Discours 1978 9

LE PAPE AU CLERGÉ ROMAIN : LE PRÊTRE, UN AUTRE CHRIST !


9 Le 10 février, le Saint-Père a reçu en audience le clergé séculier et régulier du Diocèse de Rome pour la rencontre traditionnelle du début de Carême. A l’adresse d’hommage du Cardinal-Vicaire Ugo Poletti qui accompagnait ses prêtres, Paul VI a répondu par un discours dont voici la traduction :


Vénérés Frères,

Merci pour votre présence qui nous démontre toute votre bonne volonté, votre affection, votre communion. Que Dieu vous le rende et donne à cette rencontre quadragésimale la vertu d’infuser dans vos âmes cette consolation dont votre ministère peut avoir besoin, non seulement pour le présent moment liturgique, mais aussi pour la conscience habituelle de votre vocation sacerdotale ! Car c’est de cette vocation que nous entendons maintenant vous parler, simplement et brièvement, même si nous ne pouvons rien vous dire de nouveau à propos d’un sujet tant étudié et approfondi. Nous-même, nous l’avons déjà développé d’autres fois. Mais c’est un thème qui concerne plus l’expérience spirituelle de la vie de chacun de nous, que la matière de livres qui magistralement le décrivent et l’expliquent. C’est un sujet qui nous paraît correspondre tant au besoin de nos âmes tournées vers le mystère pascal qui va être prochainement célébré qu’aux nécessités générales de notre ministère.

Eh bien, nous vous dirons que nous avons longuement médité la relation ecclésiale et surnaturelle qui unit à vous, Frères du clergé romain, notre personne et le ministère apostolique dont elle est chargée. Nous avons cherché une parole qui puisse avoir une forte résonance dans vos coeurs secoués par l’expérience sacerdotale actuelle ; une parole qui fasse écho à la voix du Christ, notre Maître, notre Pasteur, notre Sauveur, notre Tout, et à ce que cette voix voulait nous suggérer. Cette voix, il nous semble qu’elle est celle, pascale, de la Résurrection : « Pax vobis » ; oui, que la paix soit avec vous, nos Prêtres, nos Collaborateurs en l’office pastoral de ce siège béni et dramatique qu’est le diocèse de Rome ; oui nos Frères et nos Fils : la paix soit avec vous !

Nous entendons répondre ainsi à un voeu qui émane de votre âme tourmentée par le problème de votre condition de personnes spéciales, attachées au culte et à la profession religieuse ; un problème qui pèse comme une pierre sur la conscience sacerdotale contemporaine, l’opprime et l’écrase chez certains confrères aux prises avec une interrogation aussi élémentaire que terrible : Qui suis-je ?, c’est-à-dire confrontés avec la question de leur propre identité, comme on dit. La réponse à la question n’est autre que la formulation nouvelle de la demande : « Je suis prêtre, mais que signifie et comporte cela, être prêtre ? ». Du fait même de son caractère radical, cette interrogation crée un tourment intérieur et prélude parfois aux réponses les plus douteuses, les plus attristantes.

Nous considérons en tremblant cet état d’âme de quelques prêtres et nous voudrions immédiatement les réconforter par la réponse sereine et sûre que vous-mêmes, ici présents, donnez a vos âmes quand, parlant au Seigneur, vous dites : « Tuus sum ego ! — Je suis à Toi » éprouvant aussitôt ce sentiment d’ivresse, de sécurité qui caractérise la conscience du Prêtre humble et fidèle.

