Révélations de Sainte Brigitte de Suède 1016

Chapitre 16

1016   En quelle manière il semblait à l'épouse qu'un des saints parlait à Dieu de quelque femme foulée horriblement par le diable, laquelle dut ensuite délivrée par les prières de la glorieuse Vierge.

  Il semblait à sainte Brigitte, épouse, qu'un des saints parlait à Dieu, disant : Pourquoi l'âme de cette femme, que vous avez rachetée de votre sang, est de la sorte foulée par le diable ?

  Le diable répondit soudain, disant : Parce que, de droit, elle est à moi. Et alors, Notre-Seigneur dit : De quel droit est-elle à toi ?

  Le démon répondit : Il y a deux voies : l'une conduit aux choses célestes, l'autre aux choses infernales ; or, quand elle les considérait toutes les deux, sa consciences et sa raison erronés lui dictaient de choisir plutôt la mienne. Et d'autant qu'elle avait la pleine et libre volonté de se tourner vers le voie qu'elle aimerait le mieux, il lui a semblé qu'il était plus utile de tourner sa volonté à commettre le péché, et alors, elle a commencé de marcher par ma voie. Après, je l'ai déçue par trois vices, savoir, par la gourmandise, par la cupidité de gourmandise et par la luxure. C'est pourquoi je suis maintenant sur son sein, et je la tiens avec cinq mains : avec l'une je tiens ses yeux, afin qu'elle ne voie pas les choses spirituelles ; avec la deuxième, je tiens ses mains, afin qu'elle ne fasse pas de bonnes oeuvres ; avec la troisième, je tiens ses pieds, afin qu'elle n'aille pas vers le bien ; avec la quatrième, je tiens son entendement, afin qu'elle n'ait pas honte de pécher, et avec la cinquième, je tiens son coeur, afin qu'elle ne revienne pas à Dieu par la contrition.

  Alors, la Sainte Vierge dit à Notre-Seigneur, son Fils : Mon Fils, contraignez le diable à dire la vérité sur ce que je veux lui demander. Et son Fils lui dit : Vous êtes ma très chère Mère ; vous êtes l'incomparable Reine du ciel ; vous êtes Mère de miséricorde ; vous êtes l'indicible consolation de ceux qui sont en purgatoire ; vous êtes la joie de ceux qui sont pèlerins en ce monde ; vous êtes Dame des anges ; vous êtes très excellente avec Dieu ; vous êtes aussi princesse sur le diable : commandez donc à ce démon tout ce que vous voudrez, ô ma Mère ! Et il vous répondra.

  Alors la Sainte Vierge commanda à ce diable : Dis, ô diable ! Quelle intention a eu cette femme avant d'entrer dans l'Église ?

Le diable lui répondit : Elle a eu la volonté de s'abstenir du péché.

  Et la Sainte Vierge lui dit : Puisque la volonté qu'elle a eue auparavant la conduisait en enfer, dis à quoi tend la volonté qu'elle a maintenant de s'abstenir du péché.

  Le diable lui repartit à regret : Cette volonté de se garder de pécher la conduit au ciel.

  Et la Sainte Vierge répliqua : D'autant que, de droit, pour la première et mauvaise volonté, vous l'avez écartée de la voie méritoire qui conduit à l'Église, la justice et l'équité veulent que, par la volonté présente qu'elle a de ne plus pécher, elle soit ramenée à l'Église. Je te demande aussi, ô diable ! Quelle volonté elle a eu au point où en est maintenant sa conscience.

  Le diable répond : Elle a la contrition dans l'esprit pour les choses qu'elle a faites, et un grand repentir, se proposant de ne les jamais plus commettre ; mais elle veut s'amender autant qu'elle peut.

  La Sainte Vierge demanda de nouveau au diable : Dis-moi : ces trois péchés : la luxure, la gourmandise et la cupidité, peuvent-ils être dans un même coeur avec ces trois biens, savoir : la contrition, les larmes et le ferme propos de s'amender ?

  Le diable lui répondit : Non.

  La Sainte Vierge dit alors : Sont-ce ces trois vertus ou ces trois vices qui doivent se retirer de son coeur, car tu dis qu'ils ne peuvent demeurer ensemble ?

  Le diable dit : Ce sont les vices.

  Et alors la Vierge dit : Donc, la voie qui la conduisait en enfer lui est fermée, et la voie du ciel lui est ouverte. Outre cela, la Sainte Vierge demanda au diable : Dis-moi : si le larron demeurait à la porte de l'épouse pour la violer, que lui ferait l'époux ?

  Le diable répondit : Si l'époux est bon et magnanime, il doit la défendre et exposer sa vie pour la sienne.

  Alors la Sainte Vierge repartit : Tu es ce pernicieux larron ; cette âme est l'épouse de mon Fils, car il l'a rachetée de son propre sang. Tu l'as donc enlevée et corrompue par violence. Partant, attendu que mon Fils est l'époux de cette âme et seigneur sur toi, il faut que tu fuies loin d'elle.

