Discours 1977 78

LE RÔLE PRIMORDIAL DE LA FAMILLE



Evêques Autrichiens

Le Saint-Père a reçu en audience, à Castel Gandolfo, le mardi 13 septembre, les Archevêques et Evêques d’Autriche. Autour du Cardinal Franz Kônig, archevêque de Vienne, se trouvaient l’Archevêque de Salzburg, l’Archevêque Coadjuteur de Vienne, les Evêques d’Innsbruck, de Gurk, de Linz, de Peldkirch, d’Eisenstadt, de Sankt Polten et de Graz-Seckau. Paul VI s’est adressé en latin à ses visiteurs, répondant ainsi aux paroles du Cardinal F. Kônig. Voici la traduction de l’allocution du Saint-Père.



Vénérables Frères,



De tout coeur, nous saluons votre groupe heureusement rassemblé pour cette commune visite « ad limina ». En vos personnes et par votre intermédiaire — puisque vous êtes précisément les évêques de tous les diocèses d’Autriche — nous saluons de loin vos frères, évêques et prêtres, ainsi que les membres des familles religieuses sans oublier chacun des fidèles des diocèses de votre pays.

79 Nous vous remercions beaucoup, vénérable Frère, des paroles d’hommage que vous nous avez adressées de la part de tous les évêques également présents ici. Nous saisissons volontiers cette occasion de vous féliciter de votre jubilé d’argent dans l’épiscopat et Nous prions pour que votre activité continue à porter ses fruits dans cette fonction épiscopale selon les termes de la lettre que Nous vous avons déjà adressée.

Vénérables Frères, votre visite « ad limina » — c’est-à-dire aux tombeaux mêmes des apôtres — qui s’accompagne de votre rapport quinquennal sur la vie ecclésiale et religieuse de vos diocèses vous donne l’occasion souhaitable et très opportune de regarder de plus haut votre tâche d’évêques dans l’Eglise et dans la société de ce temps, pour évaluer avec soin l’oeuvre déjà accomplie et pour entrer dans de nouvelles perspectives et de nouveaux projets. Mais cette visite même est d’abord la raison pour laquelle nous rendons grâces et louanges à Dieu qui est l’auteur de tout bien.

Comme vous l’avez indiqué, vénérable Frère, dans votre adresse et en attendant la connaissance plus précise que nous en aurons par la suite dans vos rapports, la vie religieuse et ecclésiale manifeste aujourd’hui dans la plupart de vos communautés locales de nombreux signes d’un renouveau qui va en s’élargissant et de nouvelles réalisations porteuses d’une grande espérance, même si de nombreuses difficultés et des dangers menacent. Vous avez rappelé vous-même le progrès de l’apostolat des laïcs et le nombre légèrement croissant des vocations sacerdotales et religieuses ainsi que l’estime retrouvée pour la vie de prière. Ces indices réconfortants sont finalement le fruit de votre activité infatigable, de l’aide pastorale des prêtres et de l’obéissance vivante de vos fidèles qui suivent la doctrine et les indications du Concile Vatican II. D’autre part, vos synodes diocésains qui ont traité de ces questions, rendent un témoignage éclatant à cette vérité. Dieu qui, par ce Concile, a accordé à notre siècle un singulier temps de grâce, ne manquera pas, moyennant notre persévérance et notre action patiente, d’augmenter ce don de la grâce, de déployer le salut en faveur des hommes et enfin de l’accomplir en plénitude.

Après avoir sainement adapté et organisé le domaine de la sainte liturgie et de l’action pastorale, l’Eglise dirige maintenant son esprit avec une plus grande attention vers sa tâche principale qui est l’annonce de la bonne nouvelle et la tradition de la foi, l’évangélisation et la catéchèse. C’est ce dont témoignent très clairement les sujets abordés par le précédent et, bientôt, par le prochain Synode des Evêques.