Nous nous abstiendrons en ce moment de considérer les formes et les dimensions sacerdotales qui ont affligé l’Eglise durant ces dernières années et qui chaque jour restent présentes dans nos peines et dans nos prières. Les statistiques nous accablent. La casuistique nous déconcerte. Les motivations nous imposent, certes, respect et compassion, mais elles nous apportent une immense douleur. Le sort des faibles qui ont trouvé la force de déserter leur engagement nous confond, et nous fait invoquer la miséricorde de Dieu. Que ce soient précisément les préférés de la Maison de Dieu qui en contestent la solidité et en violent les coutumes, cela nous paraît impensable et nous remet sur les lèvres les paroles angoissées du Psalmiste : « ... si inimicus meus maledixisset mihi, sustinuissem... ». Si c’est mon ennemi qui m’outrage, je le supporterais ; ce n’est pas celui qui me hait qui se dresse contre moi, je me cacherais de lui ; mais toi, un homme à moi, mon compagnon, mon familier, avec qui nous échangions de douces confidences dans la maison de Dieu, en nous promenant avec animation! » (Ps 55 — ou Vulgate
Ps 54,13-15). Une étude calculée s’est emparée de la psychologie de quelques confrères dans le sacerdoce — espérons qu’ils soient peu nombreux ! — pour en désacraliser la figure traditionnelle. Un processus de désacralisation a pénétré l’institution sacerdotale pour en détruire la consistance et en couvrir les ruines. Une manie de laïcisation a arraché les fanons extérieurs du vêtement sacré et a retiré du coeur de certains le respect sacré dû à leur personne même, pour le remplacer par une ostentatoire vanité du profane et parfois même par l’audace de l’illicite et de l’anticonformiste (cf. F. Gallot, Visage nouveau du prêtre, I, Lethielleux, 1970).

Mais nous voudrions aujourd’hui inviter chacun de vous — à titre pénitentiel, ou mieux, à titre de conversion quadragésimale et, pour ainsi dire, comme prélude à la renaissance pascale — à réévoquer le moment intérieur où s’est allumée dans votre esprit la lampe de la vocation sacerdotale ou religieuse. Comment était-ce ? Que chacun de vous se le redise à soi-même. Ce ne fut pas, certes, un moment facile. La conscience du sacrifice n’aura pas été absente du calcul décisif et dominant du choix suprême de ce genre de vie préféré : préféré comme une immolation volontaire, victorieuse en considération des renoncements que cette vie comporte, et, de manière étrange, aimée précisément pour l’amertume dont elle remplissait le coeur. C’est quelque chose qui ressemblait à la crise de Saint Augustin dans le jardin milanais lorsque lui, encore païen, disait de lui-même : « ... flebam amarissima contritione cordis mei. Et ecce audio vocem de vicina domo, cum cantu dicentis, et crebro repetentis, quasi pueri aut puellae, nescio : tolle, lege ; tolle, lege » (cf. Confessionis, 1, 8 ; c. 12 ; cf. également Leo Trese, Il sacerdote oggi, Morcelliana, Brescia, 1958 ; puis aussi les autres écrits du même auteur, ib.). Mais retournons avec un souvenir ému, au schéma essentiel de la vocation ecclésiastique, au point de convergence de deux voix qui se font écho l’une de l’autre, la voix intérieure, extrêmement personnelle, qui s’est insinuée dans la psychologie sur le destin propre, et qui a un étrange accent de douceur et d’autorité : « Viens ! aie confiance ! celle-ci est la voie de la vérité ! » Et, puis la voix extérieure, bénie, grave, paternelle, pleine de souffrance et de sécurité, celle de l’homme de Dieu, dans sa fonction de maître d’esprit qui, en conclusion de tant de discours, sollicitant un terrible jeu de liberté, se prononce : Tu peux ! Tu dois ! ; une voix qui se répète sur les lèvres soumises, toujours respectueuse de la sentence de la liberté personnelle, mais désormais forte d’une autorité qui ignore toute hésitation, tout doute, et conclut en entrant dans l’âme comme une épée aiguisée (cf. He 4,12). « Oui, mon petit, essaye, et tu verras » (cf. Jn 1,39) ; la voix de l’Evêque ! (cf. Seminarium, 1, 1967 ; Yves Congar, Vocation Sacerdotale, PP 7-16).

Pourquoi ces allusions ? Pour différentes raisons. La première : elles sont belles, elles sont pures, elles sont caractéristiques. Chacun de nous peut, autour d’elles, faire l’histoire de sa propre vocation. Chacun de nous a une histoire propre de sa vocation. Chacun de nous a une histoire personnelle à cet égard, son propre drame. C’est une page autobiographique que chacun de nous doit se rappeler, reconstruire, vénérer. C’est notre phase, notre épisode du passage de Dieu, avec l’habituelle commentaire : Timeo transeuntem Deum !

En second lieu, ces souvenirs ont un caractère pour ainsi dire, divinatoire, qui offre la base humaine, personnelle de ce qu’ensuite la grâce sacramentelle y a édifié : un caractère définitif : sacerdos in aeternum. Chose ineffable ! Autre sujet de méditations enchanteresses. Il existe une littérature, même profane, sur cet aspect de l’ordination sacerdotale : irrévocablement imprimée dans les fibres de notre personnalité, terriblement indélébile, et tellement capable d’ineffable reviviscence !