(I) Il ne faut pas penser que les pécheurs ayant la foi soient hors de l'Église : l'Église est un champ où sont le bon grain et le mauvais grain. Cette femme était une courtisane qui ne voulait pas retourner dans le monde ; le diable la molestait jour et nuit, lui enfonçait les yeux, la tirait de son lit. Sainte Brigitte lui commanda de se retirer ; cette femme fut affranchie, voire même des mauvaises pensées.

Chapitre 17 Paroles de Jésus-Christ disant en quelle manière le pécheur est semblable à l'aigle, à l'oiseleur et à celui qui se bat à coups de poing.

1017   Moi qui vous parle, je suis Jésus-Christ, qui a été dans le sein de la Vierge, vrai Dieu et vrai homme, gouvernant néanmoins toutes choses avec mon Père, bien que je fusse avec la Vierge.

  Le pécheur, mon ennemi pernicieux, est semblable à trois choses : 1° à l'aigle volant dans les airs, l'aigle sous lequel volent les autres oiseaux ; 2° à l'oiseleur qui chante avec une flûte frottée de bitume tenace : les oiseaux, se délectant de la voix de cette flûte, se reposent sur elle, et sont pris et retenus par la glu ; 3° il est semblable à celui qui se bat à coups de poings, qui est le premier en toutes sortes de combats.

  Certainement, il est semblable à l'aigle, attendu que, par sa superbe, il ne souffrirait pas, s'il le pouvait, que quelqu'un fût son supérieur, et déchire autant qu'il peut la renommée de tous avec les ongles de sa malice, et je le jetterai dans le feu inextinguible, où il sera tourmenté sans fin, s'il ne s'amende.

  Il est semblable à l'oiseleur, d'autant que, par la douceur de ses paroles et de ses promesse, il attire à soi tout le monde. Or, ceux qui viennent à lui sont tellement exposés à leur perte, que ce n'est qu'à grande peine qu'ils pourront s'en échapper. Partant, les oiseaux de l'enfer becquetteront ses yeux, afin qu'il ne voie jamais ma gloire, mais bien les ténèbres éternelles de l'enfer. On lui coupera les oreilles, afin qu'il n'entende pas les paroles de ma bouche. De la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête, on lui causera autant de douleur qu'il a pris de plaisir, afin qu'il souffre autant de peine qu'il a conduit de personnes à leur ruine.

  Il est aussi semblable à celui qui se bat à coups de poing, qui est le premier en toute sorte de malices, ne cède à personne et se résout à opprimer tout le monde. Partant, il sera le premier en toute sorte de peines ; sa douleur sera toujours renouvelée ; néanmoins, tant que son âme est avec son corps, ma miséricorde est toute prête à le recevoir.

Chapitre 18

1018   Paroles de Jésus-Christ à son épouse sainte Brigitte, qui traitent comment l'humilité doit être dans la maison de Dieu, et comment, par cette maison, la religion est désignée ; et aussi, quels édifices il faut construire et quelles aumônes il faut faire avec ce que nous avons bien acquis, et du moyen de restituer le bien mal acquis.

  La plus grande humilité doit régner dans ma maison, mais elle y est tout à fait méprisée. Il doit y avoir en elle un mur épais élevé entre les hommes et les femmes ; car bien que je puisse les défendre tous et les contenir sans mur, je veux néanmoins, à cause des ruses de Satan, qu'un mur divise et sépare une habitation de l'autre ; qu'il soit épais, non pas trop élevé, mais médiocre ; que les fenêtres soient simples et lumineuses ; que le toit soit modérément haut, en sorte qu'en tout on voie paraître l'humilité : car ceux qui, maintenant, m'édifient des maisons, sont semblables aux maîtres architectes qui prennent par les cheveux le maître de l'édifice, quand il y entre, le foulent aux pieds, mettent la boue au sommet et l'or sous les pieds ; ceux-ci font de même, parce qu'ils édifient la boue, c'est-à-dire, élèvent jusqu'au ciel les choses temporelles et périssables, mais ne se soucient pas des âmes, qui sont plus précieuses que l'or. Si je veux entrer dans leur coeur, ou par la prédication, ou par l'inspiration et la contemplation, ils me prennent par les cheveux et me foulent aux pieds, c'est-à-dire, ils blasphèment mes paroles et les réputent méprisables comme la boue ; quant à eux, ils s'estiment fort sages. Que s'ils voulaient édifier pour moi, ils édifieraient premièrement pour mon honneur et pour le salut des âmes.

