Discours 1975 35

II. Nécessité d’une qualification catholique sans équivoque





Au cours de ces récentes années on a cru, dans certaines universités catholiques, pouvoir répondre aux interrogations de l’homme et du monde, débilitant la propre caractérisation catholique. Et les conséquences ? On a assisté à un affaiblissement des valeurs chrétiennes qui ont cédé la place à un humanisme qui s’est transformé en une véritable et propre sécularisation ; on a assisté également à la dégradation des moeurs dans le cadre des « campus » universitaires, faisant perdre de vue aux jeunes le caractère admirable de nombreuses vertus. De telles tendances, d’ordre intellectuel et disciplinaire ont eu pour conséquence le développement parmi le Peuple de Dieu d’un certain manque d’intérêt pour les Universités catholiques et pour les problèmes des Universités qui en ont subi les conséquences : manque de soutien et manque d’encouragements. Or, aujourd’hui plus que jamais, l’Eglise a besoin des Universités Catholiques. Malheur à nous si nous l’oublions ! Précisément parce qu’elle est de plus en plus consciente de sa mission salvatrice en ce monde, l’Eglise veut sentir ces Centres tout proches d’elle, veut les avoir présents et actifs dans la diffusion du message authentique du Christ. En d’autres mots, elle les désire « catholiques » et lorsqu’elle les voit tels, elle est disposée, même au prix d’énormes sacrifices, à leur accorder toute son aide.

Les Universités Catholiques doivent être ouvertes au monde et aux problèmes d’aujourd’hui ; elles doivent promouvoir le dialogue avec toutes les cultures, avec les athées, avec les non-chrétiens, avec les chrétiens des diverses confessions; à cet égard l’exemple de l’Eglise de l’après-Concile est très éloquent. Mais il faut que tout ceci se fasse en maintenant intact le caractère d’Université Catholique — et pour vous, celui d’Université Catholique propre de la Compagnie de Jésus — respectant toujours, dans l’enseignement, dans les publications et dans toutes les formes de la vie académique, la pleine orthodoxie de la doctrine, l’obéissance au Magistère de l’Eglise, la fidélité à la Hiérarchie et au Saint-Siège sans s’attarder à un relativisme doctrinal ou à une morale permissive, incompatibles avec le caractère d’une Université qui veut se définir « Catholique ». Le mimétisme doctrinal et moral n’est certainement pas conforme à l’esprit de l’Evangile qui veut que vous soyez « sel de la terre », sous peine, si vous l’oubliiez, d’être rejetés, ayant perdu toute saveur (cf. Mt Mt 5,13). Du reste, même ceux qui ne partagent pas les vues de l’Eglise nous demandent une extrême clarté de position afin de pouvoir établir un dialogue constructif et loyal. Le pluralisme culturel et le respect dû à la personne de nos frères ne devront jamais faire perdre de vue au chrétien son devoir de servir la vérité dans la charité (cf. Ep Ep 4, 19, de suivre cette vérité du Christ qui, seule, donne la vraie liberté (cf. Jn Jn 8,32 Ga 4,31 2Co 3,17).



III. Fidélité à la tradition de la Compagnie de Jésus





Certes, les difficultés que les Universités rencontrent aujourd’hui sont très graves. Mais elles ne doivent pas décourager ni inspirer la tentation, manifeste ou sournoise d’abandonner ce secteur pour le céder à d’autres. A ce propos, il importe de préciser qu’est certainement louable et nécessaire la collaboration des laïcs et d’autres prêtres non jésuites dans la gestion de l’Université mais il faut faire en sorte que cela intervienne de manière convenable, de façon que la Compagnie conserve l’autorité nécessaire pour faire face à ses responsabilités catholiques. La Compagnie ne devra donc pas renoncer à son autorité dans les Universités qu’elle possède. Laisser perdre cette méritoire tradition signifierait, non seulement manquer à votre « identité », mais aussi et surtout perdre quelque chose dont l’Eglise a besoin et dont elle ne peut se passer.