Puis encore : qui pourrait épuiser le thème de la réflexion sur le mystère de l’identification de notre pauvre vie avec le Christ lui-même ? Ce n’est pas en vain que nous pouvons et devons nous répéter à nous-mêmes : Sacerdos alter Christus — le prêtre, un autre Christ ! Il y aurait, nous le savons tous, trop, beaucoup trop de choses à dire à ce propos! Nous voudrions vous demander, à vous, précisément comme pratique de Carême, de ramener complètement la pensée sur cet aspect de notre personnalité sacerdotale.

Afin d’avoir le courage paradoxal de répéter, chacun pour soi : « Christo confixus sum cruci — je suis crucifié avec le Christ » (Ga 2,19). Et afin que chacun ressente et convertisse en ministère sacerdotal cette immolation qui nous fait ressembler à Jésus notre modèle et notre Sauveur, et puisse expérimenter en lui-même la grande joie du mystère pascal que nous sommes en train de vivre : « superabundo gaudio in omni tribulatione nostra — je surabonde de joie dans toutes mes tribulations » (2Co 7,4).

Que cela soit ! Qu’il en soit ainsi pour vous tous ! très chers Fils, avec notre bénédiction apostolique.






25 février



SOYEZ LES APÔTRES DE LA « CIVILISATION DE L’AMOUR »


10


Paul VI aux élèves des Ecoles catholiques de Rome

Le samedi 25 février, le Pape Paul VI a reçu en audience 10.000 jeunes, élèves des écoles catholiques de Rome. Fréquemment applaudi par son chaleureux auditoire, le Saint-Père s’est adressé à lui en un vibrant discours, dont voici la traduction :



Très chers jeunes élèves des Ecoles catholiques romaines,



Une joie immense toute particulière, envahit notre esprit, au moment où nous vous accueillons ce matin; et cela, parce que vous êtes la promesse de demain, parce que vous représentez l’espérance de l’Eglise et de la société.

En vous regardant, nous pensons avec confiance à ce que vous serez, à ce que le Seigneur demandera à chacun dans la vie qui s’ouvre devant vous.

Savez-vous ce qu’évoqué dans l’âme émue du Pape votre nombreuse et joyeuse présence ? Elle nous remet en mémoire une page de l’Evangile, extraordinaire quant à sa beauté littéraire incontestée, mais plus remarquable encore pour la richesse de sa substance. C’est le récit de la vocation des premiers disciples, particulièrement incisif dans la version de Saint Jean qui vécut lui-même ce singulier événement.

Dans la description, volontairement désordonnée, mais si impressionnante, de cette heure unique où Jésus s’adressa à chacun disant : « Venez avec moi ! » (Cf. Jn
Jn 1,39 et 43 ; Mt 4,19 Mt 9,9 et passim) qu’est-ce qui séduit le plus ? La disponibilité sereine et décidée de ces hommes qui abandonnent tout pour le suivre ? ou l’irrésistible impulsion qui les pousse à dire à chacun autour d’eux : « Nous, nous l’avons trouvé ! Viens et tu verras toi aussi ! » (Cf. Jn Jn 1,41 et 46) ?

Dès ce jour ils devinrent des « témoins », à ce point « saisis » (Ph 3,12) par l’amour pour leur Maître et par la fascinante beauté de son message qu’ils furent disposés à affronter même la mort plutôt que de trahir l’engagement pris avec Lui.

11 Vous pourriez estimer qu’il s’agissait là d’une vocation exceptionnelle par laquelle le Christ a appelé lui-même quelques-uns au don total de leur propre vie et que c’est donc un cas qui ne vous touche pas de près. Eh bien, nous vous répondons que le Christ, non seulement continue à adresser à quelques-uns une invitation au don total d’eux-mêmes, par une parole personnelle et secrète, qui éveille de profonds échos dans leur coeur, mais il va également à la rencontre de chaque être humain, de chacun de vous, pour poser personnellement la question qu’il adressa au jeune aveugle : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » (Jn 9,35) A ceux qui donnent une réponse affirmative, Jésus confie la tâche de se faire devant le monde les témoins de ce choix.

