Discours 1976 8

AU COLLÈGE DE DÉFENSE DE L’OTAN*


Lundi 2 février 1976




Mesdames, Messieurs,

Nous vous saluons avec joie, au moment où votre séjour à Rome va prendre fin, en même temps que le cycle d’études qui vous y avait amenés.

Votre présence dans tette ville chargée d’histoire, d’art et de spiritualité, était motivée par un but particulier, mais Nous nous réjouissons pour vous, de ce que votre séjour ait coïncidé en grande partie avec la célébration de l’Année Sainte. La conception supérieure et originale de l’existence qui caractérise la vie chrétienne s’est exprimée avec profondeur dans tette démarche de réconciliation avec Dieu et avec le prochain. Elle a démontré que cet idéal était accessible à tous, et la masse des fidèles, venus de tant de pays pour témoigner de leur foi et de leur unité autour du Successeur de Pierre, a prouvé que l’Evangile demeure souvent la seule espérance des humbles.

Oui, pour assurer de manière durable les bienfaits de la paix, il importe de miser sur les principes spirituels. Il s’en faut de beaucoup, cependant, qu’ils soient suffisamment pris en considération. Les antagonismes semblent au contraire s’accroître dans un monde qui demeure livré, pour le plus grand malheur des pauvres, à la dureté sans scrupule des volontés de puissance et de tous les égoïsmes économiques. C’est pourquoi, dans votre sphère d’activité propre, vous devez aussi contribuer à assurer la paix. Nous savons que tel est votre désir. Nous vous en félicitons et, dans cette pensée, Nous demandons au Seigneur de vous bénir, vous-mêmes et vos familles.

*Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIV, p.80-81.

L'Osservatore Romano 2-3.2.1976, p.1.





À L’INSTITUT POUR LA COOPÉRATION UNIVERSITAIRE


Lundi 2 février 1976




Mesdames, Messieurs,

9 Vous êtes les bienvenus dans cette Maison. Nous connaissons votre Institut pour la Coopération Universitaire et les Cours d’orientation familiale qu’il organise. Nous sommes très heureux de leur succès grandissant.

Savoir éduquer les enfants, savoir orienter et accompagner les adolescents, voilà une oeuvre capitale. La «réussite» en ce domaine est tellement plus importante et plus difficile que dans les autres secteurs de la vie: on devrait s’y préparer, s’y former avec beaucoup plus d’application. Certes, Dieu met dans le coeur des pères et mères de famille un surcroît d’affection qui les pousse généralement à trouver eux-mêmes les mots et les méthodes les plus aptes à une éducation valable de l’esprit, du coeur, de la foi. Mais précisément, leur amour est-il toujours assez éclairé, assez inventif, assez généreux, assez désintéressé, devant leurs enfants qui grandissent, avec leur propre personnalité, dans un monde différent de celui de notre jeunesse, et au milieu de toutes sortes d’influentes. Avec les meilleures intentions, on peut faire de lourdes erreurs pédagogiques, qui handicapent l’avenir de l’enfant. Le jeune doit être aimé pour lui-même, et la satisfaction affective qu’il nous rend n’est pas un critère décisif. Et puis, les parents sont tellement occupés, tiraillés, marqués eux-mêmes par la superficialité ou la médiocrité des moeurs, qu’ils ont souvent du mal à donner une orientation droite. Oui, vraiment, il faudrait que tous les parents comprennent l’enjeu de l’éducation.

Vous essayez, pour votre part, d’y contribuer, selon une méthode active, en partant de cas concrets, en partageant vos expériences, en vous mettant à l’école d’experts. Le Saint-Siège – et spécialement notre Comité pour la Famille - suit de tels efforts avec la plus grande sympathie. Et 1’Eglise met à votre disposition son enseignement et son expérience sur l’éducation chrétienne. Tous nos encouragements! Et ayez confiance: la grâce de Dieu, de Dieu qui est Père, du Christ qui est le Maître par excellence, de l’Esprit Saint qui est Amour, ne vous manquera pas. En leur nom, nous vous donnons notre Bénédiction Apostolique, qui s’étend à vos enfants et à tous ceux qui collaborent avec vous pour la formation des parents.


9 février



LE CONSENTEMENT LIBRE ET IRRÉVOCABLE SOURCE DU LIEN MATRIMONIAL



Le 9 février, à l’occasion de la nouvelle année judiciaire, Paul VI a reçu en audience les membres du Tribunal de la « Sacra Ramona Rota ». Etaient présents, entourant leur Doyen, S. Exe. Mgr Boleslaus Filipiak, les Auditeurs, les Promoteurs de Justice, les Défenseurs des S. Palais, les Avocats Rotaliens et les membres de la Chancellerie accompagnés de leur propre Chef, Mgr Mario Giannecchini. Assistait également à l’audience le Doyen des Avocats du S. Consistoire, Maître Jean Torre. Après avoir écouté l’adresse d’hommage de S. Exe. Mgr Filipiak, le Saint-Père a prononcé un discours en langue latine. En voici notre traduction :



Très chers Fils,



C’est avec grande joie que nous vous souhaitons la bienvenue à vous qui — selon la coutume annuelle du Tribunal de la S. Romana Rota — nous rendez visite, et il nous plaît de vous assurer que nous avons écouté avec intérêt et respect ce que nous a dit votre illustre Doyen Boleslaus Filipiak qui nous est très cher et que nous vénérons. Interprétant en termes particulièrement nobles et émouvants les sentiments qui animent tous ceux ici présents, il a ajouté des considérations qui méritent toute attention, s’agissant de problèmes inhérents au « jus dicendum » dans l’Eglise et concernant des circonstances qu’y s’y rapportent.