Fides ex auditu, déclare l’Apôtre Paul et il pose en même temps la question « Comment croiront-ils s’ils n’ont personne à entendre ? Comment entendront-ils sans personne qui leur prêche ? » (
Rm 10,17 Rm 14). Ainsi, dans le processus de renouveau qui suit le Concile, la principale tâche qui nous est assignée est l’annonce courageuse et fidèle de la foi, annonce cependant adaptée à notre temps. « A temps et à contre-temps » (2Tm 4,2), c’est ainsi qu’il faut la proclamer encore dans la société d’aujourd’hui où le pluralisme est en vigueur. La parole de Dieu dans son intégralité, sa sainte volonté et sa loi doivent être rappelées aux esprits et à la mémoire comme la règle suprême et valide de l’action morale des-hommes. C’est ce que vous avez fait récemment avec fermeté, vénérables Frères, au cours du débat sur l’inviolable dignité et sur la protection de la vie humaine. Ne vous laissez ni abattre ni affaiblir devant ce triste état de la situation. Car plus, aujourd’hui, dans les nations et les sociétés, les principes moraux élémentaires et les normes de l’honnêteté dans l’agir sont mis en doute, plus courageusement et plus ardemment il nous faut annoncer, avant tout, aux fidèles l’Evangile de Jésus Christ, l’Evangile tout entier. Plus, il nous faut les former et les instruire pour qu’ils deviennent des chrétiens adultes qui puissent confesser la foi chrétienne selon leur conviction intime et mettre leur vie en harmonie avec cette foi.

Pour cela, c’est surtout l’enseignement de la foi et l’éducation de la foi dans les écoles et, à plus forte raison, dans les familles qui sont d’une première valeur. C’est pourquoi Nous nous réjouissons de voir que l’intention de votre Conférence épiscopale est de faire porter votre réflexion particulière et vos soins sur la famille elle-même ; vous envisagez même de célébrer une « année de la famille ». Le souci du mariage et de la famille est la première des tâches urgentes d’une pastorale qui veut être en contact avec la vie et répondre aux besoins de notre temps. La famille, en effet, est la cellule principale non seulement de la société humaine, mais aussi de l’Eglise elle-même. A juste titre, le Concile Vatican II appelle la famille « l’Eglise domestique pour ainsi dire » ; là, « par leur parole et par leur exemple, les parents sont les premiers annonciateurs de la foi pour leurs enfants » (Lumen Gentium, LG 11).

D’une situation familiale saine et solide — la famille, en effet, est la source de toute la vie religieuse des hommes — on peut attendre des impulsions très efficaces pour le renouveau et l’éveil dans les communautés paroissiales, diocésaines, et également dans l’Eglise universelle. Ce sera donc la tâche éminente des prêtres et des pasteurs d’aider les familles par leur parole vivante, par leurs conseils et leurs actes, à reconnaître et à exprimer les qualités abondantes qui existent déjà en elles, et, en même temps à leur montrer de quelle manière ces qualités peuvent être développées et utilisées dans la vie de la société De plus, une famille qui vit vraiment une vie chrétienne se transforme à son tour en une famille active et apostolique au milieu des circonstances de la vie quotidienne. Que ces familles puissent faire face aux besoins pressants de l’Eglise car ils se font durement sentir; qu’elles deviennent — selon la conviction du Concile — « des séminaires... de l’apostolat des laïcs et de la vocation sacerdotale et religieuse » (Ad Gentes, AGD 19). Dans un autre document, le Concile enseigne également : « Les familles-animées de l’esprit de foi, de charité et de piété... sont comme un premier séminaire » (Optatam Totius, OT 2).

C’est pourquoi, en vous bénissant, Nous prions pour vous-mêmes et pour vos collaborateurs pour qu’une pastorale renouvelée de la famille fasse mûrir les précieux fruits que l’Eglise d’aujourd’hui attend ardemment. Enfin Nous implorons sur votre activité épiscopale la lumière de Dieu et le secours de la grâce et, en gage des dons célestes, Nous vous donnons de tout coeur une particulière Bénédiction apostolique à vous-mêmes, à vos Frères dans l’épiscopat, aux prêtres, aux religieux ainsi qu’aux fidèles de tous vos diocèses — en particulier aux malades et à ceux qui souffrent.






24 septembre



AVANT TOUT, FORMER L’ÂME DES APÔTRES MODERNES



Le samedi 24 septembre, le Pape a reçu en audience spéciale les Evêques de la région parisienne, venus à Rome pour la visite « ad limina ». Autour du Cardinal Marty, archevêque de Paris, ce sont les Evêques de Versailles, Nanterre, Créteil, Pantoise, Meaux, les auxiliaires de Paris et de Corbeil qui étaient présents. Le Pape s’est adressé à eux en français et nous donnons ici le texte de son allocution, en réponse à l’adresse présentée par le Cardinal François Marty.



