Discours 1977 114

AU MÉTROPOLITE DE CHALCÉDOINE


Mercredi 7 décembre 1977




Eminence,

115 En cette période liturgique de l’Avent, qui souffle sur les Eglises chrétiennes le vent si tonifiant de l’espérance messianique, et en cet anniversaire de la journée historique du 7 décembre 1965, votre visite prend toute sa signification! Nous rendons grâces a Dieu pour ces rencontres fraternelles et régulières entre nos Eglises, et Nous félicitons Votre Eminence d’en être, pour sa part, l’artisan convaincu.

Oui, lentement mais sûrement, nos communautés s’acheminent vers la rencontre plénière. En ce moment, la formation d’une sous-commission orthodoxe chargée de prendre contact avec la sous-commission catholique analogue, en vue d’aboutir à la création d’une commission mixte pour le dialogue théologique, est un pas en avant que Nous considérons comme très important. Et le dialogue entre nos Eglises, se fondant sur la réalité sacramentelle elle-même, bénéficie d’une base solide qui fait espérer le dépassement des difficultés ne permettant pas encore une concélébration de l’Eucharistie.

Nous vous demandons d’exprimer à Sa Sainteté le Patriarche OEcuménique Dimitrios I nos sentiments d’affection fraternelle et notre espérance invincible dans l’aboutissement de nos communs efforts, humbles et loyaux, patients et répétés. Que l’Esprit d’unité et de sainteté renouvelle sans cesse le coeur des Pasteurs et des fidèles des communautés orthodoxes et catholiques, et les dispose toujours davantage à la réconciliation totale et définitive «pour que le monde croie»!




9 décembre



PAUL VI AUX MEMBRES DE LA COMMISSION « JUSTICE ET PAIX »



Le vendredi 9 décembre, le Pape a reçu en audience les membres de la Commission Pontificale « Justice et Paix », à l’issue de l’Assemblée Générale qui se tenait à Rome au Palais St Calixte, sous la présidence du Cardinal Bernardin Gantin. Paul VI a prononcé en français le discours suivant :



Monsieur le Cardinal, Messeigneurs, Mesdames, Messieurs,



Nous sommes très heureux d’accueillir ce matin notre Commission Justice et Paix à l’occasion de la première Assemblée générale qu’elle tient depuis qu’elle a reçu ses statuts définitifs. Nous nous tournons d’abord avec affection vers les nouveaux membres de cette Commission : hommes et femmes de professions et de milieux divers, vous représentez ici tous les continents, avec leurs aspirations. Nous saluons aussi nos Frères dans l’Episcopat qui sont parmi vous, les représentants des divers Dicastères, et enfin les responsables de la Commission, le cher Cardinal Bernardin Gantin, votre Président et ses collaborateurs.

Dans ce bref entretien, nous ne voudrions pas vous exprimer seulement notre satisfaction de vous voir réunis autour de nous et vous dire aussi combien nous comptons sur vous. Nous désirons également attirer votre attention sur quelques points essentiels de votre activité, afin d’éclairer le sens de la mission que nous vous avons confiée en vous appelant à faire partie de cette Commission.

Le premier point concerne la nature même de votre tâche, telle que le Motu Proprio Justitiam et Pacem l’a définie. Nous savons que ce texte s’est trouvé au centre de vos réflexions, et que vous avez déjà médité sur l’originalité des responsabilités que vous avez reçues. Grâce à Dieu, il ne manque pas d’organismes qui se sont fixés pour but l’étude des problèmes relatifs à la justice dans les divers domaines juridiques, économiques, politiques ou sociaux, et à l’action en sa faveur. Mais la Commission que vous formez s’en distingue essentiellement. En déterminant en effet ses structures définitives, nous avons indiqué clairement que nous entendions-établir, à l’intérieur de la Curie romaine, un organisme consacré à un service ecclésial précis et bien délimité, qui est d’étudier les problèmes de la justice et de la paix en vue de l’action ; mais dans une perspective pastorale d’évangélisation. Et c’est ici, chers amis, que votre expérience concrète et diversifiée est capitale : vous devez mettre votre connaissance du monde actuel et de ses besoins au service du Saint-Siège et de l’Eglise universelle. C’est ici aussi qu’on voit combien sont justifiées les directives du Motu Proprio qui vous donnent les membres de l’épiscopat, en chaque pays, comme interlocuteurs premiers et privilégiés (cf Justitiam et Pacem, II, 3) : d’une part, ils sont les premiers qualifiés pour vous faire entendre les aspirations qu’ils perçoivent dans le peuple qui leur est confié, et ils sont aussi, en tant que responsables de l’évangélisation, ceux qu’il convient d’informer et d’aider en priorité dans l’accomplissement de leur mission par rapport aux domaines de votre compétence.

