Messages 1973



Messages 1973

Eglise et documents vol. V – Libreria editrice Vaticana


25 janvier



MELBOURNE : MESSAGE DE PAUL VI





Chers Fils et Filles d’Australie, bien-aimés dans le Christ,



En ce jour qui marque la fin du Congrès Eucharistique International, un jour tout spécialement dédié à la paix dans le monde, Nous sommes heureux de vous envoyer notre salut du Vatican même. C’est une véritable joie de pouvoir, malgré la distance énorme qui nous sépare en ce moment, parler avec vous et vous assurer que tout au long de ces journées de grâce, Nous avons prié avec vous et pour vous. Nous avons prié particulièrement pour que le thème général du Congrès : « Aimez-vous les uns les autres, comme moi je vous ai aimés » pénètre réellement et profondément dans vos coeurs et que vous puissiez comprendre plus intensément combien vous êtes aimés par le Seigneur et comment, l’aimant à votre tour, vous devez aimer autrui. Si cette semaine de Congrès nous a donné cette grâce, alors ces jours auront été vraiment merveilleux, des jours qui auront glorifié le Seigneur, perfectionné vos esprits et apporté aux hommes de nouvelles raisons d’espérer la paix en ce monde.

Si les hommes modelaient fidèlement leur amour les uns pour les autres sur l’amour que leur porte le Christ et dont ils ont un témoignage dans l’Eucharistie, où donc la haine pourrait-elle encore trouver place ? Où pourraient encore trouver moyen d’exister, la violence, l’injustice sociale ? Comment serait-il possible que les offenses, les discriminations, le manque de respect fassent encore partie de la vie de l’homme ? Nous avons en Jésus le plus clair des modèles : Il nous a aimés et continue à nous aimer d’un amour total, fait de compréhension, de sacrifice, un amour qui ennoblit, un amour simple, sans restrictions ni limites. Nous espérons vivement que le Congrès Eucharistique aura parfaitement enseigné la leçon de l’amour. Nous espérons que les hommes et les femmes, partout dans le monde, auront entendu l’appel du Congrès, l’auront compris, et qu’ils le mettront en pratique dans leur existence, car dans cet appel à l’amour mutuel des hommes, il y a la clé de la paix. Nous avons dit que la paix est possible. La paix est possible, parce que l’amour est possible ; et nous savons que l’amour est possible parce que nous en trouvons un exemple dans l’Eucharistie du Seigneur.

Voilà donc nos voeux, pour vous et pour toute l’humanité. Nous remercions Dieu pour toutes les grâces accordées et Nous prions pour qu’il daigne récompenser tous ceux qui ont participé à l’organisation du Congrès Eucharistique et tous ceux qui ont pris part au Congrès lui-même. A vous tous, chère population d’Australie et à tous ceux qui sont venus à Melbourne des régions les plus lointaines pour rendre hommage à Jésus-Christ, nous donnons notre Bénédiction Apostolique. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.








22 avril



MESSAGE PASCAL DE PAUL VI



A l’issue de la Messe de Pâques qu’il a célébrée sur le parvis de Saint-Pierre devant une foule considérable, le Saint-Père, avant de donner la Bénédiction « Urbi et Orbi », a lu le Message Pascal traditionnel dont nous publions le texte ci-dessous :



Notre message de Pâques, en cette année 1973, arriverait difficilement à nos lèvres et arriverait avec peine à vos oreilles si la vérité même, la réalité du fait déconcertant ne venait à notre secours et ne nous obligeait à nous présenter à nouveau au monde et à répéter, avec la sécurité originelle, renforcée même par les nouveaux conflits d’une critique corrosive, le message antique et inouï, le témoignage invraisemblable mais victorieux: il est ressuscité, oui, Jésus le Christ est ressuscité, ressuscité de la mort, de notre mort fatale et horrible, et il a inauguré une vie nouvelle, notre propre vie, mais refondue en une métamorphose surnaturelle, dominée par les énergies célestes de l’Esprit (cf. 1Co 15).

