1980 La dimension contemplative de la vie religieuse



CONGRÉGATION POUR LES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE

ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE



LA DIMENSION CONTEMPLATIVE DE LA VIE RELIGIEUSE

(Plenaria SCRIS Mars 1980)




INTRODUCTION

Sur la base d'une ample documentation, la Plenaria de la Sacrée Congrégation pour les religieux et les Instituts séculiers célébrée du 4 au 7 Mars 1980, a considéré la dimension contemplative de la vie religieuse. Le thème avait été choisi dans la Plenaria précédente de 1976, après qu'eût été affronté le problème du rôle spécifique des religieux dans le cadre de la mission de l'Eglise pour la promotion intégrale de l'homme, en particulier dans ses aspects socio-politiques. En relevant alors l'importance fondamentale de l'intériorité spirituelle dans toute forme de vie consacrée, le besoin et l'urgence de mettre en lumière le primat absolu de la vie dans l'Esprit-Saint avaient été ressentis.

Le choix de ce thème, approuvé ensuite par le Saint-Père, coïncide aussi avec un phénomène de reprise de nombreuses formes de prière et de nouvelles modalités de vie contemplative, en réalisation dans le peuple de Dieu et dans de nombreuses communautés religieuses, et avec la tendance de vouloir surmonter la dichotomie nuisible entre intériorité et activité dans la vie personnelle et communautaire des religieux et des religieuses, en réaction contre une certaine période de dévaluation de la prière et du recueillement, qui n'est pas encore tout-à-fait disparue.

L'objectif des travaux de la Plenaria ne fut pas de type spéculatif ni d'étude théologique. Mais, en se basant sur une description doctrinale suffisamment concrète et partagée, elle a voulu parvenir à un recueil d'orientations pratiques et formatives dans une double ligne: favoriser l'intégration entre intériorité et activité dans les Instituts dits de vie active, et promouvoir la vitalité et la rénovation des Instituts spécifiquement contemplatifs.

En rédigeant ici les principales orientations formulées par la Plenaria, on a tenu compte, non seulement des faits importants relevés par les Pères dans leurs votes, mais aussi des insistances principales manifestées en d'autres circonstances, par exemple, dans les réunions de groupes où se complétait l'expression de la pensée des Pères. En outre, on a cherché des titres appropriés pour les thèmes des votes; on en a organisé le contenu, on l'a subdivisé en parties, pensant que cette manière de faire apporterait de la clarté et rendrait plus explicites les lignes, autrement trop condensées, des propositions de votes.

La rédaction de cette synthèse comporte trois parties:

I. Description de la dimension contemplative.

II. Orientations pour les Instituts de vie active.

III. Orientations pour les Instituts spécifiquement contemplatifs.


I. DESCRIPTION DE LA DIMENSION CONTEMPLATIVE

1. - La dimension contemplative est radicalement une réalité de grâce, vécue par le croyant comme un don de Dieu qui lui permet de connaître le Père (cf. Jean 14, 8), dans le mystère de la communion trinitaire (cf. 1 Jean, 1, 1-3), afin de pouvoir goûter «les profondeurs de Dieu» (I, Cor. 2, 10).

Il ne s'agit pas ici d'entrer dans des problèmes nombreux et délicats concernant les divers modes de contemplation, ni de faire une analyse de la contemplation comme don infus par le Saint-Esprit.

Nous décrivons la dimension contemplative fondamentalement comme la réponse théologale de foi, d'espérance et d'amour par laquelle le croyant s'ouvre à la révélation et à la communion du Dieu vivant, par le Christ dans l'Esprit-Saint. «L'effort de fixer en Lui (Dieu) le regard et le coeur, que nous appelons contemplation, devient l'acte le plus élevé et le plus plein de l'esprit, l'acte qui, aujourd'hui encore peut et doit hiérarchiser l'immense pyramide de l'activité humaine» (Paul VI, 7-XII-1965).