  Or, quiconque veut édifier ma maison, qu'il prenne soigneusement garde de n'y pas employer un seul denier qui ne vienne d'une bonne et juste acquisition. Certes, il y en a plusieurs qui savent que les biens qu'ils possèdent viennent d'une mauvaise acquisition, et néanmoins, ils ne s'en inquiètent pas ; ils n'ont pas la volonté de restituer, de satisfaire à ceux qui en ont été dépouillés, bien qu'ils pussent restituer et satisfaire, s'ils le voulaient ; mais néanmoins, considérant qu'ils ne les peuvent retenir éternellement, ils donnent à l'Église une partie de ce qu'ils ont injustement acquis, comme si, par ce don, ils m'avaient tout à fait apaisé. Mais ils réservent à leur postérité le bien qu'ils ont acquis. Certes, cela ne me plaît point, car quiconque veut que ses dons me plaisent, doit premièrement avoir le vif désir de s'amender, et faire ensuite toutes les bonnes oeuvres qu'il pourra ; il doit aussi pleurer sur ses fautes passées, restituer, s'il peut, et s'il ne le peut pas, il doit avoir la volonté de le faire quand il pourra, et se donner garde qu'à l'avenir il ne commette des fautes semblables. S'il ne pouvait savoir à qui il doit restituer, il pourrait alors me donner son bien, à moi qui puis le rendre à chacun. Que s'il ne le peut rendre, qu'il s'humilie avec un coeur contrit et avec la résolution de s'amender. Je suis riche pour rendre, ou en ce siècle ou en l'autre, leurs biens à ceux qui en ont été dépouillés.

  Je vais vous montrer ce que signifie la maison que je veux édifier.

  Cette maison est la religion, de laquelle je suis le fondement, moi qui ai créé toutes choses, et par qui toutes choses sont faites et subsistes. Il y a quatre murs dans cette maison : le premier est ma justice, avec laquelle je jugerai tous ceux qui la contrarient et la haïssent ; le deuxième est ma sagesse, avec laquelle j'illumine de ma splendeur tous ceux qui l'habitent ; le troisième est ma puissance, par laquelle je les conforterai et les affermirai contre les embûches du diable ; le quatrième est ma miséricorde, qui reçoit tous ceux qui la demandent. En cette muraille est la porte de la grâce, par laquelle sont reçus tous ceux qui la demandent. Le toit de la maison est la charité, par laquelle je couvre les péchés de ceux qui m'aiment, afin que ces péchés ne les damnent pas. La fenêtre du toit, par où entre le soleil, est la considération de ma grâce, par laquelle la chaleur de ma Divinité entre dans le coeur de ceux qui habitent cette maison.

  Quant à ce que nous avons dit, que le mur doit être grand et fort, cela signifie que nul ne peut affaiblir mes paroles ni les détruire. Mais quant à ce que ce mur doit être médiocrement haut, cela signifie que ma sagesse peut être en partie entendue et comprise, mais non pas entièrement. Les fenêtres simples et lumineuses signifient que, par mes paroles, bien qu'elles soient simples, la lumière et la connaissance divine entre néanmoins dans le monde. Le toit médiocrement haut signifie que mes paroles se manifestent, non pas en un sens incompréhensible, mais intelligible.

Chapitre 19

1019   Paroles du Créateur à son épouse, par lesquelles il traite de sa magnificence, de sa puissance, de sa sagesse et de sa vertu, et comment ceux qu'on appelle sages pèchent plus contre lui. Je suis l'adorable Créateur du ciel et de la terre. J'ai trois choses avec moi : je suis très puissant, très sage et très vertueux.

Certes, je suis si puissant que les anges m'honorent dans le ciel ; les démons, dans l'enfer, n'osent pas me regarder ; avec un clin d'oeil, j'arrête tous les éléments. Je suis si sage que nul ne peut trouver le fond de ma sagesse, si savant, que je sais tout ce qui a été et sera ; je suis aussi si raisonnable, qu'il n'y a vermisseau ni animal, si difforme et si petit qu'il soit, que ne l'aie fait pour quelque fin. Je suis aussi si vertueux que de moi, comme d'une source vive, sort tout bien, comme toute douceur procède d'une bonne vie.

  Parant, nul ne peut sans moi être puissant, sage, vertueux. Donc, les puissants de ce siècle, auxquels j'ai donné la force et la puissance pour m'honorer, pèchent contre moi ; mais ils s'en arrogent l'honneur, comme s'ils avaient par eux-mêmes et la puissance et la force, ne considérant pas, misérables qu'ils sont, leur imbécillité ; car si je leur donnais la moindre infirmité, ils défaudraient soudain, et toutes choses leur seraient viles. Mais comment alors subsisteront-ils contre ma force et contre l'enfer ? Or, ceux-là pêchent plus grièvement contre moi, qui maintenant sont appelés sages. Certes, je leur ai donné le sens, l'entendement et la sagesse, afin qu'ils m'aimassent, mais ils ne se soucient que de l'utilité temporelle. Ils ont les yeux derrière la tête ; ils voient ce qui est délectable, mais ils sont aveugles pour voir que je leur ai donné toutes choses, et ils ne m'en remercient pas ; car sans moi, nul ne pourrait comprendre ni goûter le bien et le mal, quoique je permette aux mauvais de fléchir et de tourner leur volonté vers ce qu'ils voudront. Nul aussi ne peut être vertueux sans moi ; partant, je puis m'attribuer le proverbe commun : Celui qui est patient est méprisé de tous. De même, à raison de ma patience, les hommes m'estiment par trop fou, et partant, je suis méprisé de tous.

