Discours 1976



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Discours 1976

Eglise et documents, vol. IX – Libreria editrice Vaticana


12 janvier



FAIRE CORRESPONDRE LA RÉALITÉ ET LE DROIT POUR UN ORDRE EFFECTIF DE PAIX DANS LE MONDE



Paul VI reçoit les voeux du Corps Diplomatique

Le 12 janvier, le Pape Paul VI a reçu dans la Salle du Consistoire le Corps Diplomatique accrédité près du Saint-Siège, pour la présentation des voeux du Nouvel An. A l’adresse que S. Exc. M. Luis Valladares y Aycinena, doyen du Corps Diplomatique et Ambassadeur du Guatemala a présenté au Saint-Père le Pape a répondu par le discours suivant :



Madame et Messieurs les Ambassadeurs,



Nous disons d’abord notre vive gratitude à votre interprète distingué, pour les voeux aimables et cordiaux qu’il a voulu Nous présenter, en votre nom, au début de cette année nouvelle. Et c’est de grand coeur que, à notre tour, Nous vous offrons nos propres souhaits, pour vous-mêmes, pour les peuples que vous représentez et leurs gouvernants.

La rencontre d’aujourd’hui Nous donne aussi l’occasion d’exprimer notre reconnaissance à tout le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, en particulier pour sa présence fidèle et appréciée aux moments les plus marquants de la célébration de l’Année jubilaire qui vient de se terminer. Votre participation n’a pas seulement ajouté un éclat aux diverses manifestations ; elle a revêtu surtout une haute signification : elle rendait présents, en quelque sorte, dans la personne de leurs envoyés, les Etats qui ont avec le Siège Apostolique des relations officielles. Certes, la présence internationale assurée par vous n’était pas complète, elle n’atteignait pas celles des pèlerinages qui se sont succédés durant toute l’année ; elle était cependant considérable vu le nombre et la diversité des peuples et des civilisations de tous les continents qu’elle représentait !

2 De cette Année Sainte, vous avez pu, ainsi, être des observateurs privilégiés, qualifiés et particulièrement attentifs. Attentifs, non pas tant aux aspects extérieurs et spectaculaires de l’événement, mais à ses significations profondes.

Cela correspondait à votre mission, aux devoirs qui lui sont inhérents et qui comportent, comme fondamentale pour votre action, une connaissance exacte de « ce qui se passe » au Saint-Siège et dans l’Eglise.

Naturellement, les Représentants des pays catholiques, ou de ceux où la présence des catholiques est notable, y trouvent des aspects intéressants à un titre tout à fait spécial et direct. Mais, même pour les autres, il y a, au moins, l’intérêt appelé par une « réalité » qui, sans aucun doute, a son poids et exerce son influence pratiquement dans le monde entier.

L’Année Sainte maintenant terminée n’a certainement pas eu, même de loin, l’importance du Concile oecuménique Vatican II, qui faisait déjà l’objet de l’observation et de l’appréciation des diplomates accrédités auprès du Saint-Siège. Mais elle a été, elle aussi, un événement « majeur » dans la vie de l’Eglise et les activités du Siège Apostolique.

Elle s’est trouvée en effet située à dix ans de la conclusion du Concile Vatican II, au moment précisément où fermentaient, avec abondance et parfois même de façon tumultueuse, des idées et des réflexions, des projets et des initiatives qui ont leur origine dans le Concile et en ont été nourries ; c’est dire que l’Année Sainte était destinée à en ressentir les conséquences bénéfiques de même que, dans notre intention, elle avait pour but d’en favoriser et d’en hâter la maturation, dans sa plénitude et avec toute l’ampleur possible.

Le renouveau, c’est-à-dire le fait pour l’Eglise de se retremper dans la fraîcheur enrichissante de ses sources, afin de pouvoir affronter, avec la vigueur et l’enthousiasme d’un corps et d’un esprit revivifiés, les nouveaux défis des temps nouveaux ce renouveau (ou « aggiornamento »), qui fut l’un des buts fondamentaux et, en quelque sorte, une note caractéristique du Concile oecuménique Vatican II, a été aussi le premier des objectifs que Nous avons fixés — à l’Eglise et à chacun des fidèles — pour la célébration de l’Année Sainte. Nous avons voulu lui en ajouter un autre, qui lui était pour ainsi dire parallèle et en tout cas uni de manière vitale, comme l’est un fruit à la racine profonde : celui de la réconciliation, dans sa pleine signification et avec toute sa portée, réconciliation à l’intérieur des consciences et dans les rapports entre les hommes et entre les peuples.