Votre présence ici acquiert une valeur et une autorité toutes particulières du fait de votre haute qualification.

En effet, chaque fois que l’occasion nous est offerte de recevoir vos très dignes personnes, naît en nous le sentiment spontané de la gravité de votre emploi et de l’importance primordiale du service que vous procurez à l’Eglise, en rendant la justice au nom et sous l’autorité du Saint Siège Apostolique. C’est là un service qu’illustrent non seulement les glorieuses traditions de votre Tribunal, mais aussi votre inlassable activité et, principalement, l’esprit de sacerdotal apostolat qui tempère votre sévérité de juges, ainsi que votre préparation professionnelle et le dévouement passionné avec lequel vous accomplissez la mission quotidienne que le Saint-Siège vous a confiée pour la défense de la justice. Si bien que l’ouverture de l’Année Judiciaire nous offre l’occasion d’adresser à votre glorieux Tribunal le solennel hommage de notre due reconnaissance et d’y joindre nos encouragements pour vous fortifier dans l’accomplissement de votre difficile et silencieuse mission. Nous le faisons d’autant plus volontiers qu’aujourd’hui l’exercice du pouvoir judiciaire se trouve — comme d’ailleurs n’importe quel système juridique — combattu de divers côtés dans l’Eglise comme si cette structure devait prévaloir sur la force spirituelle et la liberté du message évangélique. Mais ce sujet a déjà été traité d’autres fois.

Si nous fixons maintenant notre regard sur les problèmes les plus pressants en matière d’exercice canonique de la justice, nous ne pouvons manquer d’attirer votre attention sur le domaine où doit principalement briller votre culte de la justice et l’efficience morale et doctrinale de votre Tribunal historiquement digne. Nous nous référons aux causes matrimoniales dont l’importante augmentation constitue une pénible preuve des dangers qui dans la société actuelle, agissent contre la fermeté, la vitalité, la félicité de l’institution familiale.

Nous sommes heureux de constater que le souci du Concile Vatican II de promouvoir le caractère spirituel du mariage et d’ouvrir de nouveaux horizons à l’action pastorale de l’Eglise n’ont pas manqué d’engager sérieusement l’activité du Tribunal et de l’inciter à cueillir la pleine signification des lignes directrices plus personnelles proposées par le magistère du Concile et qui se basent sur une juste évaluation de l’amour conjugal et du perfectionnement réciproque des époux ; ceci sans le moindre préjudice pour la dignité et la stabilité de l’institution familiale et sans diminuer l’excellence et la responsabilité de la procréation qui en dérive (cf. Gaudium et Spes, GS 47-48). De cette manière l’expérience multiforme acquise par Votre Tribunal vous met en mesure, aujourd’hui comme par le passé, de fournir un matériel abondant et qualifié pour la nouvelle législation canonique en cours d’élaboration.

10 Il nous plaît d’affirmer à nouveau combien l’Eglise compte sur cette contribution de votre part, précieuse et irremplaçable pour la défense et le renforcement de l’institution familiale ; car, tout en faisant transparaître dans vos sentences les résultats heureusement acquis grâce aux disciplines juridiques, biologiques, psychologiques et sociales qui ont permis de mieux connaître le mariage et de l’approfondir dans sa vraie nature de communauté d’amour, vous avez cependant maintenu bien fermes ces principes fondamentaux qui ont toujours guidé la doctrine et la praxis de l’Eglise soit pour combattre les déviations et les dégénérations de l’institution matrimoniale, soit pour orienter le mariage même vers une expression toujours plus parfaite et plus conforme à sa propre nature d’association conjugale et de sacrement.

Dans la ligne de ce discours, nous nous sentons porté à attirer votre attention sur quelques opinions issues de certains courants modernes de pensée et, également, des nouvelles voies ouvertes par le Concile, opinions qui, valorisant parfois avec exagération le bien de l’amour conjugal et du perfectionnement personnel finissent par mettre en marge, sinon même par ignorer complètement, le bien fondamental de la progéniture et par considérer l’amour comme un élément tellement important — même au point de vue juridique — que la validité même du lien conjugal lui est subordonnée, laissant ainsi la porte ouverte au divorce de manière pratiquement illimitée, comme si la disparition de l’amour (ou plutôt la passion amoureuse des débuts) mettait fin à la validité de l’irrévocable pacte conjugal, né d’un libre consentement amoureux.

Nous nous limiterons toutefois à une seule observation que d’ailleurs vous connaissez bien mais qui, cependant, nous paraît mériter d’être rappelée ici et maintenant.

