Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4084

Chapitre 84 trois sortes d’hommes qui ont été supplantés par les femmes

4084 Notre Seigneur Jésus-Christ, parlant à l’épouse, dit qu’il y a trois sortes d’hommes qui ont été supplantés par les femmes, l’un desquels est comparé à l’âne couronné ; l’autre a le coeur d’un lièvre, et le troisième est comparé au basilic. Et partant, la femme doit toujours être sujette à son mari.

  Le Fils de Dieu, engendré au-delà du monde dans le sein de son Père, parle en ces termes : On lit que trois sortes d’hommes ont été supplantés à raison des femmes.

Le premier était un roi qu’Amasia frappa à la face, quand il ne la contentait pas, d’autant qu’il était fol, et il ne la retenait point ni ne se souciait de son honneur. Cet homme était semblable à l’âne à raison de sa sottise, et à l’âne couronné à raison de sa dignité royale.

Le deuxième fut Samson, qui, bien qu’il fût très fort, fut néanmoins vaincu par une femme. Celui-ci eut le coeur d’un lièvre, d’autant qu’il n’avait pu dompter une femme.

Le troisième était Salomon, qui a été comme un basilic, qui tue de sa vue et est tué par un miroir : de même la sapience de Salomon excédait tous ; néanmoins, la face d’une femme le tua. Partant, il faut que la femme soit soumise à l’homme.

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Chapitre 85

4085 Jésus-Christ dit à l’épouse que, devant lui, il y a deux feuillets d’un livre : en l’un est écrit une triple miséricorde, et en l’autre la justice, qui l’avertit que, pendant qu’elle a le temps, elle se convertisse à la miséricorde, de peur qu’après elle ne soit punie de la justice.

  Le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge parle à son épouse, disant : Je suis le Créateur de toutes choses. Devant moi sont comme deux feuillets : en l’un est écrite la miséricorde, en l’autre la justice. Partant, que celui qui sera contrit de ses péchés propose de ne pécher désormais. Ma miséricorde dit à celui-là que mon Esprit l’allumera et le poussera à faire de bonnes oeuvres. Quiconque donc voudra franchement se délivrer les vanités de ce monde, mon Esprit le rendra plus fervent ; mais celui qui est même préparé et disposé à mourir pour moi, mon Esprit l’embrasera tellement des feux de mon amour qu’il sera tout à moi et que je serai tout en lui.

En l’autre feuillet est écrite la justice, qui dit : Quiconque ne s’amende quand il en a le temps, et s’éloigne sciemment de Dieu, le Père éternel ne défendra pas celui-là, ni le Fils ne lui sera propice, ni le Saint-Esprit ne l’embrassera pas des feux de son divin amour. Partant, pendant qu’il en est temps, considérez mûrement le feuillet de la miséricorde divine, car quiconque sera sauvé, sera purifié, ou par l’eau, ou par le feu, c’est-à-dire, par quelque médiocre labeur de pénitence en ce temps, ou par le feu du purgatoire en l’autre monde, jusqu’à ce qu’il soit entièrement purifié.

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Sachez aussi que j’ai montré à un homme que vous connaissez ces deux feuillets du livre de la miséricorde et de la justice. Mais il méprise maintenant le feuillet de ma miséricorde, et ce qui est à gauche, il le répute à droite ; et comme l’oiseau qu’on nomme hérodius veut exceller par-dessus les oiseaux, de même il désire surpasser tous les hommes en vanité ; et partant, il doit craindre que, s’il ne prend garde diligemment, il mourra en riant, et sera misérablement enlevé des yeux du monde.

Cela arriva après, car sortant de table joyeux et content, il fut tué de nuit par ses ennemis.


Chapitre 86 La Mère de Dieu parle, disant d’elle-même qu’elle est semblable à la fleur de laquelle les abeilles cueillent la douceur

4086   La Mère de Dieu parle, disant d’elle-même qu’elle est semblable à la fleur de laquelle les abeilles cueillent la douceur, car les abeilles sont les serviteurs et les élus de Dieu, qui, tous les jours, cueillent et puisent les douceurs de la grâce, et ont des ailes et des pieds spirituels.

