Discours 1970 61

61 *Insegnamenti di Paolo VI, vol.VIII, p.1077-1078;

L' Osservatore Romano 29.10.1970, p.1.




29 octobre



LE SAINT-PERE PRESIDE LA CLOTURE DE LA PREMIERE ASSEMBLEE DU « PRESBYTERIUM » DE ROME





Nous avons accueilli avec plaisir l'invitation que nous a adressée notre vénéré Cardinal Vicaire d'assister à la conclusion de cette assemblée pastorale. Nous nous en réjouissons avant tout pour l'occasion qui nous est offerte de nous trouver au milieu de vous, Prêtres et Religieux romains, chargés du soin des âmes; de vous rencontrer, de sentir et de montrer que je suis votre Evêque. Qu'est-ce qui pourrait mieux répondre aux désirs et aux sentiments d'un Evêque, que d'être au milieu de ses prêtres, de les savoir près de lui, de leur manifester, même sensiblement, que ne leur fait pas défaut l'intérêt, l'assistance, la communion vécue avec lui ? Et puis, c'est la première fois qu'il nous est donné de rencontrer et de saluer le clergé romain constitué en Presbytérium, conformément aux récentes prescriptions conciliaires (cf. Christus Dominus, CD 28), et nous jouissons sincèrement de voir cette nouvelle institution s'engager sans retard dans des thèmes d'un haut intérêt commun. Nous pouvons ainsi exprimer en personne et de vive voix notre complaisance pour ce genre d'initiatives, destinées à prouver et à promouvoir une plus grande communion de sentiments et d'action parmi le clergé diocésain, comme nous l'enseigne le Concile. Cette circulation d'études et d'idées, cette accélération de l'activité pastorale, cette confrontation et cet échange d'expériences, cette commune formulation de nouveaux programmes et l'émulation qu'elle suscite est, croyons-nous, l'un des meilleurs résultats du Concile. Ce n'est pas une ostentation de vaines paroles aux dépens de l'action effective, mais un effort médité et partagé pour dépasser la pratique routinière devenue, avec le temps, paresseuse et superficielle, et pour infuser à la charité pastorale, c'est-à-dire au ministère, la vivacité nécessaire, pour remonter aux raisons et aux exigences théologiques du ministère même, pour appliquer avec une ponctualité unanime et confiante les nouvelles normes que l'autorité ecclésiastique est en train d'élaborer, et profiter avec un talent tout apostolique de la marge de liberté discrétionnaire laissée par la loi au zèle du pasteur d'âmes pour adapter l'exercice du ministère aux nécessités, aux aspirations et aux circonstances locales.

Voici donc notre salut, nos encouragements et notre bénédiction. Mais peut-être nous demanderez-vous : et une parole sur ce thème ne nous la dites-vous pas ?

Nous hésitons à entrer dans le vif du thème spécifique de cette assemblée, thème que l'on nous a dit être la « nouvelle mentalité pour le renouveau de la célébration des sacrements ». Nous hésitons à cause de l'ampleur même du thème, et en raison des développements que vous avez déjà entendus sur ce sujet, lesquels ont été dictés, nous en sommes convaincu, par une science et une compétence auxquelles il nous plaît de rendre honneur, plutôt que d'ajouter d'autres considérations aux leurs.