Nous voudrions que chacun de vous prenne conscience de cette vivante présence du Christ et se remette à écouter l’Evangile comme une proposition que Jésus lui-même lui fait personnellement. Il ne s’agit ni de rêve ni d’autosuggestion mais d’une réalité dont nous trouvons la garantie dans une promesse précise de Jésus : « Et moi, je suis avec vous — a-t-il dit — toujours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

En une époque où les idéologies qui conduisent à la haine, au désordre moral, à la désagrégation sociale, se révèlent illusoires; dans une société où trop de messages humains et trop de promesses de bonheur facile attirent les jeunes, les laissant cependant, par la suite, insatisfaits et déçus, vous éprouvez le besoin de retourner à l’Evangile pour y découvrir la réponse que Jésus lui-même offre aux interrogations dont dépendent le sens de la vie, sa juste orientation, son utile engagement, son joyeux déroulement.

Vous, les jeunes, vous vous révoltez contre une vision du monde qui prétend donner la première, et parfois l’unique place au profit économique, au succès, à l’égoïste exploitation d’autrui. Vous contestez une société qui, à votre soif d’authenticité, répond souvent par des formules étudiées d’hypocrites compromis, qui, à votre désir d’amitié et de communication oppose les schémas d’une coexistence basée sur l’indifférence et sur l’exploitation réciproque ; qui, à votre volonté de généreux dévouement n’est pas capable d’offrir la perspective stimulante d’une raisonnable possibilité de travail ; qui, à votre besoin de transcendance propose pour le satisfaire les succédanés des biens de consommation et même les anéantissantes évasions de l’érotisme et de la drogue.

Nous prenons part à votre soif d’authenticité, à votre recherche de raisons de vivre et de certitudes qui donnent à votre existence une sûre orientation.

C’est pourquoi nous désirons vous dire que la solution radicale de vos problèmes ne se trouve pas dans un complexe de « choses », mais en « quelqu’un ». Quelqu’un en qui se trouvent réunies toutes les valeurs que vous cherchez secrètement : le Christ.

A tous, nous vous disons : allez à la rencontre du Christ, du Christ vivant dont la voix résonne encore aujourd’hui authentiquement dans l’Eglise. Ne vous arrêtez pas en surface, mais allez au-delà et recueillez le message dont l’Eglise est le porteur sûr, car l’Esprit l’assiste. Dans ce message vous trouverez la réponse satisfaisante à vos interrogations et des directives opportunes pour donner un sens et une valeur à votre vie. Accueillez cette réponse avec la fraîcheur qui est le propre de vos vertes années ; avec le limpide émerveillement d’une âme que les expériences et les désillusions n’ont pas encore touchée ; surtout avec le généreux enthousiasme d’un coeur qui sait encore oser, s’engageant dans la réalisation concrète de l’idéal entrevu.

Si vous voulez être et rester toujours vraiment jeunes, suivez le Christ ; Lui seul est le Sauveur du monde, Lui seul est la véritable espérance de l’humanité.

Mais suivre le Christ, ne suffit pas ; il importe aussi de l’annoncer, comme André qui courut le dire à son frère Simon (Jn 1,41) ; comme Philippe à Nathanaël «Viens et vois » (Jn 1,46).

Jésus de Nazareth, il faut l’annoncer par le témoignage concret et courageux de sa propre vie transformée. Comme Jésus qui, un jour, appela un à un les Apôtres de son Message, le Pape, humble Vicaire du Christ, vous appelle aujourd’hui un à un, et vous invite à être dans le monde actuel des témoins de votre originale identité chrétienne, et de généreux annonciateurs du Christ parmi vos compagnons.

Très chers jeunes étudiants, sachez être des témoins de votre foi ; sachez vivre et proclamer, tout en respectant les opinions d’autrui, le projet chrétien ; vivez et proclamez-le par les faits et par la parole, avec simplicité, avec joie, avec ardeur, sans compromis ni veulerie. Devenez devant vos amis de persuasifs témoins de votre foi. Nous avons écrit : « Il faut que les jeunes, bien formés dans la foi et dans la prière, deviennent toujours plus apôtres de la jeunesse » (exh. Apostol. Evangelii Nuntiandi, EN 72). Nous répétons bien volontiers devant vous cette affirmation qui est le fruit de notre intime et sincère conviction: il n’y a, pour les jeunes, de meilleurs apôtres que d’autres jeunes.

