Discours 1971 26

AU GRAND MAÎTRE DE L’ORDRE SOUVERAIN DE MALTE*


Lundi 28 juin 1971




Chers Fils,

Dans le sillage de la fête de saint Jean-Baptiste, Nous accueillons volontiers le Grand Maître de l’ordre Souverain de Malte, avec la délégation qui l’accompagne.

Votre vocation s’inscrit nettement aujourd’hui dans le cadre de l’assistance aux plus démunis et des oeuvres caritatives qu’elle nécessite. Nous connaissons les initiatives que votre Ordre a déjà prises en ce domaine, dans les divers continents, en collaboration avec les autorités locales compétentes. Nous vous encourageons de grand coeur à poursuivre et à élargir autant que le permettront vos possibilités, ce service désintéressé, là surtout où se manifestent aujourd’hui les besoins les plus urgents et les plus tragiques, là où les hommes sont livrés sans défense à la famine, à l’épidémie, aux conséquences désastreuses de la guerre.

Cette charité vraiment chrétienne, ne sera-ce pas la façon éloquente d’annoncer le Seigneur au monde d’aujourd’hui, de préparer ses voies dans l’esprit du Précurseur, votre saint Patron, qui invitait ses disciples au partage, de témoigner de la foi que l’ordre de Malte a mis traditionnellement son honneur à proclamer et à défendre? Car il importe de conserver à l’ordre son caractère religieux et catholique. Oui, «que votre lumière brille ainsi aux yeux des hommes afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux» (Mt 5,16).

C’est dans ces sentiments que Nous vous renouvelons l’assurance de notre cordiale estime et que Nous vous donnons, comme à tous les membres qui collaborent avec vous, à leurs familles, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.



*Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.581-582;

27 OR 28-29.6.1971 p.2;

ORf n. 28 p.8.




24 juin



RECEVANT LE SACRE COLLEGE, PAUL VI FAIT UN TOUR D’HORIZON DES PROBLÈMES ACTUELS DE L’EGLISE ET DU MONDE





A l’occasion de la fête patronale du Pape.



Merci à vous, Monsieur le Cardinal, merci à Messieurs les Cardinaux présents et à tout le Sacré Collège, comme aussi à tous les clercs et laïcs de la curie romaine, du diocèse de Rome, de la Cité du Vatican qui s’associent à vous pour Nous exprimer de façon délicate et significative leur cordial dévouement, avec leurs voeux nobles et spirituels, à l’occasion des célébrations annuelles relatives à notre humble personne et se référant à la fonction supérieure qui, par un dessein caché de la divine Providence, Nous est confiée au service de l’Eglise de Dieu. Si, d’un côté, cette bonté indulgente Nous remplit de confusion et Nous fait trembler, une fois de plus, à la pensée de notre responsabilité et en voyant que nos forces ne sont pas proportionnées pour y répondre de façon adéquate, d’un autre côté elle Nous réconforte en Nous faisant sentir combien Nous sommes soutenu par votre collaboration loyale et solidaire et par votre précieuse communion spirituelle. Fasse le Seigneur, tout en exauçant vos voeux à notre égard, que vous soyez les premiers à bénéficier de l’abondance des divines faveurs qui ne manquera pas de retomber sur vos dignes personnes et sur les organismes qui vous sont confiés, comme aussi sur les personnes qui vous sont chères dans l’amour du Seigneur ; et que la sainte et très aimée Eglise catholique, que les chrétiens, pour qui Nous souhaitons le rétablissement de l’union parfaite avec Nous, que le monde entier dans lequel nous vivons, anxieux de le faire participer dans une certaine mesure au message du salut chrétien, que tous bénéficient de l’effusion de la Bonté suprême que Nous invoquons.