Comme acte unifiant de l'élan de l'homme vers Dieu, la dimension contemplative s'exprime dans l'écoute et dans la méditation de la Parole de Dieu; dans la communion de la vie divine transmise par les Sacrements, et de façon spéciale par l'Eucharistie; dans la prière liturgique et personnelle; dans le désir constant et la recherche de Dieu et de sa volonté dans les événements et les personnes; dans la participation consciente à sa mission salvifique; dans le don de soi aux autres pour l'avènement du Royaume. Il en résulte, dans le religieux, une attitude d'adoration humble et continue de la présence mystérieuse de Dieu dans les personnes, dans les événements, dans les choses: attitude qui manifeste la vertu de piété, source intérieure de paix et porteuse de paix dans tous les milieux de vie et d'apostolat.

Tout ceci se réalise sous la purification progressive de la croix, à la lumière et sous la conduite de l'Esprit-Saint, afin que nous puissions rencontrer Dieu en tout et en tous pour devenir «louange de sa gloire» (Eph. 1, 6).

De cette manière, la nature même de la vie religieuse prend du relief comme racine profonde qui alimente et donne unité à toute expression de l'existence pour les religieux et les religieuses.

2. - Le thème choisi pour cette Plenaria doit donc être considéré comme de première importance, et je suis persuadé, disait le Saint-Père dans sa lettre aux participants, que de votre rencontre sortira pour tous les religieux un précieux encouragement à persévérer dans l'engagement de rendre, devant le monde, le témoignage de la primauté des rapports de l'homme avec Dieu. Encouragés par les indications qui jailliront de votre rencontre romaine, ils ne manqueront pas de consacrer avec une conviction renouvelée, un temps suffisamment long à des haltes de prière devant le Seigneur pour lui dire leur amour et, surtout, pour se sentir aimés par Lui»(1).

3. - La Plenaria, portant donc son attention sur ce thème, consacre sa réflexion aux Instituts actifs et à ceux spécifiquement contemplatifs (cf. P.C. 73); elle regarde également avec une sollicitude bienveillante les nouvelles formes de vie religieuse dans lesquelles on discerne une aspiration particulière pour la vie contemplative, et elle forme le voeu que leur physionomie dans la communion ecclésiale, au service de tout le Peuple de Dieu, soit toujours mieux clarifiée.


II. ORIENTATIONS POUR LES INSTITUTS DE VIE ACTIVE

A) Compénétration mutuelle entre action et contemplation

B) Souci renouvelé de la vie dans l'Esprit-Saint

C) Animation communautaire

D) La dimension contemplative de la formation

E) Promotion de la dimension contemplative dans les Eglises locales.

A) COMPENETRATION MUTUELLE ENTRE ACTION ET CONTEM- PLATlON

4. - Quelle «action»?

Il ne s'agit pas, pour le religieux et la religieuse, d'une action quelconque. Le Concile parle «d'action apostolique et charitable» (P.C. 8), provoquée et animée par le Saint-Esprit. C'est seulement une action de ce genre qui «rentre dans la nature même de la vie religieuse comme un saint ministère et une oeuvre spécifique de charité à eux confiés (aux religieux) par l'Eglise pour être exercés en son nom» (P.C. id.).

La caractéristique propre d'une telle action est l'impulsion de la charité alimentée dans le coeur du religieux; le coeur considéré comme le sanctuaire le plus intime de la personne dans lequel vibre la grâce d'unité entre intériorité et activité.

Il est donc urgent de savoir intensifier la conscience personnelle et communautaire de la source principale de l'action apostolique et charitable, comme participation vécue de cette «mission (du Christ et de l'Eglise) qui tire son origine du Père (et) exige de tous ceux qui se sentent envoyés de perfectionner leur charité dans le dialogue de la prière» (M.R. 16).

«Dans le cas des religieux de vie apostolique, il s'agira de favoriser l'intégration entre intériorité et activité. Leur premier devoir, en effet, est celui d'être avec le Christ. Un péril constant pour les ouvriers apostoliques est de tellement s'immerger dans le travail pour le Seigneur, qu'ils en oublient le Seigneur du travail» (Message du Pape à la Plenaria, n. 2).