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La Mère de Dieu parle : Je suis la Reine et la Mère de miséricorde. Mon Fils, créateur de toutes choses, est touché de tant de douceur en mon endroit, qu’il m’a donné l’intelligence spirituelle de toutes choses créées. Partant, je suis semblable à une fleur, de laquelle les mouches à miel cueillent la douceur ; bien qu’elles ne cueillent beaucoup, néanmoins la douceur lui demeure : de même je puis impétrer les grâces à tous, et j’en surabonde. Voire même mes élus sont semblables aux abeilles, qui, de toute l’étendue de leur dévotion, sont touchés des atteintes de mon honneur ; car comme des abeilles, ils ont deux pieds, savoir, le désir continuel d’augmenter mon honneur. En second lieu, ils travaillent en cela avec un grand soin, faisant à ces fins tout ce qu’ils peuvent. Ils ont aussi deux ailes, savoir, qu’ils se réputent par humilité indignes de me louer. En deuxième lieu, ils obéissent à tous en ce qui concerne mon honneur, ils ont aussi un aiguillon, et si cet aiguillon leur manque, ils mourront. De même les amis de Dieu sont assaillis d’un torrent de tribulations du monde, lesquelles, pour la conservation des vertus, ne leur seront pas ôtées avant la fin de leur vie ; mais quoi, qui suis l’océan et le Dieu de toute consolation, je les consolerai.


Chapitre 87 L'épouse doit avoir ses membres beaux et sans tache

4087   Notre Seigneur Jésus-Christ parle à son épouse, disant qu’elle doit avoir ses membres beaux et sans tache, comparant spirituellement tous ses membres à la parfaite dilection de Dieu et du prochain, et singulièrement des amis de Dieu. Il conclut aussi qu’il faut faire spirituellement ce que le phénix fait corporellement : il amasse de petites bûchettes pour se brûler lui-même par icelles.

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Le Fils du Père éternel, la splendeur de la gloire, parle à son épouse en ces termes : Je vous ai dit en premier lieu que vous devez avoir les yeux clairs et sereins, afin que vous voyiez les maux que vous avez faits et le bien que vous avez omis ; que votre bouche, c’est-à-dire, votre esprit, soit sans aucune tache ; les lèvres sont les deux désirs, l’un de quitter tout pour l’amour de moi, l’autre la volonté de demeurer avec moi, et que ces lèvres soient de couleur rouge, qui est la plus décente des couleurs et qui se voit de plus loin. Or, la couleur signifie beauté, et toute beauté et éclat sont en la vertu, car cela est plus acceptable et agréable à Dieu, quand on lui offre ce que les hommes aiment le plus et dont les âmes prennent un plus grand et juste sujet d’édification.

  Il faut donc donner à Dieu ce que l’homme a de plus cher, soit en effet, soit en oeuvre. Partant, on lit que Dieu s’est réjoui de la perfection de ses oeuvres : de même Dieu se réjouit quand l’homme s’offre tout à lui, voulant être indifféremment, selon les volontés divines, en supplice ou en joie. Les bras doivent être légers et flexibles à l’honneur et à la gloire de Dieu. Donc, le bras gauche est la considération des biens et bénéfices dont je vous ai enrichie, vous créant du néant, vous rachetant par le prix de mon sang, et la pensée de vos insupportables ingratitudes. Mais le bras droit est la dilection si fervente à mon endroit, que vous aimeriez mieux endurer les tourments durs et cruels, que de me perdre et de me provoquer à ire et à indignation. Entre ces deux bras je me repose franchement, et votre coeur sera mon coeur, car je suis comme un feu de la divine dilection, et partant, je veux être là aimé avec plus de ferveur.

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Or, les ôtes qui défendent votre coeur sont les parents, non charnels, mais mes chers élus, lesquels vous devez aimer comme moi et plus que les parents charnels, car de fait, ils sont vos parents qui vous ont régénérée à la vie éternelle. Or, la peau de l’âme doit être si belle qu’elle n’ait aucune souillure. Par la peau, on entend le prochain. Si vous aimez le prochain comme vous-même, mon amour et celui de tous mes saints seront gardés inviolables en vous ; que si vous le haïssez, le coeur est lésé, et les côtés seront dénuées de la chair, c’est-à-dire, l’amour de mes saints sera moindre en vous. La peau ne doit avoir aucune tache, d’autant que vous ne devez point haïr le prochain, mais l’aimer selon Dieu, car lors mon coeur est sain avec votre coeur.