Il n’y a pas à hésiter sur l’importance que le Concile attache à l’amour conjugal qu’il considère comme l’attitude parfaite des époux et la fin vers laquelle ils sont appelés à orienter continuellement leur vie commune. Toutefois, ce que nous voulons souligner ici une fois de plus est que, comme vous le savez, dans la conception chrétienne de l’institution familiale, on ne saurait d’aucune manière admettre une interprétation de l’amour conjugal qui conduise à abandonner ou à minimiser dans sa valeur et dans sa signification le principe bien connu : matrimonium facit partium consensus. C’est le consentement des parties qui opère le mariage. C’est là un principe d’une importance capitale dans toute la tradition canonique et théologique et qui a été souvent rappelé par le Magistère de l’Eglise comme un des éléments fondamentaux du droit naturel de l’institution familiale non moins que du commandement évangélique (cf. Mt
Mt 19,5-6 Denzinger-Schonmetzer, Mt 643, 755, 756,1327, Mt 1497, 1813, Mt 3701,129).

En vertu de ce principe, à tous bien connu, le mariage existe dès le moment précis où les deux conjoints donnent à leur union matrimoniale un consentement juridiquement valide. Un tel consentement est un actus voluntatis, un acte de volonté de nature contractuelle (ou foedus conjugii, pacte conjugal, selon l’expression que l’on préfère aujourd’hui) dont les effets juridiques se trouvent instantanément liés d’une manière inséparable: c’est-à-dire le mariage « in facto esse », un état de vie indissoluble et par la suite il n’y aura absolument rien qui pourra avoir une influence sur la « réalité juridique » ainsi créée. Il en résulte qu’une fois un tel effet juridique créé — soit donc le lien matrimonial — le consentement donné devient irrévocable et il n’est plus possible de détruire la réalité qu’il a produite.

Bien que de caractère plutôt pastoral, la Constitution Gaudium et Spes elle-même enseigne clairement cette doctrine, tel qu’on le relève dans le passage suivant : « La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur ; elle est établie sur l’alliance des conjoints c’est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution, que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l’acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. En vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l’homme » (n. 48).

Aussi faut-il exclure de la manière la plus absolue que si vient à disparaître un quelconque de ses éléments subjectifs comme, avant tout, l’amour conjugal, le mariage puisse cesser d’exister en tant que réalité juridique créée par le consentement initial une fois pour toutes et à tout jamais juridiquement efficace. Sur le plan juridique, cette réalité existe indépendamment de l’amour et continue ses effets même si l’amour vient à manquer. En effet, en donnant leur libre consentement, les époux ne font que s’engager et s’insérer dans un ordre objectif, dans une institution qui les dépasse et qui ne dépend nullement d’eux-mêmes, ni dans son existence, ni dans ses lois. Le mariage ne doit pas son institution à la libre volonté de l’homme : il a été institué par Dieu qui l’a doté de lois propres que, généralement les époux sont parfaitement heureux de reconnaître et d’exalter et que, de toutes manières, ils doivent accepter pour leur propre bien, pour le bien des enfants et de la société. De sentiment spontané l’amour se transforme en devoir rigoureux (cf. Ep Ep 5,25).

Il ne faut pas conclure que tout cela affecte l’importance et la dignité de l’amour conjugal, car la richesse des valeurs qui existent dans l’institution conjugale n’est pas contenue seulement dans ses éléments juridiques. L’amour conjugal, même s’il n’est pas assumé dans le domaine du droit, n’en a pas moins une fonction des plus nobles et absolument irremplaçable dans le mariage. C’est une force d’ordre psychologique à laquelle Dieu a fixé les mêmes fins qu’au mariage. En effet, là où l’amour fait défaut, il manque aux époux un puissant stimulant pour accomplir, dans un climat de sincérité réciproque, les engagements et les devoirs de la communauté conjugale. S’il existe, par contre, un amour conjugal véritable, c’est-à-dire « pleinement humain... total... fidèle et exclusif jusqu’à la mort,... et fécond » (Encycl. Humanae vitae, HV 9) alors le mariage peut vraiment se réaliser dans toute la perfection dont il est capable.

Très illustres Messieurs et Fils très chers, tout en vous faisant part de ces observations de constante évidence, nous formons les voeux que votre activité judiciaire soit toujours inspirée par votre fidélité à la loi canonique avec son interprétation classique et pastorale, tout particulièrement là où l’actuelle tendance permissive aux dépens de la juste norme morale requiert, comme le souhaite le récent Concile, une sage sauvegarde des valeurs supérieures de la vie.

Nous savons combien votre Tribunal est fidèle aux normes de procédure et nous souhaitons que les juges ecclésiastiques suivent votre exemple afin qu’ils ne s’en écartent jamais facilement ni sans justes motifs.