IV. Créer dans l’Université un climat d’authentique foi chrétienne





L’Université catholique est appelée, aujourd’hui plus que jamais, à promouvoir en son sein un climat authentiquement catholique, c’est-à-dire une ambiance où le catholicisme est vivant, actif, visible ; les professeurs eux-mêmes et principalement les jeunes en ressentent le besoin. L’enseignement religieux ne suffit pas à lui seul — il doit certes être l’objet des soins les plus attentifs, faire preuve de sérieux scientifique, être entièrement fidèle à l’enseignement de l’Eglise — il importe aussi de créer ce climat dans lequel le jeune se sent sincèrement entraîné à suivre le Christ, à l’aimer et à le porter aux autres. C’est précisément dans le sein de l’Université que les jeunes doivent acquérir ou, s’ils l’ont déjà acquis, perfectionner un style de vie authentiquement chrétien, se rendre compte du caractère sérieux de la profession, ressentir l’enthousiasme d’être appelés, demain, à être des leaders qualifiés, témoins du Christ dans les places où ils devront exercer leur profession. Si elle est opportunément secondée, la jeunesse ne manque jamais de répondre sérieusement, de s’engager. Mais il faut lui présenter la vision totale, « catholique », de toutes les réalités humaines sous l’éclairage du Christ, réponse suprême, unique, parce que c’est le Verbe de Dieu qui interpelle l’homme, lui adresse les paroles de vie éternelle (cf. Jn Jn 6,68) et le met face à ses grandeurs, à ses tâches, à ses responsabilités. L’Université Catholique est évidemment le lieu privilégié où le jeune homme devra être aidé pour pouvoir réaliser cette synthèse globale qui, pour lui et pour les autres sera une source de lumière féconde pour toute la vie. Mais il faut s’engager à fond, il faut travailler, se montrer patient et clairvoyant !

Et à ce propos, disons que les soins pastoraux de la jeunesse universitaire, se révèlent extrêmement urgents ; c’est un problème aujourd’hui de fondamentale importance pour l’Eglise. Le Concile Vatican II a souligné dans sa Déclaration Gravissimum educationis que « le sort de la société et de l’Eglise même est étroitement lié aux progrès des jeunes qui font des études supérieures » (N. 10). Il importe d’agir avec la plus grande prudence, selon une méthodologie qui corresponde le mieux aux exigences de la mentalité juvénile. Il importe avant tout, cependant, de leur donner des idéaux de vie chrétienne, incarnés en ceux qui sont formateurs, et éducateurs. Il faut ne jamais oublier que les jeunes se conquièrent en leur offrant des idéaux authentiques, importants ; l’indulgence, la complaisance, la soumission à la mode peuvent aussi rapprocher les jeunes, mais c’est une approche qui s’évanouit facilement.

Leur présenter le Christ comme réponse complète à leurs problèmes et aux problèmes du monde ; leur faire comprendre que le Christ ne déçoit pas leurs sentiments de fraternité, de justice, d’amour universel et que, au contraire, ces sentiments se développent sans limite s’ils trouvent consciemment leur source dans le Christ lui-même : voilà une mission enthousiasmante pour les Dirigeants des Universités Catholiques de la Compagnie de Jésus.

Nous sommes certain que, fidèle à l’esprit de votre Fondateur, vous saurez accomplir votre devoir quotidien, les yeux fixés toujours sur ces objectifs. N’ayez pas peur ! Le Christ, Sagesse du Père, sera toujours près de vous pour donner chaleur et force de conviction à vos paroles et à vos méthodes, l’Esprit Paraclet vous suggérera toute chose (cf. Jn Jn 14,26) pour que vous sachiez faire entendre aux jeunes l’enseignement éternel du Christ et l’appliquer à leurs exigences et aux besoins de la vraie culture; la Vierge Très-Sainte, Sedes Sapientiae vous assistera de ses soins maternels. C’est cela la prière que nous lui adressons pour vous, pour vos collaborateurs, pour vos élèves dans les nombreuses et importantes Universités des Jésuites.

A tous, notre Bénédiction Apostolique.






