Messages 1976

RÉSURRECTION DU CHRIST ET PROGRÈS HUMAIN





Le premier discours que Pierre, après l’événement inattendu de la Pentecôte, adressa à la foule émerveillée et émue, se concluait par l’annonce très ferme de la résurrection de Celui qui devait désormais être reconnu comme le Christ promis : « Jésus de Nazareth, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par des miracles, des prodiges et des signes..., ainsi que vous le savez vous-mêmes..., vous a été livré et vous l’avez fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies, mais Dieu l’a ressuscité..., et nous en sommes tous témoins » (Ac 2,22-32). Et c’est ce témoignage qui formera par la suite la certitude de l’Eglise naissante. Saint Paul en dictera les premiers documents scripturaires (cf. 1Co 15 etc.), et les Evangiles raconteront, pour notre plus grande joie et notre piété, la première visite des saintes femmes de l’Evangile au sépulcre vide du Christ ressuscité, à l’aube du troisième jour après sa mort tragique, et ils enregistreront également les faits extraordinaires, mais réels, des apparitions du Christ ressuscité à ses disciples.

Depuis lors, la résurrection du Christ est la pierre d’angle de notre foi et de notre histoire ; bien que l’expérience sensible en ait été réservée à certaines personnes déterminées (Ac 10,40) et bien que ce fait capital de la religion catholique soit entouré de mystère (cf. Ac Ac 10,40 ss. ; Summ. Th. III, q. 55, a. 2, ad 2) il en formera pour toujours la base fondamentale : « La pierre qu’ont rejetée les constructeurs, avait lui-même prédit Jésus, est devenue la pierre angulaire ; c’est le Seigneur qui a fait cela, et c’est chose admirable à nos yeux » (Mt 21,42 Ps 117,22 Ac 4,11 Rm 9,33 1P 2,7).

C’est à l’affirmation, à la réalité historique, au mystère de vie que ce fait représente en lui-même et pour le destin qui en découle à la fois pour l’Eglise et pour l’humanité, qu’est destinée cette célébration pascale, elle qui est au sommet de tout le christianisme et qui nous fait chanter encore aujourd’hui l’« Exultet », la victoire inouïe, impensable, tout à la fois incontestable et inextinguible, celle de la vie sur la mort, celle qui, personnellement et globalement, nous regarde et nous concerne tous.

Le Christ, le Seigneur, est vraiment ressuscité. Déjà Marie, sa Mère immaculée et privilégiée, est ressuscitée et a été élevée par Lui à la plénitude immortelle de sa vie glorieuse à la droite du Père. Et déjà la liste de ceux qui, au dernier jour, seront appelés au prodige suprême de la résurrection dans le renouvellement corporel d’une existence eschatologique (cf. 1Co 15,20 ss. ; 35 ss. ; Jn 5,29) est en train de s’écrire, et elle en enregistre les noms dans le « livre de vie », dans l’indélébile mémoire de Dieu (cf. Lc Lc 10,20 Ph 4,3 Ap 21,27). Nous aussi, Frères et Fils, nous aussi, nous ressusciterons ! La voix tremble, en proférant une telle prophétie stupéfiante ; mais que la foi ne tremble pas, si nous avons « fait nos Pâques » avec un coeur pur et sincère, c’est-à-dire si nous nous sommes nourris de la chair et du sang du Christ, qu’il nous offre dans l’Eucharistie, car celui qui s’est nourri de cet aliment de vie, a-t-il dit Lui-même, « moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,54). La résurrection du Christ se reflète, aujourd’hui dans l’espérance, demain dans une réalité transformante (cf. 1Co 15,38 ss.).

Nous ne pouvons nier que l’armée des négateurs et des critiques a travaillé et travaille encore sur un si grand mystère pour en évacuer le sens réel et univoque ; mais notre certitude est aujourd’hui tellement pleine et heureuse qu’elle ne désire rien d’autre que de se communiquer à qui ne la partage pas actuellement, pour en faire le compagnon de notre foi et de notre béatitude.