Et en vous exprimant ces voeux, nous invoquons sur vous et sur l’activité au cours de la Nouvelle Année judiciaire une continuelle effusion de la Sagesse divine. Que la grâce du Seigneur vous accompagne toujours ; que le parfait service à l’Eglise soit l’idéal qui brille toujours devant vos yeux et vous soutienne dans les inévitables difficultés ; que les nobles traditions de votre Tribunal vous stimulent à un engagement toujours plus généreux de vos exceptionnelles qualités d’esprit et de coeur. Avec notre Bénédiction Apostolique.






28 février



SOYEZ LES DÉFENSEURS DE LA VÉRITÉ ET LES FORMATEURS DE LA CONSCIENCE HUMAINE



11 Le 28 février le Saint-Père a reçu en audience quelque deux cents journalistes correspondants en Italie de journaux, périodiques et agences de 45 Pays. A l’adresse d’hommage de la Présidente de l’Association, la suédoise Mme Anne Marie Kjellander, le Saint-Père a répondu par un discours dont voici la traduction :



Gentili Signori e Signore de l’Association de la Presse Etrangère en Italie,



Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir aujourd’hui en vos personnes, les représentants qualifiés et émérites de la presse étrangère à Rome. Votre association, en effet, pour la longue expérience accumulée, pour le caractère international de ses membres et plus encore pour l’esprit fraternel qui l’imprègne, constitue un éloquent exemple de pacifique collaboration et émulation dans vos hautes fonctions d’informateurs du public.

Puis, pour nous, cette rencontre nous offre une occasion propice pour vous remercier de la contribution que de l’une ou l’autre manière vous avez donnée au déroulement de l’Année Sainte. Et puisque vous êtes une expression directe de l’opinion publique il nous plaît de répéter maintenant devant vous ce que nous avons dit, à propos du Jubilé, aux membres du Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège : l’Année Sainte a démontré que l’Eglise est vivante ! Les millions de fidèles accourus à Rome n’étaient pas seulement des représentants de ce que l’on pourrait appeler christianisme populaire, mais également de la jeunesse et des croyants cherchant d’approfondir et de mûrir leur foi. De très nombreux laïcs, hommes et femmes, et tant de prêtres et d’évêques ont, tout au long de l’année jubilaire fait de Rome en quelque sorte la paroisse de l’Eglise Universelle, rendant exemplairement témoignage, près des Trophées Apostoliques, de leur engagement chrétien et, tout autant, de leur adhésion aux idéaux permanents et vitaux du renouvellement et de la réconciliation.

Quant à vous, le fait d’exercer votre profession à Rome vous permet d’observer de près la vie de l’Eglise, dans son coeur même : ce qui semble favoriser la connaissance de cette institution alors que, pour bien observer, il faut tourner un regard des plus attentifs sur la singulière complexité de l’Eglise même, et plus spécialement en son centre qu’ailleurs ; un regard tant sur elle-même que sur ses relations avec la société civile et avec les différents Etats qui ont avec l’Eglise des rapports particuliers, qualifiés et pacifique, quelques-uns, réservés et pas toujours faciles, les autres.

Seuls ceux qui reconnaissent ce caractère complexe de l’Eglise : fait religieux par excellence, qui prétend parvenir, dans une mystérieuse réalité, à un rapport vivant et surnaturel avec la Divinité ; fait historique indubitablement remarquable pour sa cohérence interne, pour sa durée bimillénaire et pour son existence tourmentée mais toujours tenace ; fait humain qu’une organisation libre et spontanée mais extrêmement solide revêt d’une figure sociale déterminée, celle de Peuple de Dieu, de société visible et organisée, diverse et autonome, mais coexistante, et même tendant à animer la société temporelle, ceux-là seuls peuvent comprendre combien il est difficile et en même temps obligatoire et intéressant de considérer l’Eglise dans ses aspects, simultanément, compliqués et multiples.

Vous êtes des observateurs avant d’être des informateurs. Nous n’ignorons pas que nous sommes souvent pour vous peu facile à comprendre ; c’est pourquoi nous ne tenons pas à être jugé selon une connaissance unilatérale et partielle de notre réalité ; nous-même nous nous sentons revêtu de mystère et souvent, il ne nous est pas possible de renoncer à être mieux connu de vous, non pas tellement dans nos phénomènes externes qui peuvent être inférieurs parfois à ce qu’ils personnifient et représentent, mais dans l’authenticité de notre investiture spirituelle et messianique. Alors, monte à nos lèvres l’antique parole d’un des premiers apologistes de la profession chrétienne, Tertullien qui comme avocat qu’il était, en prit la défense avec ses paroles célèbres : « ne ignorat a damnetur » « qu’elle ne soit pas condamnée, parce que non connue » (cf. Apol. I ; PL I, 308). Or, si la vie interne de l’Eglise — qui est une communion de foi et non pas une simple communauté d’opinions — exige, pour être pleinement connue, un regard qui soit déjà éclairé par la foi, elle n’échappe pas toutefois à l’observation et au jugement critique du journaliste qui a pour tâche d’en informer le public, comme il le fait, du reste, pour d’autres sociétés ou pour les divers mouvements de pensée. Il est donc naturel, chers Messieurs que nous vous demandions, en ce qui concerne l’Eglise et ses membres, au sujet de ce qui est vraiment essentiel et spécifique dans ses structures et dans son enseignement, que nous vous demandions, donc, une vive attention, une sensibilité spéciale, mais non inférieure à cette attitude compréhensive et au respect même qui sont réservés à d’autres sociétés ou organismes qui ont droit de cité et de parole dans le monde. Le pluralisme, qui est tellement exalté dans la société contemporaine, demande au moins la tolérance et le respect de l’opinion d’autrui. Même si l’on assiste aujourd’hui, ici et là, à des manifestations d’intolérance dont est victime l’Eglise Catholique, tandis que ne s’élève pas toujours la protestation de l’opinion publique et la voix des journalistes qui en sont les interprètes et les guides.

