Messages 1972



Messages 1972

Eglise et documents vol. V – Libreria editrice Vaticana
7 avril



MESSAGE DU SOUVERAIN PONTIFE A LA TROISIEME CONFERENCE DE L’UNCTAD





Le 13 avril, a été inaugurée à Santiago du Chili la III° Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement (UNCTAD) dont les travaux se concluront le 19 mai prochain. Au cours, de la session d’ouverture, le Chef de la Délégation du Saint-Siège, S. E. Mgr Ramon Torrella Cascante, a lu le texte de la Lettre autographe que le Saint-Père a envoyée pour la circonstance au Secrétaire Général de la Conférence, M. Manuel Pérez-Guerrero. Voici le texte de cette Lettre :



A Son Excellence

Monsieur Manuel Pérez-Guerrero

Secrétaire Général de la Conférence des Nations-Unies

sur le Commerce et le Développement



Au moment où s’ouvre, à Santiago du Chili, la troisième Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement, Nous voulons vous exprimer notre profond désir de voir les travaux de cette importante Assemblée connaître une issue favorable et conforme aux espérances qu’ils ont légitimement suscitées.

Nous savons qu’à ce désir, partagé par les hommes et les peuples du monde entier, se mêle l’inquiétude devant la complexité et les vastes dimensions des problèmes de voire ordre du jour, comme devant la diversité et parfois la divergence des positions en présence. Pour notre part. Nous voulons, avec vous, faire fond avant tout sur l’aspiration à la justice et le sens de la fraternité inscrits au coeur de l’homme, auxquels votre Conférence voudrait donner, dans le domaine qui lui est propre, l’occasion de s’exprimer avec autorité, maturité et efficacité.

Certes, comme à la Nouvelle-Delhi, en 1968, votre Conférence se tient dans un contexte de crise internationale de la monnaie, des échanges et même de la coopération en vue du développement. Les résistances inspirées par les intérêts nationaux semblent s’être encore accrues. De nombreuses structures économiques de domination n’ont pas été corrigées par l’accession des peuples à l’indépendance politique ; l’inégalité des revenus et des conditions sociales tend à grandir aussi bien entre peuples qu’à l’intérieur de certains pays.

Votre Conférence est consciente de la portée comme des limites des objectifs auxquels noblement elle s’attache. Vous savez bien que ni la réforme du commerce international ni l’amélioration de l’aide et de la coopération ne sont capables, à elles seules, d’assurer entre les peuples un développement plus solidaire et plus humain. En bien des cas, ce sont les structures mêmes du pouvoir et de la décision qui doivent être changées de façon à réaliser partout, au niveau tant politique et économique que social et culturel, un meilleur partage des responsabilités. N’est-ce pas une exigence de la justice que tous les peuples, quel que soit leur degré de puissance économique, puissent participer, de façon effective, à toutes les négociations de portée mondiale ?

Il est normal que le poids des grandes Puissances ou des Communautés plurinationales suscite l’attente particulière des pays qui participent le moins à la richesse du monde. Mais c’est le souci de votre Conférence d’offrir un lieu où toutes les voix puissent se faire entendre dans la recherche de la solidarité entre nations, du réalisme dans les solutions et de l’équité dans le partage des biens de la terre. Il ne Nous a pas échappé que votre programme accorde une attention spéciale au sort des pays les moins favorisés parmi les pays en voie de développement. Il est en effet souhaitable que la CNUCED s’attache à abolir les systèmes qui font que les privilégiés sont toujours plus privilégiés, que les plus riches commercent toujours plus entre eux et que l’aide internationale elle-même ne profite souvent que très imparfaitement aux populations les plus pauvres.

Nous voudrions, à cet égard, que soit entendue la voix des plus démunis, de ces centaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants vivant en marge de l’économie moderne, souvent affectés par la maladie, la malnutrition, les mauvaises conditions de logement et de travail, le sous-emploi, l’analphabétisme et tous ces autres maux qui les empêchent de participer en plénitude à une même condition humaine.

Nous vous communiquons ce message, Monsieur le Secrétaire Général, conscient de nos propres responsabilités à la tête d’une Eglise universelle qui veut cheminer avec l’humanité et partager son sort au sein de l’histoire. La déclaration du dernier Synode des Evêques témoigne de cette préoccupation et appelle à l’engagement au service d’une plus grande justice aussi bien au sein des communautés nationales que sur le plan international. Soyez assuré que tous les catholiques et tous les hommes qui partagent notre commune aspiration à un univers équitable suivront vos travaux, persuadés qu’aujourd’hui, pour une part, la paix du monde est entre vos mains.