Et cela a aussi pour but de supprimer l’équivoque d’une parole magique, qui enchante et fait souvent illusion à celui qui en fait un usage restreint aux limites de la phénoménologie temporelle, c’est-à-dire ce mot de résurrection restreint au sens de la causalité scientifique et l’expérience historique, dans la mesure où par résurrection on entend l’emploi de méthodes et de forces qui ne transcendent pas l’ordre naturel. Celui qui, pour les raisons supérieures enseignées par l’Evangile, aime les hommes et l’élaboration difficile par leur société d’un vrai progrès de leur convivance et de leur juste bien-être, celui-là plus que tout autre peut se réjouir de ce que l’on parle de résurrection pour favoriser l’effort et pour atteindre une résurrection, au sens d’une amélioration économique, culturelle et sociale, pour apporter aide et remède à toute souffrance humaine. Mais ce serait une illusion d’espérer atteindre ainsi la résurrection effective et transcendante, celle à laquelle la vie de l’homme aspire de manière profonde et essentielle, si cette dernière se trouvait privée de cette « espérance qui ne déçoit pas » (Rm 5,4), et si on ne l’instruisait pas de ce péril inévitable : du désir aveugle d’une prospérité exclusivement temporelle peut d’écouler pour l’homme un plus grand malheur, venant de l’accroissement même de sa capacité de désirer davantage et de sa possibilité de jouir davantage.

Rappelons-nous aussi en ce moment lumineux les directives de Saint Paul : « L’amour du Christ nous presse... Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle ; les réalités anciennes ont disparu ; des réalités nouvelles sont apparues » (2Co 5,14 2Co 5,17). C’est pourquoi : corda, voces et opera : que soient renouvelés les coeurs, les paroles, les oeuvres.

Avec nos souhaits de Pâques, et notre Bénédiction Apostolique.








28 avril



RÉDUIRE LE DÉSÉQUILIBRE ENTRE LES PEUPLES





A Son Excellence Monsieur gamami corea,

Secrétaire Général de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement



De la IV° Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement réunie à Nairobi, les peuples, les plus pauvres surtout, attendent des décisions qui apporteront des remèdes rapides et efficaces aux détresses les plus urgentes, et qui développeront dans les mentalités et dans les structures, des rapports nouveaux entre les nations, permettant à toutes de contribuer activement à une vie internationale plus solidaire.

Nous joignons notre voix à ces appels. Nous exprimons le désir profond et confiant de voir surgir de votre assemblée, à la fois des travaux importants et de nouvelles raisons d’espérer pour les hommes.

Depuis votre dernière Conférence de Santiago du Chili, la crise internationale a accumulé les souffrances et les inquiétudes. La famine a sévi en plusieurs régions. Le chômage mine les énergies. L’inflation perturbe en profondeur les échanges commerciaux. L’endettement des pays en voie de développement atteint des proportions écrasantes et décourageantes.

Mais une telle situation ne vous trouve pas démunis. Grâce aux efforts laborieux des précédentes conférences de Genève, de New Delhi, de Santiago, patiemment continués dans l’intervalle des sessions, une prise de conscience s’est faite. Les causes du mal vous sont mieux connues dans leur complexité à la fois politique, technique, sociale, culturelle, morale. La volonté d’une action ample et coordonnée se dégage à partir de quelques convictions désormais largement partagées. Les décisions courageuses sont à la fois nécessaires et possibles, fondées sur une solidarité mondiale à la réalisation de laquelle tous sont conviés à participer.

N’est-ce pas un signe particulièrement encourageant de constater que les peuples plus jeunes et plus faibles se montrent de plus en plus décidés à mobiliser leurs propres richesses humaines autant que matérielles, pour développer leur personnalité et l’engager d’une manière responsable dans la création de réseaux de solidarité plus denses et plus solides ? Ce que nous écrivions il y a près de dix ans dans notre Encyclique sur le développement des peuples, nous le redisons avec une conviction accrue : « La solidarité mondiale, toujours plus efficiente, doit permettre à tous les peuples de devenir eux-mêmes les artisans de leur destin... Les peuples plus jeunes ou plus faibles demandent leur part active dans la construction d’un monde meilleur, plus respectueux ! des droits et de la vocation de chacun. Cet appel est légitime : à chacun de l’entendre et d’y répondre » (n. 65).