28 août



LES NOMADES SONT CHEZ EUX DANS L’EVANGILE ET DANS L’EGLISE





Les Nomades, pèlerins à Rome, ont rendu visite au Saint-Père à Castel Gandolfo. Au cours de l’audience spéciale qu’il leur a accordée, le Saint-Père leur a adressé une brève allocution dont voici notre traduction :



Très Chers Fils,



36 Parmi les profondes joies intimes que le Bon Dieu nous a fait éprouver au cours de cette extraordinaire Année Sainte, nous devons ranger avec les plus vives, les plus caractéristiques, celle que nous procure cette rencontre avec vous qui participez au Pèlerinage international des Nomades. Nous vous accueillons, le coeur grand ouvert et vous saluons très affectueusement.

Vous ne manquerez certainement pas d’être heureux si nous saluons, avec vous, nos Frères les Evêques ici présents, et les nombreux prêtres et religieuses qui, dans les diverses nations, se dévouent à votre assistance religieuse. Ils sont le signe vivant et visible de la sollicitude maternelle de l’Eglise à votre égard : Dieu les bénisse tous, ces forts et généreux ministres du Seigneur qui nous donnent tant de consolation grâce à la fidélité à leur appel à leur apostolat !

Votre visite, très chers Nomades, fait renaître en nous le souvenir des autres rencontres que nous avons eues avec vous : à Milan, lorsque le Seigneur nous voulut Archevêque et Pasteur de ce Diocèse et, dix ans plus tard, à Pomizia, parmi vous, une visite qui a gravé en nous un souvenir ineffaçable. Cette fois encore le Pape est venu parmi vous pour vous dire toute l’affection qu’il vous porte. Et si notre satisfaction est grande pour votre visite, elle est plus grande encore parce que votre venue est en relation avec la célébration du Jubilé universel, de l’Année Sainte, et que vous avez été entraînés par ses buts spirituels : le renouvellement et la réconciliation. Nous sommes certains que ces termes suscitent en votre coeur des sentiments et des intentions de vie nouvelle, d’amour, de bonté, de pardon. Et nous faisons des voeux pour qu’à partir de cette Année Sainte, une nouvelle période de progrès spirituel et matériel commence pour vous que nous aimons tant. Oui, très chers fils et filles, nous vous le répétons et il faut nous croire : nous avons pour vous — et cela ne date pas d’aujourd’hui — de profonds sentiments de respect, d’affection, de sympathie, humaine, avant tout en considération de la condition particulière de votre vie nomade et pèlerine ; mais cette sympathie est aussi et surtout chrétienne, parce qu’en vous se reflète un aspect de la vie de Jésus, notre Seigneur, Maître et Frère : en effet, Jésus lui aussi, encore enfant et sans défense, fut un fugitif, devant s’exiler en Egypte par crainte d’Hérode ; puis, toute sa vie publique fut, au cours des trois années de sa prédication messianique, une vie de nomade, tout comme la vôtre, on peut bien le dire ; il trouvait certes quelqu’hospitalité chez des personnes amies, mais plus occasionnelle que régulière, si bien que Jésus pouvait dire de lui-même : « Les renards ont leur tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, mais le Fils de l’homme (Jésus, donc) n’a pas où reposer sa tête » (
Mt 8,20). Voyez comme Jésus vous ressemble, comme il est proche de vous ! Et les Apôtres ont fait comme Jésus ; et Saint Paul également, lui le grand Apôtre voyageur (pensons à la manière dont on pouvait voyager à l’époque, par quels moyens, avec quelles difficultés). Et c’est proprement ainsi que Saint Paul décrit sa vie : « Voyages sans nombre, dangers au passage des fleuves, dangers des voleurs, dangers de mes compatriotes, dangers des gentils, dangers des cités, dangers des déserts, danger de la mer, dangers des faux-frères ; travail, fatigues, veilles continuelles, faim et soif, jeûnes fréquents, froid, nudité, j’ai tout enduré» (2Co 11,26-27) ! Comme vous le voyez, très chers Frères, vous n’êtes pas des étrangers dans l’histoire de l’Evangile, de l’Eglise. C’est précisément pour ces raisons que vous nous êtes aussi chers !