  Mais malheur, funeste malheur à ceux auxquels, après ma patience, je montrerai les rigueurs horribles de ma justice ! Car ils seront comme de la boue devant ma justice, qui ne s'arrêtera que lorsque cette boue se sera écoulée dans l'enfer.

Chapitre 20

1020   Colloque agréable de la Vierge Mère avec son Fils, et de la Vierge Mère et son Fils avec l'épouse, où il est traité de la manière dont elle doit se préparer aux noces.

  La Mère de Dieu semblait dire à son fils : O mon Fils, vous êtes Roi de gloire ; vous êtes Seigneur sur tous les seigneurs ; vous avez créé le ciel, la terre et tout ce qui est compris en eux : donc, que votre désir soit accompli, que votre volonté soit faite.

  Le Fils répond : C'est l'ancien proverbe : ce qu'on a appris dans la jeunesse, on le retient dans la vieillesse. De même vous, ô ma Mère ! Vous avez appris dans votre jeunesse à suivre ma volonté, en renonçant à la vôtre pour l'amour de moi ; c'est pourquoi vous avez bien dit : Que votre volonté soit faite.

Vous êtes comme l'or précieux qui est étendu et frappé sur l'enclume, attendu que vous avez été frappée de toutes sortes de tribulations et avez souffert mille maux durant mon inexprimable passion; car lorsque mon corps était brisé sur la croix par la violence de la douleur, votre coeur était blessé de cela comme d'un fer très poignant, et vous eussiez permis volontiers qu'il fût déchiré, si telle eût été ma volonté ; vraiment, quand vous eussiez pu vous opposer à ma passion et désirer ma vie, vous ne l'eussiez voulu que conformément à ma volonté. Partant, vous dites à bon droit : Que votre volonté soit faite.

  Après, la Sainte Vierge parlait à l'épouse disant : Épouse de mon Fils, aimez-le, car il vous aime ; honorez ses saints, qui sont en sa présence, car ils sont comme d'innombrables étoiles (
Mt 13) ; leur éclat et leur splendeur ne peuvent être comparés à aucune lumière temporelle ; car comme la lumière du monde est différente des ténèbres, de même il y a beaucoup plus de différence entre la lumière des saints et la lumière de ce monde. Je vous dis en vérité que si quelqu'un pouvait voir les saints dans l'éclat où ils sont, l'oeil humain ne pourrait en soutenir la splendeur, mais il serait privé de la lumière corporelle.

  Après, le Fils de la Vierge parlait à son épouse, disant : Mon épouse, vous devez avoir quatre choses: 1° vous devez être préparée pour les noces de ma Divinité, dans lesquelles il n'y a aucune volupté charnelle, mais où il y a un grand plaisir spirituel, tel qu'il est convenable que Dieu prenne avec l'âme chaste : de sorte que l'amour de vos enfants, des biens, des parents, ne doit vous retirer de mon amour, de peur qu'il ne vous arrive comme à ces vierges folles (Mt 25) qui n'étaient point préparées quand Notre-Seigneur les voulut appeler aux noces.

Partant, elles en furent à juste raison exclues.

  2° Vous devez croire à mes paroles, car je suis la Vérité, source de vérité, et il n'est jamais sorti de ma bouche que la vérité, et on ne peut trouver que vérité en mes paroles, d'autant que, quelquefois, j'entends spirituellement ce que je dis, quelquefois à la lettre, et alors mes paroles doivent être dûment entendues; et partant, nul ne peut m'accuser de mensonge.

  3° Vous devez être obéissante. Qu'il n'y ait aucun de vos membres qui, ayant failli, ne subisse une digne pénitence et ne fasse un amendement, car bien que je sois miséricordieux, je ne laisse pas néanmoins ma justice. Partant, obéissez humblement et joyeusement à ceux à qui vous devez obéir ; même ne faites pas ce qui vous semble utile et raisonnable, si c'est contre l'obéissance. En effet, il est mieux de renoncer par obéissance à votre propre volonté, quoique votre volonté soit bonne, et de suivre la volonté de celui qui commande, si ce qu'il vous commande n'est pas, ou contre le salut de votre âme, ou irraisonnable.

  4° Vous devez être humble, car vous êtes unie par un mariage spirituel : donc, vous devez être humble et pudique à l'arrivée de votre époux. Que votre servante, c'est-à-dire, votre corps, soit modérée et retenue, mortifiée et bien conduite. Vous serez certes fructueuse et féconde par la semence spirituelle, et utile à plusieurs; car comme si le greffe est entré en un tronc sec, le tronc fleurit sans fruit, de même, vous devez fleurir et fructifier par ma grâce, qui vous enivrera, afin que toute la cour céleste se réjouisse du vin de douceur que je vous vois donner. Ne vous défiez pas de ma bonté. Je vous certifie que, comme Zacharie et Élisabeth se réjouissaient intérieurement d'une joie ineffable, quant leur fut faite la promesse d'un enfant futur, ainsi vous vous réjouirez intimement des grâces dont je veux vous combler, et d'ailleurs, les autres se réjouiront par vous.