Chers Frères dans le Christ,



80 Merci de ce témoignage de votre fidèle attachement. Oui, notre joie est grande de vous accueillir ici, tous et chacun. Vous d’abord, cher Cardinal Marty : Evêque de la capitale française, vous êtes en quelque sorte exposé au premier rang, pour les responsabilités comme pour les tribulations ! Il vous faut maintenir le cap sur la vérité, avec charité, au milieu des vents contraires ! Nous saluons aussi chacun d’entre vous, qui devez guider vers Dieu une portion déterminée de la région parisienne, tout en demeurant étroitement solidaires dans l’évangélisation, comme le requièrent à la fois votre collégialité et l’enchevêtrement des réalités sociales complexes de l’Ile-de-France. Recevez avant tout l’encouragement de celui qui porte comme vous la charge d’un grand diocèse et, à un titre particulier, la responsabilité de l’unité de la fidélité et de la mission de l’ensemble de l’Eglise.

Voilà tout juste six ans aujourd’hui en effet — la plupart d’entre vous étaient présents — vous étiez déjà venus ensemble Nous entretenir des problèmes pastoraux de Paris et de sa région, et faire le point sur l’expérience de la restructuration des diocèses. Nous avons gardé un très bon souvenir de cet échange fraternel.

Cette année, pour la visite « ad limina », l’accueil des Evêques par groupes régionaux a été la règle quasi générale. Cette façon de procéder s’est révélée bénéfique, non seulement pour Nous, mais pour les Evêques et pour les Dicastères de la Curie. Notre échange, ce matin, sera limité par le temps, mais Nous avons déjà étudié votre rapport régional, en appréciant sa clarté, ainsi que la lucidité et le sens missionnaire qui vous animent.

D’emblée Nous confirmons ce qui doit être l’objectif de votre ministère épiscopal : annoncer le Christ au peuple qui vous est confié, en favoriser l’annonce authentique par tous ceux qui coopèrent avec vous, prêtres, religieuses et laïcs.

L’annoncer aux mondes divers et complexes que vous analysez successivement : monde ouvrier, jeunes scolarisés, monde de la recherche scientifique — le fameux Plateau de l’Atome — monde de la santé, immigrés ; croyants marqués par une longue et riche tradition chrétienne, mal-croyants, incroyants sous l’effet conjugué du déracinement humain et des courants de pensée athées, menant leur vie et même édifiant leur idéal en dehors des perspectives de toute foi et de la familiarité avec toute Eglise, étrangers, apparemment, au sens même de Dieu.

Votre rapport insiste beaucoup sur cette incroyance enveloppante, qui va bien au-delà d’un manque de pratique religieuse encore que celui-ci soit déjà un signe inquiétant de l’atrophie chrétienne ! Ce climat atteint le jeune âge où un nombre important d’enfants, dites-vous, ne sont plus catéchisés, pendant que certains jeunes catéchisés manifestent déjà une réticence à professer la foi de l’Eglise. On constate partout une indifférence ou une incroyance propres à la génération des quinze-vingt ans, puis, à un autre niveau, pour beaucoup d’hommes et de femmes atteignant la maturité de la quarantaine. Qu’est-ce qui est généralement en cause ? La question théorique de l’accord entre vérités de foi, d’une part, et vérités de raison ou de science, d’autre part, n’est pas à minimiser : faute d’approfondir ce rapport, un malaise diffus demeure, qui sert de justification à une distance vis-à-vis de l’Eglise ou à un rejet. Mais la cause déterminante n’est-elle pas la difficulté croissante d’harmoniser les attitudes de foi et le style de vie entraîné par la culture moderne ? C’est souvent la vie, la vie matérialiste et permissive, qui éloigne de la foi. Et les moyens de la foi. Et les moyens de communication sociale, qui font évidemment un très large écho à ces perspectives étrangères à la foi, contribuent beaucoup à relativiser les convictions morales et religieuses.