Notre conviction se nourrit au spectacle réconfortant du meilleur de l’expérience des hommes et des peuples. Elle s’enracine dans la foi en Dieu qui « a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se traitent mutuellement comme des frères » (Gaudium et Spes, GS 24). La terre leur a été donnée en partage pour qu’ils la cultivent, qu’ils gèrent et multiplient les biens matériels d’une manière responsable, qu’ils y mettent leur marque, qu’ils les chargent d’humanité et fassent des échanges de biens entre individus et entre peuples un processus constant de développement personnel et solidaire.

La gestion des ressources terrestres se trouve donc au centre de vos discussions. Vous avez la légitime ambition de construire des réseaux commerciaux qui assurent des prix plus rémunérateurs, plus stables, plus équitables pour tous, spécialement pour les plus pauvres. Pour y parvenir, cette recherche, ce dialogue entre pays riches et pays défavorisés doivent s’inscrire dans la perspective supérieure de la destination universelle des biens de ce monde, de l’interdépendance des peuples, et de la coresponsabilité dans l’organisation des échanges commerciaux, dans l’intérêt de tous. C’est pourquoi il vous faut ranimer sans cesse, personnellement et en équipe de travail, la flamme de vos convictions : les richesses matérielles sont faites pour permettre aux hommes de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de s’instruire, de s’aider mutuellement et, en développant leur solidarité, de réaliser des communautés vraiment fraternelles qui connaissent une véritable joie de vivre.

Nous vous adressons ce message, Monsieur le Secrétaire général, au nom de l’Evangile qui, en révélant aux hommes les profondeurs de leur vocation divine, libère en eux des énergies et une lumière irremplaçables pour orienter et soutenir leurs efforts vers plus d’humanité, vers ce que nous avons appelé la civilisation de l’amour. En invoquant sur les participants de la Conférence de la CNUCED réunie à Nairobi l’abondance des bénédictions divines, nous prions Dieu tout-puissant de leur faire trouver dans le travail harassant qui sera le leur la joie d’ouvrir ensemble des voies neuves à l’espérance des peuples.



Du Vatican, le 28 avril 1976.



paulus PP. VI






24 mai



POUR UN HABITAT QUI FAVORISE LE DÉVELOPPEMENT INTÉGRAL DE L’HOMME



Le Pape a fait parvenir à M. Berney Danson, Ministre canadien pour les affaires urbaines et Président de la Conférence de l’ONU sur les Etablissements Humains en cours à Vancouver, le message suivant :



Monsieur le Président,



Nous sommes heureux de vous adresser aujourd’hui notre salut et d’exprimer à la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains notre profonde satisfaction de voir, comme la préparation et l’organisation de vos travaux le prouvent, que la communauté internationale prend toujours mieux conscience de l’importance des questions soumises à votre étude.

Périodiquement, le drame des tremblements de terre vient rappeler à l’opinion mondiale la place que l’habitation occupe dans la vie et dans le coeur des hommes. Mais ce que supportent des sinistrés lorsque la nature les prive soudain de leur maison et de leur cadre de vie, vous savez que des individus, des groupes, des secteurs entiers de population le vivent en permanence, depuis toujours, ou sous la pression de mutations sociales. Une telle situation, les travaux préparatoires à cette Conférence nous disent qu’il n’est plus permis de l’ignorer, de s’y habituer, de la tolérer. Aussi bien votre Conférence ne s’est-elle pas réunie pour déplorer avec résignation les carences énormes et croissantes en matière d’habitat, mais pour raviver et soutenir le courage des bâtisseurs et pour chercher des solutions originales et magnanimes aux problèmes les plus urgents afin que chaque homme puisse trouver, avec une demeure digne et belle, des services normaux de santé, d’hygiène et de communication, dans un cadre de vie qui permette son plein développement physique et spirituel.

Il ne nous appartient pas, dans ce Message, de suggérer des solutions techniques, mais nous voulons vous redire d’abord notre confiance dans l’homme, dans sa capacité d’élargir sans cesse le champ du possible, si son intelligence et son coeur sont engagés en faveur d’une existence vraiment humaine pour tous ses frères. Et nous voudrions aussi rappeler certains principes essentiels qui peuvent inspirer et stimuler la réflexion de cette Conférence et le travail compétent de ceux qui seront appelés ensuite à réaliser ses programmes.