En invoquant sur les participants de la session de la CNUCED réunis à Santiago du Chili l’abondance des bénédictions divines, Nous prions Dieu Tout-Puissant de favoriser le succès de leurs travaux pour le bénéfice de l’ensemble de l’humanité.



Du Vatican, le 7 avril 1972.




PAULUS PP. VI






21 avril



LES MOYENS DE COMMUNICATION SOCIALE AU SERVICE DE LA VERITE





Frères et soeurs épars à travers le monde,

et vous tous, hommes de bonne volonté,



L’homme d’aujourd’hui peut le reconnaître aisément : dans nombre de ses attitudes, jugements et prises de position, de ses adhésions ou oppositions, il est tributaire des modes de pensée et de comportement que lui proposent journellement les moyens de communication sociale.

La vie actuelle place jeunes et adultes devant un flot presque incessant d’informations et d’opinions, d’images et de sons, de propositions et de sollicitations. Dans cette situation, un esprit réfléchi en arrive à s’inquiéter et à s’interroger : mais où est la vérité ? Comment l’atteindre, comment la discerner dans la masse des communications qui déferlent à tout moment ?

1. Chaque fait comporte sa vérité, avec de multiples aspects qui ne sont pas toujours faciles à saisir dans leur complémentarité. Seul l’effort conjugué et sincère de celui qui le transmet et de celui qui le reçoit peut offrir une certaine garantie que l’événement sera perçu dans son exacte vérité.

Ici apparaît la noblesse de la tâche assumée par l’informateur qui, non content de relever ce qui est directement observable à propos de chaque événement à signaler, se préoccupe encore de connaître le contexte et les éléments d’explication concernant les causes et les circonstances. Ce travail peut être comparé à la “ recherche scientifique ” par le sérieux et l’attention qu’il exige pour le contrôle et l’évaluation critique des sources, pour la fidélité aux données recueillies, pour leur transmission intégrale.

La responsabilité du communicateur est encore plus engagée lorsque, à la simple relation des faits, il doit, ce qui n’est pas rare, ajouter des éléments de jugement et d’orientation.

2. Ce qui vient d’être dit s’applique également, et avec des caractéristiques particulières, à l’information sur des événements religieux ou sur des événements qui postulent une appréciation selon les valeurs religieuses. Le fait religieux ne peut se comprendre adéquatement si on le réduit à ses dimensions purement humaines — psychologiques ou sociologiques — directement observables. Il faut en montrer la dimension spirituelle, c’est-à-dire son rapport et son intégration au mystère de la Communion de l’homme avec Dieu, plus précisément au mystère du salut.

Ceci invite à lire certains événements en profondeur pour en saisir, autant que faire se peut, la vérité entière, jusqu’à la vérité religieuse. Celle-ci ne peut être perçue fidèlement que si l’on tient compte du contexte spirituel, du phénomène religieux auquel l’événement se réfère, et, outre la compétence professionnelle, de la lumière de la foi qui, seule, peut en donner la pleine intelligence, particulièrement en certaines circonstances.

3. Ce même souci de recherche et de respect de la vérité est également requis de la part de ceux qui recourent aux média pour recevoir des informations et se former un jugement. Il est du devoir de tous les usagers de s’affirmer actifs et coresponsables. Le sens de leur responsabilité et leur formation les disposeront à faire preuve d’esprit critique devant les communications reçues. L’homme, et à plus forte raison s’il est chrétien, ne devra jamais renoncer à la part qui lui revient dans la conquête de la vérité ; il ne s’agit pas ici seulement de la vérité abstraite et philosophique, mais aussi de celle qui nous vient à travers les événements de la vie quotidienne. Abdiquer sur ce point serait compromettre sa propre dignité personnelle.

Nous voulons à ce propos renouveler notre invitation : que chacun se préoccupe de se former un jugement capable d’indépendance devant la multiplicité des messages diffusés par les moyens de communication sociale, de manière à choisir librement dans la diversité des opinions proposées et à suivre celle qui lui paraît la meilleure.