En cette rencontre, qui se renouvelle chaque année en cette même circonstance et qui se prête à un tour d’horizon sur les conditions présentes de l’Eglise, une question d’ordre général, reflétant notre intérêt affectueux, se présente à nos esprits : comment va l’Eglise aujourd’hui ? Cette question est toute naturelle et spontanée, mais elle porte sur des horizons trop variés et trop larges, et peut-être pousse-t-elle notre curiosité au-delà de nos vues humaines, auxquelles peut échapper le dessein de Dieu sur le déroulement de la vie de l’Eglise, dessein qui ne deviendra manifeste que dans les temps futurs et peut-être même seulement au delà du temps. Même en limitant notre regard à l’observation immédiate et empirique de la condition présente de l’Eglise, la réponse ne peut embrasser toute la réalité, tant celle-ci est vaste et complexe. Cependant, eu égard à notre devoir de « veiller et prier pour ne pas entrer en tentation » (cf. Mt Mt 26,41), Nous pouvons nous interroger à chaque instant : comment va l’Eglise aujourd’hui ? « Veilleur, où en est la nuit ? ». C’est la voix de la Bible qui résonne encore à nos oreilles et qui réveille en nos esprits, stimulés en outre par l’esprit moderne d’observation, le désir, le besoin de nous rendre compte de la façon dont vont les choses.

Limitons-nous à quelques simples remarques, qui toutefois Nous semblent à propos, en commençant par ceux qui, plus proches de Nous, se consacrent au service généreux et fidèle de toute l’Eglise.

Etroite collaboration entre les Cardinaux





Il existe depuis quelque temps, grâce spécialement à notre Cardinal Secrétaire d’Etat, des réunions périodiques des Cardinaux chefs de dicastères de la curie romaine ; au cours de ces réunions sont exposées les questions principales qui intéressent l’Eglise et spécialement le Saint-Siège, et qui offrent des éléments de jugement sur l’actualité ecclésiale. Nous considérons comme un fait très important qu’une collaboration plus étroite et plus habituelle se manifeste entre vous, Messieurs les Cardinaux, et qu’une information réciproque vous permette de connaître toujours mieux les nécessités de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. La plupart d’entre vous, Messieurs les Cardinaux, sont déjà au courant des multiples problèmes concernant la marche présente de nos affaires.

A cet égard, il Nous apparaît comme un devoir de relever combien cet organisme que nous appelons la curie romaine est aujourd’hui en bonne forme et animée d’un profond esprit de service. Son internationalisation progressive nous permet de compter désormais, parmi nos collaborateurs quotidiens, des prélats provenant de presque tous les continents, de cultures, de formations et d’expériences très diverses, dont la présence nous rend encore plus attentif aux multiples exigences des églises locales. La décentralisation, opérée pendant et après le Concile, concernant de multiples affaires réservées jusqu’alors aux dicastères romains, n’a nullement diminué la quantité et la pression des affaires auxquelles ils doivent se consacrer. C’est un phénomène que l’on ne peut attribuer seulement à l’augmentation, commune dans tous les domaines, de la correspondance, mais plutôt à notre préoccupation de consulter largement nos frères dans l’épiscopat, comme aussi à l’augmentation et à l’accélération des rapports des églises locales avec la curie romaine, signe que dans les diocèses aussi et les nouvelles conférences épiscopales l’activité a augmenté et que, malgré la plus grande extension des diverses compétences propres aux organismes ecclésiastiques locaux, le besoin pratique, et même, spirituel, d’une référence au centre visible de l’Eglise se fait tellement sentir que Nous devons souvent résister à diverses propositions visant à l’institution de nouveaux organismes au service de l’unité intérieure et de l’organisation fonctionnelle de l’Eglise elle-même. Vous savez quelles compétences nouvelles ont assumées les dicastères de la curie romaine, vous connaissez tous les Secrétariats et bureaux, comme aussi les nouvelles initiatives et l’augmentation des relations avec les divers pays, qui se sont ajoutés au cadre préexistant de l’organisation du Saint-Siège. Nous le notons, non par vaine complaisance, mais plutôt avec une certaine appréhension du point de vue administratif, et aussi avec une confiance stimulante dans le signe d’unité, de collégialité, d’amitié, d’espérance que représente ce phénomène.