Les relations de l’Eglise avec les Etats et, dans un sens plus général, ses interventions dans le domaine temporel sont elles aussi l’objet d’interprétations diverses. Pour certains, l’Eglise devrait se limiter à proclamer l’Evangile sans intervenir dans le secteur temporel ; pour d’autres, au contraire, l’Eglise devrait mettre le poids de son autorité morale dans la bataille pour la justice et dans la lutte contre toute oppression injuste. Il s’agit évidemment de deux possibilités extrêmes, alors qu’il faut — pensons-nous — poser le problème de manière différente : la libération de l’homme est, en réalité, un aspect inséparable de son salut intégral opéré par le Christ. En vue de cette libération l’Eglise s’engage de toutes ses forces, mais sans jamais renoncer à proclamer directement l’Evangile, ce qui est le but suprême de sa mission.

C’est donc en vertu d’une idée plus haute de l’homme et de son destin que l’Eglise intervient spontanément là où se joue le bonheur ou le malheur de l’homme. C’est pour cette raison qu’elle a, par exemple, accepté avec reconnaissance l’invitation à participer à la Conférence d’Helsinki dont les conclusions devraient, si elles sont loyalement appliquées, contribuer effectivement à la sécurité et à la paix, moyennant la libre circulation des personnes, le libre échange des idées et l’affirmation de la liberté religieuse.

Ces idéaux de liberté et de protection des droits de la personne humaine, nous les avons en commun et ils nous sont également chers. Aussi nous permettons-nous de vous adresser un appel et une pressante prière :

— Soyez attentifs à défendre toujours et partout les justes droits et la vraie liberté de la personne sans faire de discriminations partiales comme il arrive malheureusement en raison des régimes politiques qui sont en cause ou des options personnelles qui nous rendent sensibles uniquement à l’égard des victimes dont nous partageons les idées ou les convictions.

12 — Soyez les défenseurs de la vie humaine partout où elle est menacée, celle surtout de ceux qui ne peuvent se défendre ; ou lorsque le recours à la guerre ne semble pas justifié par une nécessité absolue de justice.

— Ne restez pas muets quand la dignité et l’honneur de la personne humaine sont menacés par la violence, par l’exploitation économique, par le relâchement des moeurs dont notre société permissive donne trop souvent le douloureux exemple.

Soyez certains que si dans une telle matière l’Eglise a dû récemment rappeler son enseignement de toujours, elle n’a été inspirée, encore une fois, que par son amour pour l’homme et par une très haute conception de sa dignité et de celle de l’amour,

Et ne parlons pas du respect dû au lecteur. Partant d’informations incomplètes et trop souvent partiales, et par des raisonnements fallacieux on arrive à imposer son propre jugement au lecteur, le mettant dans l’impossibilité de se former, tout au moins à un premier moment, une opinion personnelle.

Cette forme de violence intellectuelle se retourne, en fin de compte, contre ceux qui la pratiquent car vous savez par expérience combien les couches populaires qui constituent la masse de vos lecteurs, restent sensibles à ce qui est vrai, à ce qui est juste, à ce qui est beau.

L’honneur de votre profession est que vous êtes les défenseurs attitrés de la vérité, les justiciers du bien et du mal, les formateurs de la conscience moderne et civique de l’opinion publique. Face à la société, votre responsabilité est grande, mais elle l’est encore davantage devant votre conscience et devant Celui dont elle est la résonance, plus ou moins forte, au plus intime de chacun de nous.

Nous prions le Seigneur de vous aider à affronter courageusement ces responsabilités dont nous évaluons parfaitement les difficultés. Nous implorons sa Bénédiction sur chacun de vous et sur vos familles et nous vous réitérons volontiers notre confiance et nos encouragements.








15 mars



LA DOCTRINE DE L’AMOUR FONDEMENT DE L’AUTHENTIQUE ECCLÉSIOLOGIE



Paul VI au clergé de Rome

Le 15 mars en la Chapelle Sixtine s’est déroulée l’annuelle rencontre de Carême du Saint-Père avec le clergé séculier et régulier de Rome. Le Cardinal Vicaire Ugo Poletti qui guidait les prêtres de Rome était entouré des divers Evêques Auxiliaires qui l’assistent dans sa mission.

