société et dans l'Eglise?

Car c’est un fait: en dépit des apparences, trop souvent, l’enfant n’est pas considéré en lui-même, avec ses possibilités propres et la grâce de Dieu qui l’anime. Bien plus, il risque d’être vu par les uns ou les autres comme un obstacle à un bonheur égoïste des grandes personnes, ou d’être au contraire utilisé comme un objet. Qui dira le drame de l’enfance humiliée, bafouée dans la droiture de son coeur et le dynamisme de son être, menacée dans son équilibre de vie et son épanouissement humain et chrétien?

Puissions-nous au contraire accueillir toujours l’enfant comme un privilégié de Dieu béni avec prédilection par le Seigneur Jésus (Cfr. Marc Mc 10,16) apte à recevoir mieux que les habiles et les savants les secrets du Père (Cfr. Luc Lc 10,21), prêt à entrer de plain-pied dans le Royaume des cieux! (Cfr. Matth Mt 19,14) Que de fois, dans la Bible comme dans l’histoire de l’Eglise, Dieu a suscité des enfants pour rappeler ou réaliser ses desseins! Et l’Eglise a jugé l’enfant de sept ans assez responsable pour demander de lui-même le baptême, et accéder aux sacrements de Pénitence, d’Eucharistie et de Confirmation. Oui, il nous faut regarder et écouter ces enfants; leur permettre d’exprimer toutes leurs richesses dans un climat empreint de respect affectueux et attentif. Car l’enfant lui aussi, avec son intelligence, sa sensibilité et sa liberté, subit l’attirance du bien et du mal et est capable de choisir, de se dévouer, de se sacrifier, d’être généreux et fidèle.

C’est dire l’importance de l’apport positif de l’éducateur. Attentif à découvrir le «langage», et à enregistrer les réactions de l’enfant, il sait aussi que celui-ci a besoin, aujourd’hui comme hier, d’être formé tout au long de sa croissance. S’il doit déployer sa spontanéité dans un univers à sa mesure, sans quoi l’éducation reçue risquerait d’être étrangère à l’élan de sa personnalité, il réclame tout autant d’être soutenu par un cadre extérieur, par un ordre ferme de valeurs, par une autorité qui ne démissionne pas, précisément parce que le jeu de sa liberté requiert cette sécurité.

A plus forte raison quand il s’agit de la Révélation, on ne saurait dire que les données de la foi soient précontenues dans la conscience de l’enfant. Certes, il est préparé à les accueillir comme un don du Père, surtout s’il a eu le bonheur de recevoir dès sa naissance, avec le baptême, le germe de la foi. On ne le dira jamais assez, l’Esprit de Dieu est à l’oeuvre en lui. Dieu seul peut d’ailleurs apprécier son degré de foi. Mais la doctrine chrétienne doit lui être présentée dans toute sa précision et toutes ses exigences, à la mesure de son esprit, à travers le langage évocateur de la Bible et de la liturgie, avant d’être vécue et exprimée dans ses «activités» catéchétiques et dans une action chrétienne et un apostolat à sa taille. N’est-ce pas là aussi un de ces droits primordiaux de l’enfant qui sont si chers à la conscience moderne?

Dès lors, comment passer sous silence tous ceux qui, par leur affection, par leur témoignage, par l’atmosphère qu’ils créent, par leur enseignement, assument la charge merveilleuse et redoutable de satisfaire ce droit: parents, éducateurs scolaires, animateurs de loisirs, catéchètes, responsables et aumôniers de mouvements, ministres des sacrements? Cet environnement, pour être humain, devra porter l’enfant à l’accueil, au partage, au don. Et pour être chrétien, il devra lui fournir aussi les signes explicites de la foi: le respect du sacré, la prière, la charité, et la chaude fraternité du foyer familial, scolaire et paroissial.