Des perspectives immenses s’ouvrent devant vous pour cette tâche d’étude et d’animation. La Commission s’y est déjà bien engagée. Nous voulons simplement souligner avec insistance devant vous, ce sera notre second point, le passage du Motu Proprio concernant la pensée sociale de l’Eglise. Les textes du Magistère sont nombreux sur le sujet, et pas toujours assez connus, utilisés, mis en valeur. Par ailleurs, les problèmes sociaux évoluent, même à l’intérieur des sociétés industrielles ; ils changent de sens et il en apparaît de nouveaux, au plan des communautés nationales comme dans les rapports entre nations. Les chrétiens ne peuvent s’arrêter à la recherche d’un ordre économique plus juste à instaurer, mais, saisissant les aspirations à des relations nouvelles entre les personnes et entre les peuples, ils doivent montrer que de telles relations ne peuvent se fonder que sur une nouvelle hiérarchie des valeurs et, en définitive, sur la primauté du spirituel. Il vous revient d’agir comme le maître de maison de la parabole évangélique, qui tire de son trésor des valeurs anciennes et des valeurs nouvelles. Les principes de la doctrine sociale de l’Eglise sont toujours valables, mais ils doivent, pour être compris et être efficaces, trouver de nouvelles explicitations en fonction des données de notre temps et de ses besoins.

Bien d’autres secteurs connexes de réflexion et d’activité s’offrent à vous, que nous ne pouvons évoquer, sur les questions des droits de l’homme et des obligations qui en découlent, de la violence qui sape les bases de la convivance humaine, de la liberté religieuse qui n’est pas suffisamment garantie partout...

116 C’est donc une tâche importante qui vous attend. Il n’échappera à personne d’entre vous qu’un tel service d’Eglise requiert des orientations bien particulières. Nous n’hésitons pas à vous dire qu’elles sont d’abord spirituelles. Il vous faudra, certes accroître encore votre compétence dans vos domaines propres et perfectionner votre connaissance des problèmes actuels, mais il faudra aussi approfondir votre connaissance de la doctrine de l’Eglise et des exigences évangéliques, et il faudra avant tout développer votre sens de la prière et celui du sentire cum Ecclesia, afin de vous forger la mentalité vraiment catholique et pastorale nécessaire à votre tâche. Elle vous permettra cette largeur de vue que nous vous souhaitons, afin qu’en tout domaine vos efforts ne soient point isolés, accomplis en quelque sorte abstraitement, mais qu’ils trouvent place — comme vous-même dans notre Curie, si diverse et si unifiée en même temps — dans le souci unique de l’Eglise qui est d’assurer à tout homme sa dignité en ce monde et de lui ouvrir le Royaume de Dieu.

Nous savons avec quelle disponibilité et quelle générosité vous avez déjà répondu à notre appel. Nous vous en disons notre gratitude. Et surtout nous demandons au Seigneur, Auteur de tout bien, de faire fructifier vos efforts et de vous accorder l’amour de l’Eglise et de la fidélité indispensables à ceux qui veulent se mettre à son service. En son nom, de grand coeur, nous vous donnons la bénédiction apostolique.






9 décembre



AIDE INTERNATIONALE POUR LA RECONSTRUCTION DU VIETNAM



Le Vendredi 9 décembre, le Pape a reçu en audience le Cardinal M. Trinhu-Khué, archevêque d’Hanoï et son coadjuteur Mgr Paul Nguyên van Binh, archevêque d’Ho-chi-minh-ville, avant leur retour dans leur pays et après leur présence à Rome pour le Synode.

