Discours 1972 61

AU NOUVEL AMBASSADEUR DU JAPON PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 9 novembre 1972




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous accueillons avec gratitude les aimables paroles que Votre Excellence Nous adresse en ce jour de présentation de ses Lettres de créance, et le message délicat dont elle se fait l’interprète de la part de Sa Majesté l’Empereur du Japon.

Nous vous confions le soin d’exprimer à Sa Majesté les voeux déférents que Nous formons à notre tour pour elle, comme pour le bonheur et la prospérité de son cher pays. Et à vous-même, Monsieur l’ambassadeur qui prenez place dans la lignée des Représentants diplomatiques du Japon auprès du Saint-Siège, Nous souhaitons une cordiale bienvenue, et un heureux accomplissement de cette mission assez particulière, auprès d’une Autorité dont la raison d’être est avant tout d’ordre spirituel et moral.

Ce souci spirituel, destiné à promouvoir les rapports des hommes avec leur Créateur, engage précisément l’Eglise catholique à oeuvrer également pour la paix, qui fait partie intégrante du dessein de Dieu sur le monde et des exigences de l’Evangile chrétien. Votre Excellence a eu la bonté de souligner l’intérêt que ses compatriotes portent à nos efforts incessants pour la paix, une paix inséparable du souci de développement solidaire, inséparable aussi de l’établissement de la justice. Oui, Nous savons que l’opinion publique de votre pays y fait un large écho et Nous nous réjouissons de voir cette grave préoccupation, non seulement accueillie avec bienveillance, mais partagée profondément par les populations japonaises. Les visites courtoises que Nous recevons fréquemment nous en apportent un témoignage supplémentaire auquel Nous sommes sensible.

Le Saint-Siège a été amené à nouer avec votre noble pays des relations étroites qui se révèlent cordiales et fructueuses de part et d’autre. Il a conscience des valeurs humaines singulières vécues par le peuple japonais; il apprécie sa créativité, son esprit de curiosité intellectuelle qui se manifeste particulièrement dans la jeunesse d’aujourd’hui, et son ouverture au progrès, dans le respect des traditions du passé. L’Eglise, qui a ici son Centre, et dont la sollicitude aimante est universelle, n’a pas pu demeurer étrangère à cette culture japonaise. Votre Excellence sait d’ailleurs les efforts accomplis par les institutions catholiques pour contribuer à cette promotion culturelle. Et l’Eglise a aussi la conviction que les hautes valeurs spirituelles dont elle témoigne, dans le respect des consciences, peuvent favoriser cette «écologie matérielle et morale» que vous avez si justement mentionnée, aider l’approfondissement d’un humanisme véritable ouvert sur l’Absolu. L’humanité n’a-t-elle pas besoin, plus que jamais, de lumière et de force morale pour se consacrer au bien qu’elle pressent et qu’elle désire?

62 Tel est l’esprit de service que recherchent nos Frères et Fils catholiques. Tel est l’esprit qui anime le Saint-Siège dont vous serez désormais le proche témoin. En vous redisant, Monsieur l’Ambassadeur, ainsi qu’à votre famille, nos voeux les plus cordiaux, Nous implorons sur votre personne et sur votre mission les Bénédictions du Très-Haut.

*AAS 64 (1972), p.718-719;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. X, p.1154-1155;

L’Attività della Santa Sede 1972, p.406-407;

OR 11.11.1972, p.1;

ORf n.46 p.3.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE RWANDAISE


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Lundi 20 novembre 1972




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous tenons à vous dire combien Nous avons été sensible aux aimables paroles avec lesquelles, au seuil de vos nouvelles responsabilités, vous nous avez apporté le salut et les voeux de Son Excellence Monsieur le Président Kayibanda. Nous avons particulièrement apprécié la chaleur et la hauteur de vue de ces propos, et vous demandons de bien vouloir lui transmettre nos remerciements les plus vifs.