D’ailleurs, je vous ai dit ci-devant que je veux être aimé avec beaucoup de ferveur, d’autant que je suis le feu de la divine dilection, car en mon feu, il y a trois merveilles :

la première est que ce feu brûle et ne s’allume jamais ;

la deuxième, il ne s’éteint point ;

la troisième, qu’il brûle incessamment et n’est jamais consumé.

  De même, ma charité du commencement était si ardente envers l’homme né de ma Déité, qu’elle brûla plus en l’assomption de l’humanité, et brûle tellement qu’elle ne s’éteindra jamais : mais elle rend l’âme plus fervente et ne la consume pas, mais elle la fortifie et l’affermit de plus en plus, comme vous le pourrez colliger du phénix, qui, étant en ses dernières années, amasse de petites bûchettes en une montagne très haute, et ces bûchettes étant allumées par la chaleur du soleil, il se jette dans le feu, et étant consumé par le feu, il revit : de même l’âme qui est embrasée des feux du divin amour, est d’elle comme un autre phénix meilleur et plus fort.

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Chapitre 88 trois sortes de personnes au monde

4088 Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui dit que toutes choses créées ont été à sa volonté, excepté les hommes. Il lui dit aussi qu’il y a trois sortes de personnes au monde qui sont comparées à trois navires flottants en mer, l’un desquels est en danger de faire naufrage ; le deuxième chancelle sur les vagues, lorsque le troisième jouit du calme.

L’Engendré de toute éternité dans le sein du Père, et l’engendré dans le sein de la Mère dans le temps, Jésus-Christ parle en ces termes : Je suis le créateur des esprits bons et mauvais. Je suis aussi le conducteur et le modérateur de tous les esprits. Je suis encore créateur de tous les animaux et des choses qui ont l’être, et non la vie. Partant, tout ce qui est compris dans le pourpris de l’univers, et toutes choses font ma volonté, excepté l’homme seul.

Sachez aussi qu’il y a des hommes qui sont comme des navires qui ont perdu le gouvernail et le mât, qui vaguent ça et là à la merci des flots agités par les tempêtes de la mer, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au rivage des îles de la mort. En ce navire sont tous ceux qui se jettent et s’abandonnent comme quasi au désespoir et à toute sorte de voluptés.

D’autres hommes sont comme des navires qui ont encore le mât, un gouvernail et une ancre avec deux cordes. Mais l’ancre principale est rompue, et le gouvernail est bientôt fracassé, si les impétuosités des vagues se mettent entre le navire et le gouvernail. Qu’on y prenne donc garde, car tant que le gouvernail et le navire sont unis ensemble, ils ont comme quelque chaleur entre eux. Le troisième navire a tout ce qui est requis pour voguer et cingler quand on voudra.

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La première ancre dont nous avons parlé ci-dessus est la discipline de la religion, qui est soulagée par la patience et la ferveur de la divine dilection. Il est maintenant défait et rompu, d’autant que l’institution et l’instruction des Pères est maintenant foulée aux pieds ; ce qui leur semble utile, ils ont cela pour religion, et de la sorte, ils sont changeants et inconstants comme le navire au milieu des flots.

La deuxième ancre, qui est encore saine, comme j’ai dit ci-dessus, est la volonté de servir Dieu, liée avec deux cordes par l’espérance et la foi, d’autant qu’ils me croient Dieu et s’appuient en moi, croyant que je les veux sauver. Je suis le gouvernail de ceux-là : tant que je serai en leur navire, les flots et les orages n’y entreront point, et il y a entre eux et moi quelque chaleur. Or, lors je suis uni au navire d’iceux, quand eux n’aiment rien tant que moi ; je suis lors comme attaché à eux comme par trois clous, savoir, par la crainte, l’humilité, et la considération de mes oeuvres. Mais que, s’ils aiment quelque chose plus que moi, lors l’eau de dissolution est entrée en eux, et lors les trois clous sont arrachés, savoir, la crainte, l’humilité et la divine considération ; lors l’ancre de la bonne volonté est rompue, et les cordes de la foi et de l’espérance ferme sont coupées. Mais ceux qui voguent en ce navire sont grandement inconstants, et partant, ils avancent chemin aux écueils et aux dangers.