Nous avons noté tout cela avec gravité, sans Nous départir cependant de l’espérance. D’abord parce que cette crise peut être une épreuve purificatrice, elle doit être un immense défi salutaire. Et, de fait, vous enregistrez déjà des signes positifs d’approfondissement de la foi, de vigueur spirituelle et apostolique. Les fidèles sont invités d’abord à mieux connaître leurs frères indifférents ou incroyants. Ensuite ils peuvent déjà dialoguer et faire avec eux un long chemin à la recherche d’un monde plus humain, où l’homme ne soit plus défiguré par un progrès industriel mal maîtrisé où il ne se contente pas d’accumuler richesses ou plaisirs, mais se soucie de la qualité des relations et du sens de la vie, se préoccupe pour les autres de justice et de paix. Cet idéal, beaucoup d’hommes de bonne volonté le poursuivent avec nous. En ce qui Nous concerne, n’est-ce pas le leitmotiv de l’action du Saint-Siège au niveau des organisations internationales ? Mais l’évangélisation proprement dite demande plus encore: les chrétiens sont appelés à présenter le message du salut à leurs frères incroyants, et d’abord à se mettre eux-mêmes en état de conversion, à vivre dans la ligne du sermon sur la montagne.

Précisément l’effort missionnaire est l’une des questions que vous Nous avez soumises en priorité. Là-dessus, Nous n’avons évidemment pas de recettes, de formules inédites ou définitives à vous proposer. Nous vous savons d’ailleurs très attentifs à chercher patiemment, et en coresponsabilité, la meilleure pédagogie pastorale. Evitons d’abord que des slogans simplificateurs, ou erronés parce qu’ils ne contiennent qu’une part de vérité, n’entretiennent de faux espoirs, par exemple : « Acceptons qu’il y ait moins de prêtres; l’apostolat sera mieux le fait des laïcs » ; ou encore : « Il ne faut pas s’obnubiler sur le culte ou sur le respect du sacré, il faut susciter la foi ». D’autres disent : « Le partage delà vie est le principal apostolat » ; et « L’ère des institutions chrétiennes est périmée, l’essentiel est ailleurs ». En réalité, la mission est autrement plus sérieuse et complexe : il faut démythifier de tels raisonnements pour discerner et mettre en oeuvre l’essentiel.

Pour notre part Nous insistons sur ceci : ce qu’il faut avant tout, c’est former l’âme des apôtres modernes, à l’école des maîtres de l’évangélisation dans l’histoire de l’Eglise — Paris en a compté de merveilleux — et d’abord à l’école de saint Paul, l’Apôtre des païens. Certes, Paul n’a pas connu le monde athée au sens moderne du mot mais il a dû prêcher le Christ à un monde étranger à son mystère paradoxal. Plus les idéologies se font séduisantes, plus l’apôtre doit intensifier sa contemplation du Christ Sauveur, dans l’écoute de sa Parole, dans la prière, dans l’appel de son Esprit, dans la pratique de sa charité, dans l’acceptation de sa croix, dans l’espérance du renouveau de sa Pâque. Il est certain que l’apôtre doit partager de très près la vie des hommes de son milieu et s’ouvrir aux nouvelles cultures qui les marquent, pour être admis à témoigner de sa foi comme un frère et à poser, de l’intérieur, les questions du discernement évangélique : « Juif avec les juifs, grec avec les grecs » (
1Co 9,20). Mais l’apôtre doit impérieusement garder son identité de croyant, prêtre, religieux ou laïc, et son témoignage ne peut éviter d’avoir un caractère mystérieux, nouveau, autre, pour ne pas dire abrupt et étrange par rapport à la vie du monde au sens johannique du terme : « Nous annonçons ce qui n’est pas monté au coeur de l’homme » (1Co 2,9). Il s’agit d’un message de salut. Aujourd’hui, on constate : « la foi ne va plus de soi » n’est-ce pas en fait sa condition normale, originale, évangélique ? C’est ce qui rebute certains, c’est aussi, Dieu merci, ce qui réveille et séduit beaucoup d’autres.

Il nous faut donc annoncer le Christ dans la plénitude de son mystère, dans sa vérité, — comme vous le dites, les questions doctrinales sont capitales — : Jésus Christ fils de Dieu, proche des hommes, miséricordieux pour tous et les appelant en même temps à la sainteté, instaurant la fraternité entre les hommes sans la séparer de la reconnaissance de la paternité de Dieu.