Comment, en effet, ne pas désirer avec lui que la compréhension mutuelle et la coopération se maintiennent et s’accroissent entre l’Eglise et la République Rwandaise? Si les autorités d’un Etat ont pour raison d’être le service du bien commun, la mission première de l’Eglise est d’oeuvrer jusqu’à la fin des temps, en vue du salut, au développement spirituel de l’homme, c’est-à-dire à l’éveil et à l’affirmation de ce qu’il possède, en propre, de plus élevé. Nous voyons là une convergence, qui nous pousse à rechercher ensemble, à susciter éventuellement, à soutenir toujours, les germes de paix, de charité et de justice dont les hommes ont tant besoin.

A cet égard, le Saint-Siège se réjouit de reconnaître, dans certaines des plus instantes requêtes, au plan international, de votre noble pays, des valeurs sur lesquelles il ne cesse d’attirer l’attention des peuples du monde. Nous voulons parler ici de l’instauration progressive du désarmement général, et de l’utilisation des ressources naturelles et des énergies humaines en faveur des nations moins favorisées, afin que l’harmonie et la fraternité règnent effectivement dans l’univers.

63 Dans la même ligne encore, Nous exprimons le souhait que les responsables et les fidèles de l’Eglise catholique du Rwanda continuent, de manière toujours plus efficace, à promouvoir la cause si importante de la concorde à l’intérieur de l’Etat, et poursuivent aussi l’établissement de rapports de bon voisinage avec tous, dans le respect des intérêts de chacun. Nous savons que Nous pouvons compter sur eux, sur leur dévouement et sur leur zèle.

Monsieur l’Ambassadeur, en vous accueillant aujourd’hui avec joie, Nous pouvons vous assurer que notre pensée et notre prière s’étendent souvent à vos chers compatriotes. Rien de ce qu’ils vivent, rien de ce qu’ils espèrent, n’est étranger à notre sollicitude, ni à nos préoccupations. En invoquant sur eux une nouvelle fois les grâces du Seigneur, Nous vous donnons de grand coeur, pour l’heureux accomplissement de votre haute mission, notre paternelle Bénédiction Apostolique.

*AAS 44 (1972), p.724-725;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. X, p.1178-1179;

L’Attività della Santa Sede 1972, p.417-418;

OR 20-21.11.1972, p.1;

ORf n.48 p.4.



AUX DÉLÉGUÉS ÉPISCOPALES POUR L’OECUMÉNISME


Mercredi 22 novembre 1972




Chers Frères et chers Fils,

«Ecce quam bonum et quam iucundum fratres habitare in unum». C’est une grande joie pour des frères, pour une famille, de se retrouver et de vivre ensemble durant quelques jours. Venus de cinquante-six pays, répartis dans les cinq continents, vous éprouvez en ces jours cette joie fraternelle dont parle le psalmiste. Plus encore, représentants de Conférences épiscopales localement très distantes les unes des autres, vous faites l’expérience de la communion qui les unit; vous faites l’expérience de l’unité de l’Eglise dans sa variété. Aussi sommes-Nous très heureux de vous recevoir aujourd’hui et, en Nous trouvant parmi vous, de participer à cette joie familiale.

Cette joie nous porte tout spontanément à rendre grâce à Dieu pour cette unité qu’il nous a donnée. Ce don, comme tous les dons de Dieu d’ailleurs, nous avons à le recevoir toujours mieux, à nous y ouvrir toujours davantage. Nous avons et aurons toujours à progresser dans l’unité. Nous voudrions nous arrêter quelque peu sur ces pensées aujourd’hui: vous êtes précisément réunis par la préoccupation de travailler à la réintégration de tous les chrétiens dans l’unité ecclésiale voulue par le Christ. Vous êtes en effet venus à Rome, auprès des tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul, pour faire le point avec Nous, par l’intermédiaire de notre Secrétariat pour l’unité, sur votre effort oecuménique, et rechercher ensemble les voies les meilleures pour le poursuivre et l’intensifier. Découlant en grande partie du deuxième Concile du Vatican, l’actuel engagement de l’Eglise catholique dans le mouvement oecuménique doit non seulement se poursuivre selon les directives du Concile, mais encore il doit être inspiré du même esprit conciliaire de solidarité et d’entraide mutuelle qui nous ouvre et nous rend dociles à l’action de l’Esprit- Saint.