5. - La prière rénovée

La prière est la respiration indispensable de toute dimension contemplative: «en ces temps d'apostolat rénové, comme toujours dans tout engagement missionnaire, une place privilégiée doit être réservée à la contemplation de Dieu, à la méditation de son plan de salut et à la réflexion sur les signes des temps à la lumière de l'Evangile, afin que la prière puisse se nourrir et croître en qualité et en fréquence» (M.R. 16).

Ainsi la prière, ouverte aux réalités de la création et de l'histoire, devient reconnaissance adoration et louange constante de la présence de Dieu dans le monde et dans son histoire; écho d'une vie solidaire avec les frères, surtout avec les pauvres et les souffrants.

Mais une telle prière, personnelle et communautaire, ne s'épanouit que si le coeur du religieux et de la religieuse atteint un degré élevé de vitalité et d'intensité dans le dialogue avec Dieu et dans la communion avec le Christ, Rédempteur de l'homme (cf. P.C. 8; E.T. 10 et 42).

C'est pourquoi dans le rythme si épuisant des engagements apostoliques, la prière personnelle et communautaire devra avoir des moments quotidiens et hebdomadaires bien soignés et suffisamment prolongés. Ils seront complétés par des expériences plus fortes de recueillement et de prière, chaque mois et durant le cours de l'année (cf. Synode des Evêques 71, AAS 63 (1971), 913-914).

6. - La nature même de l'action apostolique et charitable

La nature même de l'action apostolique et charitable contient une richesse propre qui alimente l'union avec Dieu; il convient d'en développer chaque jour la conscience et l'approfondissement.

En en prenant conscience, les religieux et les religieuses sanctifieront tellement leurs activités qu'ils les transformeront en source de communion avec Dieu, au service duquel ils sont consacrés par un titre nouveau et spécial (L.G. 44).

En outre, la mise en valeur de la spiritualité apostolique concrète de l'Institut aidera encore davantage à recueillir les richesses sanctifiantes contenues dans tout ministère ecclésial (cf. L.G. 41; P.O. 14; O.T. 9).

La mission de l'Eglise, à laquelle les conseils évangéliques font participer de façon spéciale (L.G 44), «ne peut consister, en effet, uniquement dans une activité extérieure... Par sa nature, (elle) n'est autre que la mission du Christ continuée dans l'histoire du monde; elle consiste donc principalement dans la participation à l'obéissance de Celui (Heb. 5, 8) qui s'est offert lui-même au Père pour la vie du monde» (M.R. 15).

7. - Le souci constant des moyens appropriés

Le souci constant des moyens qui favorisent la dimension contemplative est une conséquence indispensable de la fidélité aux exigences théologales de toute vie religieuse, selon le caractère propre des divers Instituts.

Parmi les moyens à mettre en valeur, plusieurs correspondent aux exigences d'une harmonisation profonde entre les dimensions active et contemplative.

C'est pourquoi la Plenaria leur consacre les orientations suivantes réclamant l'engagement attentif des responsables des Instituts ainsi que celui des religieux et des religieuses.

B) SOUCI RENOUVELE DE LA VIE DANS L'ESPRIT-SAINT

8. - La Parole de Dieu

L'écoute et la méditation de la Parole de Dieu sont la rencontre quotidienne avec «la science suréminente de Jésus-Christ» (P.C. 6; E.S. II, 16, $ 1).

Le Concile «exhorte avec ardeur et insistance tous les fidèles surtout les religieux, à apprendre cette science sublime» (D.V. 25).

Toutefois, cet engagement personnel et communautaire, pour nourrir plus abondamment la vie spirituelle avec un temps plus long consacré à l'oraison mentale (cf. E.S. II, 21), acquerra efficacité et actualité, même apostolique, si la Parole est accueillie, non seulement dans sa richesse objective, mais aussi dans le concret de l'histoire que nous vivons et à la lumière du Magistère de l'Eglise.

9. - Le rôle central de l'Eucharistie

La célébration de l'Eucharistie et la participation intense à cette célébration, «source et sommet de toute la vie chrétienne» (L.G. 11), forment le centre irremplaçable et animateur de la dimension contemplative de toute communauté religieuse (cf P.C. 6; E.T. 47-48).