Vous le savez, avec tous les psychologues; dès son premier âge, l’enfant est déjà marqué profondément et souvent définitivement, par son «environnement». L’équilibre du foyer et le bonheur qui y règne, l’affection et le dévouement mutuels, ainsi que le climat religieux de la vie quotidienne sont des éléments irremplaçables dont l’empreinte s’avère capitale sur l’enfant. Aussi est-ce avec joie que Nous saluons les parents chrétiens qui éveillent leur tout petit au sens de Dieu. Avec quelle tristesse, devons-nous ajouter, Nous pensons aux autres enfants pour qui Dieu demeure inconnu jusqu’à l’âge tardif du catéchisme didactique. Et que dire, hélas, de ceux à qui l’on taira toujours les réalités spirituelles sans lesquelles il ne peut y avoir de vie pleinement humaine? Aussi félicitons-Nous tous les pasteurs qui intensifient aujourd’hui cette prise de conscience et ce souci auprès des parents. Ceux-ci ne demeurent-ils pas pour leurs enfants les éducateurs premiers et privilégiés?

En ce centenaire des Congrès de l’Union des OEuvres, puissent l’audace et la fidélité apostolique de tant de pionniers - particulièrement Monseigneur de Ségur, le Père Anizan et le Père Courtois - stimuler votre ardeur et votre foi, redonner une nouvelle jeunesse à cette noble entreprise qui réunit les forces vives pastorales de votre pays. Que les enfants, c’est-à-dire l’Eglise de demain, en soient les premiers bénéficiaires! De tout coeur, au nom du Christ, Nous les accueillons dans cette famille où leur vie de foi, d’espérance et de charité demeure pour tous, comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nous le rappelle, une invitation et un exemple. Et vous, chers congressistes, Nous vous bénissons ainsi que votre apostolat au service des enfants.

Du Vatican le 14 avril 1971.

PAULUS PP. VI





À LA SESSION PLÉNIÈRE DE LA FÉDÉRATION MONDIALE


DES ASSOCIATIONS POUR LES NATIONS UNIES*




C’est bien volontiers que Nous Nous associons aux festivités qui marquent, en cette Session plénière, le 25ème anniversaire de la Fédération mondiale des Associations pour les Nations Unies. Nous lui apportons le témoignage de l’estime de l’Eglise catholique, et nos propres encouragements sur cette voie de la paix et de la collaboration entre les peuples que votre Fédération entend servir.

Comme Nous le disions devant l’Organisation des Nations Unies à New York, Nous reconnaissons dans cet effort «le chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix mondiale» (AAS 57, 1962, p. 878). Certes, Nous avons parfois regretté que l’ensemble des instances internationales n’ait pas su toujours apporter, pour résoudre les problèmes aigus qui se posent à elles, la détermination efficiente qui eût ouvert des chemins novateurs, par delà les menées partisanes et stériles ou les égoïsmes collectifs. Mais Nous en sommes bien conscient: le fonctionnement de telles instances requiert la concertation et la résolution des uns et des autres. Et c’est pour Nous une raison supplémentaire de redire publiquement combien Nous estimons opportun ce patient effort pour mobiliser les bonnes volontés à travers l’ensemble de la communauté mondiale.

Ce souci du bien commun de l’humanité a déjà fait certains progrès dans la conscience des peuples et des nouvelles générations. Mais il doit être sans cesse maintenu, encouragé, approfondi dans l’opinion publique. C’est une éducation permanente à promouvoir, sans laquelle les instances internationales elles-mêmes seraient livrées à l’isolement et au dépérissement. Il faut que chaque peuple, que chaque personne prenne sa part de responsabilité, pour préparer les conditions d’une juste paix, pour accueillir avec respect les autres nations et les autres races, pour mettre en oeuvre les mesures décisives d’un développement intégral et solidaire (Cfr. Notre Encyclique Populorum progressio, dans AAS 59, 1967, PP 257-299), pour aménager l’environnement dont dépend notre avenir à tous.

Dans la mesure où vous contribuez à cette oeuvre au sein de chaque pays, en créant un terrain favorable à l’action de l’O.N.U. ou en la prolongeant, grâce aux sessions, séminaires, cours ou autres moyens dont vous disposez, Nous Nous en réjouissons, Nous vous félicitons, et Nous encourageons les chrétiens à y participer activement, eux pour qui il n’est pas possible d’aimer Dieu sans aimer leurs frères, de toute leur âme et de toutes leurs forces. Et Nous prions Dieu de fortifier, au coeur de tous les hommes de bonne volonté, cette espérance d’une fraternité sincère et durable.