12 Votre champ de travail est immense : le milieu familial où les parents transmettent l’Evangile, mais peuvent aussi recevoir de leurs enfants un message d’Evangile vécu (cf. ibid. n. EN 71), le cercle des compagnons d’âge, les diverses formes de communautés juvéniles ecclésiales, l’école, la paroisse, voilà autant d’espaces où annoncer le Seigneur et le caractère actuel de son Evangile.

Nous vous recommandons, en particulier de vous insérer dans les activités paroissiales des différentes communautés juvéniles, devenant d’intelligents et généreux artisans dans le plan pastoral de votre diocèse.

Cette Bonne Nouvelle a des dimensions que les caractéristiques naturelles de votre âge rendent particulièrement aptes à annoncer. Il y a en vous une charge innée de joie et d’optimisme : témoignez donc la joie évangélique qui l’harmonise avec la paradoxale félicité exprimée dans les Béatitudes; annoncez le monde nouveau que le Christ a inauguré et qu’il est possible de réaliser au-delà des courtes expectatives de la société de consommation.

La jeunesse — nous l’avons souligné — aime la vérité et la sincérité ; elle déteste l’hypocrisie et le mensonge ; cohérents avec de tels sentiments, profondément évangéliques, entraînez vos compagnons à refuser le faux sous toutes ses formes, à rechercher le vrai en tout.

Les jeunes sont prêts au sacrifice chaque fois qu’ayant mesuré la grandeur d’une cause, ils croient que cela vaut la peine de se donner pour elle : puisse donc votre vie être pour beaucoup une leçon de silencieux héroïsme, dans le renoncement et dans le dévouement. Dites aux autres jeunes qu’est stérile toute évasion dans le songe creux, dans le désespoir, dans la vie facile, dans la drogue ou dans la violence et que ce n’est qu’en sachant se donner que l’on peut construire quelque chose.

L’âge juvénile est particulièrement ouvert au fascinant appel de l’amour; eh bien, proclamez l’amour vrai, celui qui ne se confond pas avec le plaisir égoïste, mais s’épanouit dans le don de soi-même. Semez autour de vous les grandes valeurs de la « civilisation de l’amour » : solidarité, fraternité, dignité de la personne humaine, disparition de toute discrimination ou ségrégation, esprit actif de justice, ferme décision d’édifier la paix.

Quand votre impétueuse générosité vous entraînera à contester, dans la société contemporaine, certaines situations qui exigeraient un profond changement, il se pourrait que vous soyez tentés de chercher des solutions radicales, de refuser les solutions non-immédiates et même de voir dans la violence un moyen de réaliser la transformation souhaitée.

Devant cette tentation que votre réponse soit, comme nous l’avons dit dans le Message pour la Journée de la Paix de cette année : Non à la violence ! car la violence ne résout pas les problèmes d’injustice, elle en crée seulement de nouveaux ; que votre réponse soit : oui à la paix ! c’est-à-dire oui à la promotion de la justice, oui à la fraternité, oui à la solidarité. De cette manière vous améliorerez la société non pas en détruisant mais en construisant quelque chose de neuf et de beau, en pleine adhésion à votre vocation de jeunes et de catholiques.

Soyez réellement une jeunesse catholique : soyez fidèles à votre identité. En donnant aujourd’hui un témoignage cohérent et courageux de votre fidélité à l’Eglise, vous annoncerez et préparerez un monde plus juste et plus serein pour l’avenir.

Et pour conclure nous adressons une parole particulière de salut et de souhait, non seulement à vos professeurs mais aussi à vos parents que nous voyons présents en grand nombre à cette audience. Beaucoup d’entre eux font partie des nouveaux Organismes de représentation de l’école et ont pour tâche de se faire les porte-paroles des expectatives, des suggestions des familles, dans la délicate phase de renouvellement qu’est en train de vivre l’école italienne. Pour eux, comme pour le corps enseignant, nous invoquons l’effusion d’abondantes lumières célestes afin que grâce à leur généreux engagement et à leur contribution responsable, l’école puisse trouver les justes moyens d’adapter toujours mieux ses propres structures aux exigences actuelles d’une société en voie de transformation. Avec ces voeux nous vous donnons de tout coeur, à vous tous, en gage de toute spéciale bienveillance, notre bénédiction apostolique.