Si vous voulez que nous exprimions une simple appréciation sur le titre que propose l'objet de cette rencontre, nous dirons qu'il nous plaît. Dans la brièveté de son énonciation il exprime par deux fois le concept de nouveauté. Cette parole est à double tranchant, à cause de son double aspect. L'un, positif, signifie croissance, développement vital, signe caractéristique des valeurs authentiquement chrétiennes, toujours égales à elles-mêmes et toujours fécondes — comme il advient pour l'arbre, toujours identique, mais croissant, fleurissant et fructifiant à chaque printemps. L'autre aspect est négatif : il répudie ce que la tradition nous offre, même en ce qu'elle a d'intangible, se fie au changement en tant que tel, introduit dans le cadre doctrinal et moral de l'Eglise des éléments arbitraires, hétérogènes, qui déforment son enseignement authentique et ses lignes constitutives. Dans ce thème, au contraire, le concept de nouveauté est positif, légitime et même obligé. Obligé en tant qu'il se réfère à notre mentalité, qui, dit-on, doit être nouvelle. Rappeler à des hommes d'Eglise qu'ils doivent renouveler leur mentalité semble, à première vue, offensant, comme s'ils avaient en quelque sorte dévié du droit chemin, ou comme s'ils pliaient sous le poids de la sénilité morale. Cette injonction semble même dangereuse, comme si elle laissait sous-entendre que le renouveau souhaité autorise à dénoncer comme faussée la formation reçue et à s'abandonner à des pensées et à des expériences capricieuses. Non. Le renouveau de mentalité dont il est parlé ici, secoue l'inerte habitude de s'en tenir à des formules de pensée et de conduite commodes et désuètes, de négliger l'effort de réflexion sur les vérités théologiques, lesquelles, vu la densité et la profondeur de leur contenu, ne devraient jamais laisser en paix la contemplation, la recherche, la célébration de ceux qui en ont fait la lumière de leur vie spirituelle. Ce renouveau appelle de même à la réflexion sur les réalités extérieures, c'est-à-dire les besoins pastoraux et les conditions du monde : réalités, comme nous le savons tous, en voie de continuel et profond changement. Par mentalité nouvelle, nous entendons l'intelligence ouverte et éveillée ; nous entendons l'observance du précepte de vigilance souvent réitéré par le Christ ; nous entendons le fait de se garder jeune, dont-parle saint Paul quand il nous exhorte « à ne jamais perdre courage, car si notre homme extérieur dépérit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (cf. 2Co 4,16) ; et qu'il précise, presque textuellement pour notre cas : « renouvelez-vous dans votre esprit et dans vos pensées » (cf. Ep Ep 4,23).

Or, il nous plairait vraiment que le Clergé romain, après le Concile, dont nous n'avons peut-être pas mesuré toute l'importance en soi et toute la responsabilité pour nous, assumât une mentalité proportionnée à l'heure présente : il ne s'agit pas de s'affranchir à la légère du patrimoine de bonnes pensées et d'usages locaux que nous avons hérités de notre éducation, ni d'accepter les yeux fermés, dans une adhésion servile, les idées et les innovations de provenance étrangère et de tendance discutable ; il s'agit de puiser dans notre romanité une spiritualité nouvelle et authentique, où la foi avec ses certitudes et son appel à une méditation continuelle, où la charité avec son urgence et son universalité, infusent dans l'âme sacerdotale, dans l'âme du prêtre, spécialement de celui qui a charge d'âmes, une manière de penser, une mentalité que nous pourrions dire caractéristique, par le fait d'être formée sur la « matrice et sur la racine de l'Eglise catholique », comme dit saint Cyprien (Ep 48,3). Et cette racine est précisément l'Eglise romaine, sur laquelle repose mystiquement et historiquement un dessein divin qui, loin d'inspirer orgueil ou vanité, égoïsme banal et intérêt terrestre, doit nous rendre de plus en plus conscients, nous, clergé romain, de notre devoir d'exemple, de service, de zèle et d'amour incomparable envers le Christ Nôtre-Seigneur et envers son Eglise ; Oui, efforçons-nous de donner une spiritualité profonde à notre condition de vie, qui nous ente dans le mystère de Rome catholique.

Ainsi persuadés, il nous est facile de réfléchir sur l'autre forme de nouveauté énoncée dans votre thème : celle de la nouvelle pastorale des Sacrements. A cet égard, la nouveauté est imposée principalement par la réforme liturgique. Vous savez ce qu'elle est. Mais au-delà de la simple application rituelle, deux observations la justifient; l'une regarde sa cohérence, l'autre, sa fécondité pastorale. Qu'une réflexion théologique soit opportune, voire nécessaire, cela est évident tout d'abord pour le concept même de sacrement qui est une action divine accomplie par une action humaine : la première étant cause principale de la grâce, et la seconde, condition et instrument de sa venue (cf. A. ciappi, O.P., De sacramentis in communi, Berruti 1957).