Du Vatican, le 4 mai 1971.

PAULUS PP. VI


*Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.372-373.

L'Osservatore Romano, 13.5. 1971 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.21 p.12.







MESSAGE DU PAPE PAUL VI


À UN PÈLERINAGE


D’ÉTUDIANTS UNIVERSITAIRES DE CHARTRES


Dimanche 9 mai 1971




Chers amis,

«Dans la nuit, j’ai cherché» (J. LOEW, Paris, Cerf 1969). Cet aveu d’un contemporain, qui de nous ne pourrait le faire sien? Chercher Dieu! N’est-ce pas toute la grandeur de l’homme d’avoir en lui cette soif de Dieu? Vous avez médité sur ce thème, en chapitres, tout au long de votre pèlerinage de Chartres, et cela Nous réjouit profondément, Nous qui proposions cette réflexion l’été dernier aux pèlerins de Rome comme un devoir primordial, une recherche sans repos, une course sans fin (Audiences du mercredi, du 22 juillet au 9 septembre 1970; Documentation Catholique, t. LXVIII, 1970, PP 752-759, 802, 805, 852-855).

Dieu! «Qu’est-ce que Dieu» (Cfr. J. C. BARREAU, Paris, Seuil 1971). Le Dieu des philosophes et des savants? Le Dieu de Jésus-Christ? Pourquoi opposer ces diverses voies d’approche de Celui qui est «le seul Dieu, le Dieu vivant et vrai»? (Cfr. Préface de la prière eucharistique, IV) Il n’en reste pas moins, nous le croyons, «pour une rencontre réelle avec Dieu, qu’un seul chemin; le chemin vivant qui a nom Jésus-Christ» (R. P. H. DE LUBAC, S. J., Sur le chemin de Dieu, Paris, Aubier, Foi Vivante, 22, 1966, p. 257), lui qui est «le Chemin, la Vérité, la Vie»! (Jn 14,6)

Pourquoi nous mettre à la recherche de Dieu? Sans lui, n’est-il pas possible de vivre, d’espérer, de construire un monde juste et fraternel? Loin de nous l’idée de vouloir diminuer les mérites de tous les hommes de bonne volonté. Mais, nous le savons pourtant, il ne suffit pas de disposer de tant de moyens d’agir, pour trouver en soi des raisons de vivre et un sens à son existence, sans parler d’une possibilité de se guérir du péché et de vivre par delà la mort. Comment pourrait-il en être autrement, si Dieu est l’Auteur de la vie, et le Sauveur de l’homme? La tentation la plus subtile, qui témoigne à la fois de la noblesse de l’homme et de son orgueil, ne serait-elle pas de vouloir se sauver soi-même?

Mais, chers amis, on ne recherche pas Dieu seulement parce qu’on en a besoin, parce qu’il vient nous réconforter dans notre faiblesse ou notre solitude, ou parce qu’il nourrit notre espoir et stimule le dynamisme de notre action, tout en nous arrachant au mal. Ecoutons le Christ lui-même nous dire: «Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît» (Mt 6,33).

Oui, Dieu existe en lui-même, il demande à être recherché pour soi-même, simplement parce qu’il est, qu’il est vrai et réel, qu’il est beau et bon, qu’il est la cause, la source et la fin de toute vérité et de toute réalité, de tout bien comme de toute beauté.

Même si l’homme d’aujourd’hui en venait à manquer de foi, l’existence de Dieu, sa présence au monde et son plan d’amour n’en subsisteraient pas moins: «Dieu est plus grand que notre coeur» (Jn 3,20).

Comment chercher Dieu, chers amis, sinon avec une grande confiance? Bien loin d’être un objet qu’on possède, Dieu est un amour auquel on s’ouvre, car il se donne comme une personne vivante, comme un Père, comme un Frère, comme un Esprit d’amour. On accepte sa lumière. On se laisse attirer par lui, pôle toujours actif de notre existence comme de tout l’univers. On le cherche dans la réflexion, le partage fraternel, la contemplation fervente, avec «les yeux illuminés du coeur» (Cfr. R. P. CARRÉ, Paris, Cerf 1970). Comment se révélerait-il à celui qui ne prie pas? Et pour venir plus sûrement à sa lumière, «faites la vérité» (Jn 3,21). La volonté d’amour fraternel vous mettra sur son chemin quand votre coeur sera élargi, purifié et éclairé. «Nul n’a jamais vu Dieu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous» (1Jn 4,12).