Oui, Frères, le Christ est vraiment ressuscité. Et ce message renouvelé chaque année fonde la vigueur de nos voeux de Pâques, pour vous qui nous écoutez, pour les peuples répandus sur toute la terre qui attendent que leur parvienne encore l’habituel message de Pierre, avec sa certitude.

Il est ressuscité ; et ici Nous le laissons lui-même, le Christ, nous dire ces mots qui nous répètent à tous la bienheureuse salutation : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20,19 et 26).

Que notre souhait pascal de paix, adressé à tous, aille tout particulièrement là où la paix n’existe pas encore, et là où elle est plus incertaine et précaire !

Notre voix vibre au rythme des soucis actuels qui emplissent notre coeur. Que notre souhait rejoigne donc l’Indochine, si longtemps objet de l’attention et des anxiétés du monde ! L’espoir, éveillé seulement tout récemment, de voir la fin du long conflit, est encore exposé aux vents contraires d’une situation incertaine qui le rend fragile et vacillant.

Que notre souhait rejoigne la terre où le Seigneur Jésus est né, a enseigné, a souffert, est mort et ressuscité ! Là où sa salutation de paix a résonné tant de fois et d’où elle s’est répandue sur toute la terre, en même temps que son message d’amour et de justice, là aussi où, hélas ! ne règne pas encore la paix !

La paix, nous la souhaitons pareillement aux chères populations de l’Irlande du Nord. La situation intolérable et douloureuse qui, malheureusement, se prolonge là-bas, contre les aspirations et la volonté de la plus grande partie d’entre elles, est une offense non seulement à l’humanité mais au nom de chrétien. Que se taise la voix de la violence, et que parle au contraire celle de la sagesse et de la bonne volonté ! Puissent les récentes propositions, bien connues et autorisées, offrir une base favorable à un effort conjoint capable d’ouvrir le chemin vers une vraie réconciliation dans la justice et la charité !

Notre regard embrasse le monde et découvre tant d’autres foyers de contestation et de situations d’injustice qui entraînent réactions et révoltes. Que là aussi parviennent notre message de voeux et notre exhortation, accompagnés de notre prière ; et de la coopération de tous ceux qui aiment la paix.

A tous les artisans de paix, nos encouragements et notre bénédiction. Qu’ils soient assurés aussi des prières de l’Eglise entière, étroitement unie au Christ son Sauveur, vainqueur de la haine et de la mort, roi d’amour et de paix.

Et à tous ceux qui sont impatients de voir réalisé dans le monde ce qui leur semble juste et bénéfique, nous désirons redire : ce n’est pas par la violence que s’opère le bien ! Encore moins un ordre humain équitable peut-il s’établir en empruntant les voies de l’injustice ! Seul l’amour, fort, généreux, tenace, mais en même temps patient et respectueux des lois de la justice et des droits de tous, peut assurer aux peuples et à l’humanité un avenir meilleur.

Mais la paix pascale ne limite pas son action à ces aspects douloureux de l’humanité. Elle est tellement gonflée d’espérance et de joie que, nous parvenant du Christ ressuscité, elle s’étend et se répand sur la terre entière et sur tous les hommes.

Elle rencontre bien d’autres réalités que celles dont Nous avons parlé. Elle rencontre des tentatives déjà très avancées pour répondre aux besoins d’un ordre universel que le monde, à son honneur, manifeste toujours plus: ordre où chaque peuple trouverait sa manière originale de vivre dans le concert harmonieux du respect mutuel, bien plus, dans la collaboration fraternelle qui donne toujours à l’humanité la possibilité d’espérer et d’aimer. Le Christ, la Vie ressuscitée, salue et accueille cet universel et gigantesque effort d’unité et de paix, le fortifie et lui donne son but.

Davantage encore, sa paix joyeuse, survolant les foules des nouvelles générations, rencontre l’océan immense de la jeunesse, qui grandit et qui monte; elle cherche le chemin, elle cherche la vérité, elle cherche la vie, vers où conduire ses pas incertains et inquiets mais pleins d’ardeur. Oui, jeunes des temps nouveaux, le Christ vient à votre rencontre avec son joyeux souhait pascal : paix à vous ! Paix et sagesse, paix et authenticité humaine et surhumaine, paix et plénitude dans la joie de vivre et d’aimer. Il se tourne ainsi vers vous parce qu’il est prêt à vous dévoiler le sens des choses de la vie; et il vous attend ainsi à son école divine et à la table de sa charité.