Et alors voici nos voeux qui se développent sur deux plans : sur le plan humain pour que vous puissiez vous soutenir, vous aider, avoir une assistance qui pénètre dans votre vie (perfectionnement de l’instruction, des soins sanitaires, de la préparation professionnelle...) ; et sur le plan chrétien que vous puissiez, toujours mieux, connaître Dieu, Jésus-Christ, et aussi l’Eglise ; puis, prier chaque jour; être bon, vivre en paix entre vous et avec les autres : précisément en conformité avec les intentions de ce Jubilé qui doit se poursuivre dans le temps, même au-delà des limites de cette année-ci.

Puis, nous voulons encore vous donner l’assurance de ceci: nous vous suivrons ! nous nous souviendrons de vous ! Les bons prêtres qui vous suivent, en liaison avec notre Commission Pontificale pour la Pastorale des Migrations et du Tourisme (où existe une section spécialement organisée pour les Nomades) nous donneront de vos nouvelles, nous informeront sur votre vie, sur vos joies et sur vos peines ; et nous, autant que ce sera possible, nous vous aiderons.

En attendant nous allons dire une prière ensemble, chacun dans sa propre langue ; et vous remerciant de nouveau pour votre visite, nous vous bénissons maintenant, au nom du Père, du Fils et Saint-Esprit.



Puis le Saint-Père a salué les Nomades en langues diverses. Aux pèlerins francophones il a dit :



A vous tous, chers nomades, à chacun de vous, notre salut cordial, notre prière ! Dieu veille sur vous. Le Christ vous aime, l’Eglise vous accueille : « vous êtes de la maison de Dieu » (Saint Paul, aux Ep 2,19). Nos souhaits fervents pour la dignité de votre vie humaine, pour votre paix, pour votre bonheur. Notre Bénédiction affectueuse vous accompagne.




AUX PARTICIPANTS AU IIIème CONGRÈS MONDIAL


DU COLLÈGE INTERNATIONAL


DE MÉDICINE PSYCHOSOMATIQUE


Jeudi 18 septembre 1975




Mesdames, Messieurs,

37 C’est avec joie que Nous recevons ce matin les membres du troisième Congrès mondial du Collège international de médecine psychosomatique. Nous nous félicitons que vous ayez choisi la ville de Rome comme siège de votre Congrès, dans le but d’unir à vos activités scientifiques les rappels moraux et spirituels qui, surtout en cette Année Sainte, sont inhérents à cette cité.

Vous vous retrouvez donc, venus de plus de cinquante nations des cinq continents, avec pour seul but de travailler à une meilleure connaissance de la condition humaine afin de la mieux servir. L’union que Nous évoquions tout à l’heure des perspectives scientifiques et spirituelles, Nous paraît significative dans la mesure où vos recherches sont précisément caractérisées par une approche pluridisciplinaire de la personnalité humaine afin de n’en rien laisser échapper.

Cette inclusion de toutes les dimensions humaines dans le rapport thérapeutique nous semble répondre non seulement aux exigences scientifiques les plus modernes, mais aussi aux requêtes humaines les plus profondes.

Pour Nous qui sommes le spectateur attentif - et rempli d’admiration - de vos études, mais sans compétence scientifique particulière, vos problèmes se réduisent à un double cadre rudimentaire, mais que Nous croyons essentiel. Il y a d’abord celui des rapports thérapeutiques que la cure somatique peut apporter à l’esprit du patient, qui souffre souvent davantage dans son esprit que dans son corps; il y a, inversement, l’apport thérapeutique que peut recevoir la souffrance physique par le moyen du réconfort psychologique spirituel.

Nous disons simplement que notre conception de la vie humaine admet sans difficulté le transfert, ou mieux l’extension de la cure physique au bénéfice simultané ou successif de l’esprit (on pourrait se prévaloir ici d’un exemple biblique: celui d’Elie qui, à bout de forces physiques et morales, est invité par l’Ange de Yahvé à manger et à boire de la nourriture préparée pour lui. Le prophète mange et boit [remède physique] ; puis, réconforté par cette nourriture, il marche quarante jours et quarante nuits, jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb - Cfr.
1S 19,8).