« Les êtres humains constituent l’élément le plus important dans l’univers ». Nous nous réjouissons de voir cette affirmation en tête des Principes Généraux qui guident vos travaux. En effet, le centre et la priorité fondamentale de tous les programmes doivent être l’homme : l’homme dans toutes ses dimensions et toute sa dignité, être individuel et social, naturel et historique, corporel et spirituel. L’habitat doit favoriser le développement de tous ces caractères, de toutes ces richesses de l’être humain.

Mais tous les hommes participent de la même dignité. Toute vie porte en soi une qualité intrinsèque. Et cela exige que soient assurées à tous dans leur habitat des conditions de développement pleinement humain.

Le foyer, c’est-à-dire ce centre de chaleur autour duquel se réunit une famille et devant lequel des enfants croissent dans l’amour, doit demeurer la préoccupation première de toute programmation relative au milieu humain.

Mais cela suppose que l’on aide la famille et tous ses membres à s’éduquer sur le sens et la valeur de la vie, sur les moyens d’arriver au vrai bonheur. Combien de parents comblent leurs enfants de choses secondaires, passagères, mais se préoccupent peu de leur donner au foyer un peu d’espace et de paix pour leur équilibre et leur développement ? Combien ne savent pas susciter chez leurs enfants un intérêt pour l’aménagement et l’embellissement de leur foyer, et ne les préparent pas à collaborer demain au perfectionnement du milieu humain ?

Il nous semble important aussi que la Conférence, tout en signalant le rôle primordial de techniciens et de génies créateurs au sens social éclairé, manifeste une grande confiance à l’égard de la participation active et constructive des peuples; qu’elle mobilise les énergies matérielles et morales de tous, même apparemment des plus humbles, dans le cadre de programmes proportionnés à leur possibilités réelles, à leurs aspirations légitimes et à leurs conditions particulières de culture.

A plusieurs reprises déjà, nous avons manifesté notre conviction que des Organismes internationaux sont nécessaires pour préciser les exigences de la justice entre les peuples et pour rendre efficaces les bons propos de solidarité entre les hommes. La Conférence actuelle remplit ce rôle en rendant de nouveau possible l’affirmation par toutes les nations d’une claire volonté politique et d’un sérieux esprit de collaboration; en permettant que la coopération internationale s’exprime en des programmes audacieux, réalistes et précis ; en assurant que ces programmes seront assumés et soutenus par les décisions des Nations Unies et qu’ils s’intégreront, comme un élément essentiel, dans ce nouvel ordre économique international qui est sans cesse à bâtir.

Il nous semble important enfin, pour une Conférence comme la vôtre, de se former une vision complète de la réalité en regardant le passé, le présent et l’avenir.

Le passé, pour prêter attention aux expériences valables et diverses que nous lègue la tradition des peuples, car même en acceptant les lumières venant du dehors, chaque peuple a toujours eu une intuition spéciale pour résoudre les problèmes qui lui sont propres.

Le présent, pour apprécier la gravité des phénomènes actuels en matière d’habitat, — mais en dépassant les apparences immédiates et en recherchant les causes vraies, morales ou physiques, des maux actuels : c’est à ce prix que seront évitées de nouvelles erreurs d’orientation.

L’avenir, pour mettre au défi les imaginations et solliciter des projets grands et originaux à la taille du futur : car pour la civilisation nouvelle toute proche, nous devons faire face à une redoutable alternative : laisser s’accumuler des calamités destructrices du milieu humain ou préparer courageusement l’établissement d’un habitat, digne et honorable, pour tous les hommes.

Nous formons des voeux chaleureux, Monsieur le Président, pour que cette Conférence réponde aux espérances placées en elle. Nous savons que les efforts de tous ses membres tendront à donner à chacun la possibilité de trouver une habitation dans un cadre pleinement humain. D’avance, nous vous en remercions en invoquant les bénédictions du ciel sur vos travaux.