Le travail post-conciliaire





28 Ce dernier Nous semble rassurant à un autre point de vue également: le bilan de notre travail post-conciliaire apporte, en effet, à notre conscience et au jugement objectif d’autrui, la confirmation que Rome a voulu et veut conserver une grande fidélité dans l’application du Concile ; et cela, non seulement en ce qui concerne les normes, mais bien plus sous l’aspect religieux, spirituel et rénovateur de la vie ecclésiale. Nous Nous faisons un devoir d’exprimer nos remerciements, et de citer à la reconnaissance de l’Eglise l’oeuvre énorme accomplie par les dicastères romains en cette période tourmentée mais féconde, comme aussi de reconnaître en ce labeur généreux, sage, moderne, un signe de vitalité et d’à-propos historique qui ne manque pas de faire penser à une assistance miséricordieuse de l’Esprit-Saint. L’Eglise, Nous semble-t-il, n’a pas perdu le rythme de la marche du monde contemporain. L’Eglise romaine accomplit, par suite d’un effort admirable et émouvant, la synthèse — ou tout au moins une tentative prudente et courageuse — de la tradition avec les exigences des temps nouveaux, dans la conviction que c’est seulement dans la fidélité à ses racines historiques, canoniques, doctrinales, spirituelles, c’est-à-dire à sa propre tradition séculaire, apostolique et évangélique, que l’Eglise romaine, et avec elle l’Eglise catholique, peut conserver son identité authentique, et bien plus encore sa vitalité perpétuelle et toujours jeune : « Tes fils sont comme des plants d’olivier... » (Ps 127,3). Le vieil olivier se couvre de feuilles et porte des fruits.

Vigilance et tempérance





Mais la question nous talonne encore: comment va l’Eglise ?

Oh, frères, ne la posez pas à Nous, cette nouvelle question, si elle se réfère à d’autres aspects de l’Eglise, romaine ou universelle ; Nous voulons dire aux aspects qui mettent en évidence certains phénomènes de sa composition humaine et de sa fragilité terrestre. Vous les connaissez et les approchez peut-être plus que Nous. Oui, notons tous que l’Eglise ressent beaucoup, chez les hommes qui la composent, spécialement chez ceux qui étudient et chez les jeunes, l’influence de la culture et des moeurs qui caractérisent le monde profane, à tel point que l’adhésion, souvent excessive, à la mode du temps en fléchit les tendances vers un relativisme qui réclame vigilance et tempérance. Nous ne voulons pas méconnaître tout ce que l’expérience très riche, et à certains points de vue merveilleuse, de notre temps offre de vrai, de juste, de beau, à l’Eglise qui poursuit son pèlerinage à travers le temps; Nous ne voulons pas non plus décourager l’angoisse apostolique de ceux qui cherchent à se faire « tout à tous » (cf. 1Co 9,22) pour les attirer tous au Christ : aujourd’hui, l’uniformité des usages et la compréhension du langage ont une grande importance pour établir des contacts avec le monde auquel nous voulons porter notre message. Il y a cependant un risque que cette attitude, louable dans ses intentions, se traduise dans un conformisme superficiel, c’est-à-dire par l’abandon de richesses de notre patrimoine culturel et moral, et entraîne la tentation de rendre indûment facile le christianisme, pour nous comme pour tous ceux à qui nous le voudrions communiquer, en le dépouillant de ce à quoi il ne peut renoncer : le mystère de ses dogmes, le scandale de sa croix, l’exigence fondamentale de sa communion hiérarchique.

Ainsi, en même temps que des progrès constants dans sa propre vie intérieure et dans sa force expansive et missionnaire, la marche présente de l’Eglise accuse quelques fléchissements douloureux et préoccupants, de pénibles difficultés, qu’elles soient externes ou (et Nous le disons avec plus de regret) internes. Mais cherchons aussitôt à comprendre le secret providentiel qui se cache en ces épreuves ; autrement dit, cherchons à comprendre quel stimulant de purification, de pénitence, de ferveur elles contiennent pour nous tous ; essayons d’entendre le rappel bénéfique à une plus grande foi, à une plus grande espérance, à une plus grande charité qu’elles représentent pour tous ceux d’entre nous qui veulent vraiment aimer le Seigneur et servir dans l’amour le prochain tel que notre temps le présente à nos soucis pastoraux. « La puissance se déploie dans la faiblesse... Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Co 12,9-10).