64 Quelles que soient les difficultés rencontrées, les succès, ou parfois même les insuccès, nous devons continuer notre effort, car nous savons que c’est l’Esprit qui nous guide dans l’accomplissement de cette oeuvre pour laquelle le Père a envoyé son Fils dans le monde: rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (Cfr. Io Jn 11,32). La mission première de l’Eglise n’est-elle pas d’appeler les hommes à entrer en communion avec Dieu, par le Christ, dans l’Esprit-Saint, puis de les aider à vivre dans cette communion qui les sauve et qui établit entre eux une unité aussi profonde et mystérieuse que celle du Père et du Fils? (Ibid. 17, 21-23)

Dans ces perspectives, cette unité apparaît comme un don tout gratuit de Dieu et nous devons croître sans cesse en cette unité, en même temps que nous devons croître sans cesse dans cette vie divine. Nous avons, tout au long de notre vie, comme l’Eglise tout au long de son pèlerinage terrestre, à progresser dans l’unité, à la manifester, à la défendre. Unité de la foi vécue et proclamée; unité du culte qui, dans la diversité de ses formes, est centré sur la célébration eucharistique rendant présent parmi nous et pour nous l’unique sacrifice du Christ; unité nourrie et approfondie par les sacrements qui rendent plus étroite ou rétablissent notre union avec le Christ; unité de notre vie commune sous la conduite des évêques groupés autour de l’évêque de Rome, chacun, selon sa responsabilité propre, étant chargé d’assurer la fidélité au don de Dieu et de faire régner la charité; unité catholique fortifiée et mise en lumière par la diversité des charismes, des cultures, des mentalités, des traditions, des coutumes et des disciplines qui, dans un même corps, par l’action du même Esprit, deviennent comme une immense symphonie à la louange de la gloire de Dieu.

Ce ministère de la réconciliation, cette tâche de l’Eglise, cette construction de l’unité dureront autant que l’existence terrestre de l’Eglise, jusqu’au jour où tout étant réuni dans le Christ, le Christ soumettra tout à son Père, où Dieu sera tout en tous (Cfr. 1Co 15,28).

Nous, chrétiens, nous sommes tendus de tout notre être vers ce but magnifique. Nous avons reçu ce ministère de réconciliation. L’incroyance de beaucoup de nos contemporains doit nous faire prendre une nouvelle conscience de l’urgence de porter remède à notre actuelle division: l’unité des disciples du Christ n’est-elle pas le grand signe qui doit solliciter la foi du monde? N’est-ce pas la raison pour laquelle le deuxième Concile du Vatican demandait que l’action oecuménique soit promue de telle sorte que la coopération entre les catholiques et les autres chrétiens, en matière sociale et technique, culturelle et religieuse, s’établisse «non seulement entre les personnes privées, mais aussi, au jugement de l’ordinaire du lieu, entre les Eglises ou communautés ecclésiales, et entre leurs oeuvres? (Ad gentes AGD 15)

Le Concile souhaitait également «que tous les chrétiens, face à l’ensemble des nations, confessent leur foi en Dieu un et trine, en le Fils de Dieu incarné, notre Rédempteur et Seigneur, et par un commun effort, dans une estime mutuelle, qu’ils rendent témoignage à notre espérance que ne sera pas confondue (Cfr. Rom Rm 5,5). La collaboration de tous les chrétiens exprime vivement l’union déjà existante entre eux, et elle met en plus lumineuse évidence le visage du Christ Serviteur» (Unitatis Redintegratio UR 12). L’enseignement conciliaire nous sera un guide pour découvrir localement les domaines où cette collaboration est possible, les formes qu’elle peut revêtir, les écueils qu’elle doit éviter.