Il nous faut l’annoncer avec courage: le courage de la charité qui partage à fond les épreuves et les espoirs des hommes, « le courage aussi de certains « non » à des manières de vivre et d’agir qui ne sont plus en conformité avec l’Evangile », comme le disait judicieusement un document de votre Assemblée de Lourdes de l’an dernier (« Construire l’Eglise ensemble, dix ans après le Concile », Le Centurion, 1976, p. 68) Le témoignage de vie ne suffît pas, le même document le soulignait : il faut annoncer le Christ haut et clair, de façon explicite et directe sans se laisser paralyser par la crainte de ne pas trouver le langage parfaitement adéquat, assurément difficile.

81 Autre exigence dans un monde de plus en plus sécularisé : il faut maintenir, transformer ou créer des signes de la foi chrétienne, facilement reconnaissables, bien lisibles par la grande masse de nos contemporains. Entre un triomphalisme désuet et un parti pris de discrétion et d’anonymat, il est indispensable de garder le juste milieu : « la lampe doit briller sur le lampadaire » (Mt 5,15). Pendant que le monde déploie ses réalisations humaines, techniques ou culturelles, l’Eglise n’a pas à s’enfermer dans une vie souterraine si on ne l’y contraint pas; elle doit offrir ses possibilités spécifiques de rencontrer Jésus-Christ et de le servir dans ses frères. Citons à titre d’exemples : lieux de contemplation, petites communautés chrétiennes d’échange et de prière, grands rassemblements paroissiaux, communautés religieuses connues comme telles, services éducatifs et caritatifs, centres de culture religieuse, etc., qui soient comme autant de points de repère, de sources vives dans un monde qui tarit facilement les relations avec Dieu et réduit les vraies relations humaines. Ces témoignages d’Eglise ne sont-ils pas des institutions chrétiennes au sens large du terme, d’une utilité indiscutable dans des agglomérations tentaculaires comme les vôtres ?

Nous aurions aimé aborder avec vous l’évangélisation de plusieurs secteurs missionnaires: le monde ouvrier où un effort considérable a été entrepris et qu’il faut poursuivre ; le monde des intellectuels, des scientifiques, des étudiants : peuvent-ils demeurer ouverts aux perspectives de la foi ? Cette situation Nous préoccupe beaucoup, et exige sans doute qu’on intensifie de multiples manières une pastorale de la pensée. Nous nous arrêterons à la situation des étrangers.

En lisant vos rapports quinquennaux, Nous avons évidemment été frappé par le caractère tout à fait cosmopolite de la région parisienne. Nous n’avons aucune peine à imaginer les foules qui déferlent sur vos cités : les visiteurs qui envahissent Notre-Dame, le Louvre, Montmartre, Versailles, Fontainebleau etc. les congressistes qui viennent de tous les horizons aux fréquents rendez-vous parisiens de l’intelligentsia internationale, les milliers et les milliers d’étudiants qui font du quartier Latin un véritable microcosme, et plus encore le million et demi de travailleurs migrants, à tel point que Paris est comme la seconde ville du Portugal et que la religion musulmane y occupe la seconde place.

Nous savons que dans vos diocèses respectifs, vous avez accompli des efforts remarquables pour faire face à ce phénomène submergeant. Que de lieux et d’équipes d’accueil et d’entraide ont vu le jour et ont fait un bon travail humanitaire et évangélique, dans des conditions fréquentes de précarité et parfois d’incompréhension ! Mais l’accoutumance à ces foules étrangères, peut-être même l’indifférence, risque de démobiliser les chrétiens et les gens de bonne volonté, d’autant plus qu’un petit nombre de migrants par exemple laisse aux yeux d’observateurs pressés l’impression d’une certaine réussite matérielle, alors que la majorité vit encore dans des conditions modestes ou parfois même dans la misère.

Aujourd’hui Nous tenons à vous encourager et à encourager tous ceux qui se consacrent à l’accueil des étrangers spécialement des travailleurs, à ne point relâcher les efforts. Une constante du message biblique et évangélique est bien l’hospitalité. Une nation se grandit toujours et des communautés chrétiennes deviennent crédibles lorsque, avec magnanimité et réalisme, respect de l’identité des personnes et souci de leur promotion, elles donnent une priorité réfléchie et persévérante aux problèmes et aux souffrances souvent profondes de leurs frères étrangers, problèmes et souffrances que la récession économique rend plus délicats aujourd’hui. Oh oui, gardez soigneusement et développez encore, parmi les effectifs apostoliques de vos diocèses, les équipes de spécialistes et de bénévoles pour ce travail ecclésial, vraiment essentiel à l’heure actuelle !

