Discours 1970 15

15 Dans une telle perspective s’impose le confiant échange entre prêtres et laïcs qui, dans le regard qu’ils portent ensemble sur les mêmes situations, sur les mêmes événements, sur les mêmes besoins du monde, s’entrainent mutuellement à réaliser leur vocation et leur mission respectives.
Telle Nous apparaît être, chers Fils, la première responsabilité du Conseil des Laïcs. La seconde n’est pas moins importante: elle concerne l’articulation de l’apostolat des laïcs avec celui de la Hiérarchie, deux forces que la constitution même de 1’Eglise ne permet pas d’imaginer divergentes. Là encore votre propre témoignage doit être exemplaire.


IL MONDO HA BISOGNO DELLA BUONA NOVELLA

Aux écoutes des voix du monde, vous pouvez vous considérer comme les interprètes qualifiés des innombrables fils que le Père commun voudrait pouvoir entendre mais, comme Nous vous le demandions déjà l’an passé, Nous comptons sur vous aussi pour être auprès d’eux les fidèles porte-parole de Nos préoccupations pastorales à leur endroit. De plus, la place que le Conseil des laïcs est appelé à occuper désormais dans les organes centraux de l’Eglise l’autorise à rechercher les meilleurs moyens de conjuguer, d’harmoniser son rôle avec celui des divers dicastères, secrétariats ou commissions de la Curie romaine, dans le respect des compétences de chacun. Acquérant ainsi le sens de l’ensemble, vous y découvrirez à la fois votre fonction avec ses limites et aussi votre responsabilité dans toute son étendue et sa spécificité. De cette manière également se développera en vous de plus en plus le sens de l’Eglise hiérarchique où tout doit se traiter en termes de confiance, de service et de communion.

Pour la tâche que Nous venons de dessiner à grands traits, Nous savons que Nous pouvons compter sur votre fidélité au Siège de Pierre comme sur la maturité de votre réflexion. L’une et l’autre s’imposent plus que jamais en cette période tourmentée pour l’Eglise et pour le monde.
Si divers soient vos provenances, vos formations, vos engagements, unique doit être votre souci: prêcher Jésus-Christ, annoncer dans la joie la bonne nouvelle du salut. Le monde a besoin de cette bonne nouvelle, comme il a besoin de nourriture: un de vos interprètes nous l’a fort bien dit tout à l’heure. On peut même dire que rarement dans l’histoire est apparue aussi clairement qu’aujourd’hui l’urgente nécessité de christianiser le monde, ce monde agrandi et inquiet, devenu capable d’explorer le cosmos, et aussi de se détruire lui-même. Plus que jamais c’est l’heure de l’Evangile, l’heure de la pénétration du levain chrétien dans toute la société. Soyez, à la place spécifique et importante qui est la vôtre, celle du Conseil des Laïcs, le bons artisans de cette oeuvre immense, chers Fils, et que Notre bénédiction vous y encourage et vous y accompagne.

We wish to repeat in English how happy we are to receive the members of the Council of the Laity. To you in your service and encouragement of the lay apostolate, we impart with deep affection Our Apostolic Blessing.



AU PÈLERINAGE DES MILITAIRES DE BELGIQUE


Mercredi, 1 avril 1970




Chers Fils,

C’est de tout coeur que, dans un emploi du temps surchargé ces jours-ci, Nous avons accepté de vous réserver ces trop brefs instants pour vous exprimer notre paternelle affection, et vous encourager dans votre foi.
Ce pèlerinage romain est devenu chez vous une heureuse tradition, dont Nous félicitons les responsables. A tous, Nous souhaitons de découvrir dans cette ville de Rome les signes émouvants de l’histoire de l’Eglise, - à commencer par le tombeau des saints apôtres Pierre et Paul, - et tant de pages lumineuses de son expression artistique. Oui, ouvrez grands vos yeux et votre coeur sur cette Rome chrétienne, et votre foi y trouvera, sans nul doute, aliment et stimulant.
Le rôle qui vous revient dans votre nation est celui d’un service rendu au bien commun de vos concitoyens. Nous aimons voir en vous les garants de cette paix qui est un bien si précieux et si difficile à établir et à conserver, si nécessaire pourtant à la vie paisible et harmonieuse des familles dans la liberté et la sécurité.

