Discours 1973 54

À LA COMMISSION D'ÉTUDE SUR


LA FONCTION DE LA FEMME


Samedi 17 novembre 1973




Chers Fils et chères Filles,

Vous voilà réunis pour votre première session plénière. Avec joie Nous vous accueillons, heureux de saluer chacun des membres de cette Commission d’étude récemment constituée. Avec confiance Nous encourageons vos travaux, ne doutant pas que la diversité de vos expériences et la qualité de votre réflexion n’apportent une bienfaisante contribution à ce problème très actuel.

Faut-il rappeler la finalité principale de cet organisme? Il s’agit de recueillir, de vérifier, d’interpréter, de réviser, de mettre au point les idées exprimées sur la fonction de la femme dans la communauté moderne.

Ce travail suppose évidemment que l’on revendique, protège et assure la dignité de la femme, avec la conviction et la fierté que comporte cet idéal. Il faut considérer en ce domaine, non seulement la personnalité de la femme, son être, mais les valeurs féminines, les fonctions qui y correspondent. Et sans doute cela nécessite-t-il une certaine attitude défensive, face à tout ce qui méconnaît cette dignité propre. A ce sujet, la conception que la foi chrétienne a développée demeure plus que jamais valable, moderne, féconde et, en certains points, intangible.

Il est non moins certain qu’une telle conception, en accord avec une tendance largement répandue actuellement, appelle une égalisation progressive des droits fondamentaux de l’homme et de la femme, et une plus grande prise de conscience de leurs devoirs respectifs. Cette mise sur un même pied d’égalité touche aussi les fonctions sociales qu’ils assument l’un et l’autre. Pour assurer l’accès de la femme à ces fonctions, sa participation, un progrès est prévisible, il est possible et souhaitable, et en ce sens il apportera une certaine nouveauté. Cela suppose une confiance dans les capacités de la femme, et un sérieux effort d’éducation qui lui permette de jouer pleinement son rôle, spécialement dans le domaine moral et humain. Il faudra d’ailleurs toujours veiller à ce que la femme ne subisse aucun préjudice dans ce qui est lié essentiellement à sa propre vie, à sa propre personnalité, à sa place dans la famille.

Aujourd’hui, Nous nous limiterons à ces remarques et à ces orientations. C’est déjà dire tout le travail d’observation, de recherche, de réflexion qui vous est confié, avec l’aide des théologiens et des experts pour un meilleur service de la femme et de la société civile ou ecclésiale. Le Saint-Siège attend de recueillir avec profit le résultat de ce travail. Mettez bien au coeur de vos préoccupations la conception chrétienne de la femme, celle qui correspond à la doctrine et à la vie de l’Eglise: ayez confiance, vous y trouverez la force de faire face comme il convient aux problèmes que nous venons d’évoquer.

55 Nous prions Marie, Vierge et Mère, de vous assister, et Nous donnons notre affectueuse Bénédiction Apostolique.






À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'UNION INTERNATIONALE

DES SUPÉRIEURES GÉNÉRALES

19 novembre



LE RENOUVELLEMENT DE LA VIE RELIGIEUSE A LA LUMIERE DES CELEBRATIONS JUBILAIRES



Dans la matinée du lundi 19 novembre, le Saint-Père a reçu les participants à l’Assemblée Générale de l’Union Internationale des Supérieures Générales, qui s’est tenue récemment à Rome. Le groupe était conduit par S. E. le Cardinal Tabera Araoz, Préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, accompagné du Secrétaire Mgr Agostino Mayer, Archevêque tit. de Satriano et du Sous-Secrétaire le R. P. Basile Heiser. Etaient présents à l’audience : le R. P. Molinari, aumônier de l’Union ; Soeur Marie Linscott, la Présidente ; Soeur Marguerite Marie Gonçalves, Vice-Présidente ; les Conseillères et la Secrétaire Soeur Laure Therrien, ainsi que toutes les Religieuses qui travaillent auprès de la S. Congrégation.

A l’adresse d’hommage du Cardinal Préfet, le Pape répondit par cette allocution :



Chères Filles,



Cette rencontre avec les Supérieures Générales des religieuses nous procure une grande joie. Au-delà de vos personnes, nous entrevoyons cette immense foule de vos Soeurs, qui vivent humblement, au jour le jour, leur vie consacrée dont elles ont fait l’offrande au Seigneur. Nous saluons les Instituts anciens, et aussi ceux qui ont surgi récemment dans les nouvelles chrétientés et qui constituent déjà un signe de leur maturité. C’est pour nous, pour l’Eglise, une profonde source d’espérance.