4 mars



LAÏCAT, EUCHARISTIE, VOCATIONS SACERDOTALES





13 La visite « Ad limina » des Evêques d’Ecosse

Le Saint-Père a reçu en audience le 4 mars les Archevêques et Evêques de la Conférence Episcopale d’Ecosse, venus à Rome pour leur visite canonique « ad limina ». Cette visite coïncidait avec le premier centenaire de la reconstitution par Léon XIII (4 mars 1878) de la hiérarchie catholique écossaise. Accompagnaient le Président de la Conférence Episcopale d’Ecosse, le Cardinal Gordon Joseph Gray, Archevêque de St Andrews et Edimbourg, les Archevêques et Evêques (avec leurs Auxiliaires) de Glasgow, Galloway, Dunkeld, Paisley, Motherwell, Argyl « and the Isles », et Aberdeen. A l’adresse d’hommage du Cardinal Gray, le Saint-Père a répondu par un discours dont voici la traduction :



Vénérables et chers Frères en le Christ,



C’est pour nous un immense plaisir de pouvoir vous souhaiter la bienvenue ce matin. Il y a aujourd’hui cent années, par ce qui était en fait sa première Bulle Apostolique, la Ex Supremo Apostolatus Apice, notre prédécesseur Léon XIII reconstituait en Ecosse la Hiérarchie de l’Eglise qu’il qualifiait « fille bien-aimée du Saint-Siège ».

Et aujourd’hui, dans l’unité de Jésus-Christ, nous célébrons ensemble cet important anniversaire. Et en cette circonstance nous nous rappelons, rendant avec amour grâces à Dieu, non seulement l’événement qui eut lieu il y a un siècle, mais également les très anciennes origines de la foi dans votre pays. C’est la Providence de Dieu qui vous a unis au Siège de Rome depuis l’époque de Saint Ninian qui vous a prêché l’Evangile de salut. Et c’est la puissance de la grâce divine qui a soutenu votre peuple dans ses vicissitudes tout au long des siècles et a produit de très nombreux fruits de justice et de sainteté dans la vie chrétienne.

Il y a deux ans, nous élevions aux honneurs de l’Eglise catholique « un glorieux champion de votre peuple, un exemple idéal de votre passé historique, une magnifique source d’inspiration pour votre avenir » (Homélie du 17 octobre 1976). Vous ne l’avez certes pas oublié ; il s’agit de la canonisation de John Olgivie. A cette occasion nous disions que nous partagions « votre fierté et votre joie » (allocution aux pèlerins écossais, 20 octobre 1976 ) et notre pensée allait vers ceux qui étaient restés à leur foyer. Et aujourd’hui, une fois de plus, toute l’affection de notre coeur se tourne vers les fidèles de l’Ecosse.

En vous, nous saluons le clergé, les religieux et religieuses, et les laïcs qui constituent la communion unique de l’Eglise. Nous désirons qu’ils sachent que nous leur portons un très paternel intérêt et que chaque jour nous prions pour leur bien-être. Nos saluts s’adressent plus particulièrement aux fidèles qui se trouvent éloignés des centres diocésains, à ceux qui vivent dans des points reculés des Hébrides, des Orcades, des Shetlands, à tous ceux qui sont unis à nous dans l’amour du Christ.

Nous saisissons la présente occasion pour vous dire quelques mots au sujet du rôle du laïcat dans l’Eglise. Bien que de nombreux progrès aient été réalisés dans la promotion de l’apostolat laïc, la doctrine du Concile Vatican II qui le concerne est tellement riche qu’elle requiert toujours un surcroît de réflexion. Il faut que les Evêques rappellent constamment aux fidèles que l’apostolat laïc est « la participation à la mission salutaire de l’Eglise. A cet apostolat tous sont députés par le Seigneur, par le baptême et la confirmation » (Lumen Gentium
LG 33). La réalisation de cette tâche peut donner aux laïcs un sentiment profond de leur identité chrétienne et leur insuffler de nouvelles énergies pour remplir leur propre rôle. Leur tâche est très importante : contribuer, comme du dedans à la manière d’un ferment, à la sanctification du monde, (cf. ibid. 31). Il faut que, par l’action du laïcat, le monde soit pénétré de l’esprit du Christ et que, dans la justice, la charité et la paix, il atteigne plus efficacement sa fin » (ibid. n. 36). Collaborant étroitement, le clergé et les laïcs peuvent acquérir une grande profondeur de vues dans l’application particulière de ces principes et l’Eglise entière sera plus forte du fait que les laïcs vivent vraiment leur vocation spécifique.