16 Aussi est-ce dans cette vie même que vous trouvez quotidiennement le lieu, l’occasion, le moyen de votre vie de baptisés, de votre marche vers la sainteté à laquelle le Seigneur nous appelle tous. Sachez saisir cet aujourd’hui de Dieu, avec ses signes, ses appels, ses grâces, et être fidèles, comme déjà l’enseignait Jean Baptiste à vos devanciers (Cfr. Luc Lc 3,14). C’est au coeur même de votre vie, de ses obligations, de ses grandeurs et de ses servitudes, de ses tentations aussi, que se joue votre salut. Soyez toujours dignes de ce centurion, votre lointain ancêtre, qui fut le premier à proclamer, à la mort du Christ, et avant même sa résurrection: «Vraiment cet homme était fils de Dieu!» (Mt 27,54).
Avec l’apôtre Paul, chers fils, Nous vous exhortons: rejetez le vieil homme, ses méchancetés, ses passions impures, sa cupidité, son mensonge, son idolâtrie; revêtez l’homme nouveau, sa bonté, sa charité, son souci d’unité, et par-dessus tout son esprit filial pour notre Père des cieux (Cfr. Col Col 3,12-17). Et «brillez dans le monde comme des foyers de lumière» (Ph 2,15).
Tel est pour vous, chers fils, notre voeu de Pâques. A vous, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, à votre noble patrie, toute notre affection paternelle. A toutes ces intentions Nous vous donnons de grand coeur Notre Bénédiction Apostolique.



AUX PÈLERINS RÉUNIS À ROME

Samedi 4 avril 1970




Chers fils,

En ce samedi de Pâques, Nous sommes heureux de vous accueillir, professeurs et étudiants belges venus en pèlerinage à Rome pour les fêtes pascales. De grand coeur, Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez marché en cette ville sur les pas des apôtres Pierre et Paul, vous avez vénéré leur sépulture. Pénétrez-vous en profondeur de leur foi au Christ ressuscité, cette foi qui a transformé leur vie, qui en a fait des vivants au sens plénier du terme, avant de les conduire, par-delà le suprême témoignage du martyre, à la vie éternelle où ils nous ont précédés.
Depuis son arrivée à Rome par la via Appia, Paul, le captif, vous le savez, ne perdait aucune occasion de parler du Christ, prenant contact avec tous pour annoncer son message, par lettre comme de vive voix. Saint Luc l’a noté au livre des Actes: «Paul demeura deux années entières dans un logement qu’il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, prêchant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ, en toute assurance et sans entrave» (Ac 28,30-31).
Quel exemple pour nous tous, n’est-il pas vrai, chers fils! Puissiez-vous emporter cette leçon de Rome: quelles que soient les circonstances de notre vie, si nous voulons être dignes du beau nom de chrétiens que nous portons, il nous faut témoigner de notre foi, comme le grand apôtre Paul, «en toute assurance et sans entrave».

Que ce soit votre résolution pascale: vivre du Christ ressuscité, et témoigner joyeusement de son amour autour de vous. Qui ne le voit? Comme les communautés étudiantes se transformeraient, si tous les chrétiens, maîtres et élèves, avaient à coeur de vivre en plénitude la vie évangélique, comme la première communauté des disciples de Jésus nous en a donné l’exemple: «assidus aux instructions des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la communion du pain et aux prières» (Ac 2,42).
Tous ces jours-ci, l’Eglise nous fait lire à la sainte messe des passages de ce livre des Actes des Apôtres, qui est comme le Journal de la première Eglise. Aimez lire ce livre, pour vous pénétrer de ces pages lumineuses, qui demeurent, aujourd’hui comme hier, un programme valable de vie authentique, et nous mettent au contact tonique et vivifiant de nos pères dans la foi, ceux qui nous ont transmis la vérité la plus profonde qui soit: Dieu s’est fait homme pour nous sauver,par amour il est mort et ressuscité pour nous.