Nous nous réjouissons de cet échange qui a pu s’instaurer au cours des travaux que vient de tenir l’Assemblée générale de votre Union internationale : échange entre vous, et avec notre Dicastère pour les Religieux. Quelle chance de pouvoir ainsi s’entraider, en esprit catholique, d’un pôle à l’autre du monde, et de sentir devant la richesse de vos diverses expériences, ou même devant vos difficultés, ce même élan vers le Christ, ce même amour de l’Eglise, ce même souci de participer à l’évangélisation. Nous souhaitons également que la présente session entre les Supérieures générales résidant à Rome contribue à éclairer votre chemin et à raffermir votre dynamisme.

Pour nous, qui aimerions plutôt dialoguer avec chacune d’entre vous, nous ne pouvons ce matin développer toutes les exigences du renouveau auquel vos Instituts sont appelés, selon les lignes tracées par les documents du Concile ou du Saint-Siège, et les orientations de notre Dicastère, Ce renouveau prend une tonalité particulière au seuil de l’Année Sainte. Car, évidemment, cette Année Sainte vous concerne au premier chef. Il ne s’agit plus ici de l’aggiornamento de vos structures, mais du profond renouveau intérieur, qui est déjà amorcé et qu’il faut intensifier afin qu’il atteigne vraiment chacune de vos personnes et chacune de vos communautés. C’est cet esprit que nous soulignons ce matin.

Vos communautés connaissent aujourd’hui de merveilleux renouveaux, et parfois aussi de sombres difficultés. Parmi celles-ci, qu’il suffise d’évoquer le manque de vocations en certains pays, la charge très lourde d’oeuvres que vous n’arrivez plus à assurer, la tension entre générations ou entre tempéraments devant les réformes en cours, le départ affligeant d’un certain nombre de Soeurs. Devant ces problèmes, il en est qui mettent en cause la « forme de vie religieuse », le style que celle-ci a revêtu dans l’Eglise. Nul doute que bien des formules sont possibles, selon le charisme des fondateurs, les tempéraments des peuples, les besoins des Eglises. Mais il y a dans la vie religieuse, vous le savez, des éléments essentiels qui correspondent à des traits évangéliques, et permettent au coeur de l’Eglise un témoignage irremplaçable : la chasteté, l’obéissance, la pauvreté, la vie fraternelle dans une communauté, avec ce qu’entraînent nécessairement ces exigences dans la forme concrète de la vie. Ne craignons pas d’y maintenir un style religieux authentique : c’est à ce prix que la vie religieuse trouvera son dynamisme et sa force.

Il existe notamment un aspect austère, disons même un aspect ascétique, dont la vie religieuse, pas plus aujourd’hui qu’hier, ne saurait faire l’économie. Ouvrez l’Evangile ; vous devez pouvoir dire avec Saint Pierre : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre » (Mt 19,27). Consultez Saint Paul : « Ne vous modelez pas sur le monde présent » (Rm 12,2). Regardez ces fondateurs qui ont apporté un sang neuf à l’Eglise : ils l’ont fait dans la vigueur, dans la rigueur. Une contrainte librement consentie, désirée même, a permis à leur amour de jaillir très haut, à leur apostolat d’embrasser très large. Oui, il ne faut pas craindre de le dire, la vie religieuse est difficile. En elle se révèle plus explicitement le combat que Saint Paul assigne à tout chrétien (cf. 1Co 9,24-27). En ce sens, c’est une erreur de vouloir laïciser la vie religieuse elle-même : non pas de rendre les religieuses plus proches des personnes ou des problèmes humains — ce qui est évidemment souhaitable — mais de laisser s’introduire dans leur propre vie les facilités de ce monde.