Cette rencontre mystérieuse entre l'action transcendante de Dieu et l'acte ministériel de l'homme est une chose telle, qu'elle mérite une réflexion continuelle, un étonnement renaissant, une constante ferveur de sentiments, ne serait-ce que pour son caractère existentiel. Et sa répétition incessante exige cette attention toujours en éveil, cette découverte toujours nouvelle, si nous voulons que l'action sacramentelle ne déchoie pas en un formalisme extérieur et presque superstitieux. En second lieu cette réflexion doctrinale est réclamée par la nature du sacrement, dont nous savons qu'il est un symbole, le signe d'une intervention et d'un octroi efficace de la grâce divine. Etre signe veut dire être langage, et veut dire que le sacrement offre jusque dans son élément sensible le thème, choisi par le Christ, de l'inépuisable méditation qui conduit à la rencontre d'une pensée divine selon laquelle le Christ veut nous faire comprendre quelque chose du mystère auquel il veut nous associer. Cela veut dire par conséquent que notre mentalité à l'égard de la vie sacramentelle doit être continuellement tendue dans l'effort pour pénétrer la signification du symbole sacramentel. Pensez au baptême ; saint Paul nous exhorte à passer de l'expérience extérieure du signe sensible à la compréhension de sa signification, signification qui se réalise dans une communion spécifique de la grâce, c'est-à-dire de mystérieuse Vie divine dans notre humble vie humaine : « L'ignoreriez-vous ? écrit-il aux Romains (6, 3, 4), nous tous qui avons été baptisés dans le Christ, c'est en sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en cette mort pour que, tout comme le Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père, pareillement nous marchions nous aussi dans le renouveau d'une autre vie ».

Et à combien de profondes et merveilleuses vérités surnaturelles nous fait penser le symbole eucharistique du pain et du vin, dont la première est l'unité du Corps mystique (S. th. 73, 3) ? à quelle plénitude d'amour, le mariage, devenu le signe de la charité qui unit le Christ et l'Eglise pour laquelle il s'immola (Ep 5,25) ! Et ainsi de suite.

62 Ce qui veut dire que la mentalité nouvelle avec laquelle nous devons célébrer les sacrements consiste, outre qu'en un style de célébration extrêmement digne où transparaisse la foi trépidante et heureuse du ministre (en pratique, en est-il toujours ainsi ?), consiste, disions-nous, en une catéchèse appropriée, relative à chaque sacrement. Dans nos habitudes religieuses on peut dire que seule la première communion est entourée de cette sollicitude.

La pastorale renouvelée doit étudier et appliquer des méthodes beaucoup plus soignées aussi pour la célébration des autres sacrements. La pédagogie sacramentelle doit être plus développée dans la vie pastorale. La cause efficiente de la grâce est toute et principalement de Dieu opérant dans l'acte sacramentel (ex opere operato, comme disent les théologiens) : mais l'efficacité instrumentale et conditionnant cette mystérieuse action divine dépend de l'homme (ex opere operantis), du ministre du sacrement et de celui qui le reçoit, comme de la communauté ecclésiale qui participe à la célébration et à l'administration des sacrements (cf. Presbyterorum ordinis,
PO 13).

Qu'y a-t-il donc à désirer pour que la pastorale des sacrements soit renouvelée ? Il y a à désirer une meilleure préparation catéchétique et spirituelle, une plus parfaite célébration rituelle et communautaire soit de la part des ministres soit de la part des fidèles, et une plus consciente insertion du fait sacramentel dans la vie vécue. Le sacrement tend à des effets permanents et moraux. Toutes choses que vous connaissez bien.

Mais ce sera, pour ce Congrès, un fruit excellent si votre pastorale se perfectionne au sujet du ministère sacramentel. Vous voulez, cette année, porter votre attention sur le sacrement de mariage, comme sur un vaste et nouveau champ de ministère, celui de la famille chrétienne : spécialement avant sa fondation, puis dans son inauguration religieuse, et enfin dans son développement successif ! La pastorale de la famille se présente aujourd'hui comme la plus opportune, la plus importante et aussi la plus féconde en résultats bénéfiques et durables. Elle peut, oui, donner au pasteur d'âmes beaucoup de délicat travail, mais aussi lui apporter les satisfactions les meilleures et les plus grands mérites.