Or, comme l’a très bien noté le regretté Romano Guardini: «La vérité est le fondement de l’existence et le pain de l’esprit. Mais, dans l’histoire humaine, elle est séparée du pouvoir. La vérité vaut; la force impose. La puissance fait défaut à la vérité, d’autant plus qu’elle est plus noble. Les vérités inférieures ont quelque force, parce qu’elles confirment les tendances et les besoins; ceux par exemple qui concernent notre existence immédiate. Plus une vérité est d’un rang élevé, moins elle a de force contraignante; plus l’esprit doit s’ouvrir noblement à elle» (R. GUARDINI, Le Seigneur, trad. R. P. Lorson, t. II, Paris, Alsatia 1945, p. 253). Retenez cette leçon, chers fils, et, lorsque les voix et les appels du monde se feront plus forts et insistants, revenez à l’Evangile, au livre des Actes, ouvrez largement vos esprits et vos coeurs à la vérité du Christ, «le premier-né d’entre les morts» (Col 1,18), qui nous a «régénérés pour une vivante espérance» (1 Petr. 1, 3). En son nom, de tout coeur, Nous vous bénissons.

17 A special greeting goes to the group of Catholic and Jewish pilgrims from the United States, now in Rome after visiting the Holy Land. We pray that the memories of your pilgrimage may linger long in your heart and lead you to admire ever more the goodness of God as manifest in the history of salvation. We hope that you will return home with renewed dedication and fraternal love.
We know also that there are other groups of English-speaking visitors present here this morning. We extend our cordial welcome and impart with affection to you all Our Apostolic Blessing.



UX PARTICIPANTS AU SYMPOSIUM SUR LE MYSTÈRE DE LA RÉSURRECTION DU CHRIST


Samedi 4 avril 1970




Chers Messieurs,

Nous sommes très touché des paroles affectueuses et confiantes que le Révérend Père Dhanis vient de nous adresser en votre nom, et Nous remercions le Seigneur de cette rencontre qu’I1 Nous donne d’avoir avec des spécialistes hautement qualifiés de l’exégèse, de la théologie et de la philosophie, venus mettre fraternellement en commun leurs recherches sur le mystère de la Résurrection du Christ.

Oui, vraiment, Nous Nous réjouissons beaucoup de ce Symposium, facilité par l’aimable hospitalité de l’Institut Saint-Dominique de la via Cassia, et Nous en félicitons les responsables et tous les participants, que Nous accueillons ici de grand coeur, heureux de leur exprimer, avec notre haute estime, notre particulière bienveillance et nos plus vifs encouragements.

Pour répondre à votre attente, Nous voudrions en toute simplicité vous livrer quelques pensées qui Nous sont suggérées par ce thème capital de la Résurrection de Jésus, que vous avez si heureusement choisi comme objet de vos travaux.

1. Est-il besoin, tout d’abord, de vous manifester l’importance radicale que Nous attachons à cette étude, comme tous nos fils et frères chrétiens, et, oserions-Nous dire, encore plus qu’eux tous, à la place où le Seigneur Nous, à placé dans son Eglise, comme témoin et gardien privilégié de la foi? Vous en êtes bien tous persuadés!

N’est-ce pas toute l’histoire évangélique qui est centrée sur la Résurrection: sans elle, que seraient les évangiles eux-mêmes, qui annoncent la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus»? Ne trouvons-nous pas là la source de toute la prédication chrétienne, depuis le premier kérygme, lequel est né précisément du témoignage de la résurrection? (Cfr. Act Ac 2,32)

N’est-ce pas toujours le pôle de toute l’épistémologie de la foi, sans lequel elle perdrait sa consistance, selon les mots mêmes de l’apôtre saint Paul: «Si le Christ n’est pas ressuscité... vide est notre foi» (Cfr. 1Co 15,1-4).