Bien sûr, une telle ascèse n’est concevable, n’est viable qu’en fonction de la richesse intérieure qui demeure le but. Voilà ce qu’il faut également conserver et faire croître. Et quel est le secret de cette richesse, de cet élan, de cette patience à toute épreuve ? Vous le savez, c’est le lien qui vous unit au Christ. Il s’appuie sur votre disponibilité totale : « Nous t’avons suivi ». Il se nourrit de l’amour fidèle : « Toi qui sais tout, tu sais bien que je t’aime » (Jn 21,17). Il s’exprime dans une recherche d’imitation parfaite, selon le chemin qu’il a tracé aux disciples. Bien plus, il permet de dire en toute vérité, avec Saint Paul : « Pour moi, la vie c’est le Christ » (Ph 1,21). De même qu’on spécifie le mariage, non pas par la profession du mari ou de la femme, mais par l’amour exclusif, fidèle, procréateur de l’époux et de l’épouse, de même le critère et la force de la vie religieuse ne résident pas dans l’activité sociale ou apostolique, si bénéfique soit-elle, mais dans la consécration totale au Seigneur. Certaines faiblesses dans vos communautés ne viendraient-elles pas, foncièrement, du relâchement de cet amour et de la vie intérieure qu’il comporte ?

56 Enfin, votre place privilégiée dans l’Eglise requiert un rapport confiant avec la Hiérarchie : celle-ci demeure juge de l’authenticité de votre vie religieuse, et propose à votre générosité les services que réclame aujourd’hui le bien des âmes, en respectant la vocation propre de chaque Institut et en vous aidant à la vivre. Notre Congrégation pour les Religieux n’a pas d’autre but : vous aider à épanouir cette vocation. Nous-même, dans l’objectif que nous proposons à tous les fidèles pour l’Année Sainte, nous comptons avec la plus ferme espérance sur votre fidélité, sur votre sens de l’Eglise, sur votre générosité.

Ayez confiance, chères Filles. Le Christ qui vous a appelées ne manquera pas de vous soutenir. A quelques jours de la fête de la Présentation de Marie au Temple, nous vous invitons, nous invitons toutes vos Soeurs, à renouveler au Seigneur, avec la Vierge, la joyeuse offrande de votre vie. Avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique.






21 novembre



PRESENTER AU JEUNE L’IDEAL DU MINISTÈRE SACERDOTAL DANS TOUTE SA REALITE



Le 21 novembre dernier, après l’audience générale, le Saint-Père a reçu les Délégués épiscopaux, les représentants des S. Congrégations, des Ordres religieux, Congrégations et Instituts séculiers, et des Centres nationaux pour les vocations qui participent à une session d’étude sur les vocations ecclésiastiques organisée par la S. Congrégation pour l’Education catholique. Paul VI a adressé à ses visiteurs un discours dont voici notre traduction :



Vénérables Frères et Fils bien-aimés,



Nous sommes heureux de pouvoir vous adresser ce matin notre déférent et cordial salut et vous dire, à vous tous, délégués des Conférences Episcopales, notre profonde reconnaissance pour la louable disponibilité dont vous avez fait preuve en agréant l’invitation de la S. Congrégation pour l’Education Catholique, et en intervenant au Congrès actuel pour l’étude des « Plans d’action » nationaux pour les vocations ecclésiastiques.

Les sentiments de sincère estime que nous entendons vous exprimer en ce moment vous disent tout l’intérêt et l’anxiété avec lesquels nous suivons votre patient et si profitable travail en un secteur qui est actuellement au centre des préoccupations et des soins les plus urgents de l’Eglise. Effectivement, le problème dont vous avez entrepris l’étude intéresse toute la communauté vivante de l’Epouse du Christ parce que les vocations sont le signe de sa visibilité, la garantie de sa vitalité, la sécurité de son avenir. Aussi le problème ne pourra-t-il trouver de solution convenable que grâce à la collaboration active et généreuse de toute la communauté ecclésiale.

Le fait qu’à ce Congrès sont intervenus à peu près au complet les Délégués des Conférences Episcopales, ainsi que les représentants des Hiérarchies orientales, des Missions, des organismes internationaux des Supérieurs et Supérieures généraux des Instituts religieux, ainsi que des représentants des Instituts séculiers, mérite nos éloges et nos encouragements ; cela ne signifie pas seulement un pas en avant dans le processus de sensibilisation des consciences des fidèles à ce problème, étant ici présents tous les secteurs du Peuple de Dieu directement intéressés qui y apportent leur témoignage de foi, de doctrine et d’expérience ; cela représente aussi un facteur nouveau dans l’Eglise et une méthodologie renouvelée qui trouve son inspiration dans les directives bien connues du Concile Vatican II : « Le travail en faveur des vocations doit généreusement transcender les limites des différents diocèses, nations, familles religieuses ou rites, et, en tenant compte des besoins de l’Eglise Universelle, apporter son aide par priorité aux régions où le besoin d’ouvriers pour la vigne du Seigneur est le plus urgent » (Optatam totius, OT 2). Nous avons donc de bons motifs pour ouvrir notre âme aux plus heureux espoirs et répéter devant vous les paroles de Saint Paul : « Quelles actions de grâces pourrions-nous rendre à Dieu pour toute la joie que nous éprouvons devant Dieu à votre sujet » (1Th 3,9).