Page 373 Dans le troisième navire dont j’ai parlé, qui avait tout ce qui était utile et nécessaire pour voguer, sont mes très chers et fidèles amis.


Chapitre 89 manière que le soldat spirituel doit tenir au combat

4089   Jésus-Christ parle à son épouse, lui enseignant la manière que le soldat spirituel doit tenir au combat, savoir, qu’il se doit confier en Dieu, et non en ses propres forces. Il lui donne deux oraisons fort courtes pour les dire tous les jours ; il lui dit aussi qu’il doit être armé des armes spirituelles contenues en ce chapitre.

  Le Fils du Père éternel parle en ces termes : Que quiconque veut combattre soit magnanime à se lever ; s’il tombe, qu’il se confie, non en ses propres forces, mais en ma miséricorde, car celui qui se défie de ma bonté, pensant ainsi à part soi : Si je commence quelque chose, mortifiant ma chair par jeûnes, la travaillant par des veilles, je ne pourrai persévérer ni m’abstenir des vices, car Dieu ne m’aide point ; celui-ci tombe à bon droit. Que celui donc qui veut combattre spirituellement, se confie en moi qu’il pourra accomplir ses desseins par la coopération de ma grâce. Après, qu’il ait la volonté de faire le bien, de laisser le mal, et de se relever tout autant de fois qu’il tombera, disant cette oraison : Seigneur, Dieu tout-puissant, qui conduisez tous les hommes au bien, je, pécheur, me suis par trop éloigné de vous par mes crimes : je vous rends grâces de ce que vous m’avez ramené à la voie droite. Partant, je vous prie, mon très pieux Jésus, d’avoir miséricorde de moi, vous qui avez été sanglant, douloureux au gibet de la croix pour l’amour de moi ; et je vous prie et conjure par vos cinq plaies, et par les douleurs excitées en vos veines quand on les perçait, et qui montaient au coeur, qu’il vous plaise me conserver ce jourd’hui, afin que je ne tombe en péché. Donnez-moi encore la force et la vertu de résister puissamment aux flèches de mes ennemis, et que je me relève généreusement, si je tombe.

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Quant à ce que le combattant puisse glorieusement persévérer en bonnes oeuvres, qu’il prie en cette manière : Seigneur Dieu, à qui rien n’est impossible et qui pouvez toutes choses, donnez-moi la force de faire de bonnes oeuvres et de persévérer incessamment en icelles. Après, qu’il prenne les armes en main, c’est-à-dire, la pure confession, qui doit être bien limée et resplendissante par la sainte considération ; limée par une diligente discussion et examen de sa conscience : comment, combien, en quel lieu il aura failli, et pourquoi. Après, elle doit être resplendissante, savoir, qu’il ne cache rien de honte, ni qu’il ne dise autrement qu’il a péché.

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Ce glaive doit avoir deux côtés tranchants, savoir, la volonté de n’offenser Dieu à l’avenir, et le désir d’amender ce qu’il a confessé. La pointe de ce glaive est la contrition, par laquelle le diable est tué, lorsque l’homme s’attriste tout autant qu’il avait pris du plaisir au péché, qu’il s’en repent et gémit, d’autant qu’il m’a provoqué à courroux. Ce glaive doit avoir aussi la considération de la grande miséricorde de Dieu, dont la miséricorde est si grande qu’il n’y a pécheur si grand qui ne l’obtienne, s’il la demande avec volonté de se corriger avec cette intention, savoir, que Dieu est miséricordieux sur toutes choses. Il faut tenir le glaive de la confession ; mais afin que, par aventure, le taillant ne blesse la main, que les gardes qui sont entre la lame et la poignée l’empêchent ; et afin que le glaive ne tombe de la main, que la poignée le préserve.

  Semblablement, que celui qui a le glaive de la confession, espérant de la miséricorde divine que ses péchés lui seront pardonnés et qu’il en sera purifié, se donne aussi de garde qu’il ne tombe par la présomption d’obtenir pardon : partant, que la crainte de Dieu ne l’empêche, craignant que Dieu ne lui ôte la grâce et lui donne sa fureur, à raison de sa trop grande présomption. Mais de peur qu’il ne soit blessé, et que la main de l’oeuvre ne soit affaiblie et diminuée par la grande ferveur et l’activité du labeur, et par l’indiscrétion, que le fer qui est entre la main et l’acier, c’est-à-dire, la considération de l’équité de Dieu, le conserve des extrémités, car bien que je sois juste, de sorte que je ne laisse rien impuni et sans examen, je suis néanmoins si miséricordieux et si équitable que je ne demande point plus loin que ce que la nature peut faire et supporter facilement, et je pardonne, à raison de la bonne volonté, un grand supplice et un grand crime pour un petit amendement.