Après avoir écouté l’adresse d’hommage de son délégué au gouvernement du diocèse de Rome Paul VI a prononcé un discours dont voici la traduction :



13 Vénérables Confrères,



Cette agréable rencontre annuelle pendant le Carême constitue pour nous un moment privilégié, bien qu’il soit si bref et ne nous permette pas de vous dire tout ce que nous avons pour vous dans le coeur, à commencer par les salutations que nous adressons à cette assemblée très heureusement réunie autour de nous ; c’est en cette circonstance que nous nous sentons, plus que jamais, votre évêque, votre pasteur, votre maître votre collègue dans le ministère qui vous est confié.

Nous saluons publiquement notre très cher Cardinal-Vicaire Ugo Poletti dont nous tâchons de suivre l’oeuvre pastorale qu’en notre nom et avec tant de zèle il accomplit parmi vous en faveur de notre cher Diocèse commun de Rome. A lui, après sa récente maladie qui, sans le distraire totalement du travail habituel, l’a fait longuement souffrir, nous souhaitons une parfaite guérison et une nouvelle énergie, tempérée par une nécessaire discrétion, en vue des nouveaux labeurs souvent très exigeants et même écrasants. Nos salutations reconnaissantes et nos souhaits s’adressent également à Mgr le Vice-Gérant, aux vénérables Evêques auxiliaires et délégués aux divers ministères, à tous les membres du Vicariat, du Séminaire, des diverses institutions diocésaines. Et à vous tous, chers et excellents Curés des paroisses de notre ville bénie ; à vous, braves et dévoués vicaires ; à vous Prêtres du clergé séculier et religieux qui consacrez généreusement vos soins au bien spirituel et moral de la population romaine ; à vous tous nos louanges, nos remerciements, nos encouragements, nos bénédictions pour votre collaboration « in opus ministerii, in aedificationem corporis Christi ». (
Ep 4,12). Nous voudrions que cette fraternelle rencontre, notre salut et nos voeux affermissent la bonne volonté de votre engagement ministériel, vous soutiennent dans vos labeurs et dans vos espérances, remplissent de lumière et de joie vos consciences dans un dévouement commun à la cause du destin religieux de notre et de votre incomparable ville de Rome.

Nous sommes amenés ainsi à fixer notre pensée sur le thème le plus évident et le plus connu de la conscience ecclésiale, c’est-à-dire sacerdotale et pastorale, le thème de « Notre Mère l’Eglise ». Oui, un thème évident et connu ; qui l’ignore ? Mais un thème d’une telle ampleur théologique, spirituelle, historique, sociale que non seulement il exige une réflexion continue, une exploration toujours nouvelle, mais qu’il s’impose aussi à notre attention par son extraordinaire actualité. Pour nous tous, spécialement, qui pouvons nous tenir pour disciples de cette grande leçon que le récent Concile Oecuménique nous a laissée, sur l’Eglise précisément ; pour nous qui ne saurions demeurer insensibles aux commentaires, aux discussions, aux controverses que les pages du Concile et les événements du Concile même continuent à susciter aujourd’hui.

Ce n’est pas ici que nous y répondrons par des éloges ou des critiques. Nous nous contenterons de vous dire que nous devons construire, ou reconstruire l’Eglise au-dedans de nous, avant de la construire au dehors. Nous devons repenser l’Eglise, nous devons l’idéaliser suivant l’ecclésiologie authentique, telle que l’Evangile, la tradition et la doctrine de l’Eglise la montrent à notre esprit, et surtout la présentent à notre coeur, à notre amour. Nous devons revenir à cet amour en pensant à l’amour que le Christ eut pour elle, quasi son Epouse; Christus dilexit Ecdesiam et seipsum tradidit pro ea (Ep 5,25 et 29).

Oui, chers et vénérés Frères ! nous pensons que ce thème, immanent dans la vie même de l’Eglise, exige à des moments déterminés de son histoire un effort de compréhension, une heure de contemplation, afin que celui qui, dans l’Eglise a des tâches de ministère retrouve la certitude de sa propre vocation, la certitude que son choix est heureux et irrévocable. Le Concile, d’une part, a perfectionné la doctrine sur l’Eglise au point de ne laisser aucun doute sur l’identité de son mystère théologique et d’en faire jaillir des sources de nouvelle et inépuisable beauté ; et d’autre part cette nouveauté même semble avoir favorisé l’explosion de doutes et d’inquiétudes que l’esprit de contestation hérité de la Réforme avait déposé dans le subconscient de quelques savants et de pas mal de fidèles : la nouveauté a eu deux tentations caractéristiques, l’une au sujet de la structure humaine et hiérarchique de l’Eglise, modelée formellement sur le type de la société parfaite, à peu près tout à fait semblable à la société civile; l’autre tentation au sujet du contenu religieux et transcendant de l’Eglise, comme si elle était une évasion — superflue ou même directement nuisible — de la réalité sociologique dans laquelle est enfoncée la vie de l’Eglise elle-même. La première tentation a troublé la cohésion communautaire de l’Eglise; a remis en question le système de son autorité, a défoncé l’obéissance fraternelle et filiale caractéristique des moeurs catholiques, a favorisé un pluralisme équivoque souvent semblable à un libre examen destructeur de l’unité de la foi, de la morale et de la discipline. L’autre tentation a donné la préférence à la vision horizontale, c’est-à-dire temporelle et sociale de notre religion plutôt qu’à la vision verticale et globale, et a parfois cru rendre efficace la profession chrétienne en insérant (et même en préférant) dans l’exercice de la charité et de la fraternité qui lui est propre, la lutte des classes comme énergie irremplaçable, dérivée d’une fatale et égoïste nécessité économique, soutenue par un rationalisme matérialiste partial.