Un ange parlait à deux, à Zacharie et à Élisabeth : et moi, Dieu, Créateur des anges et votre Dieu tout-puissant, je parle avec vous. Ces deux ont engendré mon ami Jean : et moi, par vous, je veux engendrer plusieurs enfants, non charnels, mais spirituels. Je vous dis en vérité que Jean était semblable à un vase plein de miel, d'autant qu'en sa bouche, il n'est jamais entré rien de souillé, et qu'il n'a jamais rien avalé que ce qui était nécessaire à la vie, et s'est toujours conservé dans la pureté, de sorte qu'on le peut bien appeler par excellence ange et vierge.

Chapitre 21 Paroles de l'Époux et l'épouse en une très belle figure. Magicien par lequel le diable est admirablement désigné et signifié.

1021   L'époux parlait en figure à son épouse, rapportant l'exemple de la grenouille et disant : Un magicien avec de l'or très bon et très brillant. Un homme simple et doux, voulant l'acheter, alla vers le magicien, qui lui dit : Vous n'aurez pas cet or, si vous ne m'en donnez de meilleur et en plus grande quantité. Cet homme simple repartit : Je désire tant votre or que j'aime mieux vous en donner tout ce que vous voudrez que de ne point l'avoir. Et ayant donné au magicien un or meilleur et en une plus grande quantité, il reçut de lui cet or splendide et le mit en son cabinet, pensant en faire un anneau pour son doigt.

  Or, un peu de temps s'étant écoulé, le magicien vint vers cet homme simple et lui dit : L'or que vous m'avez acheté et que vous avez mis dans votre cabinet, n'est pas de l'or, mais une grenouille très vile, qui a été nourrie dans ma poitrine et nourrie de ma viande. Et comme il en voulut faire l'expérience, la grenouille apparut en son cabinet, le couvercle duquel pendait sur les quatre gonds, comme celui qui devait tomber de l'instant. Lors, ayant ouvert la porte du cabinet, et ayant vu la grenouille le magicien, celle-ci se jeta en sa poitrine. Voyant cela, les serviteurs et les amis de cet homme simple lui dirent : Seigneur, l'or est caché dans la grenouille, et si vous le voulez, vous le pourrez heureusement avoir. Comment le pourrai-je avoir, dit-il ? Ils lui dirent : Si l'on prenait une lancette fort aiguë et fort chaude, et qu'on l'enfonçât dans le dos de la grenouille, où il est caché, alors soudain il pourrait avoir cet or. Que si l'on ne peut trouver de creux en elle, il faudrait alors enfoncer puissamment et profondément la lancette, et ainsi, vous pourriez avoir ce que vous avez acheté.

  Qui est ce magicien, sinon le diable, qui persuade aux hommes les plaisirs, les délectations et les honneurs du monde, qui ne sont qu'une grenouille ? Car il assure que le faux est vrai, et fait voir le vrai faux ; car il possède cet or précieux, c'est-à-dire, l'âme que j'ai faite, par la puissance adorable de ma Divinité, plus précieuse que les étoiles et les planètes ; que j'ai créée pour moi immortelle, stable et délectable par-dessus toutes choses, et lui ai préparé avec moi une habitation, un repos éternel.

J'ai racheté cette âme de la puissance du démon avec un meilleur or et un plus grand prix, quand, par amour pour elle, j'ai donné ma chair exempte de péché et impeccable, et ai souffert une si amère passion qu'aucun de mes membres n'a été sans quelque blessure ; et en la créant, je l'ai mise en son corps comme dans un cabinet, jusqu'à ce que je la place dans la dignité suréminente de ma Divinité. Or, maintenant, l'âme étant rachetée de la sorte, elle est devenue comme une grenouille très laide et très vile, sautant par la superbe, et demeurant dans le bourbier par la luxure, et elle a enlevé mon or, c'est-à-dire, ma justice.

  Et partant, le diable peut me dire à bon droit : L'or que vous avez acheté n'est pas de l'or, mais une grenouille nourrie au sein de mes plaisirs. Séparez donc le corps de l'âme, et vous verrez qu'elle s'envolera soudain dans mon sein où elle a été nourrie. Je réponds à cela : Vu que la grenouille est horrible à voir, fâcheuse à ouïr, vénéneuse à l'attouchement, et qu'elle ne m'apporte aucun bien, aucun plaisir, mais bien à vous, qui l'avez nourrie dans votre poitrine, elle vous appartient de droit.

  Partant, séparée du corps, elle s'envolera soudain pour demeurer éternellement avec vous. Car telle est l'âme de celui dont je vous parle : certes, elle est comme une grenouille pernicieuse, pleine d'immondicités, et nourrie de voluptés infâmes dans la poitrine de Satan.