Avec saint Paul, Nous vous en assurons: «Il n’est pas loin de chacun de nous» (Ac 17,27). Et avec saint Pierre, à qui le Christ a confié la tâche de confirmer ses frères dans la foi (Cfr. Luc Lc 22,31), Nous vous le disons: «approchez- vous de lui» (1 Petr. 2, 4). Vous le reconnaîtrez à la fraction du pain (Cfr. Luc. Lc 24,31), et vous saurez que «connaître Dieu, c’est être connu de lui» (Cfr. Dieu aujourd’hui, Semaine des intellectuels catholiques, Recherches et Débats, 52, Paris, Desclée de Brouter, 1965, p. 175).

Avec les apôtres, avec Marie, persévérons dans la prière (Ac 1,14). Que l’Esprit-Saint fasse de nous des témoins authentiques du Dieu vivant, des messagers de son amour. Et Nous, en son nom, Nous vous bénissons.

Du Vatican, le 9 Mai 1971

PAULUS PP. VI
















À L’OCCASION DU


«TROISIÈME FESTIVAL INTERNATIONAL DU LIVRE»




Il nous est agréable de Nous adresser à vous tous qui participez à cette messe télévisée, à l’occasion du «troisième Festival international du Livre», organisé en la ville accueillante de Nice. En ce jour de Pentecôte, vous êtes venus de différents horizons, culturels et linguistiques, pour exposer diverses productions littéraires et rechercher ensemble l’essort d’un art et d’une industrie qui importent au plus haut point pour l’avenir de l’homme.

Nous n’avons certes pas besoin de souligner devant vous l’importance croissante du livre: non point relayé par les nouvelles techniques audio-visuelles, mais conjugué avec elles, il ne cesse de constituer un moyen privilégié de savoir et de réflexion. Comment dès lors ne pas se réjouir de voir ce Festival du livre axé sur la diffusion de la culture auprès de jeunes et dans les pays en voie de développement?

Et pourtant, le «progrès» qui résulte de cette diffusion n’est pas toujours dépourvu de toute ambiguïté. Au lieu d’apporter aux civilisations, avec un enracinement plus profond, un surcroît d’épanouissement, n’arrive-t-il pas que livres et imprimés contribuent, hélas, au contraire, à les déséquilibrer, en y mêlant des ferments de désagrégation corrupteurs, de nature à corroder les plus hautes valeurs humaines? Disons-le avec force: aucun prétexte, pas même celui du gain, ne saurait justifier de pareilles entreprises. Quelle lourde responsabilité est donc la vôtre, à vous tous qui participez à la diffusion du livre! Aussi vous adressons-Nous un pressant appel à repousser toute tentation mercantile et à mettre d’abord à la portée du public les oeuvres de ceux qui, aux divers plans des arts, des lettres, des sciences, de la philosophie, de la vie spirituelle, proposent à l’humanité une expérience capable de l’éclairer, de l’élever, de la guider vers son véritable bien.

Et Nous Nous tournons plus spécialement, au cours de cette liturgie de la Parole, vers les écrivains, éditeurs et libraires chrétiens. Il revient certes à tout baptisé et confirmé de faire briller, dans sa parole comme dans ses actes, la flamme d’amour et d’espérance allumée en ce jour par l’Esprit Saint dans le coeur des apôtres, de répandre aux quatre coins du monde le message du Christ. Mais vous, chers amis, quelle incomparable contribution doit être la vôtre, avec les moyens merveilleux que Dieu vous a donnés. Ce message transmis par les apôtres, recueilli dans les saintes Ecritures, n’a cessé, sous l’impulsion des pasteurs de l’Eglise, d’être approfondi, vécu, on pourrait dire écrit, dans le coeur des fidèles, au souffle de l’Esprit de sainteté: gerbe magnifique de recherches, de témoignages, de réflexions, dont nos contemporains ont tant besoin pour entendre l’appel de Celui qui est «la Voie, la Vérité et la Vie» (Jn 14,6). Certes, Nous ne l’ignorons pas: la diffusion du livre chrétien est souvent entravée par nombre de difficultés, financières ou idéologiques. Que ces difficultés, loin de vous décourager, vous stimulent au contraire dans l’accomplissement de cette oeuvre plus nécessaire aujourd’hui que jamais pour ouvrir ce nouveau monde en gestation aux valeurs évangeliques.