A tous et à chacun, le souhait bienheureux de la paix pascale ; à vous qui souffrez; à vous qui êtes seuls et cherchez un réconfort ; à vous qui cachez dans votre coeur le silencieux mais cruel désespoir de l’indifférence, du scepticisme ; à vous qui entrevoyez la cime de la grandeur humaine, le sacrifice pour aimer et servir, et qui ignorez quand et à qui l’offrir : le Christ ressuscité, avec le trophée de sa Croix, vient aussi vers vous et, comme à tous, vous tend les bras et vous attire, avec son salut : paix aussi à tous ! C’est moi, n’ayez pas peur (cf. Mc Mc 6,50).

Et pour que ce souhait vivifiant de Jésus ressuscité soit vraiment messager de paix, de joie, de vie, voici pour tous notre Bénédiction Apostolique.








5 juin



MESSAGE DU SOUVERAIN PONTIFE





Vénérables Frères,

Chers fils et chères filles,

et vous tous hommes de bonne volonté,



Pour la septième fois nous célébrons la Journée mondiale des communications sociales. Nous voulons vous inviter à réfléchir avec Nous au sujet proposé cette année à notre attention à l’occasion de cette Journée : « Les moyens de communication sociale au service de l’affirmation et de la promotion des valeurs spirituelles ».

La marche de l’humanité à travers les siècles a été caractérisée par la recherche du vrai, du beau, du bien. Au cours de cette longue quête, l’homme a visé à atteindre l’absolu et il a voulu exprimer ses rapports avec son Créateur, souvent par le moyen-du Sacrifice et de la prière. Ses aspirations à toujours plus et mieux l’ont conduit à espérer une vie qui dure au-delà de Cette vie, et cette espérance d’immortalité a influé sur ses attitudes et ses Comportements en ce bas monde. Partout l’homme a poursuivi, à des degrés divers cependant et avec plus ou moins de-succès, la recherche de la justice et de la liberté, de la solidarité sociale et de la fraternité humaine. De même a-t-il toujours aspiré à la paix au plus profond de lui-même, à la paix dans sa famille, à la paix avec ses semblables. Ces valeurs spirituelles de l’humanité, et d’autres encore, ont constitué un héritage qui s’est transmis de génération en génération, comme un trésor commun à tous.

Les chrétiens ont une responsabilité particulière à l’égard de cet héritage de l’humanité. L’Evangile a reconnu ces valeurs comme fondamentales pour l’homme et il en a étendu la signification et l’application. Par sa manière de vivre, par sa mort et sa résurrection, le Christ a donné un nouveau sens à la vie humaine. A tous les hommes il a inspiré des sentiments toujours plus élevés et de lui ils ont appris que, appelés fils de Dieu, ils le sont en toute vérité, et qu’ils ont à témoigner de leur fraternité dans la fidélité à son Esprit (cf. Jn Jn 3,1 2Co 3,3). Eclairée par la lumière de Dieu et riche d’une expérience unique de l’humanité, l’Eglise sait et proclame qu’il n’est de développement de l’homme et de progrès des peuples que dans l’accomplissement, par les valeurs spirituelles, des aspirations humaines les plus hautes.

L’Eglise a reçu en effet mission d’affirmer sans faiblesse toutes les valeurs du message chrétien. Le Seigneur l’a chargée de le faire connaître jusqu’aux extrémités du monde (cf. Ac Ac 1,8 Mt 28,19). Les Apôtres devaient prêcher l’amour de Dieu et de l’homme, le pardon et la réconciliation, et proclamer à tous un message de paix. Ils devaient s’en aller à travers le monde entier et prendre à coeur la cause des malades et des opprimés. A l’exemple de leur Maître, ils devaient annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle qui libère (cf. Lc Lc 4,18).