- Les religieux prêtres donneront donc une place prééminente à la célébration quotidienne du Sacrifice Eucharistique.

- Tout religieux et toute religieuse doivent y prendre une part active (cf. S.C. 48) tous les jours, compte tenu des situations concrètes dans lesquelles vivent et agissent leurs communautés.

«On recommande fortement cette participation plus parfaite, par laquelle les fidèles, après la Communion du Prêtre, reçoivent le corps du Seigneur dans le même Sacrifice» (S.C. 55; cf. E.T. 47; Synode des Evêques 1971).

- L'engagement à prendre part quotidiennement (au Sacrifice eucha- ristique) aidera les religieux à renouveler chaque jour l'offrande d'eux-mêmes au Seigneur.

Réunies au nom du Seigneur, les communautés religieuses ont comme centre naturel l'Eucharistie. «Il est donc normal qu'ils se réunissent visiblement dans un Oratoire, où la présence du Saint-Sacrement exprime et réalise ce qui doit être la mission principale de toute famille religieuse» (E.T. 48) (du Message du Pape à la Plenaria, n. 2)(2).

10. - Célébration rénovée du Sacrement de Pénitence

- Le Sacrement de Pénitence, qui «restaure et fortifie le don fondamental de la conversion reçu au Baptême» (Const. Poenitemini, AAS 68 (1966), 180), revêt un rôle particulièrement intense dans la croissance de la vie spirituelle. Il n'existe pas de dimension contemplative sans une conscience personnelle et communautaire de conversion.

Par le décret du 8 Décembre 1970, cette Sacrée Congrégation attirait l'attention des religieux et, en particulier celle des supérieurs sur les modalités nécessaires pour une mise en valeur convenable de ce Sacrement (cf. AAS 63 (1971), 318/319).

Les Pères de la Plenaria demandent à nouveau:

- une fréquence personnelle, régulière et convenable;

- que la célébration de ce Sacrement, quand elle est réalisée selon un rite communautaire (cf. L.G. 11; Const. Poenitemini I, l.c.), mette davantage en valeur sa dimension ecclésiale et fraternelle; la confession demeurant toujours un acte personnel.

11. - La direction spirituelle

La direction spirituelle, au sens strict, mérite également de retrouver son rôle propre dans le processus de développement spirituel et contemplatif des personnes. Elle ne pourra, en effet, être remplacée par des moyens psycho-pédagogiques.

C'est pourquoi cette direction de conscience, pour laquelle P.C. 14 demande «la juste liberté», devra être favorisée par la disponibilité de personnes compétentes et qualifiées.

Cette disponibilité sera offerte avant tout par des prêtres qui, selon leur mission pastorale spécifique, en développeront l'estime et la participation fructueuse. Mais aussi les autres supérieurs et formateurs se consacreront au soin des personnes qui leur sont confiées, contribuant, bien que d'une autre manière, à les guider dans le discernement et dans la fidélité à leur vocation et à leur mission.

12. - Liturgie des heures

«L'office divin, en tant que prière publique de l'Eglise; est source de piété et aliment de la prière personnelle» (S.C. 90). «n'est ordonné à sanctifier tout le cours de la journée» (S.C. 84).

L'accueil que les communautés religieuses ont déjà réservé à l'exhortation de l'Eglise pour que les fidèles de tout état de vie s'unissent dans la célébration de la louange divine montre qu'elles ont compris l'importance de participer ainsi plus intimement à la vie de l'Eglise (E.S. II, 20).

Par le soin et la fidélité avec lesquels tous les religieux s'y consacreront, la dimension contemplative de leur vie trouvera aussi des motifs constants d'inspiration et d'aliment.

A cette fin, la richesse spirituelle contenue dans l'Office des Lectures pourrait être mieux mise en valeur.