Nous ne pouvons pas esquiver, mais nous devons assumer les uns et les autres, avec lucidité et courage, notre responsabilité devant l’incroyance. Malheureusement, dans la situation actuelle de division des chrétiens, nos divergences sur le contenu du témoignage que nous devons donner empêchent que cette responsabilité commune se traduise toujours par des actions communes. Plus notre accord est grand, plus cette collaboration peut se développer. Avec les Eglises orthodoxes par exemple, nous sommes en communion presque totale, et les possibilités de collaboration pastorale sont à la mesure des liens étroits qui nous unissent.

Dans tous les cas il faut veiller à ce que, dans l’exercice de cette responsabilité commune, il y ait l’émulation spirituelle qui convient entre frères animés d’une vraie charité et soucieux, non seulement d’éviter toute vaine compétition, mais avant tout de promouvoir ce qui peut étendre le règne du Christ, leur unique Maître et Seigneur. Entre chrétiens passionnés de la vérité, il n’y a point de rivaux, il ne peut y avoir que des émules et des amis.

Dans ces sentiments Nous voudrions saluer tout particulièrement nos frères les observateurs qui sont ici et les remercier très sincèrement et cordialement de leur intérêt et de leur collaboration.

Nous rendons grâce à l’Esprit de Dieu de ce qu’il a accompli parmi nous en ces dernières années, des progrès, des très grands progrès réalisés dans la voie de la compréhension réciproque et de la charité fraternelle. Celui qui a commencé parmi nous cette oeuvre merveilleuse saura la mener à son terme. Aussi est-ce avec générosité, dans une confiance fondée sur l’espérance, que nous devons aller de l’avant, «in nomine Domini».



AU CONGRÈS DES ORGANISATIONS HOSPITALIÈRES


DES PAYS DU MARCHÉ COMMUN


Mercredi 22 novembre 1972




Mesdames et Messieurs,

65 Avant d’achever le Congrès des Organisations Hospitalières des pays du Marché commun, vous nous faites la joie de votre visite. Soyez assurés que la haute qualification de vos personnes et l’importance de vos travaux nous font apprécier votre courtoise démarche.

Nous savons, Mesdames et Messieurs, que votre Comité s’efforce de travailler patiemment, dans le domaine qui est le sien, au développement des liens solidaires de la communauté européenne. Vos différents congrès ont fait avancer les nombreuses questions posées à votre profession par les progrès de la médecine, comme par le besoin d’unifier les législations sociales touchant malades et praticiens.

Certes, les peuples de la vieille Europe ont une histoire qui rend très laborieuse la réalisation du bien commun européen, mais c’est votre conviction fondée, et c’est aussi la nôtre, bien souvent exprimée depuis le début de notre Pontificat: le salutaire rajeunissement de l’Europe passera par les chemins, hardiment tracés et sans cesse révisés, de la concertation.

Comment ne pas vous encourager dans la poursuite d’un tel idéal? Les responsables de l’Eglise et les serviteurs de la science médicale ne sont-ils pas radicalement voués au salut de l’homme et de la société, par des voies autonomes mais convergentes? Votre science fournit aux chrétiens un terrain concret des plus favorables où ils sont appelés à exercer la charité évangélique qui les anime. Et inversement la conception chrétienne de l’homme, de l’originalité de sa nature, de son développement intégral, demeure une référence fondamentale pour ceux qui ont à soigner les souffrances du corps et de l’esprit. Nous ajouterons que si tout médecin doit approcher ses malades comme des frères en humanité, le médecin chrétien - et la plupart d’entre vous le sont - les accueille aussi, dans une vue de foi, comme les membres souffrants de Jésus-Christ.

