Discours 1976 53

FAITS SAILLANTS DE L’ANNÉE 1976





Et on se doit avant tout de penser au rayonnement de sainteté qui, comme prolongement idéal de ce grand mouvement de prière que fut l’Année Sainte, s’est comme reversé sur le monde dans les modèles d’héroïque vertu chrétienne que nous avons proposés à tous nos fils, et même à tous les hommes : les nouveaux Saints : Batrix de Silva Meneses, Vierge, Fondatrice des Moniales Franciscaines de la Très Sainte Conception de Marie, Jean Ogilvie Martyr de la Compagnie de Jésus, canonisés respectivement les 3 et 17 octobre ; et les nouveaux Bienheureux : Léopold de Castelnuovo, Confesseur, des Frères Mineurs Capucins, — le 2 mai dernier — et la Carmélite déchaussée Marie de Jésus Lopez de Rivas, Vierge, contemporaine et consoeur de Sainte Thérèse d’Avila, le 14 novembre : ce sont des rayons de lumière tant d’époques lointaines que des temps contemporains pour nous soutenir dans notre recherche de Dieu, dans notre amour pour nos frères qui caractérise la vie de l’Eglise depuis le « commandement nouveau » (Jn 13,24) que son Divin Fondateur nous a ineffablement donné.

Et rappelons aussi les journées de foi eucharistiques que nous avons vécues avec la célébration du Congrès Eucharistique International de Philadelphie qui a eu son sommet le 8 août lorsque dans une profonde union de prière autour de l’autel de la Messe nous nous sommes unis de Bolsena, la ville du miracle, avec les foules accourues à Philadelphie pour assister à la conclusion du Congrès. Si la sainteté est le coeur de l’Eglise, elle trouve son aliment continuel dans le renouvellement eucharistique du sacrifice du Calvaire : ici le faîte de la vie chrétienne ; ici la plénitude de la communion dans l’unique foi ; ici l’apothéose visible de la vie communautaire de l’Eglise comme source jamais tarie du renouvellement intérieur qui ne doit jamais cesser d’opérer au plus intime de chacun.

Nous voudrions aussi ne serait-ce que mentionner quelques faits saillants et significatifs de l’année à son déclin : l’invitation à 20 nouveaux membres — de tous continents, on peut bien le dire — à faire partie du Collège des Cardinaux comme expression visible et suprême — ainsi que nous le disions le 24 mai — de l’expérience de foi qui fut vécue pendant l’Année Sainte, de la collégialité placée sous un nouveau jour par le Concile Vatican II ainsi que la fidélité à l’Eglise (Cf. AAS 68, 1976, PP 837 et ss.). Et le souvenir de cette promotion de nouveaux cardinaux ne nous fait pas oublier les vides douloureux qui, au cours de l’année, se sont créés au sein de votre très vénéré et très représentant Collège Cardinalice.

Rappelons aussi le passage au droit commun des Eglises d’un Continent tout entier — nous parlons de la jeune et dynamique Australie; la réunion du CELAM à Porto Rico ; les actes continuels du Saint-Siège parmi lesquels il nous plaît de rappeler le récent renouvellement des structures qui donne la physionomie définitive qui leur revient à deux organismes de la Curie Romaine, institués après le Concile : 1) Pontificium Concilium pro Laics en même temps que le Comité pour la Famille qui en fait partie et 2) la Commission Pontificale Justifia et Pax.


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vitalité de l’eglise





Mais en ce moment particulier le regard embrasse l’Eglise tout entière. Elle est signe d’espérance et point de référence sûr, spécialement aujourd’hui que se multiplient les signes inquiétants, effrayants même, d’une société qui semble se servir du don merveilleux et délicat de la liberté pour devenir esclave d’idéologies pervertisseuses auxquelles elle succombe sans résister. Le terrorisme froidement organisé par les forces obscures qui se cachent lâchement dans l’ombre, qui sèment la mort, jetant la consternation dans les consciences impuissantes et désorientées des multitudes dans de nombreuses nations du monde ; et ne sont pas rares les centres de détention qui se sont transformés en écoles de délinquance. Et cependant, face à toutes ces menaces qui prolifèrent, actions ou idées, et qui semblent vouloir désagréger l’ordre public et les formes de la coexistence pacifique orientée vers le plus grand bien de tous, l’Eglise ne cesse d’être le « signum elevatum in nationibus procul » (cf. Is
Is 5,26 Is 11,12).