Le Pape leur a adressé, en français, les paroles suivantes :



Chers Frères dans le Christ,



Votre visite est pour nous un motif de très grande joie! Vous nous apportez, en effet, le témoignage émouvant et réconfortant de la fidélité et de l’affection, non seulement de vos grands diocèses d’Hanoi et de Ho-chi-minh-ville, mais de toute l’Eglise qui est au Vietnam. Nous apprécions vivement le geste des Autorités de votre Pays, qui ont accédé à notre demande et facilité votre venue au récent Synode Romain. Nous souhaitons vivement que, dans les occasions à venir, surtout lorsque nous avons recours à l’expérience et aux conseils de nos Frères dans l’Episcopat sur des questions qui intéressent l’Eglise universelle — c’est bien le cas des Assemblées synodales comme aussi des Réunions plénières des Congrégations Romaines — vous-mêmes ou d’autres Evêques du Vietnam, puissiez nous renouveler la joie d’une visite. En vous donnant aujourd’hui, à vous qui êtes ici ensemble pour la première fois, l’accolade fraternelle de la communion et de la paix, c’est à tous les Pasteurs vietnamiens du Nord, du Centre et du Sud qu’en esprit et vérité nous donnons ce signe d’affection. Mais c’est aussi aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes et aux parents, aux adolescents et aux enfants de toute la communauté catholique, disséminée à travers le pays, que nous redisons : « Vous avez une place toute particulière dans notre coeur et notre prière ». Pendant le Synode, vous avez fait entendre la voix, les souffrances et les espérances de votre peuple. Et, en même temps, vous avez respiré l’atmosphère d’une assemblée universelle, riche d’expériences et d’inspirations différentes, et cependant unanime, dans sa volonté d’approfondir les problèmes actuels de la catéchèse. La catéchèse est précisément la transmission méthodique et efficace de la Parole de Dieu. C’est en la recevant que les chrétiens peuvent affermir leur foi et soutenir leurs efforts de charité concrète et persévérante. C’est pourquoi la catéchèse est le premier devoir des Pasteurs. Et c’est pour cela que l’Eglise, avec autant de loyauté que de respect, demande partout dans le monde aux Autorités responsables, quel que soit le régime social et politique, la liberté d’accomplir sa mission, sans privilèges mais aussi sans empêchement d’aucune sorte.

Ajoutons encore ceci : la catéchèse fait que les croyants deviennent toujours plus conscients des responsabilités qui découlent de leur foi: l’amour de Dieu, la fidélité à sa Loi, le service désintéressé du prochain. Ces trois obligations les conduisent nécessairement à accomplir aussi, loyalement et exemplairement, leurs devoirs civiques, comme il convient aux membres conscients de la société à laquelle ils appartiennent, et dont le progrès moral et matériel doit leur tenir à coeur et provoquer leur engagement généreux.

Votre pays, sorti d’une longue guerre, sanglante et dévastatrice, est maintenant absorbé par la grande oeuvre de sa reconstruction. Une telle entreprise a besoin des forces de tous les citoyens. Vous nous avez donné le témoignage direct des sacrifices auxquels les catholiques vietnamiens, aussi bien que tous leurs frères, se soumettent généreusement pour hâter la renaissance du pays, en commençant par le développement des ressources essentielles, comme celles de l’alimentation. Le peuple vietnamien, dont la sobriété, la patience, le courage et la persévérance sont bien connues, fait face à une telle conjoncture. Nous sommes certain qu’il réussira son plan de redressement. Nous voudrions pourtant que ses efforts trouvent un concours de solidarité plus important, plus adapté et plus continu parmi les autres Nations. Hélas! c’est bien humain, une fois les passions de la guerre apaisées, l’attention mondiale, qui fut tout entière tournée vers le Vietnam, semble maintenant tournée vers d’autres régions et d’autres problèmes, comme si elle oubliait les pertes considérables, les dévastations, et toutes les privations laissées en héritage au peuple vietnamien par le terrible conflit que nous savons. Nous avons encouragé et nous encourageons toujours les organismes catholiques d’aide et d’assistance à offrir leur concours à votre pays, en privilégiant le secteur agricole et sanitaire, le monde des enfants, la promotion technique et professionnelle.

Grâce à une aide internationale en rapport avec les nécessités réelles, l’oeuvre de reconstruction avancera plus rapidement, et il en découlera un avantage important pour les populations, cependant que le Vietnam, accueilli cette année parmi les membres de l’ONU, trouvera cette insertion vraiment bénéfique, du fait de ses relations nombreuses et amicales dans le contexte pacifique des nations.