4. La plupart, de nos contemporains prennent contact avec les médias— presse, radio, télévision, cinéma, théâtre et enregistrements divers —, non seulement pour leur information, mais aussi dans un but récréatif et culturel. Ils se plaisent à revivre en esprit des faits et des situations, réels ou fictifs, présentés par la création artistique et aptes à exprimer ou à susciter certaines valeurs, certains sentiments. Devant ce genre de publications et de spectacles, et quel que soit le but recherché — détente et divertissement, ou encore meilleure connaissance de l’homme et du monde qui nous entoure—, la capacité critique de l’individu doit demeurer suffisamment attentive à la conformité au vrai, toujours prompte à en déceler les éventuelles déformations.

Il convient par ailleurs de reconnaître la liberté de l’artiste, qui peut, pour exprimer la beauté du réel, faire appel à l’imagination et créer ainsi une nouvelle oeuvre. Cependant la création artistique, sans coïncider nécessairement avec la réalité concrète de la vie ordinaire, ne saurait s’en écarter totalement sans manquer à sa propre vérité et à la vérité des valeurs supérieures. L’art authentique est en effet l’une des expressions humaines les plus nobles de la, vérité. S’il veut donc servir l’homme, et être disciple et chercheur de la vérité, l’artiste doit favoriser la recherche et la jouissance du vrai. Ceci exclut toute exploitation, à des fins purement commerciales ou pour d’autres motifs blâmables, de la faiblesse humaine et de l’insuffisante formation du public.

5. Le message que Nous vous adressons, frères et vous tous hommes du monde d’aujourd’hui, serait incomplet si Nous ne vous indiquions une voie encore plus élevée pour atteindre à la Vérité parfaite. Nous sommes chrétiens, c’est-à-dire que nous avons choisi de suivre le Christ, qui est “ la voie, la vérité et la vie ” (Jn 14,6) pour tous, les hommes, même pour ceux qui ne le connaissent pas encore. Il est, lui, le Fils de Dieu venu pour rendre témoignage à la vérité. Il nous assure que seule la vérité nous libérera (Jn 8,31-36), que seule elle nous affranchira de toutes les formes de servitude (Ga 5,1) Chrétiens, nous voulons être, au milieu du monde et dans la réalité humaine de chaque jour, les témoins humbles, mais convaincus, de la vérité à laquelle nous croyons.

Les moyens modernes de communication se présentent aussi pour les chrétiens comme des voies nouvelles pour leur mission de témoignage et de service de la vérité. Ces moyens servent avant tout à l’expression et à la diffusion de la parole. Nous avons également une Parole importante à dire et à diffuser, la Parole substantielle que Dieu dit sur lui-même : son Verbe, qui est aussi la Parole suprême et définitive que Dieu dit sur l’homme, tandis qu’il continue de le sauver à travers les mille et mille événements de l’actualité de chaque jour et de l’histoire des siècles.

Chrétiens, nous savons que les faits qui tissent quotidiennement notre vie personnelle et la vie du monde entier ne sont pas que de simples coïncidences fortuites dues à l’arbitraire d’un destin aveugle et inexorable. Nous savons qu’ils constituent la trame d’un dessein mystérieux, à nous encore incomplètement dévoilé, mais par lequel Dieu à chaque instant nous rejoint, nous interpelle et nous sollicite au salut. Ceci nous incite à une acceptation généreuse et joyeuse de tous les événements et à un dévouement plein de charité.

Cette vision profonde des choses est la vérité mystérieuse dont nous voulons être les disciples et les témoins — comme communicateurs ou comme récepteurs —. D’elle jaillira peu à peu la vraie libération que nous cherchons : libération des passions humaines irraisonnées et des préjugés intellectuels ; libération de la peur de l’insuccès et de la défaite ; libération de l’asservissement aux groupes de puissance et de pression qui cherchent à imposer leur interprétation particulière de la vie et de l’actualité, au mépris de la vérité des faits : libération de l’esprit d’arrivisme qui incite à cacher et à brouiller la vérité pour couvrir des desseins gênants et dégradants, voire inhumains.

6. Fils et filles très chers, Nous vous confions ces quelques considérations sur la vérité qui doit, d’un commun accord, régir l’usage des moyens de communication sociale. La suprême Venté, qui est Dieu, est aussi la source de la vérité des choses. La vérité, en venant habiter parmi les hommes, s’est faite modèle de l’agir humain. Le respect de la fin des choses et la fidélité aux normes de l’agir seront garants que nous accomplirons la vérité en toutes circonstances.

Nous exprimons nos plus vifs encouragements aux Pasteurs, aux prêtres, aux religieux et aux laïcs qui se dédient au service de leurs frères à travers les moyens de communication sociale et contribuent par là même à les guider vers “ la vraie lumière qui éclaire tout homme ” (Jn 1,9).