Il faut que nous confirmions notre conception dé ,1’amour envers l’humanité, celui que le Christ nous a enseigné et que l’Eglise, avec sa doctrine et ses structures, cherche de réaliser. Il faut que nous comprenions bien de nouveau quelle magnifique forme de vie communautaire, extrêmement moderne, polyvalente, psycho-sociologique, facile et héroïque en même temps, est encore et toujours la Paroisse à laquelle s’adresse votre ministère sacerdotal. Cette parole sublime, qui dans renseignement apostolique renferme la synthèse de la mission du Christ dans le monde : dilexit Ecclesiam, correspond au mandat que, précisément, Lui, Jésus-Christ, laissa comme message testamentaire aux Apôtres et qui, pour nous, découle de la mission apostolique : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,34-35).

C’est de cela que découle notre « Weltanschauung », notre vision du monde, notre sociologie, notre « civilisation de l’amour ». Vous, Frères, Evêques, Curés de paroisses et Prêtres, vous Diacres et Catéchistes, vous en êtes les premiers artisans, vous, les spécialistes, vous les témoins qualifiés, vous les « engagés à fond », vous les victimes élues et les types exemplaires.

Nous allons préciser en quelques brefs points concrets cette pensée commune :

Primo : Nous devons, disions-nous, rafraîchir dans notre esprit un vif, sûr, amoureux sensus Ecclesiae. Ce doit être notre pensée dominante. Une pensée résultant de notre formation théologique, spirituelle, ecclésiale. Nous ne sommes pas une société quelconque, nous ne sommes pas une société temporelle, nous sommes le « Corps du Christ » (cf. leon XIII, Encycl. Satis cognitum 1896). Nourrissez votre culture en relisant les grandes Encycliques consacrées à cette doctrine, par exemple, la Mystici Corporis de Pie XII, 1943 ; la Mater et Magistra de Jean XXIII ; et en étudiant les deux grandes Constitutions du récent Concile, la Lumen Gentium, ou l’Eglise en elle-même, et la Gaudium et Spes, ou l’Eglise dans le monde ; deux documents, ces derniers, que nous ne pouvons ignorer ni oublier; et de même, tâchez de choisir, parmi les « approuvés », quelque Auteur qui puisse élargir votre angle de vue doctrinale, nourrir vos méditations et votre prédication (comme par exemple De Lubac, Méditation sur l’Eglise, Aubier 1953 ; Bouyer, L’Eglise de Dieu, Cerf 1970 ; Le Fils éternel, 1974 ; C. Journet, L’Eglise du Verbe Incarné, 3 vol. ; etc.). En outre : Saint Augustin est toujours moderne; comme J. A. Mohler, Die Einheit in der Kirche, L’Unité dans l’Eglise, Cerf, 1933 ; et coetera.

Deuxième point : Au sensus Ecclesiae doit faire suite le sens de la communauté chez tous ceux qui s’emploient dans un Diocèse tel que Rome, comme vous « fratres mei carissimi et desideratissimi », dirons-nous avec Saint Paul (Ph 4,1 et ss.), « gaudium meum et corona mea, sic state in Domino, carissimi », lesquels ajouterons-nous « mecum laboraverunt in evangelium cum... ceteris adjutoribus mets » et, Dieu veuille, « quorum nomina sunt in libro vitae ». Il faut qu’un amour véritablement communautaire, solidaire et fraternel unisse le Clergé romain, quelle que soit sa provenance, pour le fait même qu’il est tout entier attaché à un même ministère pour le bien d’un seul Peuple de Dieu, le peuple romain. Il faut que le clergé tout d’abord, la population ensuite, se sachent et se sentent « ecclesia », Corps du Christ, frères de foi et de charité, societas spiritus (Ph 2,1) quae — dirons-nous avec Saint Ignace d’Antioche le glorieux martyr de cette ville élue — quae et praesidet in loco chori Romanorum, digno Deo, digna decentia, digna beatitudine, digna laudem digne ordinata, digne costa, et praesiens in cantate, Christi babens legem, Patris nomen... » (Epître aux Romains, prologue). Aussi faut-il que le Diocèse de Rome vive vraiment en union spirituelle et structurelle. Vous principalement, Messieurs les Curés, vous devez ressentir ce devoir comme un honneur, comme un charisme à ne pas négliger. La division de la ville en secteurs, préfectures et paroisses doit être vraiment efficace et faciliter une harmonieuse fusion organique de la communauté diocésaine, avec le concours des Evêques Auxiliaires respectifs, sous la conduite du Vicariat et de Mgr le Vice-Gérant, notre Cardinal-Vicaire étant pour tous le centre et le coeur d’une mystique et canonique unité. Nous savons combien tout cela est difficile et quel effort continuel de coordination s’impose. Nombreux parmi vous sont ceux qui appartiennent à des Familles Religieuses, ayant des statuts et des exigences propres ; mais nous pensons honorer votre esprit de dévotion au Seigneur en vous associant à un apostolat qualifié, absorbant, stable autant que possible, comme l’est le ministère apostolique dans notre Diocèse de Rome. Nous vous rendons ainsi coresponsables de son destin spirituel et nous vous demandons, à vous, non moins qu’à notre clergé diocésain, l’adhésion, l’harmonie, l’affection communautaire pour les immenses besoins religieux, moraux, administratifs de cette Eglise, certes privilégiée mais qui a tout autant besoin de charité pastorale. Rappelons-nous, comme adressé à nous tous, le souhait de Jésus — pour nous, chargé de responsabilités — : « ut sint consummati in unum, et cognoscat mundus quia Tu, (Pater) me misisti et dilexit cos, sicut et me dilexisti » (Jn 17,23).