Et il est de fait que l’Eglise n’a cessé de répandre ces valeurs humaines et spirituelles, de promouvoir des initiatives pour le progrès des peuples, initiatives visant au développement de tout homme et de tout l’homme (cf. Populorum Progressio, PP 14). Elle se doit de continuer à affirmer avec force toutes ces valeurs qui assurent la réussite de la vie humaine, tout en rappelant que nos coeurs ne trouveront leur repos plénier et définitif qu’en Dieu.

L’histoire des siècles le montre : par leur vie et souvent par leur mort les chrétiens ont rendu témoignage à ces valeurs spirituelles, auxquelles ils tenaient en tant que fils de Dieu destinés à une vie éternelle. Les grands martyrs de Rome ont eu des successeurs dans toutes les cultures, et ceux-ci ont témoigné comme eux des valeurs qui font que la vie vaut la peine d’être vécue et donnent en même temps son vrai sens à la mort. Par une heureuse coïncidence, cette Journée mondiale des communications sociales est aussi la fête de saint Charles Luanga et de ses compagnons martyrs. Eux également étaient sûrs des valeurs spirituelles auxquelles ils croyaient, et en acceptant librement de mourir pour leurs convictions, ils ont montré à quelle profondeur elles peuvent être enracinées. S’ils sont honorés aujourd’hui dans le monde entier, c’est précisément en raison des réalités spirituelles pour lesquelles ils ont vécu et sont morts.

Tous les chrétiens, quelle que soit leur condition, se doivent, comme ces courageux hommes de Dieu, de témoigner par l’exemple de leur vie et d’être prêts à rendre compte de l’espérance qui les habite (cf. 1P 3,15). Il en fut toujours ainsi.

Notre époque bénéficie de l’avantage d’un immense progrès technique, qui caractérise d’une manière toute particulière les moyens de communication sociale. Comme jamais encore, les valeurs spirituelles peuvent et doivent trouver dans ces moyens des instruments qui en facilitent l’affirmation et la diffusion d’une extrémité de la terre à l’autre. A cet égard on ne peut pas ne pas y voir un don merveilleux de la divine Providence à notre temps.

Certes, ce n’est pas sans inquiétude que les hommes de bonne volonté constatent que les media sont souvent utilisés à nier ou à altérer les valeurs fondamentales de la vie humaine, ou même à susciter l’incompréhension et la méchanceté entre les hommes (Communion et progrès, 9). Ces abus et le mal qui en résulte ne sont que trop connus. La diffusion de fausses idéologies et l’excitation de désirs immodérés touchant les biens matériels détournent souvent du véritable intérêt pour la vraie sagesse et les valeurs solides.

Mais aujourd’hui, c’est à une action positive que nous appelons tous les catholiques, et notamment ceux qui sont engagés par profession dans les media. Nous les pressons de répandre dans leur plénitude les valeurs du message vivifiant du Christ et de faire résonner l’univers de la voix de leurs convictions, du cri de leur foi, de la parole de Dieu. C’est là une mission importante et un grand service à rendre à l’humanité. Nous les invitons à une collaboration franche et entière avec tous nos frères chrétiens et avec les hommes de bonne volonté de tous pays pour affirmer avec force et de manière efficace les principes qui fondent la valeur et la dignité de l’homme. Nous demandons à tous ceux qui travaillent dans les communications sociales d’informer sur les actes d’abnégation et de dévouement qui se déroulent dans le monde, de faire connaître le bien immense qui s’accomplit chaque jour, de porter à la connaissance du public les témoignages de dynamisme, d’enthousiasme et de désintéressement si fréquents aujourd’hui, particulièrement chez les jeunes.

Nous savons que nombreux sont les professionnels des media qui brûlent du désir intense de mettre ces instruments, neutres par eux-mêmes, au service du progrès de leurs semblables (cf. Communion et progrès, 72). Nous les invitons instamment à renouveler leur résolution et à transformer les mass-media en torches brûlantes et en phares puissants pour éclairer le chemin du seul vrai bonheur. Le monde d’aujourd’hui a besoin de voir les valeurs spirituelles affirmées dans des témoignages concrets. Ceux qui disposent des moyens de communication sociale doivent les utiliser de manière qu’il en soit ainsi. Le langage de l’image et de l’imprimé, des couleurs, des sons et de la musique doit aider à la diffusion des messages qui expriment la bonté, la beauté, la vérité. Presse, radio et télévision, cinéma, théâtre et publicité sont à utiliser à plein dans leur tâche d’apporter au monde le message dont il a besoin pour connaître sa voie.