Comment l’Année Sainte s’est-elle donc déroulée ? Comment, dans quelle mesure a-t-elle atteint ses buts ? Quel sens cela peut-il avoir pour l’Eglise et, hors de l’Eglise, pour le monde dans lequel elle vit et agit ? Voilà, sans aucun doute, les questions que vous, diplomates accrédités auprès du Siège Apostolique, vous vous êtes posés, avec un intérêt, un sérieux, un souci d’exactitude — et donc d’objectivité — tout à fait particuliers, de même que particulières sont la nature, les finalités et les responsabilités de votre mission au service de vos pays et du monde.

Quelle est la réponse ?

Il ne revient certes pas à Nous de la suggérer : elle pourrait peut-être apparaître partiale ou intéressée. Mais, faisant pleine confiance aux dons de pénétration et à l’amour de la vérité qui vous sont propres, Nous nous permettons d’attirer votre attention sur quelques points qui pourront vous aider à orienter vos réflexions.



1. En premier lieu, l’Année Sainte a confirmé, d’une façon qui peut difficilement être niée, que l’Eglise catholique est vivante (Nous parlons de l’Eglise catholique parce que l’Année Sainte en fut un événement spécifique, mais nos propos pourraient et devraient s’appliquer plus largement au christianisme, à la religion, au sens de Dieu). Elle vit, l’Eglise, dans les pays d’antique civilisation chrétienne ; elle vit et elle fleurit dans les pays de nouvelle ou même de très récente évangélisation ; de même que Nous savons qu’elle continue, grâce à Dieu, à vivre ou à survivre, même là ou elle subit des limitations, des pressions ou des oppressions. Elle vit non seulement, et pas tant, dans les manifestations extérieures, que plutôt dans la profondeur de l’adhésion des consciences et de la volonté : l’Année Sainte en a justement donné un ample et consolant témoignage.



2. L’Eglise s’est présentée avec le visage que le Concile Vatican II a voulu proposer avec une pureté retrouvé : non pas repliée sur elle-même, ou à la recherche jalouse d’affirmations propres, mais — tout en veillant avec soin à l’intégrité de son dépôt doctrinal et à l’authenticité de son témoignage — ouverte à de bonnes relations avec les autres confessions chrétiennes et même avec les autres religions (qui ont tenu, en diverses occasions, à être présentes à des manifestations religieuses de l’Année Sainte), relations aussi avec tous les hommes de bonne volonté. Et elle s’est présentée en proclamant à haute voix l’invitation à la compréhension mutuelle, à l’aide réciproque, à la réconciliation sincère et généreuse des esprits. Une Eglise, donc, vraiment « catholique », c’est-à-dire universelle : une Eglise de tous, même de ceux qui ne lui appartiennent pas, mais qui peuvent trouver en elle la parole de l’amitié, de la fraternité, de la paix.



3 3. Enfin la présence à Rome, auprès de la tombe du Prince des Apôtres et de la Chaire de son humble successeur, de représentations des Eglises particulières a offert, à nos yeux et à ceux du monde, une vue en quelque sorte panoramique de la situation dans laquelle se trouvent ces Eglises (nous ne parlons pas de leur « état » interne) dans les diverses parties du monde : les unes, libres ; quelques unes opprimées et d’autres limitées dans l’exercice de leurs droits, comme cela s’est traduit par leur absence ou par leur participation réduite, mais si appréciée, au grand rassemblement jubilaire.

Plus que des lamentations ou des regrets, cette dernière confirmation nous a suggéré et nous suggère un voeu et un appel.

Vous, Messieurs, dans la variété des Etats que vous représentez, si divers par leur situation géographique, par leurs traditions culturelles, par leur composition ethnique et religieuse, par leurs systèmes politiques et sociaux, vous proclamez par votre présence même la conviction que vos Gouvernements se sont formés, celle de l’utilité de rapports organiques et confiants avec le Siège Apostolique. Une telle utilité ne se réfère pas toujours et exclusivement au domaine des relations et des problèmes éventuels d’ordre bilatéral, qui concernent la vie et l’activité de l’Eglise dans vos pays respectifs : ces problèmes sont parfois de dimensions modestes, à cause de la modestie même de la présence de l’Eglise chez certains d’entre vous. Elle se rapporte plutôt, en nombre de cas, aux problèmes de la vie et de l’ordre international, de la vie en commun pacifique, et à la vraie coopération entre les peuples.

Nous ne pouvons pas ne pas souhaiter qu’une telle conviction se répande toujours plus largement. Et nous ne disons pas cela parce que ce serait notre intérêt ou celui du Siège Apostolique, mais parce que nous sommes nous-même convaincu, d’une part de la gravité des problèmes qui pèsent sur les rapports entre les peuples, et d’autres part, de la possibilité, encore qu’elle soit bien plus limitée que nous le voudrions, de contribuer à la recherche de leurs solutions.