13. - La Vierge Marie

Le caractère exemplaire de la Vierge Marie, pour toute vie consacrée et pour la participation à la mission de l'Eglise (E.T. 56; L.G. 65), acquiert une lumière particulière quand il se présente dans les attitudes spirituelles qui l'ont distinguée: Marie, la Vierge qui écoute, Marie, la Vierge en prière (Marialis Cultus, 17-18, AAS 66 (1974), 128-129) se présente «comme un modèle très excellent de l'Eglise dans l'ordre de la foi, de la charité et de l'union parfaite avec le Christ (L.G. 63), c'est-à-dire de cette disposition intérieure par laquelle l'Eglise, épouse très aimée, est étroitement associée à son Seigneur, l'invoque et, par Lui, rend le culte qui est du au "Père éternel"» (Marialis cultus, 16). Elle, courageuse, debout devant la croix du Seigneur, enseigne la contemplation de la Passion.

En ravivant le culte envers elle, selon l'enseignement et la tradition de l'Eglise (LG. 66-67; Marialis Cultus, 2 et 3 parties), les religieux et les religieuses trouvent le chemin assuré qui illumine et fortifie la dimension contemplative de toute leur vie.

«La vie contemplative des religieux serait incomplète si elle n'était pas orientée vers un amour filial envers Celle qui est la Mère de l'Eglise et des âmes consacrées.

«Cet amour pour la Vierge se manifestera par la célébration de ses fêtes, et en particulier par les prières quotidiennes en son honneur, surtout le chapelet. C'est une tradition séculaire pour les religieux que la récitation journalière du chapelet; il n'est donc pas inutile de rappeler l'opportunité, le parfum, l'efficacité d'une telle prière qui propose à notre méditation les mystères de la vie du Seigneur » (Message du Pape à la Plenaria, n. 2).

14.-Caractère indispensable de l'ascèse personnelle et communautaire

Une ascèse généreuse est constamment requise pour la «conversion quotidienne à l'Evangile» (cf. Const. Poenitemini, II-III, 1,c.; Mc,l, 15).

Elle apparaît donc indispensable aussi pour la dimension contemplative de toute vie religieuse.

Les communautés religieuses doivent donc se présenter dans l'Eglise comme des communautés priantes et en même temps pénitentes (cf. E.S. II, 22), rappelant l'orientation conciliaire que la pénitence «ne soit pas uniquement intérieure et individuelle, mais aussi extérieure et sociale» (S.C. 110).

De cette manière, les religieux rendront encore témoignage du rapport mystérieux entre le renoncement et la joie, entre le sacrifice et l'épanouissement du coeur, entre la discipline et la liberté spirituelle (E.T. 29). En particulier, la croissance de la dimension contemplative ne peut certainement pas se concilier, par exemple, avec l'usage abusif et parfois imprudent de mass media; avec un activisme exagéré et tout extérieur, avec un climat de dissipation qui contredit les attentes plus profondes de toute vie consacrée: «la recherche de l'intimité avec Dieu comporte le besoin, réellement vital, d'un silence de tout l'être, tant pour ceux qui doivent aussi trouver Dieu dans le tumulte, que pour les contemplatifs» (E.T. 46).

«Pour parvenir à cette fin, ils ont besoin du silence de tout leur être, ce qui réclame des zones de silence effectif et une discipline personnelle, en vue de favoriser le contact avec Dieu»(Message du Pape à la Plenaria, n. 2).

Tous ces moyens trouveront une application plus appropriée et plus féconde s'ils sont accompagnés de l'exercice personnel et communautaire du discernement évangélique; d'une révision périodique et sérieuse des activités; de l'entraînement ininterrompu à une lecture toujours plus profonde de l'épaisseur sacramentelle de la réalité quotidienne (événements, personnes, choses), avec la finalité explicite de ne jamais laisser déchoir l'activité du religieux et de la religieuse de son niveau ecclésial vers une simple pratique horizontale et temporelle.

C) ANIMATION COMMUNAUTAIRE

15. - La communauté religieuse

La communauté religieuse est en elle-même une réalité théologale, objet de contemplation: comme «famille unie au nom du Seigneur» (P.C. 15, cf. Mat 18,20), elle est, par sa nature, le lieu où l'expérience de Dieu doit pouvoir se réaliser dans sa plénitude et se communiquer aux autres.