Lorsque les moyens de communication sociale servent à affirmer et à promouvoir dans l’humanité, toujours en quête de plus et de mieux, les valeurs spirituelles, ils aident à préparer le jour de la nouvelle création, où la paternité de Dieu sera universellement reconnue et où régneront fraternité, justice et paix. Et tandis que nous lançons notre appel pressant, nous exprimons notre reconnaissance à tous les hommes de bonne volonté dont l’effort va déjà dans ce sens. Nous désirons manifester ici notre profonde estime à toutes les stations de radio et de télévision, de même qu’aux organes de presse qui ont le souci de faire connaître les nouvelles concernant l’Eglise et le Saint-Siège, ainsi que leur mission d’affirmer et de promouvoir les valeurs spirituelles. Notre particulière gratitude va à nos fils et filles de l’Eglise catholique qui, par leur activité dans les media et leur dévouement à cette forme d’apostolat, collaborent avec Nous à la diffusion de l’Evangile (cf. Ph Ph 1,5).

Nous invoquons l’assistance du Verbe fait chair pour assurer le succès du vaste programme de cette Journée : « Les Moyens de communication sociale au service de l’affirmation et de la promotion des valeurs spirituelles ». En Son nom Nous vous accordons la Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 1er mai 1973.






27 juillet



JOURNEE MISSIONNAIRE MONDIALE ET ANNEE SAINTE





La solennité de la Pentecôte Nous a toujours offert l’occasion d’adresser aux Pasteurs et aux fidèles notre Message pour la Journée Missionnaire Mondiale, convaincu que cette date est, plus que toute autre, significative et propice pour attirer l’attention sur le problème de la prédication de l’Evangile, mission essentielle et primordiale de l’Eglise. En effet, Nous pensions alors et Nous pensons encore aujourd’hui, qu’en ce jour consacré à l’Esprit-Saint, les coeurs et les âmes étaient mieux disposés et plus ouverts pour accueillir Son souffle divin qui, seul, suscite et alimente la ferveur missionnaire. Et si, en ce même jour, commence dans les églises locales le mouvement spirituel de l’Année Sainte qui culminera à Rome pour l’Année Sainte 1975, cela ne détourne pas notre pensée de la cause missionnaire, qui n’est pas étrangère à l’objectif de cet important événement religieux.

Le thème du renouveau et de la réconciliation avec Dieu et entre les hommes devra, dès maintenant, polariser l’intérêt, la réflexion et les initiatives tant des Eglises d’antique tradition chrétienne que des jeunes Eglises des Pays de mission : ce thème sera la matière d’une commune recherche, l’orientation convergente, la ligne qui coordonnera et unifiera les énergies et les résolutions.

Le renouveau souhaité comprend, certes, le renouveau de l’esprit missionnaire dans l’Eglise et, d’ailleurs, le but ultime, la fin de son action évangélisatrice n’est-ce pas la réconciliation ? Et la réconciliation n’est-elle pas l’aspect marquant qui définit et manifeste l’arrivée à la conversion ?

Nous disons conversion non plus dans le sens désuet et impropre d’une conquête extérieure et triomphaliste ou d’un prosélytisme superficiel, mais dans celui, authentiquement évangélique, de l’orientation de l’âme vers Dieu, poussée par la Foi qui voit en Lui le sommet de toute la réalité et l’auteur de l’ordre moral et, plus encore, par la force de la charité, qui Le reconnaît comme Père aimant et miséricordieux.

Ce Message pour la Journée Missionnaire se situe donc dans l’exacte perspective de la célébration commencée du Jubilé et Nous voulons espérer que tous ceux qui l’écouteront, percevant justement cette concordance fondamentale de thèmes, sauront partager nos anxiétés et correspondre, selon leurs possibilités concrètes, à l’invitation qu’il contient.