Sa vitalité est pacifique, et majestueuse comme le cours d’un grand fleuve de paix messianique qui s’écoule du Seigneur (cf. Is Is 66,12) ; et cette vitalité se manifeste dans la défense du patrimoine de la foi que l’Eglise, avec un soin jaloux, maintient intact et protège, comme la pupille de ses yeux, contre les critiques corrosives et les interprétations dévaluantes autant que des préjugés et des limitations préconçues qui, dans un cas comme dans l’autre, se résolvent toujours et uniquement dans la désobéissance aux légitimes Pasteurs du Corps épiscopal et à l’humble successeur de Pierre qui est à leur tête. Cette vitalité se manifeste dans la protection inébranlable de la Loi morale inscrite dans le coeur de l’homme et garantie par la Révélation de l’Ancien et du Nouveau Testament ; et ceci se réalise grâce à l’enseignement de ce Siège Apostolique — qui ne craint ni le bruit, ni l’hostilité et, moins que tout, l’humiliation et l’ironie de ce monde pour lequel le Christ n’a pas prié comme pour ses disciples (cf. Jn Jn 17,9) mais qu’il a cependant aimé au point de donner sa vie pour lui (Cf. Jn Jn 3,17 Jn 6,51 Jn 14,31) — ce Siège Apostolique qui proclame le droit à la vie, l’indissolubilité du mariage, les normes saines, ascétiques et libératrices, de la vie sexuelle. Elle se manifeste encore, cette vitalité, dans l’impulsion évangélisatrice qui soutient l’Eglise dans sa mission et qu’à son tout elle soutient avec un effort immense pour être, parmi les peuples, témoin de la vérité et de la sainteté de Dieu ; elle se manifeste dans les diverses formes de la vie ecclésiale et religieuse ; dans la fidélité des familles aux engagements quotidiens dans lesquels se développe la grâce sacramentelle du mariage ; dans la fécondité spirituelle des âmes consacrées ; dans la ferveur qui imprègne spécialement les jeunes avec de très heureux symptômes d’encourageante bonté, de méditations constructives, de conscience communautaire ; dans l’heureux réveil des vocations sacerdotales et religieuses, particulièrement dans l’apostolat missionnaire et la vie contemplative.


immuabilité du dépôt et développement vivant dans l’eglise





Cette vitalité de l’Eglise dont nous avons chaque jour des preuves tacites, mais significatives et consolantes, on peut la comparer à la vie organique qui palpite dans l’univers. Comme un grand arbre qui a ses racines profondément enfouies dans le sol qui le nourrit depuis des siècles, l’Eglise plonge ses racines dans le passé pour arriver jusqu’au Christ et aux Apôtres. En ce sens il est indubitable — et ce serait déraisonnable de le contester — l’immutabilité du dépôt, que l’Eglise conserve lorsqu’elle propose le dogme, la morale, la liturgie même dans le lumineux principe du « lex orandi, lex credenti ». Une, demeure la vie de l’Eglise, stable et solide, parce que « unum corpus et unus spiritus... Unus Dominus, una fides, unum baptisma. Unus Deus et Pater omnium, qui est super omnes et per omnia et in omnibus nobis » (Ep 4,4 et ss.). C’est dans cette ligne que jusqu’à présent nous nous sommes tenus, que nous sommes, que nous serons toujours, selon les paroles de Saint Paul : « Solliciti servare unitatem Spiritus in vinculo pacis » (ibid. 4, 3).