Plus difficile, plus délicat est le processus inverse, pour lequel vous vous passionnez dans vos études. Mais lui aussi est approuvé par notre conception de l’homme. La cure spirituelle, psychologique ou morale, peut faire du bien et renouveler les forces corporelles. Sur ce point, nous avons des exemples dans les récits évangéliques: interprétés avec prudence et sagesse, ils peuvent appuyer votre pensée, qui est aussi la nôtre. Oui, même les remèdes psychologiques ou spirituels peuvent apporter, sinon la guérison au sens strict, du moins un grand réconfort à l’être humain aussi sous son aspect corporel (l’Evangile nous offrirait des exemples caractéristiques de ce point de vue; moyennant une prudente exégèse, ils pourraient commenter favorablement vos études scientifiques - Cfr. l’épisode du possédé de Gérasa: Marc Mc 5,1-20). Et comme il est bien connu, cette thérapie de l’esprit, qui a des résultats positifs aussi sur les souffrances physiques, constitue une grande partie de notre soin pastoral auprès des infirmes et des affligés.

Votre perspective situe le médecin d’abord comme une personne humaine pour qui la relation avec autrui est essentielle, fondée sur le respect et la compréhension, et vous affirmez également la dignité fondamentale du malade, qui ne perd rien de la valeur de son être humain à cause de son état.

Concernant la valeur de chaque personne humaine, Nous voudrions vous rappeler qu’il appartient au médecin d’être toujours au service de la vie et de l’assister jusqu’à son achèvement, sans jamais accepter l’euthanasie, ni renoncer à ce devoir si humain de l’aider à terminer avec dignité son cours terrestre. Nous vous rappelons sur ce sujet l’enseignement toujours d’actualité que notre prédécesseur, le Pape Pie XII, avait donné sur l’emploi des analgésiques: ils peuvent être utilisés avec prudence et compétence, mais ils ne sauraient être licitement employés pour diminuer la responsabilité personnelle ou pour renoncer aux devoirs propres à la personne humaine (Discours de Sa Sainteté Pie XII au Premier Congrès International de Neuropsychopharmacologie, 9 septembre 1958, cfr. AAS 50, 1958, PP 687 et ss.).

Vos recherches mettent aussi en relief l’importance de l’environnement social et très particulièrement de la famille, surtout dans les maladies psychosomatiques qui résultent souvent, surtout à certains âges, de conflits, de difficultés ou d’abandon à l’intérieur de la cellule familiale. Nous vous invitons à mettre en valeur l’importance de la famille pour le bien-être physique et moral de l’individu, et particulièrement des plus vulnérables, l’enfant, le vieillard et le malade, c’est-à-dire tous ceux qui, parce qu’ils ne sont pas productifs, se trouvent relégués en quelque manière par une mentalité qui n’est conforme ni à une juste conception de l’homme, ni à fortiori à l’esprit chrétien. Nous vous exhortons à chercher de nouvelles manières de favoriser la croissance psychologique et spirituelle de la vie familiale en laquelle Nous voyons, à la suite d’une tradition chrétienne ininterrompue, une des principales espérances pour l’avenir de l’homme.

Dans tous vos rapports enfin, Mesdames et Messieurs, vous notez que l’anxiété est un facteur commun à tous les troubles psychosomatiques et à toutes les maladies. Elle provient des situations psychosociales; elle vient souvent aussi du noyau mystérieux d’insécurité et de doute que chacun porte obscurément en soi. Que votre volonté méthodologique de saisir l’homme dans sa totalité ne laisse pas de côté la possibilité de reconnaître si la foi en Dieu ne pourrait pas apporter une réponse à l’anxiété humaine. La certitude qu’un Père nous aime et qu’il y a une espérance pour notre vie est déjà une indication et une réponse.

En vous félicitant pour l’oeuvre que vous accomplissez et en vous assurant de notre estime, Nous voulons vous encourager à poursuivre le beau service qui est le vôtre et que Nous recommandons au Seigneur, en le priant de vous bénir, ainsi que tous ceux qui vous sont chers.