N’est-ce pas la même Résurrection qui, seule, donne son sens à toute la liturgie, à nos «Eucharisties», en nous assurant de la présence du Ressuscité que nous célébrons dans l’action de grâce: «Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire» (Anamnèsis).

18 Oui, toute l’espérance chrétienne est fondée sur la Résurrection du Christ, sur laquelle est «ancrée» notre propre résurrection avec lui. Bien plus, dès maintenant nous sommes ressuscités avec lui (Cfr. Col Col 3,1): toute l’étoffe de notre vie chrétienne est tissée de cette inébranlable certitude et de cette réalité cachée, avec la joie et le dynamisme qu’elles engendrent.

2. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un tel mystère, si fondamental pour notre foi, si prodigieux pour notre intelligence, ait toujours suscité, avec l’intérêt passionné des exégètes, une contestation multiforme, tout au long de l’histoire. Ce phénomène se manifestait déjà du vivant même de l’évangéliste saint Jean, qui estimait nécessaire de préciser que Thomas l’incrédule avait été invité à toucher de ses mains la marque des clous et le côté blessé du Verbe de Vie ressuscité (Cfr. Io Jn 20,24-29).

Comment ne pas évoquer, depuis lors, les tentatives d’une gnose toujours renaissante sous de multiples formes, pour pénétrer ce mystère avec toutes les ressources de l’esprit humain, et s’efforcer aussi de le réduire aux dimensions de catégories tout humaines? Tentation bien compréhensible, certes, et sans doute inévitable, mais dont une pente redoutable tend à évacuer insensiblement toutes les richesses et la portée de ce qui est d’abord un fait: la Résurrection du Sauveur.

Aujourd’hui même - et ce n’est certes pas à vous que Nous avons besoin de le rappeler - Nous voyons cette tendance manifester ses ultimes conséquences dramatiques, allant jusqu’à nier, auprès de fidèles qui se disent chrétiens, la valeur historique des témoignages inspirés, ou, plus récemment, en interprétant de façon purement mythique, spirituelle ou morale, la résurrection physique de Jésus. Comment ne ressentirions-nous pas profondément l’effet dissolvant de ces discussions délétères, pour tant de fidèles? Mais, Nous le proclamons avec force: c’est sans crainte que Nous considérons tout cela, car, aujourd’hui comme hier, le témoignage « des Onze et de leurs compagnons » est capable, avec la grâce de l’Esprit Saint, de susciter la vraie foi: «C’est bien vrai! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Pierre» (Lc 24 Lc 34-35).

3. C’est dans ces sentiments que Nous observons avec un grand respect le travail herméneutique et exégétique que des hommes de science qualifiés comme vous accomplissent autour de ce thème fondamental. Cette attitude est conforme aux principes et aux normes que 1’Eglise catholique a établis pour les études bibliques; qu’il Nous suffise de rappeler ici les encycliques bien connues de nos prédécesseurs: Providentissimus Deus, de Léon XIII en 1893, et Divino aflante Spiritu de Pie XII, en 1943, ainsi que la récente Constitution dogmatique Dei Verbum du Concile Vatican II: non seulement la saine liberté de recherches s’y trouve reconnue, mais on y recommande aussi l’effort nécessaire pour adapter l’étude de la Sainte Ecriture aux besoins d’aujourd’hui, et pour «vraiment découvrir ce que l’auteur sacré a voulu affirmer» (Cfr. Dei Verbum DV 12).

Cette perspective retient l’attention du monde de la culture et est source de nouveaux enrichissements pour les études bibliques. Nous sommes heureux qu’il en soit ainsi. Comme toujours, l’Eglise apparait gardienne jalouse de la révélation écrite; et aujourd’hui elle se montre animée d’une préoccupation réaliste: tout connaître et tout peser avec discernement, en interprétant de façon critique le texte biblique. Ainsi l’Eglise, tout en se donnant le moyen de connaître la pensée des autres, cherche à vérifier celle qui lui est propre, et à offrir des occasions de rencontres loyales et réconfortantes à tant d’esprits droits en recherche. Bien plus, l’Eglise, elle aussi, rencontre les difficultés inhérentes à l’exégèse des textes douteux et difficiles, et elle éprouve l’utilité des diverses opinions. Saint Augustin le notait déjà: «Utile est autem ut de obscuritatibus divinarum Scripturarum, quas exercitationis nostrae causa Deus esse voluit multae inveniantur sententiae, cum aliud alii videtur, quae tamen omnes sanae fidei doctrinaeque concordant» ( Paulinum, 149, 34; PL 33, 644).