L'accueil fraternel réciproque dans la charité contribue à «créer un milieu apte à favoriser le progrès spirituel de chacun» (E-T. 89).

C'est précisément pour cette raison que les religieux ont besoin d'un «lieu de prière» à l'intérieur même de leurs maisons, où la tension quotidienne vers la rencontre avec Dieu, source de communion dans la charité, trouve une raison constante d'appel et de soutien.

La présence réelle du Seigneur Jésus dans l'Eucharistie, pieusement conservée et adorée, sera pour eux signe vivant d'une communion qui se construit chaque jour dans la charité.

16. - Le supérieur de la communauté

Dans la communauté, le supérieur remplit une mission d'animation (M.R. 13), à la fois spirituelle et pastorale en conformité avec «la grâce d'unité» propre à chaque Institut (cf. P.C. 8).

Ceux qui sont appelés à exercer le ministère de l'autorité doivent comprendre et aider à comprendre que, dans ces communautés de consacrés, l'esprit de service envers tous les frères devient expression de la charité avec laquelle Dieu les aime (P.C. 14).

Ce service d'animation unitaire réclame donc que les supérieurs et les supérieures ne soient ni étrangers, ni sans intérêt devant les exigences pastorales, ni absorbés par des taches simplement administratives, mais qu'ils se sentent d'abord des guides pour la croissance, à la fois spirituelle et apostolique, de chacun et de la communauté entière, et qu'ils soient accueillis comme tels.

D) LA DIMENSION CONTEMPLATIVE DE LA FORMATION

17. - La formation religieuse

La formation religieuse, dans ses diverses phases, initiale et permanente, a comme but principal d'immerger les religieux dans l'expérience de Dieu et de les aider à perfectionner progressivement celle-ci dans leur propre vie. A cette fin, il est nécessaire que «l'apostolat lui-même soit mis convenablement en relief» (M.R. 27). L'objectif principal à atteindre dans les Instituts de vie active sera la pénétration mutuelle entre intériorité et activité, de telle sorte que la conscience de chacun cultive le primat de la vie dans l'Esprit-Saint (M.R. 4), d'où jaillit la grâce d'unité propre dans l'amour de charité.

La dimension fortement ecclésiale de la vie religieuse (L.G. 44, E.T. 50, M.R. 10) sollicite donc la réalisation de la formation sous tous ses aspects, en profonde communion avec l'Eglise universelle. De cette sorte, chaque religieux pourra vivre sa vocation sous une forme concrète et efficace dans l'Eglise locale et par l'Eglise locale à laquelle il est envoyé selon la mission de son Institut.

«Vous êtes - a dit le Pape - de par votre vocation, pour l'Eglise universelle, à travers votre mission dans une Eglise locale déterminée. Votre vocation pour l'Eglise universelle se réalise donc dans les structures de l'Eglise locale. Il faut tout mettre en oeuvre pour que la vie consacrée se développe dans les différentes Eglises locales, pour qu'elle contribue à leur édification spirituelle, pour qu'elle constitue leur force particulière. L'unité avec l'Eglise universelle à travers l'Eglise locale, telle est votre voie» (Jean-Paul II, aux Supérieurs généraux, 24-XI-78).

18. - L'approfondissement du caractère propre

La connaissance du caractère propre (M.R. 11) de l'Institut, dont ils sont les membres, constitue une composante essentielle de la formation des religieux à la dimension contemplative.

Sous cet aspect également, il est donc important de cultiver ce principe général de rénovation que Perfectae Caritatis définit comme «continuel retour aux sources».

19. - Une solide formation intellectuelle

Une solide formation intellectuelle, qui réponde aux fin alités de la vocation et de la mission propre de l'Institut, est aussi à la base d'une vie de prière et de contemplation riche et équilibrée. C'est pourquoi l'étude et la mise à jour sont recommandées comme facteurs d'une saine rénovation de la vie religieuse, dans l'Eglise et pour la société de notre temps (P.C. 2 c-d; E.S. II, 16): "Les études doivent être programmées non comme si elles étaient une réalisation de soi mal comprise, pour atteindre des finalités individuelles, mais afin qu'elles permettent de répondre aux exigences des projets apostoliques de la famille religieuse, en harmonie avec les nécessités de l'Eglise» (M.R. 26).