Circonstances difficiles qui ralentissent le pas





Certains chemins, du reste, sont ouverts à la bonne marche de l’Eglise, même dans les circonstances difficiles qui ralentissent le pas. Nous devons, par exemple, nous souvenir toujours de l’exigence de faire participer les hommes d’aujourd’hui, dans la mesure du possible, à l’oeuvre salvifique de l’Eglise. Nous devons également être attentifs aux efforts qui tendent, même d’une façon encore balbutiante, à porter au monde d’aujourd’hui un témoignage authentique de l’amour du Christ. « N’éteignez pas l’Esprit. Ne méprisez pas les prophéties. Eprouvez tout, retenez ce qui est bon. Gardez-vous de toute espèce de mal » : ce sont des paroles de saint Paul (1Th 5,19-22).

Sauf illusion, Nous croyons avoir suivi ce critère apostolique dans quelques actes récents de notre ministère, comme par exemple la lettre apostolique Octogesima Adveniens, comme aussi Nous Nous proposons de le faire dans une exhortation sur la vie religieuse que Nous ne tarderons pas à publier, après Nous être livré à des consultations nombreuses et réfléchies.

Nous ne voulons pas oublier non plus que la vie de l’Eglise sera marquée, dans les prochains mois, par l’Assemblée générale du Synode des Evêques. Le Seigneur Nous a déjà donné la joie de présider deux Synodes. Celui que nous célébrerons en automne Nous semble revêtir une importance capitale, en raison des arguments qui formeront l’objet de ses travaux. Nous souhaitons que sa préparation—soutenue par la prière — continue partout avec un sens profond de responsabilité.

La demande que Nous Nous sommes faite : « comment va l’Eglise ? », Nous obligerait à considérer un autre groupe d’éléments concernant « la vie présente de l’Eglise elle-même, Nous voulons dire les questions pendantes, qui font l’objet d’une étude approfondie de nos bureaux.

Les questions pendantes sont multiples et graves : telles sont celles relatives au prochain Synode des Evêques dont Nous parlions à l’instant, à la réforme liturgique, aux séminaires, à l’oecuménisme ; les questions concernant l’Eglise en Italie, en Espagne, dans les territoires portugais en Afrique, les relations avec les pays de l’Est de l’Europe, etc. Nous n’avons pas l’intention de parcourir tous les domaines ; Nous n’en finirions pas. Nous Nous contentons d’une brève allusion, pour recommander à votre attention et à vos prières ces problèmes si nombreux et compliqués.

29
Que la paix et l’amour remplacent la discorde et la violence





Nous ne voulons pas toutefois passer sous silence une situation dont la gravité Nous oblige à renouveler nos instances.

La tragique situation qui est devenue récemment celle de la population du Pakistan oriental, et le phénomène, de proportions gigantesques, déterminé par l’exode de millions de citoyens qui ont cherché refuge ailleurs, ont douloureusement affecté le monde et ont suscité en notre esprit des sentiments de peine profonde.

Nous avons déjà voulu lancer un appel public pour que la paix et l’amour remplacent la discorde et la violence, et tandis que Nous Nous sommes hâté d’apporter notre modeste mais très affectueuse contribution à l’oeuvre de secours aux réfugiés et à leurs frères restés sur le sol de la patrie, Nous avons, de façon pressante, exhorté les organisations catholiques d’assistance à ne pas manquer d’apporter leur aide à ceux qui sont dans un si grave besoin.

Nous voulons ici manifester à nouveau notre angoisse, et renouveler notre appel en faveur de l’amour et de la paix, adressant cet appel de façon particulière à ceux qui détiennent les pouvoirs publics, afin que pour ces populations soit rétablie une communauté de vie humaine et civique, dans la paix, dans un climat de compréhension et de collaboration d’où soit exclu tout sentiment d’hostilité et de méfiance.

Et que dire des deux autres points douloureux sur la face du globe, où la guerre, bien qu’en sommeil, n’est pas encore éteinte ni dépouillée de ses terribles menaces ? Un mot seulement à ce sujet.