Au terme de ce moment de profonde communion à nos charges pastorales, assurément diverses mais nécessairement complémentaires pour la croissance et l’unité de l’unique Peuple de Dieu, il nous faut faire ensemble un bond dans l’espérance! Les problèmes regardés ensemble et tant d’autres qu’il nous faut prendre à bras le corps, sans apercevoir toujours le temps et les modalités de leurs solutions, peuvent engendrer dans nos coeurs de Pasteurs, le sentiment d’être submergés, impuissants ! Oh ! Frères très chers, plus que jamais gardons toujours notre sang-froid face à tant de prophètes de malheur qui se réfugient dans les sécurités du passé ou s’égarent dans les hypothèses du futur. Mettons plus que jamais notre espérance dans le Christ-Jésus ! Cette période de l’histoire semble dépouiller les Pasteurs d’une audience et d’une efficacité sans doute plus faciles à d’autres époques. Il nous reste le moyen apparemment le plus pauvre la sainteté, la Sainteté de vie, la sainteté de Jésus-Christ en nous. C’est de cette sainteté du Christ, irradiant le monde à travers ses ministres, que les hommes ont besoin ! Avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique !








29 septembre



SOUS LA POUSSÉE DE L’ESPRIT EVANGÉLIQUE...



Le jeudi 29 septembre, le Saint-Père a reçu en audience un groupe d’Evêques de l’Allemagne Orientale. Etaient présents : le Cardinal Alfred Bengsch, Archevêque-Evêque de Berlin et président de la Conférence épiscopale d’Allemagne orientale, l’Evêque de Meissen, résidant à Dresde et l’Administrateur apostolique de Gorlitz.

Répondant aux voeux que le Cardinal Bengsch lui adressait, le Pape s’est adressé en latin à ses visiteurs. Voici la traduction de son allocution :



Vénérables Frères,



Nous vous exprimons avant tout notre reconnaissance pour vos salutations et vos témoignages de sincère attachement ; c’est ce que notre vénérable Frère Alfred, Cardinal Bengsch, Archevêque-Evêque de Berlin vient de nous dire en votre nom à tous. En vous remerciant donc beaucoup, nous vous accueillons de tout coeur dans notre maison et nous vous assurons de tout l’amour paternel dont nous sommes capables. En vos personnes nous désirons également saluer les dignes pasteurs des communautés chrétiennes : nous voulons parler de Berlin, de Meissen et de Gorlitz ainsi que de chacun des prêtres qui vous aident et des fidèles qui sont confiés à vos soins de pasteurs.

82 Vous n’êtes pas seulement venus ici pour « vénérer les tombeaux des apôtres Pierre et Paul » (Can 341, 1) — selon les normes canoniques actuellement en vigueur — mais aussi pour vous rassembler autour du successeur de Pierre et manifester cet accord du coeur et de l’esprit qui vous lie, vous et vos communautés chrétiennes, à Sa personne. En effet, par la volonté du Christ « Il est le principe et le fondement perpétuel et visible de l’unité aussi bien des évêques que de la multitude des évêques » (Lumen Gentium, LG 23). Ceci est le véritable sens de votre visite « ad limina apostolorum » : vous proclamez l’unité visible de l’Eglise autour du Souverain Pontife, et ce faisant, vous rendez plus évidente l’une des marques dont le Christ a voulu orner son Eglise.

Dans cette expérience de communion, il nous plaît de Nous entretenir avec vous de la vie de vos communautés chrétiennes. Déjà nous avons examiné avec soin le bref rapport que vous nous avez envoyé en préparation de cet entretien. Cet aperçu de la situation sera ensuite étudié par les différents Dicastères de la Curie Romaine à la lumière des rapports quinquennaux qui présentent l’état de chacune de vos juridictions ecclésiastiques. Mais dès maintenant il nous plaît de vous féliciter et de louer votre activité féconde qui vous fait vous efforcer, par votre action et vos initiatives, de pourvoir aux besoins les plus urgents de ce temps.