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La cotte de mailles d’un soldat est l’abstinence, car comme la cotte de mailles est composée et tissue de plusieurs chaînons, de même l’abstinence résulte de plusieurs vertus, savoir, de la mortification des yeux, de l’abnégation et anéantissement de tous les sens, des viandes, de la fuite de toute sorte de lubricités, de toutes les choses superflues, et de plusieurs autres choses que saint Benoît défend. Mais cette cotte de mailles ne peut être personnellement accommodée à quelqu’un sans le secours d’un autre. Partant, ma Mère, la Sainte Vierge, doit être invoquée et honorée, d’autant qu’en elle sont tous les moyens de la vie et toute la forme des vertus. Certes, si on l’invoque constamment, elle nous montrera en quoi consiste la parfaite abstinence.

  Le heaume est la parfaite espérance, qui a comme deux trous par lesquels le soldat regarde : le premier est la considération mûre et prudente de ce qu’il faut faire; le deuxième est la pensée de ce qu’il faut omettre, attendu que tout homme qui espère en Dieu pense toujours à ce qu’il doit faire selon Dieu, et à ce qu’il doit omettre pour Dieu. Or, que le bouclier soit la patience, qui lui fait pâtir et souffrir invinciblement et franchement tout ce qui lui arrive.


Chapitre 90 Notre-Seigneur Jésus-Christ dit que ses amis sont comme son bras

4090   Notre-Seigneur Jésus-Christ dit que ses amis sont comme son bras, d’autant que lui, comme un bon médecin, coupe et taille leur chair pourrie et tout ce qui leur est nuisible, et conjoint à soi la bonne chair, les transformant en soi.

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Le Fils de Dieu dit que ses amis sont comme son bras. Il a cinq choses au bras : la peau, le sang, les os, la chair et les moelles. Mais moi, je suis comme un sage médecin, qui taille en premier lieu tout ce qui est nuisible; après, il unit la chair à la chair et l’os à l’os, et de la sorte applique le médicament salutaire. J’en ai fait de même à mes amis : en premier lieu, je leur ai ôté toute la cupidité mondaine et les désirs illicites de la chair, et puis j’ai conjoint ma moelle à leur moelle. Quelle est ma moelle, sinon la puissance de mon adorable Déité? Car comme sans moelle tout homme est mort, de même celui qui ne communique à ma Déité est mort. J’ai conjoint lors cette moelle à leur infirmité, quand ma sagesse les goûte et les fructifie en eux, et quand leur âme comprend et entend ce qu’il faut faire et ce qu’il faut omettre. Or, les os signifient ma force infinie : je la conjoins à leur force, quand je les rends forts pour faire le bien. Le sang signifie ma volonté : je la conjoins lors à leur volonté, quand leur volonté est selon mon vouloir, et quand ils ne désirent ni ne cherchent que moi seul. La chair signifie ma patience : je l’ai lors conjointe à leur patience, quand ils sont patients comme je l’ai été, lorsque, du sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, il n’y avait point de santé en moi. La peau signifie ma dilection : lors je l’ai conjointe à moi, quand ils n’aiment rien tant que moi, et quand, avec ma grâce, ils veulent mourir pour l’amour de moi.


Chapitre 91 Jésus-Christ avertit son épouse de s’humilier en quatre manières

4091   Jésus-Christ avertit son épouse de s’humilier en quatre manières, savoir : devant les potentats du monde; devant les pécheurs; devant les amis de Dieu spirituels et devant les pauvres de ce monde.