Le Vietnam : à quand la paix ? On le sait, Nous sommes étranger au conflit et aux tractations qui devraient aboutir aune entente. Mais Nous ne sommes pas étranger aux souffrances que comporte ce conflit, tant dans la zone nord que dans la zone sud. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir, et tout ce qui était au pouvoir de nos institutions caritatives catholiques des divers pays, pour apporter quelques secours ; mais il ne fut pas possible jusqu’à présent — et Nous voulons espérer que cela le soit dans un proche futur — d’arriver jusqu’au Nord. Sans fruit non plus malheureusement est demeurée notre tentative, discrète mais sincère, en vue de hâter la réconciliation et la fin de la guerre ; Nous ne cesserons, à cet égard, de saisir toute occasion favorable pour que la paix, la liberté, la concorde et une nouvelle prospérité soient accordées à ces régions tourmentées, et si chères à notre coeur.

Il y a aussi le Proche-Orient, où se trouve, en plein centre du conflit, cette Terre Sainte que Nous ne pouvons pas ne pas regarder avec un intérêt passionné, et à laquelle Nous souhaitons, comme pris d’un instinct prophétique, la paix, la véritable paix. Tous savent que cette dernière ne peut être le fruit d’une victoire militaire, ni ne peut se réduire à une formule trop simple. C’est la complexité de la situation, qui la rend extrêmement délicate et difficile.

Quoi qu’il en soit, Nous redisons que seul un intérêt et une méthode de paix guident notre comportement dans cette affaire enchevêtrée. Nous guide aussi dans l’exercice de nos droits et devoirs pour la sauvegarde des Lieux Saints, le fait que Nous savons bien que, non seulement la catholicité, mais toute la chrétienté partage cette inaliénable exigence. A cette sauvegarde s’ajoute celle de la population chrétienne, — et l’intérêt aussi pour celle qui n’est pas chrétienne, arabe et hébraïque — de la région, afin que, malgré son caractère composite, elle puisse vivre librement et normalement. Et il y a aussi la question de Jérusalem : il Nous semble, répétons-le, que ce soit l’intérêt, et donc le devoir de tous que cette ville, au destin unique et mystérieux, soit protégée par un statut spécial, garanti par une protection juridique internationale, et puisse ainsi, dans de meilleures conditions, devenir, non plus un objet de controverses implacables et d’interminables contestations, mais un centre de convergence pour la concorde, la paix et la foi. Nous cherchons dans ce but à faire, en tout respect et amitié, oeuvre de persuasion.

Pour le moment, Nous mettons fin à notre discours, en changeant la question qui l’a inspiré : « comment va l’Eglise ? », en celle-ci dont la réponse est plus facile mais non moins intéressante : où va l’Eglise ? Dans le temps et au sein de l’humanité, elle va vers le Christ, plus consciente que jamais, après le Concile, de ne pas avoir d’autre but à atteindre ; elle va, joyeuse et patiente, alternant progrès et difficultés, et toujours soutenue par son eschatologique espérance : elle va vers le Seigneur Jésus.

Merci à vous tous qui marchez à nos côtés ; et que notre Bénédiction Apostolique vous réconforte au long de la route.



30 Eglise et documents, vol. IV, pp. 284-292







AUX PARTICIPANTS


AU CONGRÈS MONDIAL DE «PAX ROMANA»


Mercredi 21 juillet 1971




Chers Fils et chères Filles,

Le cinquantième anniversaire de la fondation de Pax Romana appelle une commémoration digne des événements significatifs de la vie de l’Eglise. Il mérite en même temps une réflexion profonde sur le rôle que l’Eglise joue dans le monde d’aujourd’hui par la présence et I’action de ses fils qui se trouvent aux premières lignes de la pensée et de la recherche et aux postes de synthèse et de direction dans la société contemporaine.