Le présent Congrès, qui suit la présentation préalable des « plans d’action » élaborés par les Conférences Episcopales dans un esprit d’authentique collégialité, est le couronnement d’amples consultations et d’un rude effort d’harmonisation. Il faut toutefois qu’il constitue moins un point d’arrivée qu’un point de nouveau départ, en ce sens que votre Congrès devra être suivi d’une longue période d’activité, non moins importante que la précédente, pendant laquelle il faudra mettre en oeuvre les conclusions qui résultent des débats de votre Assemblée. Permettez-nous donc, en vue du travail qui vous attend, de vous proposer quelques réflexions et indications ; même si elles ne vous sembleront pas nouvelles en vertu de vos connaissances et de votre expérience en la matière, elles vous confirmeront cependant que nous suivons avec une vigilante sollicitude votre oeuvre extrêmement précieuse pour l’Eglise.

Il nous semble que le premier travail à accomplir est celui d’amener les fidèles à une prisé de conscience approfondie de la valeur et du caractère indispensable du ministère sacerdotal dans le plan du salut. Il faut réagir contre une mentalité courante qui tend à amoindrir l’importance de la présence du prêtre en se basant sur le fait que le Concile a énormément valorisé le sacerdoce des fidèles. Cela signifierait qu’il n’a rien été compris au dessein de Dieu, qui a voulu, au contraire, appeler ses croyants dans l’Eglise et les sauver en les constituant comme peuple hiérarchiquement ordonné. Cette nécessité inéluctable se révèle encore plus évidente aujourd’hui, tant à cause des conditions spirituelles du monde moderne qui tend de plus en plus à se séculariser et à perdre le sens du sacré, qu’en vue de l’engagement que l’Eglise assume de manière croissante dans son service à l’humanité, un service qu’à la longue elle ne pourrait plus assurer sans la vertu sanctificatrice et l’autorité pastorale de ceux qui ont été constitués comme « dispensateurs des mystères de Dieu » (1Co 4,1).

Nous reconnaissons sans le moindre doute que vous devrez affronter de multiples et graves difficultés pour triompher de l’actuelle crise des vocations dont les racines sont nombreuses et profondes. Ce sont des difficultés qui pourront peut-être faire naître des doutes, un certain découragement quant à la possibilité réelle, dans un monde tellement intoxiqué par le matérialisme et par l’hédonisme, de faire entendre par les jeunes la voix du Christ qui leur dit, aujourd’hui comme hier, et même plus qu’hier : « Viens et suis moi ». Et voici alors notre seconde recommandation : travaillez avec confiance ! Confiance en Dieu, parce que les vocations sont, avant même d’être oeuvres de l’homme — et principalement — l’oeuvre de Dieu, et nous ne devons d’aucune manière imaginer que Dieu ne veuille pas pourvoir aux besoins de son Eglise à laquelle il a promis son assistance jusqu’à la fin des temps (cf. Mt Mt 28,20). Confiance également dans les jeunes, qui ne sont pas moins généreux aujourd’hui qu’hier. Nous pensons que la pénurie des vocations dépend certainement en grande partie du milieu social et de l’ambiance familiale qui rendent la conscience des jeunes générations réfractaire à l’appel du Christ. Nous faisons cependant confiance à l’immense trésor d’énergie latente qu’il y a chez les jeunes de notre époque, si ouverts aux grands idéaux de justice, si avides d’authenticité, si disponibles quand il s’agit de se dévouer à leurs propres frères. Lorsque nous les voyons aussi sensibles devant les souffrances que l’humanité doit aux injustices, à la faim, à la violence, comment pourrions-nous nous résigner à penser qu’ils ne sont pas capables de l’être tout autant devant une humanité qui réclame avec non moins de force la présence de Dieu et la distribution de sa grâce à travers le ministère sacerdotal ? Aussi, estimons-nous qu’ils sont innombrables les jeunes capables d’embrasser avec grandeur d’âme et fidélité l’idéal d’une vie consacrée, jusqu’à l’héroïsme, au Christ et aux âmes.