Nous le souhaitons de tout coeur.





A L’UNION DES SUPERIEURES MAJEURES FEMININES

Jeudi 29 octobre 1970




Chères Filles,

C’est pour Nous une grande joie de vous accueillir ce matin, vous qui représentez toutes les Congrégations féminines de vie apostolique, comme déléguées des Supérieures générales du monde entier. Par delà vos personnes, Nous pensons, avec un immense réconfort, à ces milliers de religieuses qui, avec discrétion mais de tout leur coeur, oeuvrent au Royaume de Dieu, selon les orientations particulières et le but spécifique de chaque Institut. En vous exprimant nos paternels encouragements, Nous voudrions vous redire, avec notre profonde estime, la grande espérance que l’Eglise met en vous aujourd’hui, dans la mesure où vous répondez généreusement à l’appel de Dieu qui a suscité votre vocation, et à son Esprit qui ne cesse de vous interpeller de multiples manières.
Est-il besoin de vous le rappeler? Vous jouez dans l’Eglise un rôle hors pair et irremplaçable. Et c’est pourquoi l’Eglise tient à marquer en toute circonstance l’excellence qu’elle reconnaît à l’état religieux. Elle l’apprécie pour lui-même, comme pour la fonction qu’il remplit au sein du peuple de Dieu. Elle en a, aujourd’hui tout particulièrement, un vif besoin, pour le culte qui y est rendu à des valeurs supérieures souvent méconnues par ailleurs: la prière, la virginité, l’esprit de sacrifice, la recherche de la sainteté, etc.; pour le service accompli aussi en des formes éminentes de charité et d’apostolat; pour l’exemple enfin que vous donnez à l’Eglise et au monde tout entier. L’Eglise ne serait plus ce qu’elle est, ni ce qu’elle doit être, sans votre présence et votre témoignage.

C’est vous dire combien vous devez vivre dans la confiance et dans la joie. Certes les problèmes et les inquiétudes ne manquent pas en notre époque tourmentée, Tant de périls naissent de doutes multipliés, d’une opinion publique parfois mal informée, de changements rapides de mentalités, de traditions, de coutumes, de façons d’agir et de penser, d’une sécularisation envahissante, de ferments de désagrégation aussi, qui sont à l’oeuvre au sein même de certaines communautés. Tout cela est vrai. Mais, chères filles, ne devez-vous pas être heureuses de cette occasion qui vous est donnée de témoigner, avec courage et générosité, de la ferveur de votre foi, de l’ardeur de votre espérance, de feu de votre charité? Heureux temps qui nous provoque tous, les uns et les autres, à un amour plus total, et à une recherche toujours plus exigeante des moyens de le vivre et de le proclamer généreusement autour de nous! C’est l’heure, pour vos communautés, d’une reprise de conscience, c’est l’heure du discernement spirituel.
N’est-ce pas à vous aussi qu’il revient en effet, dans une étroite fidélité à «l’autorité ecclésiastique» responsable, «de ne pas éteindre l’Esprit, mais de tout examiner et de retenir ce qui est bon»? (Lumen gentium LG 12 cfr. 1Th 5,19-21)

63 Toutes vos Congrégations sont appelées à une réforme et à une certaine évolution: n’est-ce pas la loi de tout organisme vivant? Déjà vos chapitres spéciaux y ont travaillé avec ardeur; souvent de nouveaux statuts ont été élaborés et sont actuellement en expérimentation. Vous le savez; pour répondre vraiment à l’authenticité voulue par le Seigneur et son Eglise, la première garantie, c’est de faire des documents du récent Concile oecuménique la base de votre aggiornamento, le décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, Perfectae caritatis au premier chef, mais aussi les autres, et d’abord les Constitutions qui situent votre place dans l’Eglise et dans le monde de ce temps, Lumen gentium et Gaudium et spes. Nous félicitons toutes celles qui en ont fait, à l’occasion de leur Chapitre, une étude approfondie: imprégnez-vous de ces dispositions, pénétrez-vous de leur esprit, pour retrouver, au milieu des bouleversements de ce monde, le guide le plus sûr de votre activité dans une exigeante fidélité à votre vocation.