Exprimant le voeu que tous — informateurs, techniciens, producteurs, éducateurs et récepteurs — veuillent mettre cette Journée mondiale à profit pour une féconde réflexion sur ces questions importantes. Nous vous accordons de grand coeur et avec confiance Notre Bénédiction Apostolique.



Du Vatican, le 21 avril 1972.




PAULUS PP. VI






23 avril



MESSAGE DE PAUL VI POUR LA JOURNEE DES VOCATIONS





A l’occasion de la IX° Journée Mondiale de prières pour les Vocations, qui sera célébrée le dimanche 23 avril, Paul VI a adressé, comme d’habitude, un Message aux Evêques, aux Prêtres, aux Religieux et aux Religieuses, aux membres des Instituts Séculiers, aux familles chrétiennes, aux Laïcs et en particulier aux jeunes. Voici le texte du Message :



A vous, vénérables Frères dans l’Episcopat, qui avez été préposés par l’Esprit-Saint à la conduite de l’Eglise de Dieu (cf. Ac 20,28) ; à vous, prêtres et religieux, dont l’étroite collaboration est indispensable à l’ordre épiscopal ; à vous, religieuses ; à vous, membres des Instituts séculiers ; à vous, familles chrétiennes, qui formez le tissu cellulaire de la Sainte Eglise ; à vous, laïcs catholiques de tout âge et de toute profession ; mais spécialement à vous, jeunes, que le Christ aime d’un amour particulier, nous nous adressons avec un espoir et une confiance immense, à l’occasion de la IX° Journée Mondiale de prière pour les Vocations. Comme Pierre nous voulons, nous aussi, en cette circonstance, remplir notre mission de pêcheur d’hommes et jeter nos filets (cf. Lc Lc 5,4), nous souvenant du mandat donné par le Seigneur : Allez, enseignez toutes les nations (cf. Mt Mt 28,19) ; soyez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac Ac 1,8). C’est un devoir que nous sentons peser sur notre coeur de Pasteur ; et nous désirons ardemment, cette année encore, vous faire connaître nos préoccupations apostoliques sur ce sujet, sachant que vous les partagez profondément, ainsi qu’en témoigne la réponse donnée chaque fois par la communauté ecclésiale à l’invitation, désormais coutumière, de prier pour les vocations, de réfléchir intensément et en profondeur sur leur signification, sur leur valeur, sur leur nécessité dans l’Eglise et pour l’Eglise.

En ce moment se déploie sous nos yeux l’éventail multiple des vocations au service direct du Christ et de l’Eglise, et auxquelles s’offrent d’immenses possibilités d’application et de travail. Nul n’en est exclu : toute personne de l’un et l’autre sexe, quels que soient son âge et son rang, peut apporter une précieuse contribution dans ce domaine. L’on trouve, et l’on trouvera toujours, des êtres généreux ayant “ des oreilles pour entendre ” (Mt 19,12), saisis par la beauté du don total et conscients de la fonction irremplaçable qu’exercé dans le monde le témoignage exclusif d’un amour brûlant pour Dieu et pour les âmes.

Notre pensée va tout d’abord à ceux qui, ayant répondu à la vocation sacerdotale, sont destinés à renouveler dans le monde, d’une manière toute particulière, la présence du Christ Sauveur, et que le Christ a rendus “ participants de sa consécration et de sa mission ”, c’est-à-dire les Evêques, et ceux auxquels ces mêmes Evêques ont transmis la charge de leur Ministère (Lumen gentium, LG 28 Presbyterorum Ordinis, PO 2). Mission d’une “ ampleur universelle ”, comme l’a souligné le Concile Vatican II, car “ n’importe quel ministère sacerdotal participe aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres ” (Presbyterorum Ordinis, PO 10). Et pourrions-nous ne pas penser avant tout à nos chers prêtres ? C’est à eux, à leurs problèmes, que nous avons voulu réserver en premier lieu l’étude de la II° Assemblée générale du Synode des Evêques, au mois d’octobre dernier. Nos Frères dans l’Episcopat, faisant leur notre propre indication, ont médité avec fruit sur ce thème; et c’est à bon droit qu’ils ont écrit dans le document final sur le sacerdoce ministériel, qui nous a été soumis : “ Le prêtre est le signe du dessein prévenant de Dieu proclamé aujourd’hui dans l’Eglise avec efficacité. C’est lui qui rend sacramentellement présent parmi ses frères le Christ Sauveur de tout l’homme, et cela aussi bien dans leur vie personnelle que dans leur vie sociale. Il est le garant à la fois de la première proclamation de l’Evangile destinée à rassembler l’Eglise, et de son renouvellement continuel une fois qu’elle est rassemblée. Lorsque manquent la présence et l’action de ce ministère, lequel est reçu par l’imposition, des mains que la prière accompagne, l’Eglise ne peut avoir la pleine certitude de sa fidélité et de sa continuation visible ”. (Première partie, 4). Qui ne voit la gravité et l’urgence du problème des vocations sacerdotales, en un moment où les nécessités de l’Eglise et du monde vont croissant, tandis que reste bien en deçà des besoins multiples et si graves le nombre des âmes généreuses qui peuvent y répondre.