Répandue dans plus de 80 pays de tous les continents, avec ses deux Mouvements d’Etudiants et d’Intellectuels et ses Secrétariats professionnels, Pax Romana présente, en effet, à nos yeux une image de l’Eglise elle-même: Peuple de Dieu, inséré dans un monde en mutation, solidaire des joies et des espoirs, des tristesses et des angoisses des hommes de ce temps (Gaudium et Spes GS 1), riche de toute la diversité des cultures et des traditions humaines, parcouru peut-être par les mêmes tensions qui déchirent le monde d’aujourd’hui, mais fort d’une Présence unifiante qui est celle du Christ Sauveur vivant dans tous ses membres.

D’autres, au cours de vos célébrations, auront retracé les étapes d’un demi-siècle d’histoire dont nous voyons ainsi les fruits: d’une histoire liée à celle de la cité de Fribourg et de son Université qui viennent de vous accueillir, et dont certains des pionniers sont encore heureusement parmi vous - mais comment ne pas évoquer ici la mémoire, parmi tant d’autres, du premier «pèlerin» de l’idée dePax Romana, Georges de Montenach, et celle, plus proche de nous, de l’abbé Joseph Gremaud, dont le souvenir vous a réunis en prière au cours de vos journées?

Les étapes de cette histoire sont liées aussi par mille liens à cette Ville des Apôtres Pierre et Paul, à cette Rome «onde Cristo è Romano» (Purg. XXXII, 102). Car plus encore qu’un nom, «Pax Romana» a toujours été pour vous une devise, rappelant aux universitaires et aux intellectuels catholiques leur engagement chrétien de construire la paix sur les bases solides de la justice et de l’amour. («Si tu veux la Paix, agis pour la justice»: c’est le thème même que Nous avons choisi pour la Verne Journée Mondiale de la Paix).

L’historien pourrait remonter à la fin du 19eme siècle, aux premières tentatives de réunir à Rome une Union internationale des étudiants catholiques - mais ce projet, béni par Notre grand Prédécesseur, le Pape Léon XIII, ne devait se réaliser qu’une trentaine d’années plus tard, dans un monde déchiré par la première guerre mondiale, mûr enfin pour cette volonté généreuse de recréer la paix par la réconciliation des coeurs et par une action commune d’universitaires chrétiens conscients de leurs responsabilités intellectuelles et sociales. Rappelons plutôt d’autres souvenirs encore frais pour plusieurs d’entre vous: les Journées de Rome de 1947, au lendemain d’un conflit plus désastreux encore; nouveau départ d’une Pax Romana étendue désormais au monde entier et prête, dans ses structures renouvelées, pour les dimensions nouvelles des tâches de la communauté mondiale. Puis, pendant l’Année Sainte 1950, ce Pèlerinage qui Nous a donné la joie d’une rencontre de foi et de prière au Colisée avec des étudiants et des intellectuels de toutes les régions du monde.

Mais il ne s’agit pas aujourd’hui, chers Fils et chères Filles, de s’attarder à de simples évocations du passé. Votre Cinquantenaire invite plutôt à tourner les regards vers l’avenir. C’est pourquoi Nous voudrions vous convier, jeunes et anciens, à approfondir toujours plus, dans la ligne du thème choisi pour vos Assemblées de Fribourg, le sens chrétien de la libération de l’homme, à laquelle vous avez l’ambition de travailler dans les prochaines années.

Plus que jamais, en effet, dans leur quête d’une authentique liberté, les hommes ont besoin d’en chercher le véritable sens auprès du Christ-Libérateur.

Libération . . . Le mot se rencontre aujourd’hui sur toutes les bouches; il court dans les écrits les plus divers; les idéologies les plus opposées l’utilisent. Aussi, comme c’est le cas pour toutes les grandes et légitimes aspirations humaines, il demande, pour garder son sens chrétien, à être constamment éclairé, au fil des événements de l’histoire, par l’humble écoute de la Parole de Dieu, par l’étude attentive des documents du Magistère, par la confrontation loyale entre ce qu’on est en train de vivre et la foi vivante de l’Eglise.

31 Ainsi seulement l’homme chrétien peut-il devenir un artisan toujours plus efficace de la libération selon le Christ Jésus, qui «a ouvert aux hommes la voie bienheureuse de la liberté des fils de Dieu» (Lumen gentium LG 37).