Cette vocation, chères Filles, vous le savez, c’est tout d’abord une vocation à la sainteté, cette sainteté à laquelle tous les membres de l’Eglise sont appelés (Cfr. Lumen gentium.
LG 39), mais à laquelle vous êtes vouées «par une consécration particulière qui s’enracine intimement dans la consécration du baptême et l’exprime avec plus de plénitude» (Perfectae caritatis PC 5). Qu’est-ce que cette «Perfection» à laquelle votre famille religieuse reconnue par l’Eglise est «capable de vous conduire» (Lumen gentium, LG 43), sinon une union intime au Christ? C’est là l’idée fondamentale de la vie religieuse, la raison même de ses voeux et de ses engagements. C’est dire la place irremplaçable pour vous de la prière, de L’oraison, de la participation à la liturgie, pour entretenir la vie de la grâce avec le Christ aimé, contemplé, prié, adoré, reçu dans l’Eucharistie, le Christ imité aussi, au prix de l’ascèse que lui-même a demandée à ses disciples (Cfr. Luc. Lc 14,27). Beaucoup de laïcs dans l’e monde savent s’imposer, pour Dieu ou pour les leurs, de lourds sacrifices: comment comprendaient-ils qu’en soient dispensés ceux qui se veulent, à un titre spécial, les témoins de Celui qui nous a appelé à le suivre sur le chemin des Béatitudes? Oui, ayez d’abord à coeur de suivre le Christ chaste, pauvre, obéissant, de vivre toujours davantage pour lui et pour son Corps qui est l’Eglise (Cfr. Perfectae caritatis, PC 1).

Chères filles, tout comme l’e Christ, aimez profondément l’Eglise, aimez-la toujours davantage, aimez-la, comme Catherine de Sienne, lorsque son état même vous fait souffrir, aimez-la d’autant plus qu’elle est davantage combattue de l’extérieur et contestée de l’intérieur par ceux qui devraient lui être les plus fidèles, soutenez-la dans la bourrasque qui la saisit, aidez-la à interpréter ces signes des temps qui la provoquent et à affronter ces courants de pensée qui l’assaillent. Sachez enfin la faire découvrir par les hommes et les femmes de notre temps, les jeunes en particulier et ceux qui souffrent: révélez-leur son vrai visage, celui d’une mère très aimante. Ce faisant, vous êtes assurées de notre affection et de notre appui. Certes tout n’est pas parfait, même dans des organismes de direction, et vous avez pu souffrir de certaines incompréhensions. Mais il ne faut pas en exagérer l’importance et Nous voulons faire pour notre part tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider, vous soutenir et vous guider, dans un dialogue de famille confiant et loyal.

Aimez l’Eglise et servez-la. Dans vos Instituts, l’action apostolique est le prolongement naturel de la vie religieuse; elle découle directement de votre union avec le Christ. N’est-ce pas lui que vous servez dans ses membres? (Cfr. Perfectae caritatis PC 8) Dans cette conviction que la contemplation et l’amour apostolique ne sauraient être séparés (Cfr. Ibid., 5), donnez-vous de grand coeur à toutes ces tâches que vos fondateurs ou fondatrices ont eu le génie de promouvoir, à celles aussi que l’évolution du monde vous appelle à remplir de manière nouvelle, à toutes celles enfin que l’Eglise confie à votre zèle: l’apostolat sous toutes ses formes, l’aide aux prêtres, le soutien de l’Action catholique, la formation catéchétique, l’éducation chrétienne, le service des malades, des pauvres, des vieillards, l’évangélisation en pays de mission, en vous insérant toujours activement dans la pastorale du diocèse et de la conférence épiscopale (Cfr. Christus Dominus CD 33, et Perfectae caritatis, PC 23). Prenez donc toutes les dispositions nécessaires pour une préparation adéquate à cet apostolat – formation initiale certes, mais aussi continue -, et sachez vous adapter aux besoins des différents pays en greffant votre action sur leur culture propre.