Nous qui avons suivi, depuis des années avec une sollicitude toute spéciale, les épreuves de votre peuple, nous sommes vraiment heureux, chaque fois que l’occasion se présente ou se présentera, d’avoir des contacts avec le peuple et avec les Autorités de votre pays, tellement nous sommes convaincu qu’ils peuvent être une source de grand bien pour l’Eglise et pour le Vietnam.

117 Dans cette espérance, nous vous demandons de transmettre, avec notre affectueuse bénédiction apostolique, notre salut chaleureux et nos meilleurs souhaits aux chers catholiques du Vietnam et à votre Nation tout entière.






22 décembre



MÉDITATION SUR L’ANNÉE 1977





Voeux du Pape à la Curie

Le jeudi 22 décembre, dans la Salle du Consistoire, Paul VI a, reçu le Sacré Collège des Cardinaux, la Famille Pontificale, la Curie et la Prélature à l’occasions des voeux de Noël. Le nouveau Doyen du Sacré Collège, le Cardinal Carlo Confalonieri, a présenté au Souverain Pontife une adresse d hommage et de voeux, au nom des présents. Le Saint-Père a répondu, en italien, par une sorte de méditation apostolique sur les événements de l’année 1977. Voici la traduction de son discours :



Messieurs les Cardinaux,

Et tous, vénérables Frères et chers Fils de la Curie romaine, nos collaborateurs appréciés !



Nous vous sommes très reconnaissant de votre présence aujourd’hui à l’occasion de la fête de Noël toute proche. La signification et le caractère affectueux de cette rencontre ont été dignement évoqués par le Cardinal Carlo Confalonieri, Doyen du Sacré Collège : en le remerciant de grand coeur d’avoir exprimé des sentiments aussi élevés, Nous sommes vraiment heureux d’en profiter pour lui adresser publiquement, et pour la première fois, notre satisfaction, nos félicitations et nos voeux pour son élection toute récente à la succession du regretté Cardinal Luigi Traglia, dont le souvenir reste ineffaçablement gravé en nos coeurs, comme l’image chère et souriante de la bonté humaine et sacerdotale.

Noël approche





La circonstance qui nous réunit est la Nativité prochaine du Seigneur. Nous l’avons tous attendue, dans une prière vigilante et confiante, pendant toute la période de l’Avent : rappeler la richesse des thèmes de ce « temps fort » très opportun de la sainte Liturgie aux foules des pèlerins qui sont venus nous rendre visite aux audiences générales de cette période, telle a été notre intention pastorale, telle fut aussi notre joie toujours renouvelée. Noël est proche désormais. Jésus vient : il vient parmi nous, pour renouveler le don de sa naissance terrestre, par la re-présentation mystérieuse et réelle de son avènement lointain, grâce à la célébration du Sacrifice divin ; il vient parmi nous pour prolonger cette présence sous les espèces du pain et du vin, comme il est présent dans la façon invisible et puissante de guider son Eglise, selon sa promesse « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20) ; il vient parmi nous pour habiter dans notre coeur par l’offrande ineffable de sa grâce, et il attend la réponse généreuse de notre assentiment : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20 cf. Jn Jn 14,21-23). En son Nom, nous abordons avec joie une nouvelle année de travail, persuadés que sa protection ne nous manquera jamais. Il Nous semble bon, en attendant, de revenir par la pensée aux étapes saillantes de l’année qui est en train de se terminer.

Notre quatre-vingtième anniversaire





Notre esprit se tourne spontanément, pour commencer, vers ce quatre-vingtième anniversaire que Nous avons célébré en septembre dernier. Nous sentons le besoin de remercier encore une fois tous nos fils pour la participation unanime prise à cet événement qui Nous a profondément fait réfléchir sur la fugacité du temps et sur la richesse des dons que Dieu nous a dispensés dans tout le cours de notre longue vie. Une circonstance que Nous pensions devoir considérer comme privée, dans le secret de notre intimité personnelle, est devenue au contraire une occasion de réaffirmation de la conscience ecclésiale. De tous les pays Nous sont arrivés en effet des témoignages très nombreux et affectueux venant d’Evêques, de diocèses et de paroisses, d’organismes catholiques, de prêtres et de familles religieuses, d’enfants et de jeunes, d’hommes et de femmes de tout âge et de toute condition sociale, qui ont tenu à Nous assurer de leur attachement, de leurs voeux, de leur proximité spirituelle : au point que, en voyant l’ampleur de ce mouvement des coeurs, Nous n’avons pas pu faire moins que de relever comment, bien au-delà de notre humble personne, objet de tels souhaits, cette marque d’affection atteignait le centre même de l’Eglise, dans laquelle le Pape est garant et symbole d’unité et de cohésion.