Nous devons rappeler cependant que, plus que de notre contribution, on doit parler de celle de l’Eglise catholique, qui est la raison d’être et la force effective du Saint-Siège, de même que celui-ci en est le centre et le coeur.

Notre appel en faveur de l’Eglise catholique, où qu’elle se trouve, répond par conséquent aussi à l’intérêt que nous portons aux grandes causes de la paix et de la collaboration internationales.

Mais il se réfère naturellement avant tout aux raisons du droit et de la justice, dont le respect est le fondement et la condition d’une vie collective ordonnée et tranquille à l’intérieur des nations et entre elles.

Nous devons reconnaître que ces raisons trouvent un accueil et une affirmation toujours plus amples, au moins théoriquement, de la part des Etats et de leurs organisations.

Cela signifie qu’a pénétré toujours davantage dans la conscience des peuples cette persuasion que ce n’est pas l’intérêt exclusif et égoïste — « raison d’Etat » — qui peut être le principe de leur comportement ; que la force ne peut être le critère de leurs rapports mutuels ; que la violence n’est pas une méthode admissible dans la vie internationale.

Nous nous en réjouissons d’autant plus que nous y discernons comme le fruit des principes que le message évangélique et l’Eglise catholique pour sa part ont fortement contribué à faire pénétrer dans ce qui constitue le moderne droit des gens. Et même si dans nombre de cas, hélas, certains Etats, se fiant davantage à leur puissance qu’au respect du bon droit des autres, ne sont pas fidèles à ces normes et aux engagements solennellement souscrits qui s’en inspirent, ceci se fait avec une « mauvaise conscience » et avec la réprobation en outre de la conscience droite — on peut bien le dire — de l’humanité entière : réprobation qui, à la longue, ne peut pas demeurer sans résultats.

Le Saint-Siège attribue une telle importance à l’acceptation toujours plus large et à la formulation toujours plus exacte et plus engageante des principes juridiques et moraux qui doivent régler les rapports entre les Etats, qu’il voit dans la possibilité d’y apporter une contribution concrète, au delà des déclarations doctrinales, une des principales raisons de sa participation à la vie et aux activités de la Communauté internationale.

4 Un exemple typique d’une telle participation a été la présence du Saint-Siège à la Conférence d’Helsinki. Il nous plaît d’en faire mémoire en cette rencontre. En effet, bien que regardant directement l’Europe (élargie cependant grâce à la présence des Etats-Unis et du Canada), on doit reconnaître à la Conférence d’Helsinki un intérêt beaucoup plus vaste et général, ne serait-ce que par ce que le Continent européen représente — qu’il soit en paix ou en guerre — pour le reste du monde et d’abord pour les pays du bassin méditerranéen.

Pourquoi le Saint-Siège a-t-il accepté de devenir membre de la Conférence ? Cela est évident : ce n’est pas simplement pour répondre aimablement à l’invitation courtoise des pays européens, si différents au plan des systèmes gouvernementaux, mais finalement d’accord pour juger légitime et même souhaitable la présence du Saint-Siège à ces grandes assises. Et ce n’est pas non plus parce que le Saint-Siège se serait senti en mesure de fournir un apport spécifique à l’examen des problèmes politiques ou militaires de la sécurité européenne, ou à ceux de la coopération dans le domaine économique, industriel ou commercial : tous problèmes que le Saint-Siège considère avec beaucoup de respect et dont il connaît l’importance parfois vitale, mais dans lesquels — en ce qui concerne leurs aspects techniques — il est et se déclare incompétent.

Mais au delà, et Nous pourrions dire bien au-dessus des aspects techniques et concrets des problèmes de la sécurité et de la coopération, il y avait précisément tout l’espace touchant aux principes suprêmes — éthiques et juridiques — qui doivent informer l’action et les rapports des Etats et des peuples. Et en ce domaine le Saint-Siège a senti qu’il ne devait pas refuser le concours qu’on lui offrait la possibilité de donner, et qui lui permettait aussi d’être dans la Conférence — comme Nous l’avons rappelé récemment dans notre réponse aux voeux de Noël du Sacré Collège — « l’interprète plus direct et le porte-parole de l’exigence du respect de la conscience religieuse ».

La Conférence a fixé des principes et indiqué des normes de comportement, en soi excellents, dont l’efficacité pour l’action devra toutefois trouver une vérification dans les faits, pour que le jugement de l’histoire sur cet événement puisse s’avérer positif. Ces principes et ces normes, acceptés par tous les participants, se rattachent à un patrimoine idéal commun aux peuples de l’Europe.