La diminution des vocations missionnaires





Il y a, en effet, cette année, un argument qui Nous tient fort à coeur et réclame, à un titre spécial, notre sollicitude de Pasteur de l’Eglise, parce qu’il naît de la constatation d’un douloureux phénomène qui, depuis quelque temps, est visible pour tous : Nous voulons parler de la diminution du nombre des vocations missionnaires, qui se vérifie au moment même où un apport de forces est plus nécessaire que jamais à nos missions.

Il est superflu de recourir maintenant au langage des chiffres et des statistiques Nous ne voulons pas, non plus, tenter des calculs comparatifs ou des interprétations. La découverte du fait nous suffit pour évaluer le sens et le péril de cette carence de personnel dans un secteur vital pour le développement de la Foi et pour la croissance de l’Eglise. La réalité de ce fait suffit pour Nous faire répéter avec un sentiment de profonde anxiété, la parole du Christ Sauveur : Messis quidem multa operarii autem pauci (Mt 9,37-38 cf. Lc Lc 10,2) (La Moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux).

Les raisons d’ordre historique et sociologique ne manquent pas, certes, pour expliquer cette carence ; on dira que c’est la crise religieuse du monde sécularisé, que c’est la mise en question systématique de certaines valeurs spirituelles et la contestation de certaines méthodes employées dans le passé, qui ont déterminé ce grave phénomène. Un peu partout, le nombre des prêtres diminue et, par suite, rien de surprenant que diminue aussi celui des missionnaires et de leurs collaborateurs. S’agit-il alors d’une éclipse de la Foi ou d’une lassitude à annoncer l’Evangile ? Ce ne serait pas une attitude saine que de s’exténuer à dénoncer des faits négatifs pour se dispenser ensuite de l’action personnelle et de l’engagement responsable. Cette carence doit être un motif pour réfléchir, pour stimuler à la générosité, pour renouveler à toute la communauté ecclésiale l’appel du Christ à la prière au Maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers à Sa moisson (ibid.).

Relations entre les missionnaires autochtones et les Missionnaires provenant d’autres Pays





Il y a une expression du Concile Vatican II qui nous éclaire à ce propos et nous aide à considérer quels sont nos devoirs par rapport aux Missions : « L’Eglise, afin de pouvoir présenter à tous le mystère du salut et la vie apportée par Dieu, doit s’insérer dans tous ces groupes humains du même mouvement — eodem motu — dont le Christ lui-même, par son incarnation, s’est lié aux conditions sociales et culturelles déterminées des hommes avec lesquels Il a vécu » (Ad Gentes, AGD 10). En cela encore, Jésus est notre Maître, nous indiquant quelle voie il faut suivre pour que la mission soit efficace et féconde : celle du contact direct, en se rapprochant psychologiquement et dans le mode de vie, des populations auxquelles on apporte l’annonce de Son Evangile.

Il est nécessaire de reconnaître que, depuis le début de l’ère chrétienne jusqu’à présent, les Missionnaires ont accompli d’admirables efforts, prêchant l’Evangile selon la mentalité et le langage des hommes vers lesquels ils étaient envoyés. Ils ont posé les bases sur lesquelles reposent l’existence et l’indépendance des jeunes Eglises dont, durant nos voyages en Afrique, en Asie et en Océanie, Nous-même avons admiré la vitalité originale et consolante.

Mais, aujourd’hui, sous la poussée de tant de transformations sociales et culturelles, de nombreux Missionnaires, le coeur angoissé, se demandent : « Quel sera le développement de l’oeuvre commencée par nous ? ». Certes, la semence évangélique a fructifié et, par rapport au passé, les Missionnaires autochtones sont plus nombreux à annoncer l’Evangile, mais, pour longtemps encore, les Pays africains et asiatiques auront besoin de vocations missionnaires, c’est-à-dire, de prêtres, de religieuses et de laïcs pour satisfaire aux exigences de l’évangélisation. Nous entendons toujours tant d’Evêques qui répètent l’invitation : « Missionnaires ! Venez de vos Pays dans les nôtres pour nous aider ! ».