Aimez le Christ, aimez l’Eglise, aimez aussi votre famille religieuse qui est pour vous la communauté de vie chrétienne privilégiée, où vous avez répondu à l’appel du Seigneur, où vous marchez à sa suite, vous entraînant et vous entraidant mutuellement (Cfr. Gal Ga 6,2). Cherchez donc à vous pénétrer davantage de l’esprit de chacun de vos Instituts, pour mieux le comprendre, mieux le vivre, mieux le soutenir par une généreuse obéissance et une fidélité inventive. Votre témoignage apostolique en effet n’est pas individuel: la vie communautaire est un caractère essentiel de vos congrégations religieuses, suivant en cela l’exemple de la primitive Eglise où la multitude des fidèles n’avait qu’un coeur et qu’une âme (Cfr. Act. Ac 4,32). Sans cette charité qui est la plénitude de la loi (Cfr. Rom. Rm 13,10) et le lien de la perfection (Cfr. Col Col 3,14), vos plus riches énergies risqueraient en effet de se dissoudre et le signe du Christ de s’évanouir; le monde lui-même, les jeunes en particulier, si sensibles au témoignage d’une vie authentiquement fraternelle, ne comprendraient plus votre témoignage de «Soeurs» (Cfr. Perfectae caritatis PC 15).

Puisse donc votre charité se révéler assez profonde et assez forte pour surmonter les conflits que la diversité des tempéraments, des générations, des méthodes apostoliques, des différentes communautés ne manque pas de susciter ! L’union des esprits et des coeurs n’exclut nullement, vous le savez, une saine diversité, pourvu que celle-ci soit vécue dans la fidélité à l’essentiel, et la disponibilité à une sincère révision de vie, pourvu surtout qu’elle soit animée par un véritable «sens de l’Eglise». Ce sens vous fera écarter tout ce qui tend à détruire les normes approuvées par elle et qui ont aidé tant de saints à gravir le chemin de la perfection. Ce n’est pas dans le négatif qu’il convient de se complaire, mais dans le positif qu’il faut édifier. De grand coeur Nous Nous réjouissons de tant de fécondes initiatives pour perfectionner les formes d’activité propres à chacun de vos Instituts, comme pour rendre plus authentique votre vie de prière et le témoignage de votre pauvreté. C’est tout un renouveau qui fait refleurir la prière liturgique, qui engendre des communautés plus fraternelles et adapte les oeuvres traditionnelles aux nécessités et aux besoins du monde moderne. Celui-ci désire en effet et souhaite trouver chez vous cette perfection des moyens et leur adaptation exemplaire au but poursuivi.
Chères Filles, continuez à être, au milieu de ce monde, les témoins de l’amour de Dieu et de sa tendresse, dans le sillage et à l’exemple de la Vierge Marie (Cfr. Perfectae caritatis PC 45): «Servez le Seigneur dans l’allégresse» (Ps 100,2). Oui, de toutes vos forces, donnez votre pleine mesure. Le monde a besoin de vous. L’Eglise compte sur vous. Et de grand coeur le Pape vous donne, en témoignage de son affectueuse confiance et en gage de fécond apostolat, sa paternelle Bénédiction Apostolique.

Il Nostro saluto, espressione di affetto e di riconoscenza, si rivolge a voi, Superiore Generali, e a ciascuna delle vostre Famiglie religiose, sparse nel mondo, nelle scuole, negli asili, negli ospedali, nei lebbrosari, e in altre innumerevoli opere caritative e sociali, al servizio di Dio in Cristo, prestato con amore indiviso, per l’aiuto sollecito, gentile, operoso ai fratelli. Vi assista nel vostro impegno la grazia del Signore, che invochiamo su di voi e su ciascuna delle vostre Consorelle, affinché il vostro «sacrificio in odore di soavità» sia sempre di grande giovamento alla Chiesa e al Vangelo. Con la Nostra particolare Benedizione Apostolica.