Du Vatican le 24 mai 1976.



paulus PP. VI





À SA BÉATITUDE HEMAIAGH PIERRE XVII GHEDIGHIAN,


PATRIARCHE DE CILICIE DES ARMÉNIENS


Lundi 5 juillet 1976




A Sa Béatitude Hemaiagh Pierre XVII Ghedighian, Patriarche de Cilicie des Arméniens, Salita San Nicola da Tolentino, 17 - Roma

Avec une vive joie, Nous avons appris la nouvelle de l’élection canonique de Votre Béatitude au Siège Patriarcal de Cilicie des Arméniens et Nous La remercions des sentiments qu’Elie a tenu à Nous adresser par l’entremise de deux Pères Synodaux.

C’est avec satisfaction que Nous avons accueilli la demande de communion ecclésiastique, que Nous sommes heureux de vous accorder dans la foi et dans la charité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous avons également exaucé votre requête au sujet de la concession du Sacré Pallium, et Nous le conférerons à Votre Béatitude, le 9 de ce mois, en notre Palais Apostolique.

La fidélité de l’Eglise Arménienne Catholique et l’attachement de ses membres au Siège de Pierre, manifestés héroïquement au cours des siècles, Nous confirment aujourd’hui même dans les sentiments que le Saint-Siège lui a toujours manifestés avec une prédilection particulière. Daigne Votre Béatitude recevoir les voeux nombreux et fervents que Nous formons pour sa Personne vénérée et pour l’oeuvre qu’Elie est appelée à accomplir, cependant que Nous Lui accordons de tout coeur, en gage des meilleures grâces divines, Notre Bénédiction Apostolique que Nous étendons volontiers à la Hiérarchie, au Clergé, aux Religieux et Religieuses et à tous les fidèles de la glorieuse Eglise Arménienne.

Du Vatican, le 5 juillet 1976.

PAULUS PP. VI



MESSAGE DU PAPE PAUL VI À L’OCCASION DE LA XXI OLYMPIADE DE MONTRÉAL


Vendredi 16 juillet 1976


De Rome où la Providence Nous a placé pour servir l’Eglise et l’humanité, Nous sommes très heureux d’adresser un message d’amitié à la foule internationale des athlètes rassemblés au Village Olympique de Montréal. Et il va de soi que notre salut et nos paroles s’étendent au cher Peuple canadien si hospitalier, et particulièrement à ses Responsables civils et religieux que Nous félicitons chaleureusement d’avoir préparé, à leur niveau respectif, le festival de la vingt-et-unième Olympiade.

Nous voulons avant tout jeter avec vous un regard positif sur cette manifestation sportive internationale, car, sans ignorer certains risques, Nous demeurons persuadé qu’elle peut épanouir des valeurs humaines très appréciables pour tous les hommes et particulièrement chères aux chrétiens, tout en favorisant des relations d’estime et de paix entre les peuples, sur un terrain où toutes les oppositions doivent céder le pas à une émulation pacifique. Tel est l’espoir qui anime nos voeux cordiaux.

Oui, un tel progrès est possible, car les sportifs sont encore très nombreux à défendre et à promouvoir l’idéal contenu dans l’adage si populaire: mens sana in corpore sano. Nous pensons avec vous à la maîtrise du corps. Quelle exigence de persévérance et de ténacité! La force d’âme n’a-t-elle pas une place importante parmi les quatre vertus cardinales? L’ascèse des sportifs, que saint Paul prend en exemple, dans sa première Lettre aux Corinthiens, ne rappelle-t-elle pas la vertu de tempérance? La rigoureuse obligation de bien se préparer et de bien s’équiper pour les épreuves ne rejoint-elle pas la vertu de prudence? L’égalité de chance entre les joueurs, l’arbitrage impartial des compétiteurs, le fair-play des vaincus, le triomphe contenu des vainqueurs ne sont-ils pas des appels à pratiquer la vertu de justice? Et si ces vertus morales contribuent à la réussite de la personne humaine, comment seraient-elles sans répercussion sur la société tout entière? Dans une civilisation qui connaît le risque d’être minée, à la fois par le plaisir et la violence, les activités sportives doivent retrouver sans cesse leur idéal de véritable promotion de l’homme et de fraternité entre tous les peuples sans exception. Voilà pourquoi l’Eglise, dont la mission est spirituelle et transcendante, se trouve à l’aise pour dialoguer cordialement avec le monde des sports et s’intéresse vivement à ses efforts.