Et lorsque vous exercez votre mission personnelle de pasteurs du Peuple de Dieu, efforcez-vous de leur faire comprendre, non seulement la grande dignité du laïcat, mais aussi où est la source de sa force. Ceci nous mène à un second point : la célébration eucharistique. Ce ne sont pas seulement les prêtres qui, en elle, remplissent leur rôle et puisent leur inspiration : ceci est également le fait de tous les membres de l’Eglise. En effet, la participation pleine et active de tout le peuple de Dieu à la liturgie sacrée est « la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser dans un esprit vraiment chrétien » (Sacrosanctum Concilium, SC 14). De l’Eucharistie, les fidèles tirent l’élan nécessaire pour accomplir leur propre rôle au service de l’Evangile et pour rendre témoignage, en tant que laïcs, du royaume de Dieu. De l’Eucharistie ils tirent la force pour l’action évangélisatrice qui leur incombe dans les milieux politiques, sociaux, économiques, culturels et scientifiques — dans les arts, dans la vie internationale, dans le domaine des mass média et à tous les niveaux de l’activité humaine au service du siècle (cf. Evangelii Nuntiandi, EN 70). Ainsi, la puissance du Mystère Pascal transforme le monde et rend plus proche le royaume de Dieu.

Mais pour mettre l’accent sur la merveilleuse unité du plan divin, nous affirmons sans hésiter que, puisque le laïcat, pour remplir son rôle ecclésial, dépend de l’Eucharistie, il dépend par conséquent du sacerdoce. Le Concile a dit : « La distinction que le Seigneur a établie entre les ministres sacrés et le reste du Peuple de Dieu, comporte avec elle l’union, puisque les pasteurs et les autres fidèles sont liés entre eux par des relations réciproques » (Lumen Gentium, LG 32). Et tout comme vous vous souciez justement de proclamer la dignité du laïcat, nous vous demandons d’intensifier vos efforts pour promouvoir en son sein des vocations au sacerdoce sacré et inciter les fidèles à l’implorer dans leurs prières. Le besoin en est immense. Il y va du bien de tout le Corps mystique du Christ. Nous vous demandons, en conséquence, d’accorder la priorité et la plus grande attention personnelle à la préparation des candidats au sacerdoce, au contenu doctrinal de leurs cours et à tout ce qui concerne la vie dans les séminaires.

Oui, vénérables Frères : le laïcat, l’Eucharistie, les vocations sacerdotales : voilà les trois sujets du message que nous vous adressons aujourd’hui tout en vous confirmant dans la foi de Pierre et Paul : foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, Sauveur du monde.

En vous livrant ces réflexions, nous vous assurons de nos prières pour tous vos devoirs pastoraux et nous vous donnons, à vous et à tout votre bien-aimé peuple, notre spéciale bénédiction apostolique.






4 mars



FIDÉLITÉ À L’EGLISE ET À SON MAGISTÈRE


14


Le Pape aux Supérieurs et aux élèves du Collège Pontifical Ecossais

Après avoir reçu l’épiscopat écossais, le Saint-Père a accordé une audience aux supérieurs et élèves du Collège Pontifical Ecossais de Rome qui avaient désiré commémorer ainsi le premier centenaire de la restauration de la hiérarchie catholique en Ecosse. Paul VI leur a adressé un discours dont voici la traduction :



Chers Fils en le Christ,



Nous avons reçu il y a un moment, vos Evêques venus nous rendre leur visite ad limina et, en leurs personnes, nous avons embrassé, dans l’unité et l’amour du Christ, l’Eglise en Ecosse tout entière. Et maintenant, en cette solennelle occasion, nous désirons partager nos pensées avec vous tous, étudiants du Collège Pontifical Ecossais, et, à travers vous, adresser notre message à tous vos camarades séminaristes en Ecosse et à Valladolid.

Nous désirons avant tout que vous soyez assurés de notre paternel amour en Jésus-Christ. Nous voyons en vous un signe de la vitalité de l’Eglise, une preuve que la grâce du Seigneur est active et victorieuse en notre époque autant qu’elle le fut en tous temps. En répondant à l’appel du Christ, vous rendez témoignage de la primauté du surnaturel. En consacrant généreusement votre vie toute entière à Jésus-Christ et à son Eglise, vous professez votre foi dans le pouvoir de la mort et de la Résurrection du Seigneur et de son retour glorieux.