AUX PARTICIPANTS À LA XIéme ASSEMBLÉE


DE L’«UNION EUROPÉENNE FÉMININE»*


38
Jeudi 18 septembre 1975




Mesdames,

Nous sommes heureux de vous accueillir en notre demeure. Votre visite est un témoignage de votre attachement à l’Eglise du Christ, infatigable promotrice des valeurs humaines et chrétiennes, sans lesquelles la société risque bien de connaître l’aventure!

Nous voulons vous féliciter chaleureusement pour le travail accompli depuis 20 ans au sein de l’Union Européenne Féminine. Vous avez certainement contribué à ouvrir les chemins d’une plus large reconnaissance du rôle de la femme dans la vie civique et politique en vos différents pays d’Europe. Votre culture, votre foi, vos responsabilités souvent très élevées vous imposaient ce devoir. Vous avez eu le courage de ne pas vous dérober.

Votre présente Assemblée vous aura révélé qu’il restait beaucoup à faire pour valoriser partout la dignité et la mission de la femme. C’est vrai, et l’Année Internationale de la Femme n’y suffira pas davantage. Croyez pourtant que vous faites avancer l’histoire. D’autres récolteront certainement ce que vous aurez semé. C’est pourquoi, en Nous tenant au plan pastoral qui est le nôtre, Nous vous exhortons à poursuivre la route commencée, avec réalisme et patience, mais aussi avec la foi et la charité des disciples du Christ. Et le monde et l’Eglise verront la femme assumer, aux diverses instances de la vie de son pays, sa part indispensable de réflexion, de décision et d’action. Et puisque Nous nous adressons à des femmes européennes, assurément bénéficiaires d’une civilisation longuement imprégnée par le christianisme, mais également concernées par les multiples aliénations secrétées par la vie moderne, Nous ne craignons pas de les inviter - et à travers elles toutes les femmes qu’elles représentent - à s’engager plus que jamais pour sauvegarder les droits imprescriptibles de la personne humaine, depuis sa conception jusqu’à son dernier souffle.

De cette manière, vous contribuerez à humaniser davantage notre société dominée par la technique. C’est un besoin profond dont l’urgence se fait sentir toujours plus vivement. C’est dans ces sentiments que Nous vous donnons, à vous et à tous ceux qui vous sont chers, notre Bénédiction Apostolique.

*Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIII, p.951-952.

L'Osservatore Romano, 19.9.1975, p.1, 2.

La Documentation catholique, n°1687 p.1025.





À LA COMMISSION PONTIFICALE «IUSTITIA ET PAX»


Lundi 22 septembre 1975




Monsieur le Cardinal,
Messeigneurs,
39 Chers Fils et Filles,

C’est pour nous un agréable devoir et une grande joie de vous recevoir quelques instants ce matin et de vous dire, à tous et à chacun, notre gratitude au moment où s’achève, avec cette dixième Assemblée générale, la deuxième période expérimentale fixée à la Commission pontificale Iustitia et Pax que nous avons fondée il y a huit années déjà.

Nous ne voulons pas nous étendre longuement sur le vaste champ d’action que nous avions alors attribué à la nouvelle Commission, ni sur l’importance de l’étude qui est actuellement en cours sur son avenir. Il est bien certain que, si la paix et la justice ont toujours constitué une aspiration fondamentale des hommes, au point que l’Ecriture Sainte nous les présente comme les caractéristiques du monde messianique, notre temps est conduit à les envisager d’une manière en grande partie nouvelle. Pour la première fois dans l’histoire, semble-t-il, l’homme a pris conscience, non seulement du fait que les civilisations sont mortelles, mais que lui-même risque de ne pas survivre au fléau que la folie de quelques-uns aurait déclenché. Pour la première fois aussi, les progrès techniques accomplis dans, l’exploitation des ressources terrestres comme dans les capacités de communication et de distribution laissent entrevoir la possibilité d’une répartition plus juste et plus humaine de ces richesses, et celle de remédier ainsi à ce qui apparaissait trop souvent jusqu’ici comme une fatalité inéluctable.