Mesdames et Messieurs, ces notations trop brèves veulent vous dire tout l’intérêt que nous portons à vos travaux. Laissez-nous y ajouter les voeux que nous formons de tout coeur pour vos personnes, pour tous ceux que vous représentez, et pour l’heureux développement de vos nobles projets. Nous sommes certain que votre hardiesse et votre sagesse, harmonieusement mêlées, contribueront à donner à l’Europe un souffle nouveau qui sera capable d’enthousiasmer la génération médicale qui monte, l’aidera à faire face aux immenses problèmes sanitaires de ce temps, et lui inspirera aussi le désir de partager le meilleur de ses découvertes thérapeutiques avec les peuples démunis, dans un esprit de véritable désintéressement. Dans ces sentiments, nous invoquons sur vous, sur vos familles et sur tous ceux qui vous sont chers, l’abondance des divines bénédictions.



AUX REPRÉSENTANTS DE L’ORDRE DES MÉDECINS


DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE*


Vendredi 24 novembre 1972




Mesdames et Messieurs,

L'Assemblée Plénière qui vous réunit à Rome, au siège actuel de votre Comité, Nous vaut ce matin une visite qui Nous réjouit vivement. Nous saluons en vous les représentants qualifiés de l’Ordre des médecins des divers pays de la Communauté Européenne. Il Nous plaît de vous exprimer l’estime profonde que Nous éprouvons envers ceux dont la vocation est de guérir et de soulager, comme à l’égard de leur science et de leur art. Et Nous savons bien que la profession de médecin requiert un recours croissant à l’aide des juristes et des experts. En vous assurant les uns et les autres de notre cordiale sympathie, Nous tenons à vous signifier l’intérêt que Nous portons aux travaux de votre Comité permanent, et l’appui spécifique que l’Eglise peut apporter à votre noble tâche.

Pendant que la Communauté européenne poursuit laborieusement son oeuvre d’unification aux plans économique, culturel et politique, vous vous employez activement, en vos multiples groupes de travail, à partager vos expériences et vos soucis, bien plus, à établir un certain ordre international susceptible de protéger à la fois votre profession et les malades qu’elle veut servir. C’est ainsi que vous étudiez, entre autres, les problèmes concernant l’enseignement et l’exercice de la médecine, l’équivalence des diplômes à l’intérieur des pays du Marché commun, la formation permanente des médecins et leur libre circulation, l’accès des médecins migrants aux fonctions du secteur public, le maintien d’une certaine médecine générale, l’uniformisation des législations de sécurité sociale, et plus fondamentalement, toutes les questions de déontologie médicale. Une telle organisation internationale Nous apparaît de nature à promouvoir un progrès humain authentique. Elle peut favoriser une saine émulation dans ce champ immense où l’ingéniosité des chercheurs et la mise en oeuvre technique des soins médicaux ne doivent connaître aucun relâchement. Elle permet une collaboration qui a déjà porté ses fruits. Les services et les institutions sanitaires pourront ainsi bénéficier d’un développement plus poussé et plus homogène dans les régions très diverses de cette vieille Europe, sans oublier les peuples les plus démunis du Tiers-Monde.

Enfin et surtout, vous prenez ensemble une conscience plus approfondie des problèmes professionnels posés par l’art médical, comme des exigences éthiques qu’il requiert. Vous pouvez ainsi vous encourager mutuellement, par une solide discipline, comme elle existe dans l’ordre des médecins de chaque nation, à respecter et à faire respecter les finalités de l’assistance médicale: prévenir, soulager, guérir. C’est ce que notre Prédécesseur Pie XII appelait, en recevant les membres de l’Association médicale mondiale, «le code d’honneur du médecin et celui de ses devoirs» (AAS, 46, 1954, p. 595). Mais, comme il le souhaitait déjà lui-même, ce droit médical a besoin d’être affirmé, défendu, promu, précisé, au plan international, au regard de toutes les questions neuves que posent à l’homme la recherche médicale et ses applications.

Les solutions vraiment humaines requièrent sans doute aujourd’hui un surcroît d’imagination, d’organisation, de conscience, de courage, de générosité. Est-il besoin d’ajouter que ces questions neuves ne sauraient entamer en rien le noble idéal médical qui, dans la grande tradition plurimillénaire exprimée par le serment d’Hippocrate, fait du médecin le défenseur de toute vie humaine? Porter atteinte à ce principe constituerait une redoutable régression dont vous êtes, mieux que quiconque, capables d’évaluer les funestes conséquences.