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Le Fils de l’Éternel, la Sapience infinie, parle à sa très chère amante l’épouse, lui disant : Vous vous devez humilier en quatre manières :

1° devant les puissants et potentats du monde, car soudain que l’homme méprisa d’obéir à Dieu, il a été sujet d’obéir à l’homme, et d’autant que l’homme ne peut subsister sans gouverneur, c’est pourquoi il est juste qu’il se soumette à l’homme;

2° devant les pauvres spirituels, c'est-à-dire, devant les pécheurs, priant pour eux et remerciant Dieu, d’autant que, peut-être, vous n’avez pas été ni ne serez telle;

3° devant les riches spirituels, c'est-à-dire, devant les amis de Dieu, vous estimant être véritablement digne de les servir et de converser avec eux; 4° devant les pauvres du monde, les aidant, les revêtant et lavant leurs pieds.


Chapitre 92 Jésus-Christ avertit l’épouse d’avancer et de persévérer dans les vertus, imitant la vie des saints, afin qu’elle soit le bras de Jésus

4092   Jésus-Christ avertit l’épouse d’avancer et de persévérer dans les vertus, imitant la vie des saints, afin qu’elle soit le bras de Jésus. Il prouve aussi que les saints transformés sont les bras de Jésus-Christ.

  L’engendré avant le temps, de toute éternité dans le sein du Père éternel, parle, disant : Mes amis sont comme mon bras. Véritablement cela est de la sorte, car le Père éternel, le Fils tout sage, le Saint-Esprit et la Vierge le sont aussi. La Déité est comme la moelle sans laquelle personne ne vit. Mes os sont l’humanité, qui fut forte pour pâtir et souffrir. Or, le Saint-Esprit est comme le sang, d’autant qu’il remplit et réjouit toutes choses. Ma Mère, en laquelle ont été la Déité, l’humanité et le Saint-Esprit, est comme la chair. La peau est toute la milice céleste, car comme la peau couvre la chair, de même ma très chère Mère excelle par-dessus tous les saints en éminence de vertu, car bien que les anges soient purs, elle est pourtant plus pure; et bien que les prophètes aient été remplis de l’Esprit de Dieu et que les martyrs aient beaucoup souffert, néanmoins, l’Esprit d’amour a été plus fervent en ma Mère, et elle a été plus que martyre; et bien que les confesseurs se soient abstenus de toutes choses mauvaises, et même de quelques-unes licites, ma très chère Mère eut néanmoins une plus parfaite abstinence, car elle eut ma Déité avec mon humanité.

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Quand donc mes amis m’ont en eux, ma Déité est en eux, qui vivifie leur âme; la force de mon humanité est en eux, qui les fortifie jusque à la mort, et mon sang est en eux, par lequel leur volonté a les mouvements à toute sorte de biens. Leur chair aussi est remplie de mon sang et de ma chair, quand ils ne veulent en rien se salir, se conservant inviolables en la chasteté par ma grâce. Ma peau est aussi conjointe à leur peau quand on imite la vie et les moeurs de mes saints. Et de la sorte, mes saints sont à bon droit appelés mon bras, desquels vous devez être aussi les membres par les désirs ardents d’avancer au bien, en les imitant autant que vous pourrez; car comme je les unis à moi par la conjonction de mon corps, de même vous devez vous unir à eux et à moi par le même corps qui est le mien.

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Chapitre 93

4093 Jésus-Christ parle à son épouse, lui commandant trois choses : 1° qu’elle ne désire que la vie et le vêtement; 2° qu’elle ne désire les choses spirituelles, si ce n’est selon les volontés divines; 3° qu’elle ne s’attriste de rien, si ce n’est de ses péchés et de ceux d’autrui. Il dit encore que ceux qui n’ont pas voulu amender leurs péchés par la pénitence, seront rudement punis au jugement divin.

  Le Verbe éternel, le Fils de Dieu, commande trois choses à sainte Brigitte : 1° de ne rien désirer que la vie et les vêtements; 2° de ne désirer les choses spirituelles que conformément aux volontés divines; 3° de ne s’affliger que de ses péchés et de ceux d’autrui. Si vous en voulez avoir de la douleur, considérez la rigueur et la fureur du jugement effroyable, laquelle vous pourrez mieux pénétrer en un homme déjà jugé, qui, étant entré en un monastère, eut trois choses en l’âme, savoir, d’être sans peine, d’avoir la nourriture sans soin, d’esquiver les tentations de la chair sans en venir à l’exécution; c’est pourquoi il a été assailli de trois sortes d’afflictions, car, 1° voulant être sans labeur et sans peine, il y a été contraint par parole et par le fouet; 2° il a souffert la faim et la nudité; 3° il a été méprisé de tous, de sorte qu’il n’a pu se délecter en volupté.