En conséquence toute votre vie sacerdotale sera orientée vers la proclamation du Mystère Pascal; vos activités trouveront leur accomplissement et leur perfection dans votre ministère sacramentel grâce auquel le peuple chrétien rencontrera son Sauveur et sera attiré effectivement dans la communion avec le Père et avec l’Esprit Saint. Le véritable dessein de votre vocation est de perpétuer la médiation du Sacerdoce du Christ.

Et ainsi, la vie n’aura pour vous de signification que dans le Christ. Comme les Apôtres, vous devez être ses compagnons et ses amis. En lui vous découvrirez « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu » (
1Co 1,24). En connaissant le Seigneur Jésus, vous parviendrez réellement à comprendre vos frères et à avoir l’intuition avec perspicacité, des besoins du monde. D’une intime connaissance de Jésus-Christ vous retirerez la conviction intérieure et l’énergie nécessaire pour avoir une influence décisive dans le monde.

Car si vous cherchez la clé des Evangiles, le secret du zèle apostolique, la force et la vigueur requises pour proclamer l’Evangile du salut et persévérer dans le service de l’humanité, vous trouverez tout cela dans la connaissance de Jésus-Christ. N’oubliez jamais l’impact de Saint Paul, sa contribution à l’Eglise; n’oubliez jamais son affirmation : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1Co 2,2).

Du reste, pour étendre toujours plus votre connaissance du Christ, vous devez prier. Vous devez pénétrer dans la prière de l’Eglise et vous unir vous-mêmes au Sacrifice du Christ, adoptant son attitude d’obéissance à son Père. La discipline doit donc faire partie de votre vie — une discipline faite d’efforts constants, d’abnégation, de sacrifice de soi-même. Comme jeunes hommes appelés à une amitié intime avec le Christ, vous devez savoir qu’il n’y a pas d’alternative à la Croix. Rappelez-vous : prière et discipline. Et, tout comme vous sondez et vivez le mystère du Christ vous devez également, comme le dit le Concile Vatican II « être pénétrés du mystère de l’Eglise » (Optatam Totius, OT 9). Le Christ est votre modèle et, avec lui, vous devez aimer l’Eglise et vous livrer vous-mêmes en sacrifice pour elle. Quant à vous, la fidélité au Christ exigera toujours la fidélité à l’Eglise — fidélité à son unité et fidélité au message de salut qu’elle proclame et qui «n’a rien des discours persuasifs de la sagesse, mais qui est une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que votre foi repose, non point sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1Co 2,4-5). Oui, le message que nous prêchons est semblable à la folie de la Croix et il surpasse complètement la sagesse humaine. C’est à ce message, tel qu’il est proclamé par l’Eglise, que nous devons la plus entière fidélité.

La fidélité est la vertu de notre époque et c’est à cette fidélité que nous vous exhortons aujourd’hui : en particulier, fidélité au Magistère de l’Eglise. Nous avons confirmé cette exhortation en présence de vos Evêques et devant l’Eglise de Dieu tout entière. Si vous suivez l’authentique Magistère du Pontife Romain et des Evêques en union avec lui, et si vous conduisez le peuple sur la voie de la vérité, vous ne serez jamais déçus.

Et si quelque jour vous courriez le risque de vous laisser séduire par une prétendue sagesse humaine supérieure au réel enseignement de l’Eglise, ne manquez pas de réfléchir de nouveau au fait que votre foi repose sur la sagesse et la puissance de Dieu : sur le Christ lui-même qui a promis l’assistance toute spéciale de l’Esprit Saint aux Apôtres et à leurs successeurs et qui a solennellement affirmé devant ses disciples : « Qui vous écoute, m’écoute, et qui vous rejette, me rejette. » (Lc 10,16).

Oui, chers Fils, celui qui accueille l’assurance du Christ, ne sera jamais déçu.

Pourquoi vous avons-nous dit ces choses ? Pour que vous restiez forts dans la foi ; pour que votre charité pastorale soit complète ; pour que votre joie soit entière. Pour que vous-mêmes et tous ceux que vous assisterez « soient en communion avec nous; quant à notre communion elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (1Jn 1,3).

Au nom de Jésus, nous vous bénissons.








8 mars




Discours 1978 9