Vous connaissez encore mieux que Nous les difficultés que rencontre votre action pastorale. Mais nous ne serions pas les disciples fidèles du Divin Maître si nous n’avions pas confiance en Lui et si nous ne remplissions pas fidèlement notre charge « en espérant contre toute espérance » (Rm 4,18). C’est pourquoi, poussés par un véritable esprit évangélique, qui ne recherche que le bien des âmes, poursuivez votre ministère avec persévérance. Qu’il soit toujours un ministère de fidélité à l’égard des insignes trésors de la tradition chrétienne, que vous puissiez conserver et transmettre à des générations croissantes d’hommes qui ont faim et soif de la parole du Christ ; qu’il soit également un ministère de renouveau qui fera que vous puissiez, avec une audace évangélique, promouvoir les indications générales soulignées ou suggérées par le récent Concile Vatican II, ou même celles qui émergent des besoins actuels de vos communautés chrétiennes dans les circonstances de temps et de lieu où vous avez à travailler. Ceci est d’ailleurs la conduite évangélique du père de famille qui tire de son trésor « nova et vetera » (Mt 13,52).

En revenant dans vos régions, portez le salut du Souverain Pontife aux prêtres — ce sont eux vos aides, vos pourvoyeurs pour ainsi dire — aux hommes et aux femmes qui ont tant de mérite dans de si nombreuses oeuvres éducatives ou caritatives. Portez notre salut aux laïcs catholiques de vos diocèses. Mais surtout proclamez le salut du Père commun aux adolescents de vos pays, c’est-à-dire à tous ceux qui, dans les séminaires et les écoles, dans les associations catholiques et les paroisses, se préparent à l’avenir, soutenus par une foi solide dans le Christ et dans son Eglise. Nous savons très bien, avec quel soin particulier vous-mêmes vous suivez les adolescents. En effet, ces jours derniers, nous avons acquis cette certitude en relisant vos lettres pastorales communes, qu’en union avec les autres Evêques de la République Démocratique Allemande vous avez envoyées à vos fidèles au mois de novembre 1974, sur l’instruction chrétienne de la jeunesse. Nous avons en même temps pris connaissance de vos projets, en consultant différents documents de votre Synode pastoral commun qui s’est achevé dans l’Eglise cathédrale de Dresde à la fin du mois de novembre 1975. Nous vous exhortons donc tous à poursuivre votre tâche et aussi à entreprendre des initiatives selon les idées que votre ardeur pastorale vous aura suggérées. Les difficultés dans lesquelles vous vous trouvez ne sont pas petites. Cependant tout le monde sait que l’Eglise doit poursuivre partout son oeuvre d’éducation de la jeunesse en union avec les familles chrétiennes, dans quelque condition sociale ou dans quelque situation qu’elle ait à vivre et à travailler (cf. Gaudium et Spes, GS 42).

Nous avons, tellement de choses à vous dire ! vénérables frères, d’autant plus que votre présence ici éveille en Nous de si nombreux souvenirs du passé et renforce en même temps les si nombreux liens d’affection qui nous lient actuellement à vos communautés chrétiennes. Mais qu’il vous suffise de savoir que Nous vous sommes proches aussi bien par la pensée que par une prière fervente pour que vous ayez la force « de combattre le bon combat de la foi » (1Tm 6,12).

Enfin, en gage de notre étroite communion, nous vous donnons du fond du coeur notre bénédiction apostolique.








30 septembre



LE PAPE SOULIGNE LES ASPECTS POSITIFS DU SYNODE





Vénérables frères et chers fils,



Nous avons entendu avec beaucoup de joie les paroles que notre vénérable Frère le cardinal Sébastien Baggio vient de prononcer en son nom et au nom de tous les membres de cette Assemblée Synodale. Nous le remercions vivement pour cette marque d’affection et de respect spécialement pour les excellents voeux qu’il nous a adressés pour notre 80° anniversaire. A cette étape de notre vie c’est notre volonté de consacrer totalement tout le temps que Dieu nous donne encore au bien de l’Eglise, afin que la Lumière Divine se diffuse et que s’opère le Salut des hommes.

Ce matin, à la Chapelle Sixtine, nous avons prié le Saint Esprit de répandre ses dons sur tous les membres de cette Assemblée. Nous avons maintenant la joie de saluer tous et chacun des participants et, d’une façon toute spéciale, ceux qui assistent pour la première fois au Synode. Nous nous réjouissons beaucoup de saluer cette cinquième Assemblée Synodale. La nouvelle institution de l’Eglise a fait d’heureux progrès et est devenue un instrument de communion entre le Pontife romain et les Evêques du monde entier.