Cet héritage, nous pouvons l’ajouter, basé essentiellement sur le message évangélique que l’Europe a reçu et accueilli, est, en substance, également commun aux peuples des autres Continents, y compris ceux qui n’appartiennent pas à ce qu’on appelle la « civilisation chrétienne », du fait que le message chrétien interprète, là aussi, les exigences profondes de l’homme.

Parmi les conclusions de la Conférence d’Helsinki, il nous plaît de rappeler — en même temps que les principes qui se rapportent plus directement aux relations justes, ordonnées, pacifiques entre les Etats, et à leur collaboration en de multiples secteurs — la reconnaissance du fait que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales — nous citons le document — « est un facteur essentiel de la paix, de la justice et du bien-être nécessaires pour assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre eux comme entre tous les Etats ». Les Etats participants s’engagent non seulement à respecter eux-mêmes ces droits et libertés mais aussi à s’efforcer « conjointement et séparément, y compris en coopération avec les Nations Unies, d’en promouvoir le respect universel et effectif ». Qui ne voit comment l’application loyale de ces normes dans leur intégrité parviendrait à faciliter grandement les progrès de la liberté et de la justice chez tous les peuples intéressés ?

Il nous plaît de le rappeler car la reconnaissance dont nous venons de parler a pour effet de rendre vain le prétexte, souvent invoqué, qu’il s’agit là d’affaires internes de chaque Etat dans lesquelles les autres ne peuvent s’ingérer à aucun titre ; et elle vise à en faire une question de légitime intérêt commun, dans le but, entre autres, d’assurer les bons rapports entre les Etats et les peuples. Cela présuppose en effet — malgré les diversités, même profondes — une base de civilisation humaine commune, se concrétisant en droits et en devoirs, et permettant à tous de vivre tranquillement et de travailler utilement ensemble. Là où cette base commune de civilisation manquerait en fait — et ceci malgré son acceptation formelle — les nobles intentions de la Conférence s’avéreraient vaines ; bien plus, celle-ci pourrait devenir exploitable pour des fins contraires à celles qu’elle s’était proposées.

La question demeure donc posée : comment les Etats entendent-ils effectivement observer les engagements pris ? Nul plus que les hommes de gouvernement et les diplomates ne sait combien il est difficile de faire correspondre la réalité et le droit, surtout lorsque l’idéal s’affronte à des oppositions d’intérêts ou, pire encore, à l’égoïsme ou à la volonté de puissance.

Malgré tout, le Saint-Siège continue à attribuer une grande importance aux développements du droit international, qu’il soit universel ou régional. Tout progrès dans la conscience, dans l’affirmation, dans l’engagement d’une déontologie projetée sur l’avenir des peuples et de leurs rapports, représente une précieuse contribution à la formation — même lente et laborieuse — d’un ordre effectif de paix dans le monde.

Le Saint-Siège, pour sa part, ne se lassera pas de recommander et de favoriser, dans la mesure de ses forces, l’authentique maturation d’une telle conscience en collaborant avec tous ceux qui partagent cette conviction. Et parmi ceux-là, Nous sommes sûr de pouvoir compter les Etats que vous représentez et auprès desquels, Nous en sommes certain, vous ne manquerez pas de vous faire les interprètes de notre pensée et de nos encouragements.

Puisse cette année, commencée hélas ! sous le signe de plusieurs douloureux conflits et de tensions dangereuses, être témoin de l’encouragement généreux et inlassable de tous ceux qui ont un poste de responsabilité, et de la Communauté internationale, pour la paix dans la justice ! Et fasse le Seigneur que leurs efforts soient efficaces !

5 Tel est notre souhait. Telle est notre prière.





*AAS 68 (1976), p.185-191.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIV p.25-33.

L’Attività della Santa Sede 1976, p.14-19.

L’Osservatore Romano, 12-13.1.1976, p.1, 2.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.3 p. 1, 8.

La Documentation catholique, n.1691 p.104-107.