20. - L'exigence de qualités appropriées dans les formateurs

L'exigence de qualités appropriées apparait donc évidente pour ceux qui assument des responsabilités de formation:

- capacité humaine d'intuition et d'accueil;

- expérience développée de Dieu et de la prière;

- sagesse qui dérive de l'écoute attentive et prolongée de la Parole de Dieu;

- amour de la Liturgie et compréhension de son rôle dans l'éducation spirituelle et ecclésiale;

- compétence culturelle nécessaire;

- disponibilité de temps et de bonne volonté pour se consacrer au soin personnel de tous les candidats et non seulement du groupe.

E) PROMOTION DE LA DIMENSION CONTEMPLATIVE

DANS LES EGLISES LOCALES

21. - L'Evêque comme «Maître de perfection» de son troupeau

Le ministère pastoral de l'Evêque, d'abord orienté vers la sanctification de l'Eglise qui lui est confiée, met en évidence la mission qui lui revient «de perfectionner (son) troupeau, s'efforçant de faire progresser sur la voie de la sainteté, les prêtres, les religieux et les laïcs, selon la vocation particulière de chacun». (C.D. 15; cf. M.R. 7).

Pour cette raison, les Pasteurs des Eglises locales veilleront surtout sur la promotion de la vie de prière et de la dimension contemplative, pour être les a Maîtres de perfection» de leurs frères (M.R. 7,28) selon la vocation de chacun et aussi les témoins de leur propre sanctification personnelle (M.R. 9,d).

- Dans cette perspective, leur souci pastoral pour les vocations, et aussi pour les formes variées de vie consacrée (M.R. 32) acquiert un plus grand relief, en même temps que leur sollicitude pour que l'assistance spirituelle des communautés déjà existantes ne vienne pas à manquer.

- En outre, favorisant la compréhension et l'estime pour la vie religieuse, d'abord et plus encore que pour les oeuvres accomplies par les divers Instituts, l'Evêque rendra plus prompte et plus fructueuse la collaboration mutuelle entre le clergé et les religieux (cf. M.R. 37). De la sorte, sera mieux assurée également la préparation de prêtres capables, dans leur ministère pastoral, de soutenir et d'accompagner la vie spirituelle et apostolique des religieux et des religieuses, selon la nature de la vie religieuse elle-même et la finalité des divers Instituts.

«De leur coté, les religieuses doivent pouvoir trouver dans le clergé les confesseurs et les directeurs spirituels capables de les aider à mieux comprendre et à mieux vivre leur consécration. L'influence des prêtres est, d'autre part, très souvent déterminante pour favoriser la découverte et le développement de la vocation religieuse» (Message du Pape à la Plenaria, n.4).

- A cette fin, l'étude de la vie consacrée dans ses formes variées et sous ses divers aspects apparaît nécessaire dès la formation des séminaristes, pour une préparation complète ecclésiale du clergé diocésain (cf. M.R. 30 a, ib. 49,1).

22. - L'insertion ecclésiale des religieux

De leur côté, les religieux et les religieuses doivent témoigner de leur appartenance cordiale et effective «à la famille diocésaine» (C.D. 34).

Et ceci, non seulement en se rendant disponibles, selon leur charisme, aux exigences de l'Eglise locale (C.D. 35, c

M.R. passim), mais plus encore en offrant leur expérience spirituelle aux prêtres diocésains et en facilitant des rencontres de prière pour tous les fidèles.

Il existe un problème particulier dont l'importance mérite aujourd'hui d'être signalée; celui des rapports étroits qui existent entre les Instituts religieux et le clergé relativement à la dimension contemplative, que toute vie consacrée au Seigneur doit posséder, comme un constituant fondamental.