57 Mais comment présenter cet idéal ? Nous répondons qu’aux jeunes, généreux et forts par tempérament, cet idéal doit être présenté intégralement, sans rien cacher, sans rien atténuer des exigences sévères qu’il comporte, et en exposant convenablement sa véritable signification et sa valeur surnaturelle. Bien plus nous devons croire que cette formule exercera sur les âmes jeunes bien plus d’attrait qu’une formule humainement plus acceptable et apparemment plus aisée mais qui risquerait de dénaturer la nature particulièrement et essentiellement spirituelle du service sacerdotal. Ce n’est donc pas en présentant l’état ecclésiastique sous un jour plus facile que l’on rendra plus désirable l’accès au sacerdoce. Ce n’est pas dans cette direction qu’il faudra s’orienter pour accroître quantitativement et qualitativement les vocations, même en cette période d’obsédant besoin dans lequel se trouve l’Eglise.

Mais, comme vous le savez parfaitement, le problème des vocations ne se limite pas à la phase de recrutement des candidats au sacerdoce. Il exige encore tout un ensemble complexe d’efforts et de soins pour que le germe déposé par Dieu dans l’âme du jeune homme puisse arriver à maturité, et surtout fructifier et persévérer. Ici, tout naturellement, le propos se porte sur les Séminaires, auxquels il vous faudra consacrer une attention toute spéciale. Il faudra travailler avec décision pour relever leur niveau spirituel et afin qu’ils deviennent, véritablement, comme cela a toujours été dans l’Eglise, des lieux privilégiés de piété, d’étude et de discipline. Il faudra faire les plus grands efforts pour dissiper ce climat de conformisme, de relâchement de l’esprit de prière et d’amour envers la Croix qui, malheureusement, tente de pénétrer dans un grand nombre de Séminaires, si nous ne voulons pas voir compromis les efforts les plus généreux dans un secteur aussi délicat, aussi vital pour l’Eglise. Il est vrai que l’on demande aujourd’hui un aggiornamento des méthodes éducatives, et que les jeunes ont des exigences dont il serait malencontreux de ne pas tenir judicieusement compte. Toutefois, comme nous avons eu récemment l’occasion de le dire, « cela ne justifie nullement l’attitude de ceux qui voudraient supprimer toute structure, abolir tout règlement, laisser pleine liberté aux initiatives personnelles, faisant confiance à une bonté naturelle qui ignore le péché originel et ses conséquences. Il est évident que le jeune doit être éduqué à la liberté ; mais la véritable liberté est une conquête et, pour, la conquérir, l’homme et bien plus encore l’aspirant au sacerdoce pendant la période de sa formation, ont besoin également d’une assistance extérieure. Tout comme serait nuisible une excessive passivité chez l’élève, la prétention de s’éduquer soi-même sans aucune aide de l’éducateur, ne le serait pas moins » (Discours au Collège Germanico-Hongrois du 18 octobre 1973).

Vénérables Frères et Fils bien-aimés, nous vous sommes sincèrement reconnaissant pour votre contribution. Poursuivez donc courageusement sur cette voie. Multipliez vos contacts et vos initiatives communes. Mais avant tout, maintenez-vous en contact étroit avec le Maître de la moisson grâce à ce moyen fondamental, qu’est la prière, car la vocation est un don de l’Esprit qu’il faut implorer, selon les exhortations du Seigneur.

En vue de tout ceci, nous faisons des voeux pour que vous soyez fortifiés par l’abondance des grâces divines, que nous invoquons pour vous tous, et en gage desquelles nous vous donnons de tout coeur notre Bénédiction Apostolique.





AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU GABON*


Lundi 26 novembre 1973




Monsieur le Président,

Après cinq années, le plaisir de vous recevoir Nous est à nouveau offert. Nous vous remercions d’avoir désiré cette rencontre simple et cordiale, ce dialogue qui permet d’échanger des préoccupations, de resserrer des liens, de formuler des souhaits.