Mais, à côté de la vocation sacerdotale, voici toute la gamme des autres vocations : vocations d’hommes et de femmes, dont la vie consacrée par les voeux est celle qui, mieux que toute autre ; “ manifeste le Christ aux fidèles comme aux infidèles : soit dans sa contemplation sur la montagne, soit dans son annonce du royaume de Dieu aux foules, soit encore quand il guérit les malades et les infirmes et convertit les pécheurs à une vie féconde, quand il bénit les enfants et répand sur tous ses bienfaits, accomplissant en tout cela, dans l’obéissance, la volonté du Père qui l’envoya ” (Lumen gentium, LG 46) ; vocations aux Instituts séculiers, forme de vie consacrée à Dieu et au perfectionnement du monde, et de laquelle nous espérons tant ; vocations missionnaires, auxquelles est ouvert un champ illimité où les blés mûrs attendent les ouvriers du Seigneur (cf. Jn Jn 4,34-38) : à ces derniers nous aimons associer dans notre pensée leurs collaborateurs laïques, dont la splendide floraison est destinée à croître : médecins, enseignants, catéchistes, techniciens, ouvriers spécialisés, qui se mettent au service de l’Evangile dans des pays où leur profession est nécessaire, renonçant pour l’amour du Christ crucifié et pour le service de l’Evangile à s’affirmer brillamment dans leur patrie.

Un courant de joie et d’émotion envahit notre coeur à la pensée de tant de personnes qui se donnent sans réserve, à travers toute l’Eglise, dans une mission unique d’exemple et, dirons-nous, de réaction salutaire ; et nous faisons nôtre à leur égard l’exclamation de saint Paul : “ Quelles actions de grâces pouvons-nous rendre à Dieu pour vous, dans la joie parfaite que nous éprouvons à cause de vous devant notre Dieu ” (1Th 3,9).

A nos actions de grâces et à celles de toute l’Eglise doit se joindre la supplication, afin que la voix du Seigneur, qui appelle sans cesse, soit accueillie avec générosité par une jeunesse de plus en plus nombreuse et ardente, et dont une solide piété eucharistique et une dévotion mariale éclairée aideront à mettre en valeur les talents évangéliques (cf. Mt Mt 25,14 ss.), et à vivre intensément cette vie qu’ils désirent employer à rendre le monde plus juste, en la consacrant à de nobles causes. C’est pourquoi, dès début, nous nous sommes adressé à eux plus particulièrement ; mais, comme chaque année, nous adressons aussi un appel non moins pressant à tous nos fils, car tous sont tenus à collaborer à cette oeuvre, chacun à sa place et selon sa propre mission. Le problème des vocations concerne toute la vivante communauté de l’Eglise fondée par le Christ pour le salut du monde. C’est un problème d’Eglise (cf. Gaudium et Spes, GS 25 Optatam totius, OT 2) et l’un des plus importants comme expression de sa présence visible, confirmation de sa crédibilité, garantie de sa vitalité, assurance de son avenir. En vertu de leur vocation baptismale, tous les chrétiens sont fondamentalement solidaires dans l’Eglise, et coresponsables de son sort : “ Les baptisés, en effet, par la régénération et l’onction du Saint-Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint, de façon à offrir, par le moyen des activités du chrétien, autant de sacrifices spirituels, en proclamant les merveilles de celui qui des ténèbres les a appelés à son admirable lumière ” (Lumen gentium, LG 10).