Et l’Eglise exhorte, toujours sous la conduite de saint Augustin, à rechercher les solutions par l’étude et la prière conjointes: «Non solum admonendi sunt studiosi venerabilium Litterarum, ut in Scripturis sanctis genera locutionum sciant... verum etiam, quod est praecipuum et maxime necessarium, orent ut intelligant» (De Doctrina christiana, III, 56; PL 34, 89).

4. Mais revenons-en au thème qui est l’objet de votre Symposium. Il Nous semble, quant à Nous, que cette somme d’analyses et de réflexions aboutit à confirmer, avec l’aide de nouvelles recherches, la doctrine que l’Eglise tient et professe en ce qui concerne le mystère de la Résurrection. Comme le notait avec finesse et délicatesse le regretté Romano Guardini, dans une pénétrante méditation de foi, les récits évangéliques soulignent « souvent et avec force que le Christ ressuscité est tout autre que celui d’avant Pâques et que le reste des hommes. Sa nature, dans les récits, a quelque chose d’étranger. Son approche bouleverse, remplit de frayeur. Alors qu’autrefois, il «venait» et «allait», il est dit maintenant qu’il «apparaît» «subitement», à côté des pèlerins, qu’il «disparaît» (Cfr. Marc. Mc 16,9-14 Luc Lc 24,31-36). Les barrières corporelles n’existent plus pour lui. Il n’est plus astreint aux frontières de l’espace et du temps. Il se meut avec une liberté nouvelle, inconnue sur terre . . . mais en même temps, il est affirmé vivement qu’il est Jésus de Nazareth, en chair et en os, tel qu’il a vécu jadis avec les siens, et non pas un fantôme...». Oui, «le Seigneur est transformé. Il vit autrement qu’auparavant. Son existence présente nous est incompréhensible. Et cependant elle est corporelle, elle contient Jésus tout entier,... et même, à travers ses plaies, toute sa vie vécue, le sort subi par lui, sa passion et sa mort». Ce n’est donc pas seulement une survivance glorieuse de son moi. Nous sommes en présence d’une réalité profonde et complexe, d’une vie nouvelle, pleinement humaine: «La pénétration, la transformation de la vie entière, y compris le corps, par la présence de l’Esprit Saint . . . Nous réalisons ce changement d’axe qui s’appelle foi et qui, au lieu de penser le Christ en fonction du monde, fait penser le monde et toutes choses en fonction du Christ . . . La Résurrection développe un germe qu’il a toujours porté en lui». Oui, dirons-nous avec Romano Guardini, «il nous faut la résurrection et la transfiguration pour comprendre vraiment ce qu’est le corps humain . . . En réalité, le christianisme seul a osé placer le corps dans les profondeurs les plus cachées de Dieu» (R. GUARDINI, Le Seigneur, trad. R. P. Lorson, t. 2, Paris, Alsatia 1945, PP 119-126).

Devant ce mystère, nous demeurons tous saisis d’admiration et remplis d’émerveillement, tout comme devant les mystères de l’Incarnation et de la naissance virginale (Cfr. S. GREG. M., Hom. 26 in Ev., lecture du bréviaire du dimanche in albis). Laissons-nous donc introduire, avec les apôtres, dans la foi au Christ ressuscité qui seule peut nous apporter le salut (Cfr. Act Ac 4,12).

Soyons aussi pleins de confiance dans la sécurité de la Tradition que l’Eglise garantit avec son magistère, elle qui encourage l’étude scientifique en même temps qu’elle continue à proclamer la foi des Apôtres.