Encore une fois, Nous vous félicitons et Nous vous encourageons! Et souhaitant l’heureuse continuation de vos compétitions Nous invoquons de tout coeur sur vos personnes, vos familles et les peuples que vous représentez les Bénédictions du Seigneur!



MESSAGE DU PAPE PAUL VI, SIGNÉE PAR LE SECRÉTAIRE D’ETAT, À L’OCCASION DE LA IV ASSEMBLÉE DU «MOUVEMENT INTERNATIONAL D’APOSTOLAT DES MILIEUX SOCIAUX INDÉPENDANTS» (MIAMSI)


Lundi 27 septembre 1976




Monsieur le Président,

Répondant à la requête qu’au nom du «Mouvement International d’Apostolat des Milieux Sociaux Indépendants» vous avez adressée au Saint-Père, à l’occasion de la IV Assemblée générale de ce mouvement, ce message veut être l’expression de la confiance et de l’intérêt pastoral que le Souverain Pontife porte au MIAMSI et à sa mission d’évangélisation.

Celle-ci concerne en effet des milieux sociaux qui assument dans l’Eglise et dans le monde d’aujourd’hui de grandes responsabilités. Les profondes mutations qui s’opérant dans la société moderne affectent gravement ces milieux et les ébranlent dans leur situation tant au plan familial que social. Il n’est pas jusqu’aux convictions religieuses de beaucoup de chrétiens de ces groupes sociaux qui ne soient troublées par les évolutions et les tensions excessives qui se manifestent dans la vie de l’Eglise. Un profond besoin de foi et d’espérance se fait sentir: le MIAMSI, par ses membres, peut contribuer et contribue, sans nul doute, à y répondre.

Cette IV Assemblée générale sera l’occasion d’une prise de conscience nouvelle à cet égard en raison même du thème de réflexion qu’elle se propose: «Politique, Economie, Culture: défis à notre Foi?». Les délégués de votre mouvement implanté maintenant dans la quasi-totalité des continents pourront témoigner de l’importance de cette interrogation dans leur vie. Ce large éventail de participation invite votre assemblée à une vision internationale et diversifiée des questions qui lui sont posées à ce sujet.

La foi et la préoccupation apostolique communes qui animent vos délégations seront garantes de l’écoute et de l’accueil mutuels qui doivent marquer vos échanges.

Cette rencontre a déjà fait l’objet, dans les Equipes, d’une importante préparation et de rapports qui témoignent amplement de la façon dont les problèmes sont perçus dans les associations nationales. Il vous appartient, non seulement de rapprocher ces visions fragmentaires, mais d’en dégager le sens et encore plus de chercher ce que le Christ attend des chrétiens en ces domaines.

Pour contribuer à cet éclairage, sans entrer dans le détail des questions propres à chacun de ces domaines politique, économique, culturel, il semble important de dégager quelques lignes maîtresses susceptibles d’introduire et d’encadrer votre réflexion: les références à méditer, le spécifique de la foi et du temporel, leur distinction et leurs rapports mutuels, les conditions d’intervention de l’Eglise et de ses mouvements dans les structures de la société, l’action apostolique de votre mouvement.


RÉFÉRENCES À MÉDITER

Assurément votre vaste programme rejoint trois dimensions de l’activité humaine en ce monde qui sont capitales. Le destin et la vie terrestres des hommes et des peuples seront largement influencées dans les décennies à venir par la manière dont l’actuelle génération cherchera à harmoniser ces réalités politiques, économiques et culturelles avec le bien authentique des hommes. La vocation des laïcs catholiques est de contribuer à l’aménagement de ces réalités à la lumière de la foi. Pour cela, l’Evangile apporte un éclairage décisif sur les fins et sur les comportements. Dans son inspiration, l’Eglise a élaboré, surtout depuis un siècle, un enseignement qui donne des principes essentiels. Et plus précisément la Constitution «Gaudium et Spes» du Concile Vatican II a tracé des jalons fondamentaux pour la réflexion chrétienne sur les trois problèmes en question, leur consacrant à chacun un chapitre entier: Essor de la culture, Vie économique et sociale, Vie de la communauté politique. Le Saint-Père a continué de baliser la route en particulier par son Encyclique «Populorum Progressio», sa Lettre «Octogesima Adveniens», et nombre de ses Messages et allocutions hebdomadaires. Voilà des références dont votre Assemblée doit tenir grandement compte.