Vous Nous apportez ici-même le salut du peuple gabonais, peuple fier, courageux, déterminé à faire fructifier les ressources humaines et économiques dont il dispose. L’avenir ne lui fait pas peur. Un immense champ de possibilités se présente à lui. Il s’y engage avec audace et confiance. Il saura le cultiver en se fixant pour objectifs prioritaires l’élévation du niveau de vie de tous les citoyens, la promotion des valeurs spirituelles et culturelles, et le respect de la liberté individuelle et sociale sans laquelle tout effort serait vain.

Nos voeux accompagnent ce vaste programme. Ils s’adressent en premier lieu à Votre Excellence, qui porte sur ses épaules de lourdes responsabilités. Ils s’adressent aussi aux vôtres, aux membres de votre suite et à tous les habitants de votre pays, si proches par le coeur. Ils s’adressent enfin avec une affection particulière à nos Fils catholiques, pour qu’ils travaillent généreusement au bien de leur patrie, dans la fidélité à l’Evangile.

Sur votre personne, Monsieur le Président, et sur tous les Gabonais, Nous appelons bonheur et prospérité, en invoquant les bénédictions du Tout-Puissant.



*Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p.1147;

ORf n.49 p.3.



À L'AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE TURQUIE


PRÈS LA SAINT-SIÈGE*


58
Jeudi 6 décembre 1973




Monsieur l’Ambassadeur,

Accueillant Votre Excellence comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Turquie près le Saint-Siège, Nous La remercions des paroles élevées qu’Elle vient de Nous adresser. Nous remercions aussi Son Excellence Monsieur Fahri S. Korüturk, Président de la République, dont vous Nous avez transmis les souhaits.

Vous avez rappelé dans quel esprit la République turque conçoit l’orientation du dynamisme national. Favoriser l’évolution économique et le progrès social tout en sauvegardant les valeurs culturelles héritées d’un long passé, voilà qui requiert prudence et courage. Votre pays, cependant, ne veut pas borner ses efforts à la recherche d’un progrès limité par ses propres frontières. Conscient du devoir de collaborer au bien de la communauté internationale tout entière, il veut lui apporter sa contribution à l’essentiel, la Paix. De ce double effort, n’est-il pas permis de voir un symbole dans l’oeuvre gigantesque récemment inaugurée qui, unissant les deux rives du Bosphore, concrétise en quelque sorte l’union toujours plus profonde à promouvoir entre deux continents? Le cinquantième anniversaire de la fondation de la République que le peuple turc vient de célébrer a voulu essentiellement marquer un jalon de cette marche en avant, et l’Envoyé spécial du Saint-Siège a pu renouveler à votre nation, en cette occasion solennelle, le témoignage de notre estime et de notre sympathie.

Cher au coeur de tous les chrétiens par ses souvenirs des premiers siècles de l’Eglise et en particulier de l’apôtre saint Paul, votre pays l’est pour Nous à un titre particulier depuis la visite trop brève, mais si chère à notre mémoire, au cours de laquelle Nous avons eu la joie de connaître de plus près votre peuple. Les chrétiens de Turquie qui, avec leurs concitoyens musulmans, ont en commun la croyance au Dieu unique qui dirige la destinée des peuples, continueront à collaborer, suivant les enseignements de leur foi, au développement de leur pays au plan familial, professionnel et civique.

Nous formons donc aujourd’hui les voeux les plus cordiaux pour votre peuple et ses gouvernants. A vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, Nous souhaitons une mission heureuse et bénéfique auprès du Siège Apostolique et Nous implorons sur votre pays et tous ceux qui se dévouent à sa prospérité, les Bénédictions du Tout-Puissant.

*AAS 65 (1973), p.664-665.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI p.1168-1169.

L’Attività della Santa Sede 1973, p.423.

L'Osservatore Romano, 7.12.1973 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.50 p.2.





AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE


DES JEUNES AGRICULTEURS EUROPÉENS*


59
Vendredi 14 décembre 1973




Jeunes agriculteurs européens,

Vous achevez votre congrès romain sur la politique agricole de l’Europe face aux pays du Tiers-Monde par une courtoise visite au Pape. Nous sommes très sensible à votre démarche. Nous voudrions que la cordialité de notre accueil et la simplicité de nos propos trouvent un écho en chacun d’entre vous.