66 Dès lors, le corps des médecins que vous représentez, agissant avec la compétence qui lui est propre et selon les principes positifs qui doivent guider son action désintéressée au service des personnes, peut se faire le témoin de ces exigences auprès des plus hautes instances politiques chargées du bien commun. C’est ce qui vous amène à présenter aux Etats membres du Marché commun européen les avis et recommandations élaborés par votre Comité. Comment ne pas souhaiter que ces initiatives contribuent au progrès de l’hygiène, de la législation et des moeurs?

Dans cette gigantesque mobilisation pour venir au secours des hommes souffrants ou garantir leur santé, les médecins trouveront toujours dans l’Eglise un appui chaleureux. D’instinct, vous le savez, tout au long de l’histoire, une foule de chrétiens, d’institutions chrétiennes, ont considéré le soin des malades comme une part privilégiée de leur ministère, comme un exercice de choix de leur charité. Le Christ n’a-t-il pas été salué comme celui qui «enlevait nos infirmités, emportait nos maladies»? (Cfr. Matth
Mt 8,17)

Plus encore que cette collaboration de fait à l’assistance médicale, l’Eglise offre au monde une vision intégrale de l’homme. A ses yeux, l’homme demeure un être fragile, certes, d’autant plus qu’il est marqué par le péché; mais il n’en constitue pas moins le centre et le sommet de la création; son corps lui-même, créé par Dieu et appelé à la gloire, exige respect et soin (Cfr. Gaudium et Spes GS 14). Toute la personne humaine est, pour la foi chrétienne, revêtue d’une dignité qui interdit de la réduire à un objet: par l’entremise et au-delà de ses activités corporelles, affectives, intellectuelles, elle est capable de nouer avec d’autres des relations interpersonnelles d’une profondeur merveilleuse; bien plus, elle peut entrer en contact, par la fine pointe de l’âme, avec Dieu lui-même, ou plutôt devenir le temple de sa présence et le lieu où se déploie l’action de son Esprit. C’est dire le mystère qui entoure chaque personne humaine et le respect avec lequel tout médecin du corps ou de l’âme doit s’en approcher.

A plus forte raison l’homme qui souffre jouit-il, a nos yeux de croyants, d’une considération particulière. Ce n’est pas seulement un frère en humanité que le Christ nous demande d’aimer comme nous-mêmes, ou plutôt comme il nous a aimés. C’est un membre souffrant de Jésus-Christ: il nous offre le visage de Celui qui, tout en étant Fils de Dieu, s’est fait familier de nos souffrances et les a prises sur lui, pour nous libérer de toute servitude. Dès lors, comment hésiter à le rencontrer, à l’aider, à le soulager, à cheminer avec lui dans les conditions éprouvantes de notre vie terrestre? L’amour évangélique, dont le Christ a donné le goût au monde, devient une source incomparable d’énergie au service des malades. Et quand bien même nos mains seraient impuissantes à guérir le corps, qui dira le bienfait de cet amour qui s’adresse au coeur même des personnes?

Puissent ces considérations encourager les chrétiens à oeuvrer hardiment, avec tous les hommes de bonne volonté, aux progrès de la médecine et de la législation médicale! Et vous tous, soyez assurés de nos voeux ardents pour la poursuite et la fécondité de vos travaux. En témoignage de notre estime et de notre confiance, Nous implorons de grand coeur, sur chacun de vous et sur ceux qui vous sont chers, les Bénédictions de Celui qui est l’Auteur de la Vie.

*Insegnamenti di Paolo VI, vol. X, p.1193-1196;

OR 25.11.1972, p.1;

ORf n 48, p.1, 12;

La Documentation catholique n°1622, p.1107-1108.