Aussi est-ce de grand coeur que Nous vous adressons, en gage des divines grâces sur vos efforts pour promouvoir, à travers le livre, un authentique développement culturel et spirituel, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 30 Mai 1971.
En la fête de la Pentecôte.

PAULUS PP. VI





25 juin



« LE PEUPLE DE DIEU EST UN PEUPLE MISSIONNAIRE »





Message pour la Journée Missionnaire Mondiale.



Fils bien-aimés,

Chers Frères dans le Christ,

Chers Collaborateurs dans la Mission,



C’est ainsi que la Pape s’adresse à vous, reconnaissant avec un respect émerveillé la dignité apostolique qu’il a plu à Notre Seigneur Jésus-Christ de conférer à chacun de ses disciples, du plus grand au plus petit.

Quand ce Message vous parviendra, pour la Journée Mondiale des Missions, vous comprendrez certainement qu’il n’émane pas du Pape seul, comme d’un personnage isolé qui doit porter, à lui seul, la responsabilité missionnaire qui, depuis le commencement, a été « imposée à l’Eglise » (Ad Gentes, AGD 5). En effet, le mandat du Christ « d’aller dans le monde entier, prêcher l’Evangile à toute créature » (Mc 16,1 Mc 16,5) « a été hérité des Apôtres par l’Ordre des évêques, assisté par les prêtres, en union avec le successeur de Pierre » (Ad Gentes, AGD 5).

C’est pourquoi, en cette Journée des Missions, ce n’est pas en notre nom personnel seulement que nous nous adressons à vous, mais aussi en tant que porte-parole de nos frères dans l’épiscopat du monde entier, avec lesquels c’est notre joie d’être uni par les liens les plus étroits de la charité et par une heureuse solidarité collégiale.

Les pasteurs du troupeau des chrétiens, serviteurs de tous les serviteurs de Dieu, désirent que vous partagiez avec eux, en ce jour, cette merveilleuse pensée : eux et vous, vous êtes les membres d’une Eglise missionnaire, d’une Eglise dont la raison d’être est de faire connaître à toute l’humanité l’Evangile du salut.

Le Peuple de Dieu est un peuple missionnaire.

Le Christ aurait pu demander à son Père, et il en aurait immédiatement obtenu, « plus de douze légions d’anges » (Mt 26,53) pour annoncer au monde la rédemption. Au lieu de cela, c’est à nous que le Christ a donné cette tâche et ce privilège, à nous « les derniers de tous les saints » (Ep 3,8), qui sommes vraiment indignes d’être appelés apôtres (cf. 1Co 15,9). Volontairement, c’est à notre seule voix qu’il s’en est remis pour annoncer à l’humanité la bonne nouvelle. C’est à nous qu’est donnée cette grâce de « prêcher aux païens les insondables richesses du Christ » (Ep 3,8).

Et nous avons à prêcher l’Evangile dans cette extraordinaire période de l’histoire humaine, comme on n’en a certainement jamais connue, où les réalisations ont atteint pour la première fois des sommets qui n’ont d’égaux que les abîmes, sans précédents également, du bouleversement et du désespoir. S’il y eût jamais un temps où les chrétiens ont été provoqués, plus qu’en tout autre, à être une lumière qui illumine le monde, une ville située sur la colline, un sel qui donne de la saveur à la vie des hommes (cf. Mt Mt 5,13-14), c’est bien aujourd’hui ! Car nous possédons l’antidote contre le pessimisme, les présages sinistres, le découragement et la peur qui affligent notre temps.

Nous avons la Bonne Nouvelle.