14 Troisième point : L’esprit d’initiative : Le fait d’être insérés dans une symphonique communion d’activité pastorale ne diminue en rien la diahonia, le service que chacun doit prêter au poste de travail où il se trouve. L’oeuvre, l’engagement laborieux se font personnels et notre vocation se trouve stimulée de la manière la plus exigeante qu’on puisse attendre d’un ministre de l’Evangile. Essayez de réfléchir à la parole de Jésus : « faciam vos fieri pescatores hominum » (Mt 4,19). Il suffirait d’analyser cette ressemblance au pêcheur présenté comme image du prêtre ayant charge d’âmes pour mettre fin à tant d’inqualifiables remises en question d’une propre vocation sacerdotale (cf. Lc Lc 9,62). La première vertu est donc la fidélité. Puis la patience « Verbum retinent, et fructum afferunt in patientia » (Lc 8,15), comme nous l’enseigne la parabole évangélique.

Il existe ici toute une littérature qui étudie notre esprit d’initiative pastorale : nous attirons votre attention sur elle, nous limitant en ce moment à une seule observation. Il existe une patience passive, de grand mérite, elle aussi. Celle par exemple de se rendre disponible à la rencontre avec ceux qui demandent assistance, spirituelle (pour les confessions, spécialement) mais aussi, dans la mesure du possible, économique ou pratique. L’amabilité est une des vertus spécifiques du pasteur, même lorsqu’il doit se montrer ferme, ou lorsqu’il ne peut exaucer les requêtes qui l’assaillent. Il y a tant à dire à propos de la casuistique en ce domaine !

Puis il y a une patience active, c’est-à-dire celle qui prend l’initiative de chercher le troupeau dispersé ou la brebis égarée. Ici également il y a des livres de pastorale moderne que vous devez certainement connaître. Il y a encore un sujet que nous ne saurions ignorer en ce moment : il faut agir, il faut faire plus, il faut récupérer toute une population qui a besoin d’être rappelée à notre amitié : les jeunes, les travailleurs en particulier. La pastorale redevient missionnaire. La sociologie la séduit. La liturgie recommence à s’imposer dans l’efficacité de la prière, tant personnelle que collective.

En avant, Frères ! Il reste beaucoup à faire et à refaire. Ne nous laissons pas décourager. Le Seigneur est avec nous. Courage !

Pour conclure, nous vous recommandons de bien accueillir et de bien organiser la diffusion d’un petit livre de prière que toute famille doit adopter spontanément dans l’ambiance du foyer. Cherchons à ranimer dans chaque famille l’art et la volonté de prier à la maison. Nous attendons beaucoup de cette cordiale et humble tentative de ranimer dans la vie familiale la fidélité à la prière, le besoin, la joie de prier.

Ecoutez ! Il y a plus de 5 ans à Djakarta, en Indonésie, la nuit où nous célébrions la Sainte Messe dans le grand stade de la ville, l’obscurité était totale : pas de lune, aucune étoile, pas la moindre lueur dans l’immense assemblée que, sans la voir, nous entendions vivre tout autour de l’autel dressé au centre même du stade. A la consécration un assistant se rapprocha de nous et nous demanda d’allumer son cierge avec le nôtre. Il s’écoula à peine quelques minutes et la lumière de notre célébration s’était propagée avec ordre, portée à tous les fidèles présents à la Messe, si bien que portant le regard au-delà de l’autel, nous pûmes voir l’Eucharistie entourée d’une innombrable constellation de lumières dans l’assemblée : chaque fidèle avait en main un petit cierge qui avait allumé sa flamme à la nôtre. Spectacle merveilleux et merveilleux symbole. Nous étions en admiration, profondément ému. Nous n’oublierons jamais cette lumineuse scène nocturne. Et nous espérons que vous, porteurs de la lumière de la foi et de la charité du Christ à notre diocèse de Rome, vous nous ferez jouir d’un spectacle semblable, encore plus large et plus significatif.

Lumen Christi ! Deo gratias !

Avec notre Bénédiction Apostolique.






Discours 1976 8