Le programme de votre rencontre révèle fortement votre passion de jeunes agriculteurs: sauver le monde rural si indispensable à la vitalité des nations européennes, et en même temps promouvoir son authentique solidarité avec les régions agricoles du Tiers-Monde. Mais alors, pourquoi êtes-vous venus jusqu’à Nous? Pour recevoir des conseils d’ordre technique? Ce n’est pas notre rôle et vous avez des maîtres en la matière. Pour savoir ce que Nous pensons de vos problèmes et de vos projets? «Mater et Magistra», «Populorum Progressio», «Octogesima Adveniens», le document du dernier synode sur la Justice dans le monde, demeurent les témoignages sans équivoque de l’intérêt que l’Eglise porte à vos graves questions. Ce n’est pas le lieu de les citer à nouveau. En cette brève rencontre, Nous voulons surtout vous dire notre grande estime et nos encouragements.

Vous avez déjà beaucoup lutté, beaucoup souffert, pour conjurer l’exode rural, rationaliser les exploitations, coordonner les projets, spécialiser la production, ouvrir des débouchés, abaisser les frontières, développer les organismes professionnels, intéresser les pouvoirs publics. Bien des réformes sont à poursuivre ou à inventer. Votre jeunesse, votre savoir, votre expérience sont en train de remporter une rude bataille: créer pour tous les agriculteurs, et notamment pour les générations futures, des conditions de vie répondant aux exigences d’un humanisme plénier. Ne vous laissez pas décourager par les prophètes de malheur quant à l’avenir du monde rural. Cette bataille n’a pas uniquement pour objet de trouver des structures nouvelles et efficaces pour assurer la défense et la survie des campagnes. Elle doit être constamment inspirée par une recherche de qualité de vie: il ne s’agit pas seulement d’avoir plus, mais surtout d’être plus. Tout ce que vous ferez dans ce sens valorisera en profondeur votre milieu agricole et même l’ensemble de la société européenne qui en est solidaire. Ceci est capital, et vous ne serez pas surpris de notre insistance. Comment l’Europe pourrait-elle en effet prétendre au développement des autres peuples si, en son propre sein, ce développement ne prenait pas toutes ses dimensions, économique, politique, sociale, culturelle et spirituelle? L’homme, même repu, ne sera jamais satisfait si son dynamisme n’est pas orienté vers des buts qui le dépassent. Pour Nous, «il n’est d’humanisme vrai qu’ouvert à l’absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie humaine» (Populorum Progressio
PP 42).

Dans cette perspective, vous avez raison de vouloir sensibiliser davantage, à tous ces aspects d’une politique agricole internationale et humanisante, vos milieux sociaux-professionnels, vos compatriotes, les responsables du bien commun en vos divers pays, mais également les responsables de la Communauté européenne. Nous avons d’ailleurs remarqué les propositions que vous comptez prochainement soumettre aux gouvernements intéressés: l’intégration de l’aide au Tiers-Monde dans la politique intérieure des Etats, la coordination de cette politique de coopération entre les Etats membres de la Communauté, l’extension de la coopération à tous les pays pauvres, et pas seulement à ceux qui sont liés par des accords bilatéraux souvent bien étroits, une augmentation importante de l’aide financière et technique. Nous souhaitons vivement que ces propositions soient entendues.

Il nous reste à encourager ceux d’entre vous qui vont incarner prochainement cette solidarité européenne en assumant un travail dans les zones rurales du Tiers-Monde, et tous ceux qui suivront cet exemple. Vous êtes convaincus que certaines carences de la première décennie de coopération, en partie inévitables, sont un sérieux appel à faire beaucoup plus et beaucoup mieux. Serait-il normal, entre autres, de développer d’abord une industrie répondant à des besoins secondaires, en négligeant d’exploiter au maximum les ressources agricoles, capables de satisfaire les besoins prioritaires de populations sous-alimentées? Nous voudrions surtout vous persuader que c’est l’esprit de la coopération qu’il faut changer. Les populations que vous rejoindrez ont un profond besoin d’être respectées dans leur originalité, d’être éveillées et formées avec patience et abnégation, d’être aimées. N’est-ce pas d’ailleurs cette attitude fondamentale qu’il vous faut adopter vis-à-vis des ruraux européens qui seraient peu ouverts aux idées et aux méthodes qui vous sont chères? En un mot, votre mission, dans le Tiers-Monde comme en Europe, réussira si elle est animée par la passion de servir.