Un domaine nouveau est donc ainsi ouvert à la réflexion et à la capacité organisatrice de l’homme. Mais chacun peut mesurer l’écart entre l’idéal entrevu et sa réalisation; bien plus, les divergences existant dans la conception même de l’idéal à promouvoir et dans la conception de l’homme et de sa destinée qui lui est sous-jacente. Or ce champ d’action est celui de votre Commission, et nous nous réjouissons de relever, parmi vos sujets de préoccupation de ces dernières années, quelques points capitaux qui inquiétant, aujourd’hui les esprits: l’aggravation de la famine en tant de régions déshéritées alors que se posent ailleurs des problèmes d’excédents, la multiplication sans fin et la distribution mercantile des armements, l’approfondissement des droits de l’homme et une conception harmonieuse et complète du développement.

Dans ces questions cruciales de notre temps, vous avez eu pour charge de faire entendre la voix de l’Eglise. C’est bien là en effet que se trouve l’aspect spécifique et irremplaçable de cette action, et comme la définition même de votre Commission. Sa fonction propre n’est-elle pas de faire pénétrer les exigences évangéliques dans un secteur vaste et complexe, mais aussi bien délimité, de la vie des hommes et de la société de notre temps? C’est dans ce but précis qu’elle est un organisme officiel du Saint-Siège, et c’est pourquoi aussi son travail doit être spécifiquement différent de celui qui est accompli par tant d’autres organismes dans la recherche de la justice, du développement et de la paix.

Ce programme, qui découle des orientations données par le Concile dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes, inspirait aussi l’appel que nous développions deux années plus tard dans notre encyclique Populorum Progressio et justifiait dans notre pensée l’existence de la Commission Iustitia et Pax: il lui appartient de montrer patiemment, avec courage et avec clarté, que l’évangélisation au sens plénier du terme est le moyen par lequel l’Eglise contribue selon sa manière propre «à affermir la paix et à établir entre les hommes et les peuples le fondement solide d’une communauté fraternelle» (Gaudium et Spes
GS 89 Populorum Progressio PP 13,21).

Dans cette perspective, vous vous êtes efforcés de donner le meilleur de vous-mêmes, sans compter, chacun selon sa compétence propre. Il Nous plaît, au moment où cette deuxième période expérimentale s’achève, de vous dire à tous, Membres et Consulteurs, notre cordial remerciement pour le dévouement dont vous avez fait preuve au service de l’Eglise, certains depuis le prémier jour. Que le Seigneur bénisse ces efforts! En son nom, nous vous donnons de grand coeur, ainsi qu’à tous les vôtres, notre Bénédiction Apostolique.




24 septembre



RÉSOUDRE LE PROBLÈME DE L’HABITATION SELON LES IMPÉRATIFS DE LA JUSTICE





Le 24 septembre dernier, le Saint-Père a reçu en audience M. Penalosa, Secrétaire Général des Nations Unies pour les Etablissements Humains. Au cours d’une brève allocution il lui a exprimé quelques-unes de ses idées au sujet de la conférence qui se déroulera à Vancouver l’an prochain. Voici, en traduction le texte de cette allocution :



Monsieur le Secrétaire Général,



C’est avec grand plaisir que nous saisissons l’occasion qui s’offre à nous pour vous dire l’importance que nous attribuons à la Conférence des Nations Unies sur les Etablissements humains qui doit se tenir l’an prochain à Vancouver et pour vous exprimer notre vive satisfaction pour l’ardeur et la compétence avec lesquelles vous assumez la responsabilité de sa préparation. Le problème du milieu humain est un des plus urgents et des plus graves qui se présentent aujourd’hui à l’humanité. Au cours des années prochaines, les conditions générales du milieu humain vont changer dans de nombreux pays; non seulement dans les zones urbaines, mais tout autant dans-les campagnes et dans les diverses formes de la vie rurale. La rapide croissance de la population, sa concentration, l’exode accéléré des populations rurales vers les villes ; les transformations de la vie économique, un régime nouveau de mobilité humaine, l’extension à toute la population d’une instruction de base et de majeures possibilités culturelles constituent, à notre avis, les principaux facteurs de ce changement. L’inspiration si légitime de l’homme à une meilleure qualité de vie implique la possession d’une demeure qui ne soit pas simplement un abri contre les intempéries, mais qui permette à l’homme sa propre réalisation dans ses besoins matériels, culturels et spirituels et contribue, de cette manière, au perfectionnement de ce qu’il y a de plus humain dans l’homme.