AUX REPRÉSENTANTS DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE


DES UNIVERSITÉS CATHOLIQUES


Lundi 27 novembre 1972




Monsieur le Cardinal,
67 Vénérables Frères et chers Fils,

Nous avions la joie d’accueillir, il y a trois ans déjà, les représentants de la Fédération internationale des Universités Catholiques, réunis pour élaborer, à l’invitation de la Congrégation pour l’éducation catholique, un document de travail susceptible d’assurer une plus parfaite collaboration avec elle et de promouvoir une meilleure adaptation aux exigences de notre époque, selon les voies conciliaires. Nous voici de nouveau en présence de votre délégation hautement qualifiée, au moment où elle poursuit et achève cette mise au point, avec le concours de nos Frères dans l’épiscopat. Nous sommes particulièrement heureux de vous redire combien Nous apprécions l’existence de cette Fédération, ses activités au service du monde universitaire, ainsi que le fructueux dialogue qu’elle entretient avec la Congrégation chargée de veiller à la solution de tels problèmes. A tous, Nous adressons un salut chaleureux.

Votre Congrès s’est fixé principalement un double but: approfondir les rapports qui doivent exister, dans une Université catholique, entre le Magistère ecclésiastique et l’enseignement universitaire, étudier les diverses possibilités de collaboration scientifique entre Universités. Nous ne voulons pas consacrer cet entretien à l’examen de ces deux thèmes. Nous vous laissons le soin d’exprimer ce que votre expérience et votre sens de l’Eglise vous amèneront à préciser, dans le ferme espoir que vos travaux contribueront à clarifier ces problèmes, et à donner une impulsion nouvelle et féconde à votre travail, dans un climat de confiance réciproque.

Pour notre part, Nous relevons avec intérêt la manière dont vous décrivez, dans l’étude préparatoire, les notes essentielles qui définissent la véritable Université catholique. La fidélité au message du Christ, tel qu’il est transmis par l’Eglise, constitue la raison d’être de son effort continu de réflexion et de son engagement institutionnel; au service du Peuple de Dieu, elle est ainsi en mesure d’aborder les conquêtes incessantes du savoir humain à la lumière de la foi et de manifester la fin transcendante qui, seule, donne à la vie son sens plénier. Nous prenons note également de l’analyse pénétrante que vous avez préparée sur les relations des Universités avec la Hiérarchie de l’Eglise, comme des observations suggérées par la Congrégation pour en perfectionner les termes. Ces formules, minutieusement élaborées, riches d’expérience et de doctrine, manifestent heureusement une grande sensibilité aux besoins majeurs de notre époque.

Nous voudrions seulement, ce matin, répondre à un appel que Nous avons relevé dans votre document préparatoire. Les Universités Catholiques attendent de la Hiérarchie de l’Eglise, disiez-vous, «une inspiration, une impulsion et un encouragement». Cette aide, Nous désirons de grand coeur vous la prodiguer. Nous sommes bien conscient en effet de vos soucis, Nous apprécions votre courage face aux difficultés de l’heure et Nous nous réjouissons de vous voir associés avec nous dans cette pastorale de la pensée, si urgente et si indispensable aujourd’hui.

Et tout d’abord, demeurez bien convaincus de la vocation singulière des Universités catholiques dans la société moderne. Au moment où le monde universitaire dans son ensemble s’efforce de s’insérer davantage dans la cité, à la fois pour permettre largement l’accès d’un plus grand nombre à la culture et pour préparer la jeunesse à ses tâches futures, économiques ou techniques, la signification propre de vos établissements n’en apparaît que plus claire. Il appartient à l’Université catholique, déjà engagée avec raison dans ce mouvement, de prendre en outre, dans les divers secteurs de la recherche et de l’enseignement, le recul qui permet de situer le savoir et l’effort intellectuel dans leur pleine lumière. Montrer dans les faits que l’intelligence n’est jamais amoindrie, mais est au contraire stimulée et fortifiée par cette source interne de compréhension profonde qu’est la Parole de Dieu, par la hiérarchie des valeurs qui en découle, par la cohérence, en définitive, de la pensée et de l’action qui en est le fruit: voilà, Nous semble-t-il, le témoignage spécifique attendu d’une Université catholique. A sa manière originale, elle contribue à manifester la supériorité de l’esprit, qui ne peut jamais, sous peine de se perdre lui-même, accepter de se mettre entièrement au service d’autre chose que la recherche de la vérité.