22 janvier



PAUL VI REÇOIT LE COMITÉ CENTRAL APRÈS SON ULTIME SESSION



Paul VI a reçu en audience, le jeudi 22 janvier les membres du Comité Central de l’Année Sainte qui tenaient leur dernière réunion. Après une allocution du Cardinal de Furstenberg, le Saint-Père a remercié ses visiteurs en ces termes :



Monsieur le Cardinal,

Très chers Fils du Comité central de l’Année Sainte,



6 C’est pour nous une rencontre attendue et appréciée, la visite que vous nous faites aujourd’hui, alors que, malgré la fuite rapide des jours, persiste toujours aussi vif, l’écho des célébrations jubilaires qui ont eu leur moment culminant la sainte nuit de la Nativité du Seigneur lors de la cérémonie de fermeture de la Porte Sainte. C’est un écho qui nous procure encore consolation et joie, parce que nous avons encore devant les yeux la vision des foules qui, de manière incessante et croissante, sont venues si nombreuses vénérer les Memorie Apostolique (cf. Bulle Apostolorum Limina). Notre esprit évoque avec émotion les pieuses assemblées de prière, les fréquentes manifestations de foi religieuse l’hommage que les pèlerins nous ont rendu, la variété multicolore des groupes, le spectacle d’universelle représentation et, si l’on peut tenter seulement d’entrevoir ce qui « s’est passé » à l’intérieur des consciences, il est déjà possible — sur la base des données et des élaborations statistiques — de tracer un premier bilan, extérieur peut-être, mais positif.

D’un tel contexte on ne saurait certes séparer ou détacher le Comité Central, le vôtre et le nôtre. Qu’a-t-il, en effet, été pour le Jubilé récemment conclu ? Il fut l’organe propulsif et, dirons-nous le moteur qui a garanti le fonctionnement régulier de la nécessaire « mécanique » d’organisation. Nous n’allons pas nous arrêter ici à rappeler la structure, très simple mais efficace qu’avait cet Organisme, car vous le connaissez très bien pour en avoir fait partie à différents niveaux, selon vos attributions respectives et la nature de vos responsabilités. Nous désirons plutôt reconnaître les mérites et louer le zèle qui vous a constamment distingués, déjà au cours de la période préparatoire et plus encore pendant l’Année Sainte, plongés dans un travail incessant et délicat, souvent urgent et il n’était pas rare qu’il exigeât des sacrifices personnels. Aussi nous plaît-il de penser à vos nombreuses initiatives et de saluer personnellement les membres des diverses commissions qui, préposés à des secteurs d’activité déterminés dans le cadre dudit Comité, ont programmé, dans ses différentes phases et dans le déroulement ordonné des célébrations, le salutaire événement ecclésial. Des Commissions pour l’assistance spirituelle et pour l’accueil des pèlerins — cette dernière intégrée et assistée par la « Peregrinatio Romana ad Petri Sedem » — à la Commission pour les jeunes et à celles chargées des offices sacrés et des manifestations culturelles, elles ont toutes entrepris et mené à bonne fin une oeuvre de sensibilisation et d’assistance dont dépendait, en grande partie, la réussite de l’Année Sainte. Et comment ne pas rappeler — nous en avons été les témoins directs — les assemblées hebdomadaires Place Saint-Pierre pour la récitation du Rosaire Mariai et pour l’exercice du Chemin de la Croix de même que le ministère sacramental des Confesseurs et des Pénitentiers dans les Basiliques Patriarcales et encore les présentations volontaires des Animateurs Spirituels ? Il y a eu en somme, toute une confluence d’efforts et d’énergie vers un seul et très noble but.

Après l’expression de cette due reconnaissance nous vous dirons encore quelques-unes des raisons qui entraînent également notre gratitude. Avant tout, il faut que nous vous remercions parce qu’en fait depuis l’annonce du Jubilé jusqu’au moment de sa conclusion vous vous êtes trouvés pratiquement seuls à devoir affronter la masse du travail d’organisation et de coordination parce que malheureusement a fait défaut cette collaboration à laquelle il était cependant normal de s’attendre. Ce que vous avez fait a donc constitué un indispensable et précieux service rendu à l’Eglise Catholique qui dans ce temps de grâce, conclu depuis peu — vero tempus acceptable, dirons-nous avec Saint Paul (
2Co 6,2) — avait convoqué ses fils, les invitant à participer à l’Année Sainte « pour être convertis dans la pénitence, retrempés dans la charité et unis plus étroitement à leurs frères » (Bulle Apostolorum Limina, 1). Et grâce, donc à votre zèle, elle a eu le déroulement positif souhaité, tandis qu’on a pu suppléer assez bien aux carences dont nous avons parlé.

Mais il y a plus : depuis le début, vous avez résisté à la tentation du scepticisme et du découragement. D’aucuns ont dit que l’humus culturel, la mentalité moderne, l’inarrêtable processus de sécularisation compromettaient dès le départ la célébration; que tout cela faisait obstacle à l’idée même du Jubilé conçu à tort comme un anachronique résidu de l’ère médiévale. Mais ces doutes, avancés et même exagérés par certains publicistes, ne vous ont pas effleuré, pas plus que les hésitations et les réserves et les contestations éventuelles n’ont jamais empêché votre travail ou ralenti votre dévouement.