40 Quelque diverses que puissent être ses formes, l’habitation doit, pour être véritablement humaine, satisfaire à des exigences fondamentales trop peu reconnues jusqu’à présent. Ces exigences sont de deux espèces : les unes ont trait à la vie privée, personnelle et familiale ; les autres à la vie sociale. En premier lieu, il faut que l’habitation garantisse la possibilité d’isolement, de calme, d’intimité, indispensables tant à la vie personnelle qu’à la vie familiale. Il faut assurer aux familles des logements proportionnés au nombre des enfants, de manière à favoriser une vie normale et rendre possible le développement culturel et spirituel de chacun, sans recourir, à une limitation des naissances. D’autres exigences se réfèrent à la nécessité d’ouverture, de rencontres, d’échanges et d’enrichissement mutuel. Tout cela implique une conception appropriée des villes, des centres habités, des populations et de leur répartition dans l’espace.

Il est vrai que la seule disposition d’un logement approprié ne suffit pas à satisfaire à ces exigences. Sont également nécessaires des installations affectées à des services collectifs, les uns d’ordre matériel, les autres qui répondent aux besoins culturels et spirituels. De semblables équipements doivent fournir à l’individu comme à la famille les services qui manquent dans l’habitation ; en même temps ils doivent offrir l’occasion de rencontres, de contacts qui répondent aux exigences d’ouverture de la vie privée et permettent des formes de vie sociale plus personnalisées. Quelques-uns de ces équipements méritent une mention spéciale et à cause de leur importance humaine et sociale et parce qu’ils sont le plus souvent négligés : les garderies d’enfants qui accueillent ceux des femmes qui travaillent ; les terrains et installations sportives ; les foyers culturels ; les foyers pour vieillards ; des centres de réunion pour diverses catégories d’habitants et principalement pour la jeunesse. Dans ce contexte il faut prévoir les lieux de culte, car l’homme a des besoins spirituels qui ne trouvent leur entière satisfaction que dans leur expression sensible et communautaire.

Toutefois, si désirable qu’il soit de pouvoir offrir aux hommes une habitation qui réponde le mieux possible à leurs aspirations légitimes, il est évident qu’en matière d’établissement humain il faut donner la priorité absolue aux moyens propres à garantir à tous les conditions minimum qu’exigé une vie décente. Nous savons qu’actuellement, dans la majorité des cas, ces exigences ne sont pas satisfaites et que la réalisation d’un milieu humain adéquat demeure un des problèmes sociaux les plus graves. Nous pensons au grand nombre d’êtres humains qui se trouvent encore sans logis ou ne disposent que de taudis misérables, dépourvus des commodités les plus élémentaires, comme ceux que nous voyons proliférer dans la périphérie des grandes villes. Nous pensons tout spécialement au grand nombre de familles de jeunes, de vieillards, de travailleurs émigrés qui doivent s’adapter à des conditions indignes de l’homme. Ces situations sont d’autant plus pitoyables que, souvent, à peu de distance de ces quartiers misérables, de somptueuses résidences font étalage de leur luxe ; sans oublier que ces déplorables situations sont aggravées par tous ceux qui se livrent à des spéculations en matière immobilière pour en retirer des bénéfices abusifs.

Mettre fin à cet état de choses constitue une des plus impérieuses et des plus urgentes exigences de la justice, car le droit à l’habitation est un des droits fondamentaux de l’homme.

Nous nous réjouissons, Monsieur le Secrétaire Général de voir figurer au programme de la conférence l’étude des moyens propres à créer un milieu qui réponde pleinement à toutes les exigences de l’homme. Vous pouvez compter sur tout notre appui pour que cette conférence des Nations Unies sur les Etablissements Humains puisse contribuer à préparer pour tous les habitants de la terre un milieu convenable et authentiquement humain.







Discours 1975 35