Et chacun de nous, de par sa qualité même de chrétien, doit se sentir poussé à diffuser cette bonne nouvelle jusqu’aux extrémités de la terre. « Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4,20).

Aucun de nous, Chrétiens, — qu’il soit Pape, Evêque, prêtre, religieux ou laïc, — ne peut renoncer à sa responsabilité en ce qui concerne ce devoir essentiellement chrétien. Vous vous rappelez certainement l’insistance avec laquelle le récent Concile oecuménique a rappelé : « A tout disciple du Christ incombe pour sa part la charge de répandre la foi » (Ad Gentes, AGD 23). « Tous les fils de l’Eglise doivent avoir une vive conscience de leur responsabilité à l’égard du monde... et dépenser leurs forces pour l’oeuvre de l’évangélisation » (Ibid., 36).

Soulignons clairement ce point : Le Christ a donné à ses apôtres un ordre qui est si concret et si explicite, que toute possibilité de doute sur ses intentions est exclue. Ils devaient aller dans le monde entier (sans omettre aucune de ses parties) et prêcher l’Evangile à toute créature (sans exception de race ou de temps).

La Bonne Nouvelle consiste en ceci : Dieu nous aime; il s’est fait homme pour partager notre vie et pour que nous partagions la sienne ; il marche avec nous, à chaque pas de notre chemin, faisant siens tous nos soucis, car il prend soin de nous (1P 5,7) ; et c’est pourquoi les hommes ne sont pas seuls, car Dieu est présent dans leur histoire, celle des peuples et celle des individus ; il nous conduira, si nous n’y mettons pas obstacle, à un bonheur éternel qui dépasse les bornes de toute attente humaine.

Vous entendrez sans doute faire cette objection, qui part d’une bonne intention : Mais qu’en est-il de ceux qui ont faim, des économiquement faibles, des victimes de l’oppression et de l’injustice ? Est-ce raisonnable, est-ce même vraiment charitable, n’est-ce pas plutôt leur faire affront, que de leur parler d’un bonheur à venir? Ne vaudrait-il pas mieux, pour le christianisme, les aider à se rapprocher d’une vie vraiment humaine, plutôt que de leur parler d’une vie future au Ciel ?

Mais le Christ, qui fut lui-même « consacré par l’onction pour prêcher la Bonne Nouvelle aux pauvres... et rendre la liberté aux opprimés » (Lc 4,18), n’a pas voulu que nous puissions exclure les pauvres et les malheureux — pas plus que tout homme de quelque race, couleur, tribu, ou condition qu’il soit — de la joie d’entendre la Bonne Nouvelle de l’Evangile.

Fidèles à son esprit, nos missionnaires n’ont jamais songé à séparer l’amour de Dieu de l’amour de l’humanité, et encore bien moins à opposer l’un à l’autre. Quand ils édifient le Royaume de Dieu, ils travaillent toujours en même temps à améliorer la condition terrestre de l’homme. Et il faut affirmer bien haut que le doux message de l’Evangile n’a jamais, au cours de l’expérience de l’Eglise, été regardé comme un affront par les pauvres ou les opprimés.

Sans prétendre intervenir « pour proposer un modèle préfabriqué » de civilisation (Octogesima Adveniens, 42), les propagateurs de la Bonne Nouvelle apportent à tous les peuples (dans la fidélité au patrimoine de l’enseignement du Christ et le respect de leurs diverses cultures) ce qu’ils croient être « l’unique, la véritable, la plus haute interprétation de la vie humaine dans le temps et au-delà du temps : l’interprétation chrétienne » (Discours au Parlement de l’Ouganda, 1er août 1969, AAS 61 [1969], p. 582). C’est qu’ils croient que «le Christ, qui est mort et ressuscité pour tous, peut grâce à son Esprit offrir à l’homme lumière et force à la mesure de sa destinée suprême » (Gaudium et Spes, GS 10). L’Evangélisation, qui répond aux plus nobles aspirations de l’homme, devient ainsi un ferment de développement.