Si le caractère propre de l’Eglise est l’intime communion qui soude en elle toute la société humaine, de nos jours où l’aspiration communautaire est particulièrement vive, ce problème doit être ressenti unanimement, en sorte qu’il ne soit étranger à personne. La vocation est un engagement sérieux, qui exige une disponibilité, une attitude intérieure, disons même un risque, une rupture avec tout calcul, toute humaine prudence, aussi bien de la part des appelés que de leur entourage. Que faisons-nous pour seconder de telles démarches ? Quand le Seigneur appelle, dans le cercle de famille, dans les écoles, dans les paroisses, nous, communauté ecclésiale d’aujourd’hui, sommes-nous disposés à ce que l’un des nôtres se consacre au. service de l’Eglise ? Dans nos conversations, donnons-nous l’impression d’estimer profondément la vocation? Sommes-nous capables de développer chez les adolescents et chez les jeunes l’intimité et la confiance envers le Seigneur, et le désir d’un plus haut service ?

Nous faisons donc appel tout d’abord aux familles, qui sont le “ premier séminaire ” (Optatam totius, OT 2) et la réserve irremplaçable de nouvelles vocations pour l’Eglise, lorsqu’elles gardent avec soin les valeurs primordiales de la foi, de la piété, d’une joyeuse fidélité à la Loi divine. Nous faisons de même appel aux éducateurs de tout ordre et de tout degré, car d’eux aussi dépend en grande partie la formation intégrale, humaine et chrétienne, des élèves chez qui se greffera l’appel de Dieu. La famille et l’école constituent un milieu propice à l’écoute du Seigneur, à la docilité à sa voix et à la persévérance. Nous comptons enfin d’une manière générale sur tout le laïcat catholique ; si généreux dans ses engagements au sein de l’Eglise, et sur qui nous fondons tant d’espoir. Mais, surtout, nous demandons, encore et toujours, l’aide des Evêques. Secondés par leurs prêtres, qu’ils veuillent consacrer en tout premier lieu les soins les plus jaloux de leur ministère à la pastorale des vocations. Face aux difficultés qu’ils éprouvent à faire entendre à la société et au monde des jeunes la voix de l’Eglise, certains, tentés par le doute, ou sous l’effet d’une crise, pourraient se décourager. Mais, ayons confiance ! Dieu ne nous trompe pas. Il nous l’a promis, et sa promesse ne peut être vaine : jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20), jusqu’aux confins du monde, Il est à la recherche des âmes de bonne volonté. Son Fils est mort pour elles : pourrait-il les abandonner ? (cf. Rm Rm 8,32). Lui-même a parlé ; pourrait-il contredire sa parole ?

Il est de notre devoir de seconder l’appel que Dieu fait entendre à ses enfants jusque dans le fracas d’une existence dominée par la technique, jusque dans l’angoisse des hommes qui nous entourent, dans le désir de paix qui les travaille, dans l’aspiration profonde à la fraternité qui tend si péniblement à devenir une réalité. La voix de Dieu cherche peut-être un point de rencontre dans le coeur pur d’un enfant que le monde n’a pas encore terni, et dont les aspirations les plus profondes seront comblées par un plus haut service. Cet appel s’adresse peut-être aussi au coeur d’un jeune homme, d’une jeune fille, égarés à la poursuite d’un idéal dont ils ignorent le nom, et nettement en réaction contre un monde qui leur apparaît si corrompu et si mensonger qu’ils seraient plutôt disposés au don total qu’à une vie commode. S’il était perçu, l’appel divin serait la seule vraie réponse à bien des attentes, par ailleurs cruellement déçues, et qui tendent au désespoir ou au cynisme.

Seule la prière peut obtenir que la Voix soit entendue. Prions donc le Maître d’envoyer des ouvriers à ses moissons (cf. Jn Jn 4,35). Prions-le afin que nul ne se sente indifférent, mais que chacun, au contraire, s’interroge lui-même et mesure ses propres responsabilités. Prions le Maître pour que l’appel de tous ceux qui sont loin ne reste pas sans réponse, et que l’Eglise ne soit jamais privée de ces hommes, de ces femmes, qui parlent de Jésus-Christ, particulièrement par toute leur vie de consécration et de charité.

Prions tous ; prions ensemble d’un seul coeur autour de l’Autel de l’Eucharistie. Et afin que le Seigneur exauce nos voeux et ceux de toute l’Eglise, nous vous donnons avec grande effusion, et comme gage des grâces que nous implorons pour vous tous, notre Bénédiction Apostolique.