J'approche maintenant de son cabinet, c'est-à-dire, de son corps, par l'approche de la mort, qui pend sur quatre gonds qui tombent en ruine, attendu que son corps subsiste par quatre choses : par la force, la beauté, l'afféterie, le regard, qui tous commence à défaillir et à se flétrir.

  Quand l'âme sera séparée du corps, elle s'envolera soudain vers le diable, du lait duquel elle est nourrie, d'autant qu'elle a oublié mon amour, qui m'avait fait anéantir et subir la peine et le supplice qu'elle méritait ; car elle ne me rend pas plaisir pour plaisir ; mais d'ailleurs, elle ôte ma justice : elle me devait mieux servir que cela, d'autant que je l'avais rachetée plus qu'aucune autre créature ; mais elle aime mieux être avec le démon. La voix de son oraison m'est comme la voix de la grenouille ; sa vue m'est abominable ; son ouïe n'entendra jamais ma joie mélodieuse ; son attouchement envenimé ne sentira pas ma Divinité. Mais néanmoins, parce que je suis miséricordieux, son âme, bien qu'elle soit immonde, si quelqu'un la sondait et considérait s'il y a en elle quelque contrition ou quelque bonne volonté, et enfonçait en son esprit une lance pointue et fervente, c'est-à-dire, la crainte de mon sévère jugement, son âme trouverait encore ma grâce, si elle voulait y consentir. Que s'il n'y avait en elle ni contrition ni charité ; si quelqu'un la piquait d'une mordante correction et d'une dure répréhension, il y aurait encore en elle quelque espérance, car tant que l'âme vit avec le corps, ma miséricorde infinie est ouverte à tous.

Voyez donc que je suis mort pour la charité, et personne ne me rend la charité, mais me ravit ma justice, car il serait juste que les hommes vécussent, d'autant mieux qu'ils ont été éminemment rachetés d'un plus grand labeur. Mais maintenant, ils veulent vivre plus mal que je les ai plus amèrement et plus précieusement rachetés, et veulent pécher d'autant plus perfidement que plus je leur ai montré l'abomination de leur péché. Partant, voyez et considérez que je ne me courrouce pas sans sujet, car ils convertissent ma grâce en leur malheur ; je les ai rachetés du péché, et ils se plongent de plus en plus dans le péché. Vous donc, ô mon épouse ! Rendez-moi ce que vous me devez, c'est-à-dire, gardez-moi votre âme pure, car je suis mort pour vous, afin que vous la gardiez pure et intacte.

Chapitre 22

1022   Des demandes de la douce Mère de Dieu à l'épouse ; des réponses humbles de l'épouse à la Mère ; des répliques utiles de la Mère à l'épouse, et du profit des bons entre les mauvais.

  La Mère de Dieu parlait à l'épouse de son Fils, lui disant : Vous êtes l'épouse de mon Fils. Dites ce que vous avez dans l'âme et ce que vous demandez. L'épouse lui répondit : Vous le connaissez fort bien, ô notre Dame ! Car vous savez tout. Et alors la Sainte Vierge lui dit : Bien que je sache tout, néanmoins je connaîtrai cela même quand vous parlerez en la présence des assistants, qui vous écoutent. Alors l'épouse repartit : Je crains deux choses : 1° que je ne pleure ni n'amende mes péchés comme je voudrais ; 2° je m'afflige de ce que plusieurs de vos enfants sont vos ennemis. La Sainte Vierge répondit : Je vous donne trois remèdes contre le premier.

  En premier lieu, pensez que toutes les choses qui ont une âme comme les grenouilles et le reste des animaux, reçoivent quelquefois des incommodités ; néanmoins, leur âme ne vit pas éternellement, mais elle meurt avec le corps : mais votre âme et celle de tous les hommes vivent éternellement. En deuxième lieu, considérez la miséricorde de Dieu, car il n'y a pas homme, quelque pécheur qu'il soit, qui n'obtienne pardon, s'il m'en prie avec propos de s'amender et avec contrition du passé. En troisième lieu, voyez combien est grande la gloire de l'âme qui vit et règne sans fin en Dieu et avec l'éternité de Dieu infini.

  Contre le deuxième, qui dit que les ennemis de Dieu sont nombreux, donnez aussi à vous-mêmes trois remèdes : 1° considérez que votre Dieu, votre Créateur et le leur, est leur juge, et ils ne jugeront jamais désormais, bien que, jusqu'au temps destiné, il supporte patiemment leur malice ;

pensez qu'ils sont enfants de damnation, et combien pesant et insupportable leur sera de toujours brûler malheureusement d'un inextinguible feu. Ils sont très pernicieux serviteurs ; ils ne seront jamais mes héritiers, mais mes enfants posséderont mon héritage.