Nous constatons ainsi le besoin permanent de prêcher l’Evangile, afin d’offrir à l’homme la raison dernière de ses efforts vers le développement : « la reconnaissance par l’homme des valeurs suprêmes, et de Dieu qui est leur source et leur objet... la foi, don de Dieu accepté par la bonne volonté de l’homme, et l’unité dans la charité du Christ, qui nous appelle tous à participer comme fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes » (Populorum Progressio, PP 21).

Peut-être le monde n’a-t-il jamais senti auparavant un tel besoin des valeurs spirituelles et, nous en sommes convaincu, n’a-t-il jamais été aussi disposé à accueillir leur proclamation ? En effet, les régions du monde les mieux pourvues découvrent rapidement que, pour ce qui les concerne, le bonheur ne consiste pas dans la possession des biens ; elles apprennent, par une amère « sensation de vide », combien sont vraies les paroles du Seigneur : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui procède de la bouche de Dieu » (Mt 4,4).

Nous devons dire aux hommes, et leur redire sans cesse, que « la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine se trouve en son Seigneur et Maître » (Gaudium et Spes, GS 10). Nous devons leur dire que cela n’est pas vrai seulement pour les croyants, mais s’applique aussi à tous et à chacun, pour qui le Christ est mort et dont la vocation, en définitive, est de correspondre au dessein de Dieu : « réunir toutes choses dans le Christ, tout ce qui existe aux cieux et sur la terre » (Ep 1,10).

Nous devons inviter tous les hommes à se joindre au Peuple de Dieu, à son Eglise, cette société d’espoir toujours en expansion, qui est en mesure de tenir ses regards tendus vers l’avenir sans fermer les yeux sur le présent ; qui, en vérité, estime que le présent n’a de sens, de valeur et de prix qu’en conséquence de sa relation avec le futur, et qui, par conséquent, peut s’engager dans le présent avec d’autant plus d’énergie et de conviction. Non « nous ne rougissons pas de l’Evangile » (Rm 1,16). Non, ni le Pape ni les Evêques ne rougissent de mendier les moyens qui peuvent faire connaître l’Evangile. Si donc, en cette Journée des Missions, vous les voyez tendre la main et vous demander l’aumône pour l’amour de Dieu et du prochain, que cela ne vous surprenne ni ne vous scandalise.

Le Christ lui-même n’a-t-il pas sollicité ceux qui l’entouraient pour obtenir les moyens qu’il avait choisis pour faire le bien ? N’a-t-il pas nourri la foule avec les quelques pains que lui a fournis un jeune garçon ? N’a-t-il pas emprunté la barque d’un pêcheur pour s’en servir afin de distribuer au peuple la parole de vie ? N’a-t-il pas accepté, pour lui et ses disciples, l’assistance que les saintes femmes lui procuraient sur leurs propres ressources ? N’est-ce pas sur une ânesse empruntée qu’il a chevauché vers le lieu de sa Passion ? Et n’a-t-il pas dépendu d’un homme riche jusque pour la tombe où s’est accomplie sa Résurrection ?

Nous devons vous confier, à vous qui constituez le corps entier des fidèles catholiques et qui êtes nos collaborateurs dans la tâche que Dieu nous a assignée de faire connaître la Bonne Nouvelle, une chose qui nous remplit d’embarras et de confusion. Nous sommes incapables de pourvoir convenablement à l’entretien des missionnaires de l’Eglise et d’apporter une aide suffisante aux oeuvres de religion et d’amour qu’ils ne cessent d’entreprendre.

Ces missionnaires se sont engagés « à vie » au service de l’Evangile. C’est à notre place qu’ils partent vers les nations. C’est en notre nom qu’ils exécutent l’ordre du Maître « de prêcher l’Evangile à toute créature » (Mc 15,16). Rien de ce que nous pourrions leur offrir ne pourrait satisfaire aux obligations que nous avons envers ces hommes et ces femmes, mais nous devons au moins leur procurer le pain quotidien et pourvoir aux nécessités qui découlent de leurs oeuvres diverses.

Pour ceux d’entre nous — et ils sont nombreux — qui ne peuvent aller en personne porter la Bonne Nouvelle aux peuples de la terre, c’est souvent la seule façon qui se présente de remplir l’indispensable devoir missionnaire incombant à tous les chrétiens. Notre prière incessante attire la grâce divine sur les entreprises de nos missionnaires, nos sacrifices offerts librement et nos souffrances acceptées avec joie leur ouvrent bien des portes.