We are happy to extend to you Our beloved English-speaking daughters Our greeting of grace and peace. It is with deep affection in Christ Jesus that, in his name, we thank you and your religious communities throughout the world for all that you do in the service of the Gospel; be assured of Our prayers and Our esteem. To all of you goes Our Apostolic Blessing.

Allen anwesenden Generaloberinnen entbieten Wir Unseren wäterlichen Gruss und Unsere besten Wünsche. Wir danken Ihnen für die treue Erfüllung Ihres vielseitigen Apostolates und erteilen Ihnen wie Ihren Mitschwestern als Unterpfand bleibenden göttlichen Schutzes und Beistandes von Herzen den Apostolischen Segen.

Nos sentimos felices de extender a vosotras, queridas hijas de lengua española, nuestro saluto de gracia y de paz. Con profundo afecto en Cristo Jesús, en su nombre, os agradecemos a vosotras y a vuestras comunidades religiosas extendidas por el mundo, todo lo que hacéis en servicio del Evangelio; estad seguras de Nuestras oraciones y estima. Para todas vosotras, Nuestra Bendición Apostólica.

64 As queridas Irmãs de língua portuguesa, queremos saudar, cordialmente, com votos de todo o bem, no Senhor.
Asseguramos às famílias religiosas, que aqui representais, o Nosso apreco e estima, pelo generoso empenho, em irradiar a caridade de Cristo, ao serviço do Povo de Deus e dos irmãos.
Auspício dos favores divinos, para constante fidelidade ao ideal evangélico professado, seja a Nossa Bênção Apostólica.



AUX MEMBRES DE L’«ASSOCIATION NATIONALE DES DOCTEURS EN DROIT»


Samedi 7 novembre 1970




Monsieur le Président, chers Messieurs,

Nous avons été très sensible au désir que votre Association nationale des Docteurs en Droit Nous a exprimé par l’intermédiaire de notre Secrétaire d’Etat, le cher et vénéré Cardinal Jean Villot, et vous remercions d’avoir réservé ces instants, au cours d’un séjour romain particulièrement chargé, pour rendre visite au Vicaire du Christ. Nous vous recevons volontiers, conscient du rôle important que votre haute compétence juridique et vos responsabilités de premier plan vous permettent d’assurer, aussi bien dans la société de votre pays que par delà ses frontières.
Comme beaucoup d’autres, votre Association est née du besoin naturel que vous avez ressenti de vous regrouper entre spécialistes, pour promouvoir l’estime de votre culture juridique, maintenir le prestige de vos diplômes et des prérogatives qui s’y rattachent, établir entre vous une solidarité et une entraide utiles.
Mais, par delà cette défense et cette promotion bien légitimes de votre profession, Nous apprécions votre volonté de nouer des relations avec les juristes d’autres pays. Nul doute que la multiplication des échanges de part et d’autre des frontières nationales, ne favorise l’instauration progressive et universelle d’un système juridique plus équitable, plus uniforme, fondé sur le sens de la justice inné au coeur de l’homme et sur les droits sacrés de sa personne. Notre prédécesseur le Pape Pie XII du reste avait souvent tenu à encourager les juristes dans cette voie.

Vous voulez également stimuler chez les membres de votre Association l’acquisition d’une compétence juridique toujours profonde et plus étendue. Les secteurs où vous êtes appelés à travailler ne sont plus en effet restreints à ceux de la magistrature et du barreau, mais s’étendent aussi aux bureaux ministériels, à de multiples administrations, et à beaucoup d’entreprises du secteur privé ou public, où l’on sollicite votre aide d’expert ou de conseiller juridique. C’est donc une nécessité pour vous d’enrichir votre culture juridique générale d’une spécialisation dans une branche déterminée du droit, et même de rechercher par surcroît un complément de formation en psychologie, sociologie et économie, voire en mathématiques. N’est-il pas significatif que votre revue ait pris l’an dernier le titre de «Droit plus Economie», en liaison avec le Club international du Droit et de l’Economie? Pour Notre part, Nous sommes heureux de vous manifester estime et encouragement, car cette voie vous permettra sans nul doute de rendre des services appréciés à notre société qui évolue si vite, et parfois comme à tâtons, sans que les orientations soient toujours claires, et le cheminement bien assuré.