LE SPÉCIFIQUE DE LA FOI CHRÉTIENNE

Il importe d’abord de bien situer le sens et le contenu de la Bonne Nouvelle évangélique, ou, si l’on veut, le spécifique de la foi chrétienne. Celle-ci nous révèle que la finalité de l’homme est de vivre en fils de Dieu de la vie même de Jésus-Christ son Sauveur au sein de l’Eglise à laquelle il est agrégé par le baptême, et de s’acheminer avec ses frères vers le salut éternel et l’épanouissement plénier que Dieu réserve à ses enfants dans sa gloire.

Cette vocation constitue son éminente dignité; elle comporte des exigences radicales que le «Sermon sur la montagne» a esquissées à tout jamais en traits fulgurants; elle suppose par dessus tout l’amour filial de Dieu qui nous a aimés le premier et un amour du prochain qui traite tout être humain comme un frère. Ce don et cet appel saisissent l’homme où il est, quelque soit sa condition de vie, son appartenance culturelle ou raciale, son environnement social ou politique; dans ce sens l’évangélisation et l’adhésion à la foi ne dépendent pas de la réalisation préalable de telles ou telles conditions temporelles.


DEUX DOMAINES DISTINCTS ET COMPLÉMENTAIRES

Il y a donc une autonomie fondamentale de la foi et des fins de l’Eglise par rapport aux structures qui visent l’aménagement de la vie terrestre des hommes, de leur cité, qui ont leurs lois et leurs valeurs propres en vertu de la création (Cfr. Gaudium et Spes GS 36, par. 2).

Cependant il y a des rapports mutuels entre l’Eglise et le monde, un dialogue et des échanges fructueux (Gaudium et Spes GS 40). Car l’Evangile est annoncé à des hommes situés dans une culture précise, avec leur langage et leurs coutumes; leurs conditions économiques et politiques importent grandement à l’Eglise en ce sens qu’elles favorisent ou freinent l’épanouissement des valeurs évangéliques. Réciproquement la foi des chrétiens exerce une influence profonde sur la vie des hommes et leurs engagements sociaux: elle les invite à manifester l’amour de Jésus-Christ pour leurs frères humains et à intervenir, au nom de cet amour, pour que la société respecte et promeuve, par ses lois et ses institutions, la dignité des hommes et leur vocation plénière. La Constitution «Gaudium et Spes» concluait de telles considérations par ces termes: «S’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du Règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine» (Ibid. 39, par. 3).

CONDITIONS D’INTERVENTION DE L’EGLISE ET DES MOUVEMENTS

Il est donc bien dans l’ordre de la foi que les chrétiens agissent de telle sorte que la société soit organisée en vue du bien intégral de l’homme et de tous les hommes, selon le plan de Dieu. C’est la vocation propre des laïcs dans l’Eglise, c’est leur responsabilité de chrétiens dans la cité (Cfr. Lumen Gentium LG 31). Cela suppose de leur part une assimilation personnelle du message chrétien, en communion avec les Pasteurs de l’Eglise dont c’est aussi la mission d’éclairer les chrétiens aux conditions d’un monde juste, fraternel et pacifique.

Bien des mouvements aujourd’hui ont la préoccupation d’éveiller leurs membres à un témoignage de leur foi au regard des réalités temporelles dans lesquelles ils vivent. L’Eglise les y encourage, mais elle attend de ces mouvements liés à sa mission qu’ils évitent des confusions dommageables.

Ce n’est pas au nom de la Foi, au nom de l’Evangile, que l’on peut proposer telle solution concrète en politique ou en économie. Il n’appartient ni à l’Eglise, ni à un mouvement apostolique de l’Eglise qui veut vraiment concerner les chrétiens de tout un milieu social, au plan national ou international, de formuler de schémas de société, de se prononcer pour ou contre telle organisation technique qui peut légitimement faire l’objet d’appréciations diverses chez les chrétiens. Un véritable pluralisme d’options et de choix temporels compatibles avec les principes évangéliques doit être respecté. Ces choix concrets se prennent dans des organisations professionnelles, syndicales ou politiques comme telles, sans que l’Eglise soit liée à aucune d’elles.