118 Nous exprimons donc de nouveau notre reconnaissance à tous ceux qui, de quelque façon, Nous ont adressé leurs voeux. Et Nous n’avons garde d’oublier ce que les artistes ont fait, avec leur très grande maîtrise, avec une présence qui nous parle mieux que les mots, pour réaffirmer l’harmonie entre la foi et l’art, cet art appelé, à travers tous les âges, à traduire les réalités merveilleuses que l’Eglise propose aux hommes, en expliquant la Parole de Dieu et en annonçant cette Bonne Nouvelle : pour un si beau témoignage, qui correspond à une aspiration profonde de toute notre vie, et en particulier de notre Pontificat, Nous ne les remercierons jamais assez.

Faits saillants de l’année





Au Consistoire du 27 juin dernier, Nous avons déjà évoqué la Constitution apostolique Vicariae potestatis du 6 janvier, par laquelle Nous avons donné au Vicariat de Rome une organisation nouvelle. Si Nous revenons sur cette réorganisation, c’est pour répéter ce que Nous déclarions le 8 janvier en présentant la Constitution dans notre cathédrale Saint-Jean de Latran, à savoir que « Nous ressentons... avec la plus vive sollicitude la responsabilité que, en tant qu’Evêque de cette Eglise locale sur laquelle repose mystiquement et historiquement un dessein divin, Nous avons devant le Christ. Cette responsabilité, elle est de répandre, par le ministère de la parole et par les sacrements, sa sainteté dans les âmes des fidèles, de les garder indemnes de tout mal et si possible, avec l’aide de Dieu, de les convertir en bien pour parvenir avec eux à la vie éternelle » (AAS 69, 1977, p. 54).

Nous nous souvenons aussi, comme confirmation visible de cette note essentielle et constitutive de l’Eglise qu’est la sainteté des figures d’hommes et de femmes que, cette année, nous avons eu la joie et l’honneur de désigner à la vénération publique de l’Eglise, comme champions généreux et héroïques d’une humanité jouant un rôle bénéfique et entraînant, formée à l’école de l’Evangile du Christ : nommons la nouvelle sainte Raffaella Maria du Sacré-Coeur de Jésus, fondatrice des Ancelles du Sacré-Coeur de Jésus, canonisée le 23 janvier; la nouvelle bienheureuse Maria Rosa Molas y Vallvé, fondatrice des Soeurs de Notre-Dame de la Consolation, portée aux honneurs des autels le 8 mai ; le 19 juin a eu lieu la canonisation de l’Evêque de Philadelphie, Jean Népomucène Neumann ; le 9 octobre, celle du moine Charbel Makhlouf, de l’Ordre libanais maronite ; et enfin les deux gloires des Frères des Ecoles chrétiennes, Mutien-Marie Wiaux et Miguel Febres Cordero, béatifiés le 30 octobre. Ce sont des figures, humbles et grandes, projetées sur la scène du monde à l’attention de tous grâce à l’extraordinaire relief de leur vie, toute consacrée à la gloire de Dieu et à l’élévation des âmes, et qui ont laissé une empreinte encore vivante et ineffaçable. Ils nous rappellent, pour nous éviter de nous laisser prendre par le tourbillon des choses éphémères et secondaires, « que — comme l’a remémoré la Constitution conciliaire sur l’Eglise — l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang; dans la société terrestre elle-même cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence » (Lumen Gentium,
LG 40). Grâces soient rendues au Seigneur qui chaque année nous invite à cette méditation fondamentale sur l’appel universel à la sainteté qu’il nous adresse !

Evoquons encore brièvement le Consistoire célébré en juin dernier, dans lequel, entre autres, Nous avons agrégé au Sacré Collège cinq fidèles serviteurs de l’Eglise et du Siège Apostolique. Cela ne nous fait pas oublier la gravité des deuils qui, cette année, ont privé l’Assemblée suprême de l’Eglise d’hommes très dévoués à la vie ecclésiale : ils se sont dépensés sans compter à son service, et leur mémoire reste en bénédiction.