Dix années se sont écoulées depuis le premier Synode des Evêques célébré en 1967. Nous sommes heureux d’affirmer que l’institution s’est appliquée à réaliser les objectifs généraux que Nous lui avons assignés dans notre Motu proprio Apostolica Sollicitudo du 15 Septembre 1967. Il Nous semble en effet que le lien et la coopération entre le Pontife romain et les Evêques du monde entier se sont affermis et sont devenus plus étroits; la situation des différentes Eglises particulières est mieux connue et comprise plus profondément ; l’accord des pensées est devenu plus grand, du moins en ce qui concerne les chapitres principaux de la doctrine et de la discipline dans la vie de l’Eglise.

83 Il nous faut donc rendre grâce à Dieu pour ces fruits précieux qui sont apparus dans son Eglise par ce nouveau « Conseil stable des Evêques ». En annonçant pour la première fois son institution,, dans notre discours d’ouverture à la dernière session du Concile Oecuménique Vatican II, le 14 Septembre 1965, Nous avons souligné que « cette nouvelle institution » était « pleine d’espérance » (AAS LVII, 1965, p. 804). Elle n’a pas déçu cette espérance ; Elle s’est avérée un instrument particulièrement approprié pour mieux connaître la situation des diverses Eglises particulières et pour promouvoir une coopération plus intense et une union plus forte avec l’Eglise de Rome, qui préside à l’Assemblée universelle de la charité (cf. S. Ignatius M., Ad Rom., Praef., éd. Funk 1P 252). Le Pontife romain bien qu’il reçoive du Christ la plénitude du pouvoir, a été aidé par cette institution en beaucoup de questions importantes qui ont été traitées par quatre Synodes successifs depuis 1967, avec la participation d’Evêques qui représentaient tous les évêques du monde.

Pour la cinquième Assemblée aussi, que Nous ouvrons maintenant, Nous attachons un grand prix à l’expérience que chacun de vous va apporter pour Nous aider. Il s’agit en effet de l’expérience de pasteurs éminents par leur intelligence et leur pratique, vivement conscients des diverses questions qui se posent aujourd’hui pour réaliser une catéchèse de plus en plus efficace dans l’Eglise, spécialement en ce qui concerne les enfants et les jeunes.

Au Synode de 1974, nous avons traité la question de l’évangélisation dans le monde de ce temps. Aujourd’hui Nous vous avons convoqués pour approfondir ensemble ce thème de la catéchèse qui comme l’a dit le Concile Oecuménique Vatican II, doit éclairer et fortifier la Foi, nourrir la vie selon l’esprit du Christ, conduire à une participation consciente et active au mystère liturgique (cf. Gravissimum educationis momentum).

Pour faire progresser la catéchèse dans l’Eglise Nous avons déjà approuvé, en lui donnant force de loi, un Directoire général de catéchèse préparé par la Sacrée Congrégation pour le clergé et publié le dimanche de Pâques 1971. Ce faisant, le Saint Siège non seulement répondait à un voeu formulé par le Concile Oecuménique Vatican II (cf. Christus Dominus, CD 44), mais il fournissait encore d’utiles principes théologiques et pastoraux pour orienter et coordonner la catéchèse dans l’Eglise (cf. AAS LXIV, 1972, PP 97-176). Cependant vu l’importance de cette question pour former la génération montante, Nous vous avons conviés à ce Synode pour approfondir encore la question.

C’est pourquoi, dans une affaire d’une telle importance pour l’activité de l’Eglise dans le monde de ce temps dans une affaire qui touche de si près sa mission de formation de la jeunesse, le Synode à son tour devra promouvoir l’unité d’action que tous attendent et d’où surgiront sans aucun doute des fruits abondants et heureux pour l’avenir.

Nous avons confié la charge de présider cette assemblée à nos vénérables frères les cardinaux Sébastien Baggio, Antoine Ribeiro et Hyacinthe Thiandoum, sûr que, grâce à leur expérience, ils s’appliqueront à assurer le déroulement fructueux et ordonné du Synode. Nous les remercions de leur disponibilité à assumer cette charge pour le service du Pontife romain et des Evêques que vous représentez ici.

Voilà les sentiments qui nous animent, vénérables frères et chers fils, en vous donnant de grand coeur Notre bénédiction apostolique, gage de la lumière et de la force de Dieu.






Discours 1977 78