Et nous devons aussi rappeler que vous avez travaillé en nombre plutôt réduit : en effet il n’y a pas beaucoup d’officiels assignés à cet Organisme, et si, au fur et à mesure que les cadres devaient être complétés, il s’y est joint d’autres personnes, lourd et quotidien n’en demeurait pas moins le poids de ce qu’il y avait à faire. Il suffit de penser à l’évidente exigence d’établir des contacts et des accords, au volume de la correspondance, au grand nombre des destinataires, parmi lesquels les Conférences Episcopales, les Comités diocésains et nationaux, les divers comités et enfin les personnes privées.

Merci, donc, très chers Fils, pour la constance, l’assiduité, la ferveur que vous avez démontrées en offrant à la communauté ecclésiale l’exemple d’un généreux service !

Maintenant l’Année Sainte est passée, elle est finie, conclue. On en reparlera en l’an 2000. Alors, désormais, on démobilise ? Certes, comme événement célébré à la cadence d’un tous les 25 ans, comme étape saillante dans l’histoire religieuse de notre siècle — qui ne se souvient de la belle image qui propose les Années Saintes comme quattuor tempora saeculi ? — le Jubilé a déjà eu sa conclusion; mais sa substance spirituelle, son contenu pénitentiel, ses thèmes caractéristiques de claire ascendance biblique et, surtout, de nette empreinte évangélique (cf. Mc Mc 1,15 Mt 4,17) sont quelque chose de permanent, contiennent des éléments intrinsèques à la foi chrétienne et sont donc destinés à avoir un développement ultérieur. Le Jubilé contient — voulons-nous dire — une matière, en soi inépuisable. Certes se conclut l’aspect extraordinaire de l’événement jubilaire ; mais ce qui doit rester et perdurer, ce sont ses idéaux de réconciliation et de renouvellement, son rappel, son message, son esprit et — Dieu le veuille — ses fruits de sainteté et de vie surnaturelle.

Quant à vous, avec la dernière réunion que vous avez tenue ont pris fin vos fonctions et vos prestations, tellement méritoires qu’elles vous valent la reconnaissance de tout le Peuple de Dieu et notre gratitude personnelle ; mais il faut que vous ayez toujours conscience de l’important travail accompli et, en même temps, un sentiment de légitime satisfaction intérieure. Oh ! ces fruits, qu’ont déjà cueilli tant de nos frères et fils de l’Eglise peuvent se multiplier, croître et mûrir vigoureux, en vous et pour vous. Ceci est le voeu que, d’un coeur paternellement affectueux et en gage des plus amples récompenses du Seigneur, nous adressons maintenant à chacun de vous et que nous confirmons volontiers avec une spéciale Bénédiction Apostolique. Ainsi soit-il !






31 janvier



RÔLE DÉTERMINANT DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ ET DANS L’EGLISE



Samedi 31 janvier, le Saint-Père a reçu, dans la Salle du Trône, au Vatican, les membres de la Commission d’Etudes sur « La femme dans la Société et dans l’Elise » et du Comité pour l’Année Internationale de la Femme. Les deux groupes étaient conduits par le Président Mgr Enrico Bartoletti, ex Archevêque de Lucques, Secrétaire Général de la Conférence Episcopale Italienne. Assistaient à l’audience les représentants de 13 Nations, des Universités Pontificales et de nombreuses Commissions Internationales de la Sacrée Congrégation. Après quelques mots de présentation de la part de Mgr Bartoletti, Madame Deborah Seymour (U.S.A.), mariée depuis peu et le plus jeune membre de la Commission, a adressé un salut d’hommage au Saint-Père qui a répondu par le discours suivant:



Chers Fils et chères Filles,



7 Après plus de deux ans de travail intense et difficile, vous voici arrivés à la fin de la sixième et dernière session plénière de votre Commission. En considérant le chemin ! parcouru, vous pouvez éprouver une légitime fierté et un sentiment de reconnaissance envers le Seigneur. Nous aussi nous tenons à vous dire aujourd’hui notre joie et notre vive satisfaction pour le travail que vous avez accompli.



1. Le Synode des Evêques de 1971, en constatant le mouvement généralisé de promotion de la femme dans le monde, avait exprimé le souhait « que les femmes reçoivent leur part de responsabilité et de participation dans la vie communautaire de la société et même de l’Eglise » (cf. AAS 63, 1971, p. 933.). A cette fin précisément fut crée votre Commission d’étude sur la femme dans la société et dans l’Eglise. Comme nous le rappelions le 18 avril 1975 au Comité pour l’année internationale de la femme, cette Commission avait pour tâche d’étudier les moyens de réaliser la « promotion effective de la dignité et de la responsabilité des femmes » (AAS 67, 1975, p. 264.). Et nous ajoutions qu’il importait de « susciter une révision de vie... sur la participation des femmes à la vie sociale d’une part, à la vie et à la mission de l’Eglise d’autre part » (Ibid. p. 265.).