Nous gardons également gravé dans le coeur l’agréable souvenir de notre participation au Congrès eucharistique national italien à Pescara le 17 septembre : les bonnes populations chrétiennes des Abruzzes, si actives, comme celles des autres régions qui étaient là rassemblées, avec leur attitude de foi silencieuse et profonde, ne pouvaient pas donner de preuve plus haute et plus fervente de leur amour, à la fois fort et délicat, pour le Christ vivant dans l’Eucharistie. Et par-dessus tout, Nous avons été édifié par les jeunes qui portaient là un témoignage magnifique de christianisme vécu, dans la joie et sans respect humain. Nous nous souviendrons toujours de cette foule, recueillie dans la prière autour de l’autel et attentive à écouter notre humble voix, comme le signe éloquent d’une maturité actuelle toujours plus consciente, et prête à défendre, avec une fermeté convaincue et organisée, les valeurs suprêmes de la loi divine et les principes d’une vie en société bien ordonnée.

Le Synode des Evêques





Mais nous voulons souligner spécialement deux événements de cette année qui ont eu un sens et une portée allant bien au-delà de leurs limites dans le temps.

Le premier est la célébration du Synode des Evêques, en octobre, au cours de séances intenses et continuelles, consacrées par les représentants de l’Episcopat du monde entier aux problèmes de la catéchèse qui nous harcèlent et qu’on ne peut différer, avec un regard particulier sur les adolescents et les jeunes. Nous n’avons pas manqué de relever à plusieurs reprises l’importance de cette rencontre, centrée sur le fait essentiel et constitutif de l’Eglise : « Prêchez l’Evangile à toute créature » (Mc 16,15) ; et il n’y a pas lieu de reprendre en cette assemblée ce vaste thème. Nous désirons cependant remercier les Pères synodaux pour la richesse de leur contribution aux travaux; pour la compétence dont font preuve leurs observations et leurs propositions qui, reflétant toutes les régions et toutes les civilisations, ont été extrêmement intéressantes et utiles; et aussi pour la volonté unanime, malgré la diversité évidente des mentalités et des exigences, manifestée dans la façon de reconnaître une importance prioritaire à l’évangélisation du monde moderne. Par-dessus tout, Nous reconnaissons encore une fois la valeur de l’institution du Synode des Evêques, souhaitée par le Concile Vatican II, réalisée avec Nous avec promptitude et vivement soutenue par tous nos Frères dans l’épiscopat. Après l’expérience de ces quelques années, elle apparaît comme un instrument irremplaçable de collaboration, une mine abondante d’informations et d’argumentations sur les problèmes les plus brûlants, comme on aime le dire aujourd’hui, de la pastorale ecclésiale offertes à notre attention en vue de notre ministère universel, sans compter la forme heureuse de rencontre entre les Evêques pour l’étude conjointe des questions et pour l’organisation opportune et Bien arrêtée d’une action au niveau mondial, correspondant vraiment aux nécessités de l’heure.



La Néo-Vulgate





Le second événement est le récent achèvement — après douze années de travail — de la révision de la Vulgate latine. Tous les livres de la Bible sont désormais publiés dans l’édition préparée par la Commission que Nous avions instituée peu de temps après la fin du Concile, le 29 novembre 1965. L’année suivante, dans cette même circonstance de l’audience au Sacré Collège et aux prélats romains, Nous donnions connaissance de cette initiative déjà commencée sous la direction de son regretté Président, le Cardinal Bea. Il s’agissait de préparer, disions-Nous, une édition requise par le progrès des études bibliques et par la nécessité de donner à l’Eglise et au monde un nouveau texte de la Sainte Ecriture faisant autorité. On envisage un texte — ajoutions-Nous — dans lequel celui de la Vulgate de Saint Jérôme sera respecté à la lettre, là où il reproduit fidèlement le texte original, tel qu’il résulte des éditions scientifiques actuelles. Il sera par contre prudemment corrigé là où il s’en éloigne ou ne l’interprète pas correctement, en employant dans ce but la langue de la latinitas biblica chrétienne. Le respect de la tradition s’harmonisera ainsi avec les saines exigences critiques de notre temps. La liturgie latine aura de la sorte un texte unitaire, scientifiquement irréprochable, cohérent avec la tradition, l’herméneutique et le langage chrétien. Il servira également de référence pour les versions en langues vulgaires » (AAS 59, 1967, PP 53, s).