Mais comme cette immuabilité naît des racines elles-mêmes de l’Eglise qui tirent leur sève du passé, par le moyen du Christ, jusqu’à parvenir au sein même de Dieu, elle n’est ainsi nullement en contradiction avec la vie qui, de ces racines, palpite et fleurit. Il n’y a aucune opposition entre vie et immuabilité ; au contraire, c’est la vie qui assure l’immuabilité essentielle d’un être vivant. L’immutabilité de la pierre, de la matière insensible est tout autre chose que celle qui assure l’identité continue de l’être vivant à travers sa croissance physique et intellectuelle et dans sa confrontation avec les circonstances de l’existence. Une plante, un corps organique restent substantiellement eux-mêmes au fur et à mesure qu’ils croissent. C’est l’antique et toujours frappante comparaison de Vincent de Lérins que nous connaissons tous (Commonitorium Primum 23 ; PL 50, 667 ss.) ; c’est l’idée qui a déjà été commentée par Cyprien, avec des images suggestives : « Ecclesia Domini... ramos suos in universam terram copia ubertatis extendit, propuentes largiter rivas latius pandit : unum tamen caput est et origo una et una mater recunditatis successibus copiosa » (De unitate Ecclesiae, 5, PL 4, 518). Des racines profondes se développent les branches d’un même tronc, toujours ancien et toujours nouveau ; de la sève du passé, elles s’étendent vers l’avenir, en avant, pour accueillir le vol des oiseaux qui viennent y chercher ombre et repos (cf. Mc Mc 4,32). Le développement est essentiel dans la vie de l’Eglise.


DÉVIATION CONTRADICTOIRES APRÈS LE CONCILE




L’Eglise demeure immobile dans sa fidélité à elle-même ; et en même temps elle s’enrichit sans cesse. Ce qui démontre la fécondité, la nécessité, le rôle du Concile Vatican II qui, non moins que toutes les autres assises oecuméniques, a donné, aux demandes des hommes de notre temps, une réponse claire, dogmatiquement irréprochable, pastoralement prudente et innovatrice. On ne saurait raisonnablement mettre en doute ses résultats positifs même si, comme cela s’est passé souvent dans la vie de l’Eglise, il y a eu de pitoyables déviations qui, procédant peut-être de nobles sentiments, n’en provoquent pas moins de graves conséquences pour l’Eglise : d’une part, le développement de l’Eglise est entendu en un sens tel que l’on ne parvient plus à en découvrir les confins tant on en a perdu même la notion ; d’autre part, au contraire, un motif mal compris de fidélité porte à nier et à refuser tout développement contre l’évidence même de la tradition vivante de l’Eglise. Dans un cas comme dans l’autre, le mal naît fondamentalement non seulement d’un réel manque d’humilité et d’obéissance, mais aussi de ce que l’on ignore en fait la garantie donnée au développement dans la continuité par l’Auteur même de l’Eglise ; on prétend se faire juge, soi-même, tout seul de ce qui semble être ou ne pas être dans la ligne authentique de la tradition.


la tradition





Certes, l’immuabilité de la foi est, aujourd’hui, mise en danger par le relativisme dans lequel sont tombés quelques auteurs. Mais, en opposition à une telle attitude nous avons rappelé fermement que la révélation divine a un sens précis et déterminé, une vérité immuable et il nous est proposé d’y croire par le Christ lui-même, par la tradition apostolique et par les actes du Magistère ; et nous avons averti qu’il n’est aucune herméneutique qui ait le droit — pour adapter la Bonne Nouvelle à des mentalités qui diffèrent selon les époques et les milieux — de remplacer ce sens par d’autres prétendument équivalents, bien que partiellement opposés ou déplorablement réduits.

Et cependant on objecte — et nous le disons avec grande tristesse — que diverses doctrines ou directives du Concile Vatican II, par Nous-même confirmées et reprises, se détachent de la foi traditionnelle. Nous ne pouvons nous arrêter à ces divers points, d’autant plus que nous nous y sommes déjà attardés d’autres fois, mais nous désirons mentionner au moins celui du droit à la liberté religieuse. Il s’agit d’un droit vis-à-vis des autorités humaines, particulièrement des autorités de l’Etat ; c’est un droit — et plus encore, en même temps, un devoir moral — qui a pour objet la recherche de la vraie religion, tout comme le choix et l’engagement vers lequel s’oriente une telle recherche. Le Concile ne fonde d’aucune manière ce droit sur le fait que toutes les religions et toutes les doctrines, même erronées, qui intéressent ce domaine, auraient une valeur plus ou moins égales ; Il le fonde, par contre, sur la dignité de la personne humaine qui exige de ne pas être soumise à des contraintes extérieures qui tendent à opprimer la conscience dans la recherche de la vraie religion et dans l’adhésion à celle-ci.