A ces subsides spirituels, nous devons ajouter de généreuses aumônes car, dans le concret de notre condition terrestre, l’assistance matérielle est aussi nécessaire.

Depuis bientôt un siècle et demi, l’organisation de ce soutien apporté par les fidèles catholiques a été confiée à un organisme charitable appelé OEuvres Pontificales Missionnaires (ou encore : Assistance Pontificale aux Missions). C’est par le moyen de ces OEuvres Pontificales dans chaque pays, sous la conduite de Directeurs Nationaux zélés proposés par lés évêques, que les aumônes du Peuple de Dieu sont recueillies chaque année, principalement dans les quêtes paroissiales du Dimanche des Missions.

Dès que ces dons ont été centralisés, ils sont distribués aux missions. Ainsi vos contributions, accordées avec générosité et de bon coeur en réponse à l’appel annuel du Pape, sont affectées sans retard aux besoins ordinaires des pays de mission : construire des églises, des écoles, des hôpitaux, des séminaires, des noviciats... nourrir les affamés, soulager ceux qui souffrent, porter des secours d’urgence aux victimes des cataclysmes...

Il est malheureusement certain que les OEuvres Pontificales se trouvent actuellement incapables de satisfaire plus qu’une fraction des demandes totales. Ce n’est pas parce que vos offrandes sont devenues moins généreuses; mais plutôt c’est une conséquence de la rapidité avec laquelle l’évangélisation a procédé et de l’extension considérable des oeuvres de développement social entreprises par les missionnaires.

Néanmoins, nous croyons devoir presser tous et chacun des fidèles catholiques de faire encore de plus grands sacrifices pour la Foi, et non seulement ceux qui appartiennent à des sociétés plus prospères, mais même ceux qui, comme la veuve louée par le Christ, devraient « prendre sur leur pauvreté » (Mc 12,44). Ce faisant, nous ressemblerons davantage à la première communauté chrétienne, dont il est dit que « nul n’appelait sien ce qui lui appartenait » (Ac 4,32).

De même que, dans ce printemps de l’Eglise, « la multitude des croyants n’avait qu’un coeur et qu’une âme », ainsi doit-il en être de la multitude des croyants d’aujourd’hui : société non seulement d’espérance, mais aussi de foi et de charité. Certainement, nous ne devons faire qu’un avec nos missionnaires, ces apôtres de notre temps, quand ils se hâtent en notre nom vers les extrémités de la terre, afin de « faire voir à tous les hommes le plan de ce Mystère tenu caché en Dieu depuis l’origine des siècles » (Ep 3,9) et pour « révéler les trésors inouïs de sa grâce par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus » (Ep 2,7).

Nous ne devons faire qu’un avec eux, dans une solidarité instamment chrétienne et apostolique, de sorte qu’ils puissent recevoir « beaucoup de force » pour « rendre témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus » (Ep 4,33). Et nous ne manquerons pas d’accomplir ainsi ce que des coeurs chrétiens doivent toujours désirer pour leurs frères humains : leur faire « connaître l’amour du Christ qui défie toute connaissance », de sorte qu’ils « puissent être remplis de la plénitude même de Dieu » (Ep 3,19).

En vous exposant ainsi nos pensées, à vous tous, chers fils et chères filles, nous invoquons sur vous la grâce et la force du Seigneur, afin que vous puissiez être fidèles à votre vocation dans son Eglise missionnaire. Et à vous, nos missionnaires bien-aimés à travers le monde, nous adressons, avec une profonde affection, un salut très spécial en Jésus-Christ, que vous servez dans l’amour, le sacrifice et la joie. A vous tous, qui collaborez avec lui pour l’édification de son Royaume — « royaume de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d’amour et de paix » (Préface de la Fête du Christ-Roi) — nous vous accordons de tout coeur, en cette Journée Mondiale des Missions, notre Bénédiction Apostolique.



Du Vatican, le 25 juin 1971.



paulus PP. VI





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