Ces promesses ont été remplies. Grâce à la collaboration d’un groupe d’experts restreint et compétent dans les divers secteurs des sciences bibliques et linguistiques, la révision est achevée. Le texte est déjà entré largement, dans la mesure du possible, dans les éditions liturgiques des livres publiés au cours de ces années, comme il est couramment employé dans, les célébrations solennelles que Nous présidons ; et il Nous plaît de penser que ce texte pourra servir de base sûre pour les études bibliques de notre cher clergé, particulièrement là où la consultation des bibliothèques spécialisées ou la diffusion des études convenables est plus difficile. Et afin que le texte entier, maintenant disponible en éditions séparées, puisse être accessible à tous, il fera l’objet d’une édition unique, ample, élégante et maniable, digne du Livre sacré, qui constituera un événement historique : une Commission est déjà à l’oeuvre pour la réaliser.

119 Nous nous réjouissons profondément de vous donner cette heureuse nouvelle, et notre reconnaissance va vers Dieu pour l’achèvement de cette entreprise ; Nous le prions d’accompagner de sa grâce les effets heureux qui en découleront « afin que la parole de Dieu poursuive sa course et soit glorifiée » (2Th 3,1) : c’est la seule intention qui Nous a poussé.

Vie de l’Eglise





Nous avons rappelé, selon notre habitude de faire une récapitulation réconfortante de l’année qui s’achève, les moments saillants de l’activité du Siège apostolique et de l’Eglise entière. Mais sa richesse, Nous le savons, est bien plus vaste et plus complexe que celle des phénomènes qu’il est possible d’enregistrer, et elle ne se laisse pas réduire à des schémas ou à des comptes rendus. Elle est comme la vie, qui avance continuellement, imperceptible et profonde.

La grâce de Dieu est à l’oeuvre dans les coeurs qui l’accueillent. Elle y suscite des merveilles de générosité, de lumière, de force, de fidélité, d’apostolat. L’Eglise, formée par la trame serrée de tous les croyants, s’étend dans le monde comme un arbre qui fournit un abri aux oiseaux du ciel (cf. Mt Mt 13, 31, 32), et le pénètre comme le levain qui soulève la pâte (Mt 13,33). Voici la réalité que Nous aimons contempler en pensée, et pour laquelle Nous prions, et qui nous remplit l’âme d’espérance et de consolation.

Nous pensons à nos prêtres bien-aimés, qui assurent au Peuple de Dieu la nourriture de la parole divine et du Pain eucharistique dans un ministère qui construit quotidiennement l’avenir; Nous pensons aux missionnaires, hommes et femmes, qui, dociles à l’appel du Christ se tiennent aux avant-postes de l’Eglise, souvent isolés, privés des moyens convenables, soutenus seulement par la foi, partageant les angoisses, les souffrances et les privations de ceux auxquels ils adressent le message libérateur de l’Evangile ; Nous pensons aux religieuses contemplatives et actives, qui, telles des abeilles industrieuses et dans une oblation maternelle qui est à l’image de la totale disponibilité de la Vierge Marie, viennent incessamment au secours des besoins spirituels et matériels de l’humanité, et particulièrement des petits, des pauvres, des infirmes ; Nous pensons aux familles conscientes de leur devoir de témoigner pour l’édification chrétienne de la société, de l’école, de la vie publique ; Nous pensons aux jeunes qui se préparent aux responsabilités de demain et qui ont la force d’aller à contre-courant de tant de conformisme idéologique et moral ; et parmi eux Nous adressons un encouragement particulier aux séminaristes et aux novices religieux, qui ont courageusement choisi de consacrer leur vie au Christ Seigneur.

C’est toute une plénitude de vie qui se déploie à notre regard, et qui nous dit que nous pouvons et que nous devons regarder le lendemain avec sécurité et confiance, en avançant avec rapidité sur la voie qui nous est tracée par la providence et la bonté de Dieu.