Conclusion





55 Vénérables Frères et chers Fils,

Voilà ce que nous désirions vous confier au cours de cette anxieuse attente des fêtes du Verbe qui vient nous sauver. En ces jours, notre coeur est près de la grotte sainte de la Nativité ; la pensée et la prière se tournent vers la crèche : Jésus est descendu dans cette nudité pour fonder l’Eglise, sacrement du salut ; le Père, comme a dit le Concile, « a envoyé son Fils parmi les hommes... afin qu’il demeure avec eux et leur explique les secrets de Dieu » (cf. Jn
Jn 1,1) Jésus Christ, donc, Verbe fait chair, envoyé comme « homme aux hommes » ( Diognetum 7, 4) « parle la parole de Dieu » (Jn 3,34) et conduit à bonne fin l’oeuvre de Salut que lui a confiée le Père (cf. Jn Jn 5,36 Jn 17,4). (Dei Verbum, DV 4). De là, de cette crèche a commencé à germer la grain qui, maintenant arbre à la frondaison luxuriante, s’étend sur toute la terre ; de là le début, de là l’impulsion motrice, de là l’explication de toute l’histoire de l’Eglise et du monde, dans le courant de sainteté et de grâce qui a pris origine de sa venue.

C’est ainsi que nous l’attendons, que nous le voyons à Noël, c’est ainsi que nous prierons près du berceau divin, et nous le trouverons là, nous souriant, des bras de Marie, sa Mère immaculée. A Elle, mère du Christ et mère de l’Eglise, nous confions avec espérance l’avenir même de l’Eglise, et plus encore, de l’humanité tout entière, pour laquelle le Christ est né de son sein; nous Lui demandons de pouvoir aimer l’Eglise comme elle l’a aimée, d’imiter dans l’apostolat, sa mission maternelle. Oui, vénérables Frères, comme l’a souligné le Concile « dans son oeuvre apostolique, l’Eglise regarde à bon droit vers celle qui a engendré le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge afin de naître et de grandir aussi par l’Eglise dans le coeur des fidèles... a été le modèle de ce sentiment maternel qui doit animer tous ceux qui coopèrent à la mission apostolique de l’Eglise pour régénérer les hommes » (Lumen Gentium, LG 65).

De l’intensité et de la sincérité de cet amour nous aurons à rendre compte devant Celui qui viendra nous juger dans la majesté de la gloire du Père, comme il vient maintenant nous racheter dans l’incompréhensible humilité de son abaissement. Dans cette attente de veille et de prière que des bras de sa Mère, le Fils de Dieu fait Homme, nous bénisse tous, et en son nom saint, à notre tour nous vous bénissons en vous souhaitant « Bon Noël ».







AU CONSEIL MONDIAL DES GROUPES DE VIE CHRÉTIENNE


Mercredi 29 décembre 1976




Chers Fils et chères Filles,

Nous sommes heureux de rencontrer le nouveau Conseil Exécutif de votre Fédération, élu à l’Assemblée générale de Baguio, aux Philippines, l’été dernier. A cette occasion, Nous vous avions fait parvenir nos encouragements et quelques orientations essentielles. Continuez à rechercher une solide formation doctrinale, spirituelle et apostolique, qui vous permette d’être d’authentiques témoins du Seigneur dans un monde qui l’ignore: «Lux in tenebris lucet», répétions-Nous la nuit de Noël. De même, entretenez constamment avec le Seigneur les relations intimes qu’il attend de ses amis, comme Marie qui «conservait toutes ces choses, les méditant dans son coeur». Enfin, aimez l’Eglise, faites-la aimer, servez-la, comme une Mère: «sentire cum Ecclesia», disent vos Statuts. Redites bien à tous les membres de la Fédération mondiale des Communautés de Vie chrétienne l’espoir que L’Eglise met dans leur apostolat. Votre zèle sera d’autant plus fort et votre rayonnement plus assuré qu’ils s’appuieront sur le partage fraternel que vos associations favorisent. Et que la Vierge-Mère, particulièrement contemplée en ce temps de Noël, vous aide à accueillir son Fils et à la présenter au monde! Avec notre Bénédiction Apostolique.





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