Mais ce pluralisme ne signifie pas que la foi soit complètement séparée des engagements politiques ou économiques. L’Evangile n’est pas indifférent aux motivations, ni aux moyens ni aux finalités de ces engagements. Et il est au moins un certain nombre de principes qui doivent dans tous les cas inspirer les chrétiens, susciter à l’occasion un témoignage collectif des pasteurs ou du laïcat chrétien en amenant ceux-ci à poser des interrogations ou des critiques à des choix politiques ou économiques en contraste formel avec ces principes. On peut citer au moins la défense, la protection et le soutien des plus pauvres, des plus faibles, des marginaux, des exploités; le respect de la vie de la personne humaine à toutes les étapes de son existence; la priorité accordée à la personne sur les intérêts économiques; le fait de concevoir l’activité politique moins comme un pouvoir que comme un service; la destination universelle des biens de la terre qui ne peut autoriser une minorité à les accaparer au détriment des autres ou à mettre des hommes dans l’incapacité d’accéder à une vie normale.

En ce sens la politique, l’économie et la culture lancent bien un défi à la foi, à l’Eglise, à votre mouvement pour porter témoignage de valeurs chrétiennes au regard de choix temporels sans se laisser enfermer par aucun d’eux.


ACTION APOSTOLIQUE DU MIAMSI

Dans le sillage de ces réflexions, il appartient à votre mouvement de se tracer les voies d’approche aptes à engager les milieux indépendants dans leurs responsabilités sociales, dans le respect de la spécificité et de la finalité apostoliques du MIAMSI. C’est l’édification de l’Eglise qui est première pour celui-ci. Selon sa vocation originelle, il s’inscrit comme instrument d’Eglise propre à éveiller et guider les consciences des personnes pour les aider à réaliser, à travers la gérance des choses temporelles, le dessein de salut que le Christ a formé pour le monde. Votre mouvement les invite à identifier les valeurs et les déficiences de leur milieu social pour découvrir les motivations réelles de ses attitudes vis à vis des réalités politiques, économiques et culturelles.

Loin d’être un pur exercice d’analyse sociologique, ce travail de réflexion en profondeur, entrepris à la lumière de la foi, constitue en vérité un acte essentiel d’apostolat qu’il faut poursuivre. Il vise en effet à déceler, avec les valeurs indéniables et riches de possibilités dont la Providence a dotés ces milieux sociaux, les noeuds d’égoïsme et d’intérêt particulier qui se forment souvent au coeur des personnes pourvues, dans l’épaisseur de leurs habitudes et de leurs solidarités sociales derrière lesquelles elles sont tentées de se retrancher. Cette recherche sincère ne peut qu’ouvrir aux appels de la grâce et à la conversion intérieure, d’où peuvent naître, appliquées aux domaines qui font l’objet de cette réflexion, des initiatives de service et d’engagement inspirées par une foi éclairée?

Dans le même mouvement de libération intérieure et de disponibilité le MIAMSI est appelé à ouvrir le regard et le coeur de ses membres à une vision universelle des besoins des hommes. Il faut souhaiter que son action éducative se vérifie dans l’effort d’attention et d’information que ses membres porteront sur les diverses situations dans le monde, notamment sur les souffrances des peuples pauvres ou privés des libertés essentielles; dans l’accueil qu’ils feront à des langages ou des cultures différents; dans la volonté d’effacement qu’ils manifesteront pour en permettre l’expression; dans l’intérêt ou la participation que les personnes de vos milieux accorderont au travail des institutions internationales chargées de promouvoir le progrès des peuples.


INVITATION À L’ESPÉRANCE

S’il est bien vrai que les grandes interpellations du monde sont un défi à la foi, des chrétiens doivent se souvenir qu’ils sont soutenus par l’espérance pour les accueillir, une espérance en pleine activité en ce monde même, parce qu’elle est celle du Christ qui nous a promis son retour à l’heure de la parousie qui consacrera l’achèvement de la création dans la glorification du Seigneur. Cette promesse, il faut la vivre dans la prière qui rend docile aux inspirations de l’Esprit-Saint et disponible pour la construction de l’Eglise dans le monde.


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