Chers Messieurs, ces quelques paroles toutes simples, au terme de vos savants travaux, ne voulaient que vous encourager à les poursuivre dans cette même foi, sans jamais perdre de vue le service du peuple de Dieu, tout entier «régénéré par la Résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour une vivante espérance» (1 Petr. 1, 3). Et Nous, au nom «de celui qui est mort et qui a repris vie», de ce «témoin fidèle, premier-né d’entre les morts» (Ap 1,5 Ap 2,8), Nous vous donnons de tout coeur, en gage d’abondantes grâces pour la fécondité de vos recherches, Notre Bénédiction Apostolique.




6 avril



NECESSITE D'UNE ETUDE DOCTRINALE SUR LA « COMMUNICATION SOCIALE »





19 Grande est la satisfaction que Nous procure cette rencontre avec vous, Membres et Consulteurs de Notre Commission pour les Communications sociales, réunis au Vatican pour votre Session Plénière annuelle. Vous êtes venus pour Nous confirmer votre adhésion et votre collaboration, et Nous, Nous vous disons notre gratitude, Notre approbation, Notre encouragement.

L'assistance que vous Nous prêtez concerne un secteur particulièrement vaste et complexe, lourd de problèmes et d'affaires urgentes de Notre responsabilité pastorale : un secteur nouveau, moderne, aux exigences toujours croissantes, proportionnées au puissant dynamisme d'une réalité sociale et technique particulière, un secteur énorme et irréversible. C'est pourquoi votre aide, qui facilite Notre lourde tâche de présence apostolique et active dans le domaine des communications sociales, au service de Nos Frères dans l'Episcopat, des fidèles confiés à leurs soins et aux Nôtres, et des nommes de bonne volonté, mérite toute Notre estime, toute Notre reconnaissance.

Nous voulons souligner deux circonstances qui caractérisent d'une manière positive le moment actuel de la Commission Pontificale pour les Communications Sociales, et desquelles Nous pouvons tirer d'heureux présages. Avant tout, et votre présence en est l'illustration, la Commission se présente renouvelée dans sa composition et prête à affronter les activités d'un nouveau quinquennat. En outre, elle est sur le point de mener à bon port l'Instruction Pastorale pour l'application du décret conciliaire « Inter mirifica » dont la préparation lui a déjà demandé beaucoup de temps et coûté beaucoup de fatigue.

Cet important document, que vous approuverez ces jours-ci, sera ensuite soumis à l'examen des Conférences Episcopales de tous les pays. De cette manière se réalisera une autre forme de collaboration, — très sage et très féconde, celle-là aussi — expression ultérieure et plus vaste de la collégialité épiscopale déjà en acte dans Notre Commission par la présence de nombreux Evêques. En même temps, sera dûment reconnue la compétence des organismes locaux, dont la fonction est vraiment nécessaire, même pour ce qui regarde le secteur qui nous intéresse.

Dans le champ de la communication sociale, l'Eglise est donc présente avec des structures centrales et périphériques suffisamment adaptées, bien qu'évidemment susceptibles de développements nouveaux. Présente, l'Eglise le sera aussi, bientôt, avec des normes mises à jour et complètes, portant ainsi à maturité l'un des multiples et précieux fruits de Vatican II.

Les instruments sont donc prêts ; et prête est Notre Commission : Nous le disons dans un sentiment de satisfaction paternelle et avec des souhaits fervents. Maintenant il faut agir, et bien user des moyens structuraux et normatifs dont on dispose.

Que proposons-Nous à votre considération, en ce moment exigeant et prometteur, pour vous stimuler dans l'exercice éclairé et diligent de votre mission ?

Le risque d'aliénation





Deux pensées suffiront : deux indications directrices.