Regardons-Le un instant, Lui, l’homme libre par excellence. Certes, nous le voyons attentif - et combien! - aux maux de toute sorte qui pèsent sur ses frères: «Venez à moi, vous tous qui êtes las et surchargés, et je vous soulagerai ...» (Mt 11,28). Mais c’est à la cause profonde qu’il s’en prend en toute occasion, c’est du péché qu’il veut libérer l’homme, c’est de l’emprise du mal que chacun découvre au-dedans de lui-même et qui l’enchaîne à son égoïsme, à son orgueil, a ses appétits charnels; péché individuel que viennent multiplier les influences collectives et où il faut chercher la source des oppressions et des asservissements que secrètent les sociétés humaines, fussent-elles les plus religieuses en apparence: «Ce peuple m’honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi».

C’est au coeur des hommes que le Christ parle pour leur ouvrir les chemins de liberté. II croit à la capacité de tous les hommes, jusqu’au plus enchaîné, d’accéder à la vérité et à l’amour et de devenir les instruments de leur propre libération, à condition qu’ils y travaillent ensemble.

La libération qu’il leur propose n’est pas affranchissement de la loi morale, mais par delà tout légalisme, elle est tension constante vers la perfection chrétienne, - disons le mot - vers la sainteté (Lumen gentium, ch. V), vers l’absolu de l’amour de Dieu et du prochain: «Tu aimeras de tout ton coeur . . ..» (Lc 10,27).

Liberté de l’amour qui interdit tout formalisme étroit, exclut toute forme de racisme, ouvre tout grand le coeur à l’Esprit qui «souffle où il veut» (Jn 3,8).

Liberté de l’amour qui est obéissance à Dieu, acceptation humble et confiante de se laisser conduire par le Christ et par l’Eglise: «Un autre ceindra et te conduira là où tu ne voudrais pas» (Jn 21,18).

Liberté de l’amour qui, finalement, est participation au sacrifice du Seigneur, à son mystère de mort et de résurrection. C’est notre foi au Christ, Sauveur par la Croix, qui nous amène à croire possible la libération de tous les hommes et leur rassemblement dans l’unité. C’est notre foi en sa Résurrection qui nourrit en nous, pour tous nos frères humains «l’espérance de la gloire».

Ce sera, pour une large part, à vos Aumôniers, - que Nous saluons tout particulièrement parmi vous - de vous aider, jeunes, et anciens, à vivre vos luttes humaines pour la vérité, la justice et la paix dans la lumière de Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie. Les membres de Pax Romana sauront assumer ainsi leur pleine responsabilité dans l’Eglise, aimant «collaborer avec ceux qui poursuivent les mêmes objectifs qu’eux» (Gaudium et spes GS 43).

Nous n’oublions pas enfin, pour en avoir été l’un des témoins, que Pax Romana a joué un rôle de pionnier dans la constitution des Organisations catholiques internationales, dépassant le cadre trop restreint de chaque nation. Elle a par là même inauguré un mode de présence, discrète mais efficace, de l’Eglise auprès des Institutions de la communauté mondiale. Aujourd’hui, dans le même sillage, vous devez souvent travailler avec des hommes de bonne volonté de tous les horizons, pour que «vienne le jour où les relations internationales seront marquées au coin du respect mutuel et de l’amitié, de l’interdépendance dans la collaboration, et de la promotion commune sous la responsabilité de chacun» (Populorum progressio PP 65). Vous êtes donc amenés à collaborer, non seulement avec vos frères catholiques, mais avec les chrétiens qui participent à la recherche oecuménique, et aussi avec des incroyants. Gardez-vous cependant de laisser se dissoudre votre identité d’Organisation catholique: même dans la recherche de conditions plus humaines, témoignez de la vision catholique qui vous est propre. C’est d’ailleurs ainsi que vous rendrez à tous le meilleur service.