L’augmentation relative des autochtones qui s’acquittent de la charge missionnaire coïncide avec la réelle diminution des Missionnaires européens, américains et canadiens qui se décident à laisser leurs Pays d’origine. A cela s’ajoute le fait, inquiétant aussi, de la limite d’âge, car la moitié du personnel d’origine étrangère est d’âge avancé alors que peu déjeunes les remplacent.

Que faire dans une telle situation ? Nous voulons, avant tout, rappeler les termes du problème : il y a le personnel autochtone appelé à assumer un rôle croissant dans l’évangélisation de son propre milieu; il y a le personnel originaire d’autres Eglises qui, animé d’un sincère esprit de service, doit poursuivre son engagement missionnaire. Ce n’est pas seulement une question d’équilibre : la cause commune du Royaume de Dieu associe étroitement l’un et l’autre groupe des messagers évangéliques pour une collaboration toujours nécessaire et indubitablement fructueuse. C’est pourquoi, Nous ne disons pas un simple rapport de forces de travail, mais, plutôt, leur harmonieuse coordination qui est, comme elle le doit, l’expression exemplaire de la communion ecclésiale. Pour cela, Nous renouvelons à nos Frères dans l’Episcopat, l’urgente invitation à considérer si leurs diocèses ne peuvent et ne doivent pas favoriser l’envoi de prêtres, en sorte que leur nombre soit mieux réparti entre les diverses Eglises. C’est là une oeuvre de programmation pastorale qui, plus que jamais, s’impose, au-delà des limites nationales ou régionales, et qui aura son écho dans la future organisation de la législation ecclésiastique.

Le soin des vocations autochtones





Mais Nous adressons aussi le même appel en faveur des vocations autochtones afin qu’elles aient une formation adéquate et ne soient plus éteintes ou étouffées pour des raisons d’ordre économique ou de milieu. Aucune vocation ne doit être perdue, aucune ne doit demeurer dans l’incertitude, aucune ne doit manquer de la possibilité de mûrir faute de moyens ! Nous touchons, ici, un autre aspect du problème. Les jeunes Eglises — en majeure partie — partagent la condition de pauvreté et de précarité économique des hommes et des peuples parmi lesquels elles remplissent leur mission. Apparaît ainsi, pour tous, le devoir de justice d’aider les Prêtres, les Religieux, les Religieuses, les Frères et les Catéchistes qui travaillent, sans moyens ou avec des moyens insuffisants, pour le bien de leurs compatriotes. Déjà, dans l’Encyclique Populorum Progressio, nous avions dit que le développement est le nouveau nom de la paix (n. 76-77). Maintenant, on ne doit pas oublier que, dans la gigantesque entreprise pour le développement social et économique des jeunes Nations, les Missionnaires sont vraiment parmi les premiers collaborateurs et assistants parce qu’ils connaissent mieux les besoins de leurs concitoyens et qu’ils inscrivent ce service dans leur mandat missionnaire.

Ce sont ces Missionnaires autochtones qui, dans la mesure de l’aide qu’ils reçoivent, accueillent les malades dans les hôpitaux, dirigent les écoles, promeuvent, entant de régions et souvent au prix de réelles fatigues, le développement de leurs gens. Prendre soin de la formation du personnel autochtone signifie donc servir la cause évangélique et, en même temps, la cause du progrès et de la paix.

Les éléments de notre espérance





Si, jusqu’à maintenant, Nous avons tracé le tableau des nécessités les plus urgentes, nous devons aussi — pour que l’analyse soit complète, et serein notre jugement — rappeler des éléments qui fondent notre espérance. Il y a toujours Dieu derrière nos efforts, parce que la cause de l’Evangile est la Sienne : toute notre confiance est en Lui et, surtout, pour ce qui est du travail apostolique sufficientia nostra ex Deo est (cf. 2Co 3,4-6). Il Nous plaît, aussi, de rappeler tous les aspects positifs qui, déjà, s’entrevoient à l’horizon de l’Eglise missionnaire.