Voeux pour la nouvelle année





Nous voici désormais au seuil de l’année nouvelle, et Nous ne pouvons nous retenir d’envoyer à tous nos fils dans le monde, comme à tous les hommes de toute langue et nation particulièrement à ceux qui sont les plus éprouvés par les privations, les oppressions, les souffrances et les calamités naturelles qui prolongent dans le temps leurs effets douloureux, les plus saints de sérénité et de joie. Ils naissent de notre foi dans le Verbe de Dieu incarné, venu dans le monde pour porter les dons messianiques de la justice et de la paix.

A cette lumière, Nous saluons l’année qui vient car elle est, elle aussi, marquée dès maintenant par l’empreinte divine, et elle manifestera dans son déroulement la continuité d’un unique dessein de rédemption et d’élévation" qui embrasse tous les hommes. L’Eglise, première collaboratrice de cette oeuvre de salut inaugurée par l’incarnation du Fils de Dieu ; continue dans le temps sa mission d’annonce, d’enseignement, de sanctification : elle est prête à donner aux hommes sa collaboration, dans le domaine spirituel qui lui est propre, mais aussi au plan matériel, puisque ses fils sont appelés à travailler à l’élévation et au progrès du genre humain, comme l’explique le programme tracé par la Constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II. Aucun obstacle ne peut l’arrêter, aucune difficulté ne peut la retenir, aucune persécution ne peut lui faire peur. La force explosive de la Parole de Dieu qui s’est faite l’un de nous pour nous sauver tous soutient, par la logique de la Croix et de la résurrection, l’oeuvre que l’Eglise accomplit humblement mais fermement parmi les hommes qui sont frères. Elle est appelée, à la fois par sa nature institutionnelle et charismatique, à montrer que le Christ est la lumière du monde (cf. Jn Jn 8,12).

C’est son honneur et son devoir, mais c’est également la tâche de tous ses fils. Ceci l’a toujours été, mais spécialement aujourd’hui. Tous les chrétiens sont appelés en cette heure importante, qui porte en elle-même les germes d’un profond renouveau mais aussi d’une destruction possible — comme il en fut à toutes les périodes cruciales de l’histoire — à apporter leur contribution à la construction d’un ordre plus juste et meilleur, fondé sur le respect de la Loi de Dieu qui seule garantit le respect de l’homme. Des ombres épaisses s’amoncellent sur l’avenir de l’humanité: la violence aveugle, la menace pour la vie humaine dès le sein maternel, le terrorisme impitoyable, qui accumule haines et ruines dans le dessein utopique d’une « palingénésie » surgie des cendres de la destruction totale, la recrudescence de la délinquance, les discriminations et les injustices à l’échelon international, la privation de la liberté religieuse, l’idéologie de la haine, et aussi l’apologie des plus bas instincts à travers la pornographie des mass média, qui recouvrent de pseudo-intentions culturelles une avilissante soif de l’argent et une exploitation honteuse de la personne humaine, sans compter menaces et séductions constamment adressées à l’enfance et à la jeunesse, sapant et desséchant les fraîches énergies créatrices de leur esprit et de leur coeur : tout cela montre combien l’estime des valeurs morales s’est terriblement affaissée du fait d’une action occulte et organisée du vice et de la haine. Nous ne pouvons garder le silence face à cette réalité, qui est malheureusement un héritage des peuples parvenus au plus grand développement économique ; d’autant plus qu’une petite minorité, agissant dans l’ombre et abusant du don de la liberté, si chèrement acquis, ne peut impunément attenter à l’ordre, au progrès, à la vie en société, à la santé morale de toute une majorité, désormais fatiguée de tant d’impudence, mais retenue par la peur face aux exigences élémentaires d’un travail constructif ; et peut-être — ce serait vraiment une chose bien triste — résignée maintenant au pire.

Nous faisons appel à tous les hommes de bonne volonté, en répétant ici ce que nous avons exprimé dans notre récent Message pour la très prochaine Journée de la Paix 1978. Surtout Nous appelons Evêques, prêtres, chrétiens et chrétiennes à opposer une barrière, par d’opportunes initiatives aux forces de désagrégation de l’ordre moral, à isoler les violents et les exploiteurs, à opposer au plan civil une digne résistance à tout ce qui est contraire à la dignité innée de l’homme, créé à l’image de Dieu et racheté par le sang du Christ. Une incohérence peureuse pourrait avoir des conséquences funestes. Pensons-y pendant qu’il est temps.


Discours 1977 114