Un bon nombre parmi vous partagent la foi chrétienne. Comment ne seraient-ils pas heureux et réconfortés de s’entendre dire que le Christ Sauveur cherche aujourd’hui encore des disciples qui fassent de leur savoir et de leur pouvoir un généreux service de tous les hommes? L’Eglise elle-même, dans la foulée du récent Concile, se soucie beaucoup de vivre cet esprit authentiquement évangélique. C’est en priant l’Esprit Saint de vous affermir dans ces dispositions que Nous appelons sur chacun de vous, sur vos foyers, sur ceux que vous représentez, les Bénédictions du Seigneur.



*AAS 66 (1973), p.13-15.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p.1199-1201.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.51 p.5, 10.

60 La Documentation catholique 1974 n.1646 p. 58.



AUX ÉVÊQUES


DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE SUISSE


Samedi 15 décembre 1973




Frères très chers,

Nous Vous disons d’abord notre joie de vous recevoir aujourd’hui, au tours de cette visite «ad limina Apostolorum», pendant laquelle vous tenez la centquarante-deuxième réunion de l’Episcopat suisse.

Vous saluant cordialement tous et chacun, Nous souhaitons une particulière bienvenue à Mgr Adam, Evêque de Sion, auquel vous avez aussi confié la charge de Président de votre Conférence. Sans insister sur tous les sentiments qui Nous animent, Nous voulons simplement vous assurer, vous-mêmes et, à travers vos personnes, tous ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale, prêtres, religieuses, religieux et fidèles, de notre paternelle affection et de notre prière.

Dans un monde profondément troublé et divisé, la tâche de tous s’avère difficile et cette difficulté même pourrait empêcher, parfois, de percevoir les signes d’espérance et les progrès réalisés. Située au coeur de l’Europe, la Suisse se trouve avoir un rôle de contact, de jonction, entre des populations, des mentalités et des courants de pensée très divers. C’est son honneur d’avoir su intégrer pacifiquement cette diversité qui est source de richesse. Faut-il s’étonner, cependant, si certaines tensions sont parfois ressenties dans la vie de vos diocèses? Mais Nous savons combien vous tiennent à coeur l’unité du Peuple de Dieu ainsi que sa fructueuse participation à l’effort de renouveau et de discernement qui s’impose. C’est dans cet esprit que vous avez entrepris le Synode qui se déroule actuellement. Votre volonté d’écoute et votre sens pastoral ont déjà trouvé largement à s’y déployer. Dans cette attention concrète portée aux grands problèmes de notre temps tels qu’ils s’expriment dans vos Eglises particulières, vous avez l’occasion de jouer pleinement et de manière adaptée le rôle magistériel immuable de l’Evêque, celui d’enseigner et de sauvegarder dans toute sa pureté la foi reçue des apôtres, pour l’implanter au coeur des jeunes générations et stimuler une authentique charité.

Nous constatons avec satisfaction que les thèmes de votre réunion épiscopale actuelle correspondent à ces besoins, en mettant au premier plan la recherche d’une annonce authentique de la foi, d’un approfondissement de l’esprit liturgique, d’un soutien de l’oeuvre missionnaire, d’un engagement durable au service de la justice et de la paix. En fonction de ces buts, les problèmes des moyens de communication sociale retiennent votre attention, ainsi que le devoir qui incombe à tous ceux qui s’y adonnent - surtout s’ils se veulent vraiment catholiques - d’être toujours au service de la foi.

L’Année Sainte, enfin, déjà commencée au niveau diocésain, et l’appel à la réconciliation qu’elle invite à faire retentir opportune importune, deviendront, grâce à une action pastorale persévérante et ordonnée, une occasion de renouveau humain et spirituel, dans la paix avec autrui et avec Dieu, source de tout bien.

Unissant notre prière à la vôtre pour que l’Esprit Saint anime l’oeuvre entreprise et la conduise à bon terme, Nous vous assurons de notre confiance, vous qui avez recu du Seigneur, avec Nous, la charge de construire son Eglise. Puisse-t-il vous prodiguer avec abondance sa lumière et sa force pour l’exercice de votre charge pastorale, avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique.



À L’AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE RWANDAISE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 20 décembre 1973




Monsieur l’Ambassadeur,


Discours 1973 54