Avant tout, il Nous semble d'une importance fondamentale que soit suscitée, promue, une étude doctrinale rigoureuse et approfondie de cette réalité qu'en termes désormais classiques nous appelons la « communication sociale ». Une réalité aux dimensions gigantesques : grande comme les moyens dont elle se sert, comme les collectivités auxquelles elle s'adresse et dans le tissu desquelles elle pénètre irrésistiblement pour entrer dans sa constitution même. Une réalité qui intéresse les sciences de l'homme et les sciences de la nature : donc, une réalité aux dimensions mondiales, et par conséquent énormément suggestive. Une réalité qui met en cause tout l'homme : son individualité et sa sociabilité ; une réalité qui, au sein du binôme vital, « société et personne », crée des tensions dramatiques en raison de son ambivalence, alors qu'elle devrait promouvoir le développement harmonieux de la personne, dans ses valeurs les plus intimes comme dans ses valeurs sociales, lesquelles dérivent de la personne elle-même et se reflètent sur elle. Une réalité qui comporte un risque grave d'aliénation, de conformisme, de réception passive et incontrôlée de modèles de pensée et de comportement, en même temps qu'elle est capable de favoriser l'égalité et la fraternité, l'enrichissement commun et réciproque des idées et de la conduite, l'intérêt simultané et convergent de tous les hommes ou de larges secteurs de l'humanité pour les problèmes de la vie et de l'histoire ; une réalité capable de promouvoir la « communion » précisément à travers la « communication ». Une réalité, encore, différenciée selon qu'elle concerne la famille, ou l'école, ou les jeunes, ou qu'elle prévient ; les moyens traditionnels et toujours irremplaçables d'éducation et de formation ; différenciées, d'autre part, selon qu'elle est créée par la presse, le cinéma, la radio ou la télévision.

Phénomène à explorer





20 La communication sociale est donc un phénomène à explorer, à connaître dans ses composantes, dans ses mécanismes, dans ses lois formelles.

Et puis, il y a le grave problème des contenus : contenus réels, qu'il est donné de relever avec certitude par les méthodes propres de l'enquête sociologique, mais dont les résultats sont souvent, hélas, si affligeants ; et contenus qui « devraient être », spécialement quand la communication sociale pénètre des milieux déterminés, comme la famille et l'école, ou s'adresse à des catégories bien définies, comme la jeunesse. En effet, il est toujours merveilleusement surprenant que l'homme fragile et éphémère, et cependant si puissamment revêtu et presque accablé de la réalité qui l'entoure, soit capable de surmonter cette réalité pour la juger et la diriger. Dès lors le phénomène de la communication sociale s'offre à notre réflexion philosophique, à notre critique, et devient l'objet d'une déontologie qui, au-dessus du simple fait de ce qu'elle est à un moment donné, enseigne et indique comment elle doit se conformer à l'impératif moral par l'usage correct de ses méthodes comme des contenus dont les méthodes et les instruments sont les porteurs. Et cette réflexion s'ouvre sur les horizons illimités de la théologie, la communication sociale pouvant et devant être assumée dans le mystère du salut.

Mais pour le moment qu'il nous suffise de quelques indications. Nous voulons seulement ajouter que le problème de la communication sociale se présente avec des caractéristiques particulières lorsqu'il est considéré en milieu d'Eglise. Ici la doctrine a besoin d'un approfondissement rigoureux si l'on veut, comme il se doit, éviter l'application inconsidérée et fallacieuse de concepts nés dans un milieu différent. Mais il n'en résulte pas pour autant de limitations mortifiantes de la « communication sociale » ecclésiale. On devra, en particulier, étudier le problème de l'opinion publique dans l'Eglise, thème délicat et point facile, lourd de conséquences positives ou négatives selon qu'il est ou non situé et résolu correctement.

Mais l'on ne peut se contenter de promouvoir l'étude doctrinale de la communication sociale au niveau scientifique, spécialisé, suivant attentivement tout ce qui paraît à ce sujet et donnant soi-même ou suscitant de nouveaux apports. Il est nécessaire en effet, de diffuser aussi et de vulgariser cette doctrine, c'est-à-dire de la rendre accessible, en sorte que même la masse, et en particulier les catégories et milieux dont nous venons de parler prennent conscience du phénomène pour en user avec rectitude et sens critique. Il faut, en un mot, promouvoir un vaste mouvement d'opinion — d'opinion droite — sur la communication sociale.