Nous sommes heureux de savoir que votre Commission, après deux ans de travaux, a élaboré sur ces questions un riche dossier, qui rendra de grands services à l’Eglise universelle et aux Eglises locales. Vous avez eu la sagesse de rappeler au début la place de l’être humain, homme et femme, dans le dessein de Dieu, afin que tous ceux qui, dans l’Eglise, travaillent de quelque manière à la promotion de la femme, le fassent toujours dans une optique authentiquement chrétienne. En outre, vous avez rassemblé une documentation importante sur la participation des femmes aux responsabilités pastorales dans l’Eglise ; vous avez aussi fait des propositions concrètes, pour que les femmes aient une part plus grande dans l’activité de l’Eglise ; enfin, au Synode des Evêques de 1974, vous avez présenté des voeux pour que soit développée la participation des femmes à l’oeuvre de l’évangélisation. Pour ce travail considérable, qui témoigne de votre amour sincère pour l’Eglise, nous tenons à vous dire notre reconnaissance.



2. L’Année internationale de la femme est maintenant passée, et les travaux de votre Commission touchent à leur fin. Mais plutôt que d’une fin, c’est d’un nouveau départ qu’il faut parler. Les programmes que vous avez élaborés dans les derniers mois doivent maintenant être réalisés progressivement dans les faits. Comme nous vous le disions le 18 avril 1975, ce qui est le plus urgent, c’est de « travailler partout à faire découvrir, respecter, protéger les droits et les prérogatives de toute femme, dans sa vie célibataire, conjugale, éducative, professionnelle, civique, sociale, religieuse » (Ibid. pp.
PP 266-267). Voilà la tâche qui doit être accomplie, et à laquelle chacun et chacune d’entre vous s’efforcera de coopérer selon ses moyens. Nous voudrions à cette occasion vous indiquer quelques principes qui vous guideront dans votre effort.

Rappelons tout d’abord ce principe fondamental du christianisme : Dieu a créé la personne humaine, homme et femme, dans un seul dessein d’amour ; il a créé l’être humain à son image. L’homme et la femme sont donc égaux devant Dieu : égaux comme personnes, égaux comme enfants de Dieu, égaux en dignité, égaux aussi dans leurs droits. Cette égalité foncière doit être réalisée à différents niveaux. Avant tout au niveau personnel : la femme a un droit imprescriptible au respect ; en privé comme en public, sa dignité doit être reconnue et sauvegardée ; une action vigoureuse doit être entreprise en ce domaine, car dans la société contemporaine existent de nouvelles formes d’esclavage et de dégradation de la femme ; il est urgent aussi de rendre sur ce point le climat de notre vie publique plus moral, plus sain, plus respectueux de la dignité de la femme.

L’égalité de l’homme et de la femme doit être réalisée également dans la vie professionnelle et sociale (Cf. Conc. Vat. II, Const. Gaudium et Spes, GS 9 et 29.). Dans beaucoup de pays, certes, en théorie du moins, l’homme et la femme ont déjà acquis les mêmes droits fondamentaux. Mais les discriminations subsistent encore. Nous songeons à la situation des femmes de travailleurs migrants et aux femmes migrantes qui elles-mêmes travaillent. Nous pensons aux femmes des milieux ruraux et ouvriers qui ne peuvent recevoir la formation nécessaire à leur épanouissement humain, et qui doivent travailler pour un salaire souvent insuffisant. Nous tenons à répéter ici l’appel pressant de la Délégation du Saint-Siège à la Conférence Mondiale de Mexico, en faveur des femmes pauvres ou dans la détresse. Nous vous invitons tous et toutes à lire et à faire connaître autour de vous le texte de cette résolution, et à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour l’aide aux femmes pauvres, partout dans le monde. Mais nous ne pouvons omettre de souligner que, dans les pays plus développés, l’accession des femmes aux instances de réflexion et de décision qui conditionnent tous les secteurs de la vie sociale, a besoin de progresser avec sagesse et réalisme.