Du Vatican, le 18 Mars 1972, en la fête de Saint-Joseph, la neuvième Année de notre Pontificat.




PAULUS PP. VI








5 juin



MESSAGE DE PAUL VI A LA CONFERENCE DE STOCKHOLM SUR L’ENVIRONNEMENT





Le lundi 5 juin, s’est ouverte à Stockholm la Conférence Internationale des Nations Unies sur l’Environnement. Le Saint-Siège y a participé avec une Délégation conduite par le Rév. Père Henri de Riedmatten et composée du Rév. Père Edouard Boné S.J. de l’Université de Louvain, de M. le professeur Giorgio Nebbia de l’Université de Bon et de la doctoresse Marie-Thérèse Graber-d’Uvernay. Le Souverain Pontife a envoyé au Secrétaire Général de la Conférence, M. Maurice F. Strong, un message qui a été lu devant l’assemblée dans l’après-midi du 5 juin. Voici le texte du Message de Paul VI :



Monsieur le Secrétaire Général,



A l’occasion de l’ouverture de la Conférence des Nations-Unies sur l’Environnement, dont vous avez assuré avec zèle et compétence la préparation, Nous voudrions dire, à vous-même et à tous les participants, l’intérêt avec lequel Nous suivons cette grande entreprise. Le souci de préserver et d’améliorer le milieu naturel, comme la noble ambition de stimuler un premier geste de coopération mondiale en faveur de ce bien nécessaire à tous, répondent à des impératifs profondément ressentis chez les hommes de notre temps.

Aujourd’hui, en effet, émerge la conscience de ce que l’homme et son environnement sont plus que jamais inséparables ; le milieu conditionne essentiellement la vie et le développement de l’homme ; celui-ci, à son tour, perfectionne et ennoblit son milieu par sa présence, son travail, sa contemplation. Mais la capacité créatrice humaine ne portera de fruits vrais et durables que dans la mesure où l’homme respectera les lois qui régissent l’élan vital et la capacité de régénération de la nature: l’un et l’autre sont donc solidaires et partagent un avenir temporel commun. Aussi l’humanité est-elle alertée d’avoir à substituer à la poussée, trop souvent aveugle et brutale, d’un progrès matériel laissé à son seul dynamisme, le respect de la biosphère dans une vision globale de son domaine, devenu “ une seule Terre ”, pour reprendre la belle devise de la Conférence.

L’annulation de la distance par le progrès des communications ; l’établissement de liens toujours plus étroits entre les peuples par le développement économique ; la sujétion croissante des forces de la nature à la Science et à la Technologie ; la multiplication des relations humaines par dessus les barrières des nationalités et des races sont autant de facteurs d’interdépendance pour le meilleur ou pour le pire, pour l’espérance de salut ou le risque de désastre. Un abus, une détérioration provoqués en un point du monde ont leur retentissement en d’autres lieux et peuvent altérer la qualité de vie des autres, souvent à leur insu et sans leur faute. L’homme sait désormais avec certitude que le progrès scientifique et technique, malgré ses aspects prometteurs pour la promotion de tous les peuples, porte en soi, comme toute oeuvre humaine, sa forte charge d’ambivalence, pour le bien et pour le mal.

Il s’agit d’abord de l’application par l’intelligence de ses découvertes à des fins de destruction, comme c’est le cas pour les armes atomiques, chimiques et bactériologiques et tant d’autres instruments de guerre, grands et petits, pour lesquels la conscience morale ne peut éprouver que de l’horreur. Mais comment ignorer les déséquilibres provoqués dans la biosphère par l’exploitation désordonnée des réserves physiques de la planète, même dans le but de produire de l’utile, comme le gaspillage des ressources naturelles non renouvelables ; les pollutions du sol, de l’eau, de l’air et de l’espace avec leurs atteintes à la vie végétale et animale ? Tout ceci contribue à appauvrir et à détériorer l’environnement de l’homme au point, déclare-t-on, de menacer sa propre survie. Il faut enfin relever avec force le défi lancé à notre génération de dépasser les objectifs partiels et immédiats pour aménager aux hommes de demain une terre qui leur soit hospitalière.

A l’interdépendance doit désormais répondre la coresponsabilité ; à la communauté de destinée doit correspondre la solidarité.