Nous pensons, avant tout, avec une vive complaisance, à tant de jeunes des anciens Pays, qui se rendent, ne fut-ce que pour un temps (ad tempus), dans les paroisses et dans les postes de mission, où ils offrent une magnifique expression de leur personnalité et recueillent de précieuses expériences : là, ils connaissent, sans masques déformants, les problèmes, réels et concrets du développement ; là, ils exercent leur capacité créatrice en apportant aux populations autochtones d’utiles contributions à l’organisation des activités culturelles et sociales.

Puis, nous pensons aux prêtres, réguliers et séculiers qui, des diocèses ou des maisons de leurs Instituts se rendent dans les Pays d’Amérique Latine et d’Afrique, établissant et développant des rapports particuliers de « jumelage » entre les lieux d’origine et les lieux de mission: derrière eux se trouvent les Eglises d’ancienne chrétienté, les paroisses, qui soutiennent leur travail et aident, par un engagement direct, leurs initiatives apostoliques et charitables.

Nous pensons, enfin, aux contacts — au niveau oecuménique — des missionnaires catholiques avec les missionnaires d’autres Communautés ecclésiales : inspirés par la charité évangélique, ces contacts, spécialement dans les champs de l’assistance sanitaire et civique, comme dans celui du développement et de la culture, servent à détruire la mauvaise impression des restes de division entre les membres de la famille chrétienne et à accélérer — Nous l’espérons — la recomposition de cette unité, à laquelle tendent les uns et les autres par un même et convaincant témoignage de Foi.

Il était nécessaire, il était juste de redire cela pour que le douloureux phénomène qui fait l’objet du présent Message, soit convenablement encadré et n’offusque pas la vision de la réalité missionnaire.

Les OEuvres Pontificales Missionnaires comme instruments pour la formation de la conscience Missionnaire





La Journée Missionnaire, qui sera célébrée en octobre prochain, doit avoir un effet stimulant et salutaire, comme un coup d’aile qui soulève dans les coeurs des fidèles le dynamisme missionnaire, élément intrinsèque de notre Foi. Cet esprit missionnaire renouvelé, non seulement portera à offrir à Dieu des prières et des oeuvres de pénitence, mais fera éclore de nouvelles vocations par l’afflux des secours dont les Missions ont besoin (cf. Ad Gentes, AGD 36).

Mais, encore une fois, en conclusion de nos considérations, Nous recommandons les OEuvres Pontificales Missionnaires comme des institutions qui, au service du Pape et des Evêques, favorisent les relations fraternelles entre les Eglises locales et sont particulièrement adaptées pour accroître l’esprit missionnaire de tout le Peuple de Dieu. Le but principal de ces OEuvres est justement la formation de la conscience missionnaire (cf. Ad Gentes, AGD 38) et elles sont dites Pontificales, non parce qu’elles sont détachées du cadre diocésain, mais parce que l’Eglise locale, grâce à leur service, peut mieux assumer sa fonction dans l’ensemble de l’Eglise missionnaire. Si, maintenant, Nous soulignons leur importance, c’est pour répondre à la déclaration du Concile, qui leur a assigné une position de plus grande responsabilité.

C’est pourquoi, Nous exhortons tous les chrétiens à les soutenir et à suivre leur travail qui est vraiment universel, tandis que Nous demandons aux Evêques. et aux Prêtres de les promouvoir dans leurs Eglises et paroisses respectives, en leur donnant l’organisation voulue.

Que le Seigneur bénisse la Journée Missionnaire en faveur de laquelle Nous renouvelons cet insistant appel. Nous voulons la mettre sous la spéciale protection de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus dont nous célébrons le Centenaire de la naissance, et la plaçons dans la perspective pastorale de l’Année Sainte. Pour l’Eglise, l’heure de la Mission n’est pas encore passée et même, pour beaucoup de Peuples, elle commence seulement maintenant. A l’heure actuelle de l’Eglise, elles demeurent toujours valables les sages paroles de Notre Prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire : Nihil actum, si quid agendum (Rien n’est fait s’il y a encore quelque chose à faire !).



Du Vatican, en la solennité des Apôtres Pierre et Paul, 29 juin de l’an 1973, le onzième de notre Pontificat.




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