Nous souhaitons aussi que les femmes soient encouragées et aidées dans le rôle primordial qu’elles assument pour leur famille. Oh, nous savons bien que certains mouvements féministes nous soupçonnent de vouloir enfermer la femme dans des besognes familiales austères et limitées, l’empêchant ainsi de déployer ses virtualités en d’autres domaines sociaux. Pour cela, ils sont en réaction contre tout rappel du rôle de la femme au foyer. Est-ce réaliste, est-ce sage, de tomber d’un excès dans l’autre ? Nous pensons que sur ce point capital, les chrétiens doivent faire preuve de sagesse et de courage dans leurs convictions et leur engagement. Il est souhaitable, précisément, que le fait d’élever et d’éduquer les enfants soit l’oeuvre conjointe du père et de la mère, et il y a certainement des progrès à réaliser pour que les hommes y prennent davantage leur part ; mais le rôle de la femme, c’est trop évident, demeure essentiel. Serait-ce donc une tâche mesquine que de contribuer à la formation de personnalités humaines, de préparer les générations de demain, celles qui feront la société ? La société de demain demandera des comptes aux foyers d’aujourd’hui sur la qualité déterminante de l’amour et de l’éducation donnés aux enfants et aux adolescents.

Mais c’est aussi dans l’Eglise, dans son immense travail d’évangélisation, que les femmes doivent investir, toujours davantage, leurs richesses spécifiques, tant humaines que spirituelles. C’est le souhait clairement exprimé par le dernier Concile (Cf. Décret sur l’Apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, AA 9 Apostolicam actuositatem, ). C’est le désir nettement exposé par votre Commission aux membres du Synode des Evêques de 1974.

Le panorama des activités apostoliques de la femme est déjà impressionnant, là où l’on a pris la peine de la faire accéder aux responsabilités qui peuvent être les siennes. Le domaine capital de l’enseignement religieux et de la formation spirituelle, la préparation aux sacrements, l’approche des baptisés qui ignorent presque tout de la foi, et la rencontre des non-chrétiens, l’accueil et l’accompagnement des pauvres et des marginaux, l’animation de l’Action catholique, le discernement et le soutien des vocations, la participation aux mouvements socio-professionnels catholiques. Voici, parmi tant d’autres, des champs d’activités et de responsabilités qui s’offrent partout aux femmes chrétiennes. Et si, pour votre part, vous devez demeurer très attentives aux besoins qui se font jour, il serait vain et illusoire de multiplier à l’infini les expériences. Il s’agit davantage d’assumer totalement les responsabilités que vous avez acceptées, non dans un esprit de compétition ou de vaine gloire mais de collaboration et d’humilité évangélique.



3. Nous voudrions encore, chers Fils et chères Filles, vous mettre en garde contre certaines déviations possibles, dans le mouvement contemporain de promotion de la femme. L’égalisation des droits ne doit pas dégénérer en nivellement égalitaire et impersonnel. L’égalitarisme, prôné aveuglément par notre société matérialisée, ne se soucie guère du bien spécifique des personnes, et contrairement aux apparences, il ne se préoccupe pas de ce qui convient ou ne convient pas à la femme. Il risque par là, soit de la viriliser indûment, soit de la dépersonnaliser ; dans les deux cas, il fait violence à ce qu’il y a de plus profond en elle. L’égalitarisme peut même favoriser certaines formes d’hédonisme qui sont une menace pour l’intégrité spirituelle et morale de la femme et pour sa dignité simplement humaine.

L’authentique promotion chrétienne de la femme ne se limite pas à revendiquer des droits. L’esprit chrétien nous oblige tous, hommes et femmes, à toujours nous rappeler aussi nos devoirs et nos responsabilités propres. Aujourd’hui, il s’agit surtout de réaliser une collaboration plus grande, plus étroite entre hommes et femmes, dans la société et dans l’Eglise, pour que tous et toutes « apportent leurs richesses et leur dynamisme propre à la construction d’un monde, non pas nivelé et uniforme, mais harmonieux et unifié » (ASS 67, 1975, p. 265.). Ainsi comprise, la promotion de la femme peut aider puissamment à réaliser l’union entre les hommes et à instaurer la paix dans le monde.

8 L’Eglise attend beaucoup des femmes pour l’accomplissement de sa mission évangélisatrice. Dans la crise que nous traversons, leur rôle peut être déterminant, aussi bien pour l’humanisation de la société civile que pour l’approfondissement de la foi dans la famille et dans la communauté ecclésiale, et pour un plus grand rayonnement du message chrétien.

Sur vous tous, et sur tous ceux qui aideront les femmes à trouver leur juste place et le rôle qui leur revient, nous implorons les grâces de l’Esprit Saint, sa lumière et sa charité, pour que cette oeuvre capitale se réalise dans les meilleures conditions. Nous implorons l’aide de Marie, qui a si bien correspondu à l’Esprit Saint dans toute l’oeuvre du Salut. Et, en vous redisant notre gratitude pour votre précieuse collaboration, nous vous donnons notre paternelle Bénédiction Apostolique.








Discours 1976