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Or, le jour de la profession s’approchant, il eut cette pensée : D’autant, dit-il, que je pourrai être au monde sans labeur, il vaut plus que je sois dans le monastère et que je travaille pour l’amour de Dieu. Et le voyant en telle volonté, ma miséricorde et ma justice voulurent qu’il parvînt à la gloire éternelle, car soudain qu’il eut fait profession, dès l’instant il fut accablé d’une grande maladie et en telle sorte affligé, qu’il perdit de douleur la vue et l’ouïe et fut affligé en tous ses membres, d’autant qu’il voulait être sans peine ni labeur. Il endurait une plus grande pauvreté qu’il n’eût endurée au monde, et même, ayant des viandes plus délicates, il n’en peut aucunement manger, et ne pouvait avoir ce que la nature désirait. Sa nature fut tellement exténuée et consommée avant la mort, qu’il semblait un tronc. Mais étant mort, il vint au jugement comme un larron qui voulait être en la religion sans rien faire que sa volonté, non pas pour y bien vivre; mais néanmoins, il ne devait pas être jugé comme larron, car bien qu’il fut fou et insensé en sa raison et en sa conscience, néanmoins il avait son espérance en moi, qui suis Dieu, et partant, il fut jugé à la miséricorde. Le péché commis n’ayant pu être pleinement purifié par les peines corporelles, c’est pour cela aussi que son âme est grièvement punie en purgatoire, ni plus ni moins que si les os lui ayant été arrachés, la peau était mise en une presse, afin que la moelle s’en écoulât toute.

Hélas! Que pâtiront donc ceux qui ont croupi dans le péché tout le cours de leur vie, et n’ont ni ne veulent avoir un acte contraire! C’est ce qu’ils me rendent pour les avoir si chèrement rachetés, conservés, et pour leur avoir donné tout ce qui leur est nécessaire! Et partant, j’en exigerai cela au jugement avec fureur, d’autant qu’ils ont violé la foi qu’ils m’avaient vouée au baptême, et parce que, tous les jours, ils ne font que m’offenser, méprisant mes commandements. En vérité, je ne laisserai point sans une grande punition la moindre chose qu’ils ont commise en religion.

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DECLARATION.

  Le Frère dont il est ici parlé eut un péché caché dont il ne voulut jamais se confesser. Notre-Seigneur commanda à sainte Brigitte de l’aller trouver, ce qu’elle fit, et elle lui dit : Faites pénitence. Vous avez quelque chose de caché en votre conscience. Tant que vous cacherez cela, vous ne pourrez mourir.

Il lui répondit : Je n’ai rien qui n’ait été dit en la confession.

Cherchez, dit-elle, comment vous avez vécu durant tout le cours de votre vie jusque à maintenant, et vous trouverez la vérité en votre coeur.

Lors fondant en larmes, il dit : Béni soit Dieu qui vous a envoyée à moi, car puisque vous m’avez parlé du secret de mon coeur, j’en veux dire la vérité devant ces auditeurs! Oui, j’ai quelque chose de caché dans mon coeur, que je ne pouvais ni n’osais déclarer, d’autant que toutes fois et quand est-ce que je me confessais des autres péchés, ma langue demeurait muette et liée quand il fallait parler de celui-ci; et d’ailleurs la honte me saisissait, et la confusion m’empêchait de confesser ce qui me rongeait le coeur. C’est pourquoi, quand je me confessais, je terminais ma confession en ces termes : O Père, je me confesse des péchés que j’ai dits et de ceux que je n’ai pas dits. Je croyais que de la sorte tous les péchés m’étaient remis, bien que cachés. Mais maintenant, Madame, s’il plaisait à Dieu, je voudrais dire à tout le monde les péchés que j’ai si longtemps cachés dans mon coeur.

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Ayant appelé un confesseur, il dit tous ses péchés, et mourut la même nuit.


Chapitre 94 Notre-Seigneur enseigne à sa chère épouse de belles et excellentes oraisons pour dire quand elle s’habille, quand elle va à table et se coucher

4094   Notre-Seigneur enseigne à sa chère épouse de belles et excellentes oraisons pour dire quand elle s’habille, quand elle va à table et se coucher, l’avertissant qu’elle soit humble en tous ses vêtements, modeste et honnête en tous ses membres.