Certes, on assiste aujourd’hui à un foisonnement du savoir, à l’intérieur des cercles spécialisés du monde universitaire, où la culture est comme institutionnalisée, mais aussi en dehors de l’Ecole, où les grands courants de pensée imprègnent l’opinion publique plus ou moins profondément, grâce à la puissance des moyens de communication sociale, et suscitent des questions ou des prises de position sur les problèmes fondamentaux de l’existence. Beaucoup d’hommes sont ainsi confrontés à la recherche laborieuse de la vérité sur eux-mêmes, sur leur histoire, sur les raisons de vivre, sur l’éthique capable de guider sûrement leur vie.

Dans cette conjoncture, vous êtes embarqués avec eux dans cette poursuite passionnante, dont la foi ne saurait vous dispenser. Mais la Lumière qui est venue dans le monde (Cfr. Io
Jn 1,9) doit soutenir votre recherche, inspirer votre enseignement, orienter votre engagement. Ne mettez pas, ne tolérez pas qu’on mette cette lumière sous le boisseau. Le monde a besoin d’expérimenter près de vous la véritable liberté de l’esprit. Le Peuple de Dieu a besoin de trouver en vous des témoins de la foi qu’il professe et des guides avisés sur les chemins de la vie. Les Pasteurs attendent votre concours pour remplir pleinement leur charge, comme il leur revient de garantir l’authenticité du Message révélé. Est-il nécessaire de souligner ici que les uns et les autres sont au service de la même cause, dans la même soumission au Christ et à son Eglise? Puissent les Universités catholiques se présenter à nos contemporains comme cette lampe dont parle l’Apôtre Pierre, qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à poindre et que l’astre du matin se lève dans les coeurs! (Cfr. 2 Petr. 1, 19)

Dans le renouveau du monde que tous espèrent, l’éternelle jeunesse de l’Eglise, pour une grand part, vous est confiée. Il vous appartient particulièrement d’initier ceux qui seront appelés demain à d’importantes responsabilités aux rigoureuses exigences de la pensée; de manifester en profondeur l’harmonie entre l’étude des diverses sciences, l’activité professionnelle et la conquête des valeurs spirituelles. Une telle pédagogie devrait permettre la reconnaissance de Dieu, l’accueil de la foi, le désir de la grâce qui est répandue dans nos coeurs. Nous vous invitons donc à mettre toutes vos forces au service de ce qui apparaît de plus en plus comme une tâche urgente de la pensée: montrer comment l’«homme intérieur», tendu tout entier vers la rencontre transcendante de son Seigneur et vers l’accomplissement eschatologique du Royaume, est voué aussi, sans contradiction, au bien de ses frères et au progrès de la société, et qu’il trouve sa plus haute réalisation dans ce service. Bref, l’université catholique apparaît dès lors, non seulement comme un creuset de la pensée, mais comme une école de la vie.

Que ces paroles apportent à chacun de vous le témoignage de notre estime et de la confiance que l’Eglise met en vous! Que l’Esprit de Dieu vous fortifie dans l’accomplissement de ce dessein! Nous vous donnons de grand coeur, à vous-mêmes et à ceux que vous représentez ici, notre Bénédiction Apostolique.
* * *


68 We wish to express our warm greetings to the English-speaking representatives of the Federation of Catholic Universities. We deeply appreciate your concern for the work of Catholic universities in the Church and in the world of today. Certainly this concern has motivated, your deliberations, but we know that an even more profound motive has been the living faith of the Church itself. You seek that all human knowledge be illumined and integrated through this faith. We pray that the learning which is imparted and received in Catholic universities will always be enriched by the contemplation of the Gospel; for the Gospel is at the root of all authentic wisdom and service.




Discours 1972 61