«Les prêtres séculiers ont besoin de trouver dans la contemplation la force et le soutien de leur apostolat. Comme dans le passé, ils doivent trouver normalement un appui auprès des religieux expérimentés, et dans le contact avec des monastères disposés à les accueillir pour les exercices spirituels et pour des périodes de recueillement et de reprise» (Message du Pape à la Plenaria, n. 4).

En outre, leur participation aux initiatives de prière organisées par les Eglises locales pourra contribuer à accroître et enrichir la vie spirituelle de toute la communauté chrétienne (cf. M.R. 24,25).

23. - La coresponsabilité et l'harmonie de la collaboration

La coresponsabilité et l'harmonie de la collaboration dans les Eglises locales seront aidées de façon valable, également pour le développement spirituel , par des contacts périodiques entre l'Evêque et les responsables des Instituts religieux dans les diocèses comme aussi par la création et le bon fonctionnement d'organismes appropriés au niveau des Conférences Episcopales et des Conférences de religieux et de religieuses (cf. C.D. 35,36; E.S. II, 42-43; E.T. 50; M.R. 29,36,50,54,56,59,62,65).


III.

ORIENTATIONS POUR LES INSTITUTS SPECIFIQUEMENT CONTEMPLATIFS

24. - Importance de ces Instituts

Reconnaissant la valeur fondamentale des Instituts masculins et féminins dédiés à la vie spécifiquement contemplative, la «Plenaria» manifeste avec une joie particulière son estime et sa reconnaissance pour ce qu'ils représentent dans l'Eglise. En effet, cette vie contemplative, par sa nature, possède la caractéristique d'être «fervente dans l'action et adonnée à la contemplation» de sorte que «ce qui, en elle, est humain soit ordonné et subordonné au divin, le visible à l'invisible, l'action à la contemplation» ( S. C. 2) . Convaincue de la fonction particulière de grâce que ces instituts remplissent dans le Peuple de Dieu, elle les exhorte à continuer avec fidélité à apporter à l'Eglise universelle et aux Eglises particulières où ils sont insérés la contribution de leur mission et de leur vocation spécifiques.

Elle les encourage à conserver et à alimenter leur riche patrimoine spirituel et doctrinal contemplatif, qui constitue un appel et un don au monde, ainsi qu'une réponse aux hommes qui, de nos jours, cherchent avec angoisse, même en dehors de la tradition chrétienne, des méthodes et des expériences contemplatives, pas toujours authentiques (Message du Pape à la Plenaria n. 3).

25. - Actualité de la vie spécifiquement contemplative

Ceux qui sont appelés à la vie spécifiquement contemplative sont reconnus comme «un des trésors les plus précieux de l'Eglise». Grâce à un charisme spécial, «ils ont choisi la meilleure part (cf. Lc 10,12) c'est-à-dire celle de la prière, du silence, de la contemplation, de l'amour exclusif de Dieu et de la consécration totale à son service... L'Eglise compte instamment sur leur contribution spirituelle» (Message du Pape à la Plenaria, n. 3).

C'est pourquoi, «si urgente que soit la nécessité de l'apostolat actif, leurs Instituts conservent toujours une place de choix dans le corps mystique du Christ. En effet, ils offrent à Dieu un sacrifice éminent de louange, ils illustrent le Peuple de Dieu par des fruits abondants de sainteté, ils l'entraînent par leur exemple et procurent son accroissement par une secrète fécondité apostolique (P.C. n. 7). Ils doivent donc vivre avec réalisme le mystère du "Désert" où leur "Exode" les a portés. C'est le lieu dans lequel, même dans la lutte de la tentation, le ciel et la terre - selon la tradition - se rencontrent, dans lequel le monde, terre aride, devient paradis.. et l'humanité elle-même atteint sa plénitude» (V.S. III, AAS 61 (1969), 681).

C'est la raison pour laquelle on peut affirmer que «si les contemplatifs sont d'une certaine manière dans le coeur du monde. ils sont bien plus encore dans le coeur de l'Eglise» (ib.). Bien plus, Ad Gentes a affirmé que la vie contemplative manifeste la plénitude de la présence de l'Eglise, exhortant à l'instaurer partout dans les Missions (n. 18,40).


1980 La dimension contemplative de la vie religieuse