Votre profession n’est-elle pas en effet un service exigeant rendu au bénéfice des personnes et de la société tout entière? Il vous revient de collaborer à l’élaboration des lois, des conventions aussi qui cherchent à aplanir les différends; et enfin de régler les conflits qui ne manquent pas de survenir entre les personnes et les groupes d’intérêts. Les mutations sociales considérables qui naissent de la mise en oeuvre progressive du marché commun, de la planification, de la concentration des entreprises et de leur mobilité dans un système trop souvent axé sur la seule recherche du profit matériel, requièrent une harmonisation des législations et une mise au point des relations professionnelles de toutes sortes. Les chefs d’entreprises, les comités d’entreprise, les syndicats ont besoin de votre collaboration éclairée pour élaborer un droit du travail qui tienne compte, avec la plus grande équité, des besoins de toutes les parties en cause. Certes, le développement de notre société requiert des scientifiques et des techniciens; mais son organisation, qui se révèle plus difficile que la production des équipements, a besoin aussi de juristes et de sages, capables de tenir compte des requêtes légitimes des personnes et des groupes sociaux, et de les harmoniser progressivement dans un équilibre toujours à la recherche de la justice et de l’équité dans la participation à un même bien commun.

De graves questions vous sont posées dès lors: l’évolution du droit familial, social, administratif, fiscal . . . - nous ne parlons pas des droits sacrés de la personne humaine qui sont intangibles et universels - est-elle adaptée à l’évolution sociale, économique et politique de notre époque ? S’en préoccupe-t-on suffisamment au plan international, pour traduire dans la complexe réalité quotidienne cette «morale internationale de justice et d’équité», dont Notre encyclique Populorum progressio rappelait avec instance les exigences (Cfr. Populorum progressio, PP 81). Cette recherche, ce constant réajustement, supposent une compétence éclairée comme aussi un profond désintéressement pour aider les hommes d’aujourd’hui dans leur passionnante et difficile recherche d’une société plus humaine pour tous les hommes. Qui ne le voit? Sans un sens averti du droit, ne court-on pas le risque d’en rester à des institutions surannées et donc stériles, ou au contraire de partir à l’aventure et d’ajouter encore à l’incertitude de l’homme, d’augmenter son désarroi, et de rendre plus précaire son existence tragiquement coupée des racines de son passé? Aussi espérons-Nous que les chrétiens auront à coeur de s’engager toujours davantage et de toutes leurs forces dans cette promotion du droit, à la lumière de l’évangile, afin «de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les moeurs, les lois et les structures de leur comunauté de vie» (Ibid.).

65 L’Eglise, comme tout organisme vivant, éprouve elle aussi le besoin, vous le savez, de mettre à jour son droit canonique pour l’adapter aux nécessités actuelles et le rendre toujours plus évangélique. Pour elle, il est vrai, l’essentiel est la communion de charité dans le Corps mystique du Christ. Mais elle a conscience aussi qu’ici bas, dans son cheminement terrestre, une structure lui est nécessaire, de par la volonté même de son fondateur, avec des institutions perfectibles certes, mais toujours établies pour communiquer la grâce du Sauveur, et favoriser entre tous ses membres des relations ordonnées au bien de chacune des personnes comme aussi du but de l’Eglise elle-même. C’est vous dire combien Nous souhaitons un dialogue fructueux et confiant entre juristes et canonistes qui travaillent les uns et les autres à traduire les exigences du bien commun dans les sociétés que constituent les hommes.
Aussi est-ce de grand coeur que Nous formons les meilleurs voeux pour votre Association, afin qu’elle réponde à ces nobles finalités que Nous venons d’évoquer. Nous recommandons vos intentions, personnelles et professionnelles, à Celui que la Bible appelle si souvent le Dieu de justice (Cfr. Ps
Ps 118, 137, etc.) et Nous invoquons sur chacun d’entre vous et tous ceux qui vous sont chers, l’abondance de ses célestes Bénédictions.




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