Usage responsable





Le travail à accomplir dans le secteur de la doctrine exige votre engagement à tous, Membres et Consulteurs de la Commission Pontificale pour les Communications Sociales ; et votre secrétariat central, constitué près de Nous en permanence, devra encourager et coordonner votre réflexion, recueillir vos renseignements et vos propositions, et, à son tour, informer et donner des orientations. De l'attention méthodique que vous consacrerez à la doctrine de la communication sociale et à son opportune diffusion pour la formation des consciences, devront bénéficier d'une manière spéciale les Conférences Episcopales Nationales. Ainsi la Commission Pontificale leur rendra un utile service et sollicitera leur nécessaire collaboration, celle-ci d'autant plus profitable et appréciable qu'elle émane de zones culturelles différentes et variées. Autres bénéficiaires qualifiés de cet enseignement conjoint : les experts, les critiques, les dirigeants, les techniciens, tous ceux, en somme, qui agissent dans le secteur de la communication sociale avec quelque responsabilité particulière.

La seconde pensée, le second encouragement concerne le terrain plus strictement opérationnel, c'est-à-dire l'action qu'il est nécessaire et urgent d'intensifier pour obtenir un bon emploi de la presse, de la radio, du cinéma, d'autres formes de spectacles, de la télévision, relativement à la transmission de contenus humainement valables et positifs, relativement au message que le Christ a confié à son Eglise pour le salut de tous les hommes.

Emploi pastoral direct





Il s'agit des moyens de communication sociale, comme les journaux, les émetteurs et les salles de cinéma, que les catholiques possèdent ou devraient posséder, et sur la nécessité desquels (spécialement leur journal) on n'insistera jamais assez. Il s'agit de la présence de professionnels catholiques dans tous les domaines de la production et de la distribution ; de l'apostolat de milieu et de l'apostolat plus général — de tous les mouvements d'apostolat des laïcs — qui ne peut manquer, dans le réveil consolant et prometteur qui le caractérise aujourd'hui, de consacrer une attention très spéciale aux problèmes des mass-media, par une coordination efficace et opportune des efforts et des initiatives. Il s'agit encore d'écoles et de centres de formation comme les cinéforums. Ces activités et d'autres encore, qui se déroulent sur les plans diocésain, national ont besoin du soutien de la Hiérarchie, c'est-à-dire de notre Commission et des Commissions Episcopales Nationales pour les moyens de communication sociale, en collaboration avec d'autres Dicastères du Saint-Siège (par exemple celui de l'Education Catholique et le Consilium de Laicis) et avec d'autres organismes locaux des divers Episcopats.

Il ne faut pas non plus perdre de vue la possibilité, de plus en plus vaste et évidente, de l'emploi pastoral direct des moyens de communication sociale. Nous souhaitons avant tout que soit encouragée toute initiative apte à renforcer et à rendre efficace la présentation du visage de l'Eglise et de son action constante dans le monde, et cela par la diffusion rapide et précise des nouvelles qui la concernent. Mais ensuite nous devons envisager aussi des problèmes nouveaux ou affrontés jusqu'à présent d'une manière trop restreinte. Par exemple, l'emploi des moyens audiovisuels pour la catéchèse, pour la formation liturgique, pour l'évangélisation, pour l'éducation religieuse catholique. Là aussi nous devons progresser dans l'étude, dans l'effort, dans la collaboration.

Nous savons que ces brèves indications trouvent dans vos âmes un accueil généreux et parfait, dans vos âmes, déjà habituées à méditer et à hâter la solution des graves problèmes de la communication sociale, sous l'angle de la mission humaine et divine qui Nous a été confiée. Le champ est immense et malaisé. Mais Nous avons confiance dans votre oeuvre et surtout dans l'aide du Seigneur, dont Nous vous donnons comme gage et de tout coeur Notre Bénédiction Apostolique.





Discours 1970 15