  Or, vous me direz peut-être : Il ne faut donc par leur prêcher la parole de Dieu ? Véritablement vous devez considérer qu'entre les mauvais, il y en a d'ordinaire des bons, et les enfants adoptifs se retirent souvent du bien, comme l'enfant prodigue, qui s'en alla en une autre région éloignée et vécut mal ; et même souvent, ceux-là même sont excités à la componction par la prédication, et retournent vers leur père, qui les reçoit avec autant de plaisirs qu'auparavant ils étaient partis pécheurs. Partant, il leur faut prêcher, car bien que le prédicateur voie presque tous ses auditeurs méchants, il doit considérer néanmoins à part soi qu'il y en a parmi ceux-là qui seront peut-être enfants de Dieu. Qu'il leur prêche donc, car ce prédicateur jouira d'une très bonne récompense.

  En troisième lieu, considérez qu'on permet aux méchants de vivre pour éprouver les bons, afin qu'étant exercés par leurs moeurs fâcheuses, les bons soient récompensés par le fruit de leur patience, comme vous le pourrez comprendre par un exemple.

  Bien que la rose sente bon, soit agréable à la vue, douce au toucher, néanmoins, elle ne croît que parmi les épines, qui sont âpres au touche, laides à la vue et ne sentent point bon. De même aussi, les hommes bons et justes, bien qu'ils soient doux par leur patience, beaux en leurs moeurs, agréables en leur conversation, ne peuvent néanmoins s'avancer ni être éprouvés que parmi les mauvais. Quelquefois l'épine empêche que la rose soit cueillie avant qu'elle soit éclose et épanouie : de même les mauvais empêchent les bons de se laisser aller au mal ; souvent ils sont retenus comme par un frein par la malice des méchants, afin qu'ils ne s'échappent pas par la joie immodérée ou par quelque autre péché. On ne connaît jamais bien le bon vin que dans la lie : de même les bons et les justes ne peuvent s'avancer dans la vertu, sans être éprouvés par les tribulations et les persécutions des méchants.

  Partant, supportez librement les ennemis de mon Fils ; considérez qu'il est leur juge, et pensez que, s'il était équitable de les ruiner tout à fait, il pourrait, par ses pouvoirs adorables, les effacer et les perdre en un moment. Endurez-les donc puisqu'il les endure lui-même.

Chapitre 23

1023   Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant de l'homme feint et dissimulé qui est appelé ennemi de Dieu. Il parle en particulier de l'hypocrite et le décrit entièrement.

  L'homme feint et dissimulé ressemble à l'homme riche, beau, fort et généreux dans le combat de son seigneur. Mais n'ayant plus son casque sur sa tête, il est abominable à voir et il ne peut rien faire.

  Son cerveau paraît creux et vide ; il a les oreilles au front et les yeux derrière la tête ; son nez est coupé ; ses joues sont ridées et enfoncées ; il ressemble à un homme mort; sa mâchoire du côté droit, sa gorge et la moitié des lèvres, sont tombées, de sorte qu'il n'y a du côté droit que le gosier qui paraît tout nu; sa poitrine est pleine de vers qui y fourmillent; ses bras sont comme deux serpents. Il porte dans son coeur un scorpion pernicieux; son dos est comme un charbon brûlé; ses intestins, corrompus et puants, sont comme de la chair en putréfaction; ses pieds morts sont sans mouvement, incapables de marcher.

  Qu'est-ce que tout ceci signifie ? Écoutez, je vous le dirai. L'homme feint et dissimulé paraît devant les hommes à l'extérieur être de bonnes moeurs, orné de sagesse, généreux à la défense de mon honneur ; mais il n'en est pas ainsi, car si on lui ôtait son casque de la tête, c'est-à-dire, si on le montrait aux hommes tel qu'il est en effet, on le verrait le plus vile et le plus poltron de tous. Certes, son cerveau est tout vide; sa folie et sa légèreté dans ses moeurs montrent assez, par des signes évidents, manifestes, qu'il est indigne d'un tel honneur, car s'il était sage selon ma sagesse divine, il comprendrait qu'il devrait faire une pénitence d'autant plus rude et s'abaisser plus profondément, qu'il est rehaussé en honneur par-dessus les autres. Il a les oreilles au front, attendu qu'au lieu de l'humilité profonde qu'il devrait avoir, à raison de la dignité à laquelle il est élevé et estimé, et brille au-dessus des autres, il ne veut ouïr que ses propres louanges et ses propres honneurs, s'enorgueillissant de telle sorte qu'il veut que tous l'appellent grand et bon. Il a les yeux derrière la tête, attendu que sa vue et ses connaissances ne sont inutilement occupées que des choses présentes, et non des choses éternelles. Toute son étude est de chercher comment il plaira aux hommes, comment il contentera sa chair, et non comment il me contentera et profitera aux âmes. Son nez est coupé, car la discrétion lui est ôtée, par laquelle il pouvait discerner le péché de la vertu, l'honneur passager de l'honneur éternel, les richesses temporelles des richesses immortelles, et les délices fades et périssables des douces et permanentes délices. Ses joues sont creuses, c'est-à-dire, toute l'humilité qu'il devait avoir devant moi, la splendeur et la beauté dont il devait me réjouir, sont éteintes, flétries, attendu qu'il a eu honte de pécher devant les hommes, et non pour ma considération. L'autre partie de la mâchoire et de la lèvre était toute tombée, de sorte, il n'y avait que le gosier, d'autant que l'imitation de mes oeuvres, la prédication de mes paroles et la prière fervente, étaient déchues en lui, de sorte qu'il ne restait en lui que le gosier de sa gourmandise.