Cela ne se fera pas en recourant à des solutions de facilité. Pas plus que le problème démographique ne se résout en limitant indûment l’accès à la vie, le problème de l’environnement ne saurait être affronté avec les seules mesures d’ordre technique. Celles-ci sont indispensables, certes, et votre Assemblée aura à les étudier et à proposer les moyens propres à redresser la situation. Il est trop évident, par exemple, que l’industrie étant une des causes principales de la pollution, il faut de toute nécessité que ceux qui la gouvernent perfectionnent leurs méthodes et trouvent le moyen, sans nuire, autant que possible, à la production, de réduire, sinon d’éliminer entièrement les causes de pollution. Dans cette oeuvre d’assainissement, il est évident aussi qu’un rôle de premier plan revient aux chimistes, et qu’un grand espoir est placé dans leurs capacités professionnelles.

Mais toutes les mesures techniques demeureraient inefficaces si ne les accompagnait une prise de conscience de la nécessité d’un changement radical des mentalités. C’est à la lucidité et au courage que tous se trouvent appelés. Notre civilisation, tentée de pousser ses prodigieuses réalisations par la domination despotique sur le milieu humain, saura-t-elle découvrir à temps la voie de la maîtrise de sa croissance matérielle, de la sage modération dans l’usage des nourritures terrestres, d’une réelle pauvreté d’esprit pour opérer d’urgentes et indispensables reconversions ? Nous voulons le croire, car les excès mêmes du progrès amènent les hommes, et d’une façon bien significative surtout les jeunes, à reconnaître que leur empire sur la nature doit se régler selon les exigences d’une véritable éthique. La saturation provoquée chez certains par une trop grande facilité de vivre et la conscience croissante chez un grand nombre de la solidarité qui lie le genre humain concourent ainsi à la restauration de l’attitude respectueuse qui fonde essentiellement la relation de l’homme avec son milieu. Comment ne pas évoquer ici l’exemple impérissable de Saint-François d’Assise et ne pas mentionner les grands Ordres contemplatifs chrétiens, offrant le témoignage d’une harmonie intérieure gagnée dans le cadre d’une communion confiante aux rythmes et aux lois de la nature ?

“ Tout ce que Dieu a créé est bon ” écrit l’Apôtre Saint-Paul (1Tm 4,4), faisant écho au texte de la Genèse relatant la complaisance de Dieu en chacune de ses oeuvres. Régir la création signifie pour la race humaine non la détruire mais la parfaire ; non transformer le monde en un chaos inhabitable mais en une demeure belle et ordonnée dans le respect de toute chose. Aussi bien nul ne peut s’approprier de façon absolue et égoïste le milieu ambiant qui n’est pas une “ res nullius ” — la propriété de personne —, mais la “ res omnium ” — un patrimoine de l’humanité, de telle sorte que les possédants — privés ou publics — doivent en régler l’usage pour le bénéfice bien compris de tous : l’homme est bien la première et la plus vraie richesse de la terre.

C’est pourquoi le souci d’offrir à tous la possibilité d’accéder au partage équitable des ressources, existantes ou potentielles, de notre planète doit-elle peser de façon particulière sur la conscience des hommes de bonne volonté. Le développement, c’est-à-dire l’épanouissement intégral de l’homme, se présente comme le thème par excellence, la clé de voûte de vos délibérations, où vous saurez joindre à la recherche de l’équilibre écologique celle d’un juste équilibre de prospérité entre les centres du monde industrialisé et leur immense périphérie. La misère, a-t-on dit très justement, est la pire des pollutions. Est-il utopique d’espérer que les nations jeunes, qui construisent au prix de grands efforts un avenir meilleur pour leurs populations, en cherchant à assimiler les acquisitions positives de la civilisation technique, mais en refusant ses excès et ses déviations, deviennent les pionniers de l’édification d’un monde nouveau dont la Conférence de Stockholm est appelée à donner le départ ? Il serait d’autant plus injuste de leur en refuser les moyens qu’elles ont souvent dû payer une contribution lourde et imméritée à la dégradation et à l’appauvrissement du patrimoine biologique commun. Ainsi, au lieu de voir dans la lutte pour un meilleur environnement la réaction de crainte des riches, y verrait-on, pour l’avantage de tous, une affirmation de la foi et de l’espérance dans sa destinée de la famille humaine rassemblée autour d’un projet solidaire.

C’est dans ces sentiments que Nous prions le Tout-Puissant d’accorder à tous les participants, avec l’abondance de ses Bénédictions, les lumières de la Sagesse et les élans de l’Amour fraternel pour une pleine réussite de leurs travaux.



Du Vatican, le 1er juin 1972.




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