Ces remarques n’ont voulu que souligner quelques aspects plus importants de la nature et de l’activité de vos deux Mouvements. En terminant, c’est avec joie que Nous réitérons, non seulement nos félicitations à l’occasion du Cinquantenaire, mais aussi notre confiance dans Pax Romana. A vous, chers Fils et chères Filles du MIIC et du MIEC, Nous disons encore que Nous comptons sur votre fidélité, sur votre sens des responsabilités, sur votre dialogue et votre collaboration confiante avec vos Pasteurs dans l’accomplissement de la mission de l’Eglise et le service de toute la famille humaine. De tout coeur Nous vous donnons Notre Bénédiction Apostolique.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 5 août 1971




32 Monsieur l’Ambassadeur,

Nous remercions Votre Excellence de l’hommage délicat qu’elle vient de Nous adresser en qualité de nouvel Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Arabe Syrienne. De tout coeur, Nous vous souhaitons la bienvenue et, par delà votre personne, Nous exprimons Notre respectueuse salutation au Président de la République, qui vous accrédite aujourd’hui près le Saint-Siège, et Notre estime affectueuse pour tout le peuple syrien.

La récente inauguration du «Mémorial Saint-Paul» n’a-t-elle pas exprimé, mieux que nos paroles, la vénération particulière que le Saint-Siège manifeste pour la tradition chrétienne de votre cher pays, en même temps que l’intérêt profond qu’il porte à la Syrie? Avant de venir témoigner ici de sa foi, ce fut en effet aux portes de Damas que le grand Apôtre Paul commença à recevoir la lumière du Christ. Et Nous espérons que le modeste Centre d’études et de réflexion que Nous avons voulu ériger en cet endroit devienne un haut-lieu spirituel, un foyer d’unité, une source de charité. La rencontre significative qu’a constituée la cérémonie d’ouverture est déjà un gage d’espérance, et Nous savons gré aux Autorités civiles de votre pays de la bienveillance qu’elles ont manifestée à cette occasion.

Nos Fils catholiques, est-il besoin de le répéter ici, souhaitent inséparablement trouver les moyens de soutenir leur propre vie religieuse et participer, avec tous leurs compatriotes, au bien commun de la nation. C’est en ce sens, vous le savez, qu’ils nourrissent un attachement particulier aux établissements scolaires qu’ils ont fondés. L’éducation qui y est dispensée se veut formatrice de tout l’homme, l’initiant, en même temps qu’à une solide formation intellectuelle et technique aujourd’hui nécessaire, aux valeurs spirituelles indispensables, si chères à un peuple de croyants, au sens de la justice, à une amitié généreuse envers tous les frères, à un loyalisme actif envers la patrie. Nous gardons espoir que cette difficile question trouve bientôt un heureux épilogue, où chaque partie recevra satisfaction pour ses soucis légitimes, dans l’intérêt de tous.

Une autre question fondamentale ne cesse de Nous préoccuper tous, bien sûr. Vos l’avez vous-même longuement évoquée, et Nous ne pouvons la passer sous silence: celle de la paix au Moyen- Orient. Cette région se trouve concernée par un climat d’insécurité qui pèse sur elle depuis tant d’années, avec son cortège de guerres, d’injustices et de haines, dont les pauvres font toujours les frais. Votre Excellence sait avec quelle attention Nous suivons tous ces événements, uniquement soucieux de voir s’établir au plus vite une paix honorable et juste. Et en attendant, Nous voulons contribuer à en préparer le chemin, selon Notre compétence et Notre mission de paix, et Nous continuerons à faire tout le possible pour apporter, aujourd’hui même, les réconforts humains à tous ceux qui sont dans le besoin.

Tels sont les voeux principaux, Monsieur l’Ambassadeur, que suggère en Nous votre présence au moment où vous inaugurez ici votre haute mission. Puissent les liens fructueux qui se sont noués entre la République Arabe Syrienne et le Saint-Siège s’approfondir et se développer, avec votre entremise, dans un climat de confiance et de collaboration réciproque! C’est dans ces sentiments que Nous invoquons de grande coeur sur votre personne, sur le noble peuple syrien et sur ses dirigeants, les bienfaits du Dieu Tout-Puissant.

*AAS 63 (1971), p.691-692.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.673-674.

L’Attività della Santa Sede 1971, p.309-310.

OR 6.8.1971 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.33 p.5.




Discours 1971 26