  Or, il n'était préoccupé que de l'imitation des méchants, de la révolution des affaires séculières et de leurs tracas. Sa poitrine est remplie de vers, car là où le souvenir de ma passion, de mes oeuvres et de mes commandements devait incessamment résider, là est la sollicitude des choses temporelles et la cupidité du monde, qui rongent cruellement sa conscience, comme des vers, afin qu'elle ne pense pas aux choses spirituelles. Dans son coeur, où je (bonté éternelle) voudrais demeurer, et là où mon amour devrait régner, un méchant scorpion réside, qui le pique de sa queue, et le flatte, et l'allèche de sa face, car de sa bouche sortent des paroles séduisantes et affétées, mais son coeur est plein d'injustice et de tromperie, d'autant qu'il ne se soucie point que l'Église fût détruite, s'il pouvait satisfaire à sa volonté abominable et contenter ses détestables appétits. Ses bras sont comme des serpents pestiférés, car malicieusement il s'étend aux simples, les alléchant et les appelant à soi avec sa feinte simplicité ; et ayant saisi adroitement l'occasion, il les supplante misérablement; et ensuite, comme un serpent, il s'entortille en cercle, d'autant qu'il cache sa malice et son intolérable iniquité, de telle sorte qu'à grand peine peut-on découvrir ses ruses et ses tromperies.

  Cet homme dissimulé est devant moi comme un très vil serpent : car comme le serpent est haï de tous les animaux, de même l'hypocrite m'est le plus désagréable des pécheurs, attendu qu'il met à néant la grandeur et la rigueur de ma justice, et me répute comme un homme qui ne veut pas se venger. Son dos est noir comme un charbon, bien que, néanmoins, il dût être blanc comme l'ivoire, attendu que ses oeuvres devraient être fortes et pures plus que toutes celles des autres, afin qu'il portât les infirmes à bien faire. Mais maintenant, il est comme un charbon, car il est si infirme et si faible qu'il ne saurait endure une parole pour l'amour de moi ; mais pour l'amour de soi-même il endure tout. Vraiment, il lui semble être fort dans le monde ; néanmoins quand il pensera subsister, il succombera, parce qu'il est difforme et mort, devant moi et devant les saints, comme un charbon éteint. Ses intestins sont puants, parce que sa pensée et son affection sont puantes comme une charogne dont personne ne peut souffrir la corruption : de même aucun des saints ne peut le supporter, mais tous en détournent le visage et en demandent à Dieu l'épouvantable jugement et la vengeance terrible. Ses pieds sont morts : les deux pieds signifient deux affections qu'il me porte : l'une, le désir d'amender les fautes commises, et l'autre, la volonté de faire le bien. Mais ces deux pieds sont tout à fait morts en lui, attendu que toute la moelle de la charité est consommée, et il ne reste en lui que les os d'un épouvantable endurcissement. Et ainsi est-il devant moi. Néanmoins, tant que l'âme est dans le corps, il peut trouver ma miséricorde.

Déclaration.

Saint Laurent apparut à sainte Brigitte, disant : Tant que j'ai vécu dans le monde, j'ai eu trois choses : la continence, la miséricorde envers mon prochain, et l'amour envers Dieu. Partant, j'ai prêché avec ferveur la parole de Dieu ; j'ai distribué sagement les biens de l'Église, et supporté joyeusement les fouets, les feux et la mort : mais cet évêque tolère et dissimule l'incontinence du clergé, dépense largement et misérablement les biens de l'Église aux riches ; il a de la charité pour soi et pour les siens. Partant, je lui signifie qu'une légère nuée est déjà montée au ciel. Oh ! Que de flambeaux sont éteints et s'obscurcissent, de peur qu'elle ne soit vue de plusieurs! Or, cette nuée est l'oraison de la Mère de Dieu, qu'elle fait pour l'Église, que les flambeaux de la cupidité, de l'indévotion et du défaut de justice, enveloppent, en sorte que la douceur de la miséricorde de la Mère de Dieu ne peut pénétrer le coeur de ces misérables.

Partant, que cet évêque se convertisse soudain à l'amour divin, qu'il se corrige soi-même, et amende ses sujets par ses exemples et par ses paroles, les avertissant, les exhortant vivement à ce qu'il y a de meilleur, sinon, il sentira la main du juge, et son Église sera purifiée par le feu et par le glaive ; elle sera affligée par le larcin et par tribulation, en sorte qu'en peu de temps, personne ne la consolera.


Révélations de Sainte Brigitte de Suède 1016