  La splendeur de la gloire, le Fils de Dieu dit à son épouse : La beauté extérieure signifie la beauté intérieure que l’homme doit avoir; c’est pourquoi, quand vous prenez le bandeau ou le voile par lesquels les cheveux sont serrés, dites : O Seigneur Dieu, je vous rends grâces de ce que vous m’avez supportée lorsque j’étais plongée en mes péchés; et parce que je ne suis pas digne de voir à raison de mon incontinence, je voile mes cheveux.

Notre-Seigneur ajouta : L’incontinence m’est tellement abominable, que la vierge qui a quelque mauvais et volontaire désir à quelque incontinence, n’est pas pure devant mes yeux, si elle ne corrige sa pernicieuse volonté par la pénitence.

Quand vous voilez votre front, dites : O mon Dieu, mon Seigneur, d’autant que vous avez bien créé toutes choses, et particulièrement l’homme d’une manière plus excellente par-dessus tout, le faisant à votre image et ressemblance, ayez miséricorde de moi. Et d’autant que je n’ai pas gardé la beauté de ma face pour votre honneur et gloire, je voile mon front.

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Quand vous ôtez vos souliers, dites : Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui me commandez d’avoir des souliers, afin que je sois forte, et non pas lâche à votre service! Confortez-moi donc et affermissez-moi, pour que je puisse marcher en la voie de vos commandements. Que dans le reste de vos vêtements paraisse toujours l’humilité, et en tous vos membres, l’honnêteté modérée.

Quand vous allez à la table, dites : O mon Dieu, si vous vouliez, comme vous le pouvez, me soutenir sans viande, je vous en prierais maintenant. Mais puisque vous nous commander d’en prendre, donnez-moi donc la sobriété des viandes, afin que, par votre grâce, je puisse manger selon la nécessité que la nature exige, et non selon que la cupidité le désire.

Quand vous allez vous coucher, dites : Béni soyez-vous, mon Dieu, qui disposez les vicissitudes et les changements des saisons pour le soulagement de notre corps et de notre âme! Il vous supplie très humblement de donner à ce corps, cette nuit, le repos, et conservez-moi à l’abri de la puissance et des illusions diaboliques.


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Chapitre 95

4095   Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui déclare quelles sont les armes des ennemis qui se sont glorifiés dans le péché avec volonté d’y persévérer. Ils seront consommés avec effroi par le glaive de la fureur d’un Dieu tout-puissant.

  La Sapience incarnée, le Fils de Dieu, parle : Je m’arrête comme un roi provoqué au combat. Le diable s’arrête contre moi avec son armée; mais le dessein et la constance de ma résolution sont tels, qu’avant de me retirer de ma justice d’un seul point, plutôt le ciel et la terre et tout ce qui est compris dans leur pourpris, se renverseraient! Mais l’intention du diable est qu’avant de s’humilier, il aimerait mieux qu’il y eût autant d’enfers qu’il y a d’atomes dans le soleil, et souffrir l’un avec l’autre sans fin.

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Quelques-uns de mes ennemis s’approchèrent du jugement, et il n’y a pas la distance de deux pieds : Leur bannière, leur étendard est dressé; leur bouclier est au bras, le glaive est en main, mais il n’est pas encore au vent. Ma patience est si grande que, s’ils ne me frappent les premiers, je ne les frapperai point. En la bannière de mes ennemis, il y a trois devises : la gourmandise, la cupidité et la luxure. Leur heaume est l’endurcissement du coeur, car ils ne considèrent point les peines effroyables de l’enfer, ni ne pensent pas mûrement combien difforme et abominable est le monstre du péché. Les trous du heaume sont la volonté de la chair et la volonté de plaire au monde, car par ces misérables désirs, ils courent partout et ils voient ce qu’il ne faut pas voir. Leur bouclier est la perfidie, qui leur fait excuser leurs péchés, et ils les imputent, non à leur méchanceté, mais à la fragilité de la chair, c’est pourquoi ils tiennent peu de compte de leurs péchés et d’en demander pardon. Leur glaive est la mauvaise volonté de persévérer en leur péché infâme; il n’est pas arraché, d’autant que leur malice n’est pas accomplie; mais lors il est arraché, quand ils veulent tout autant pécher qu’ils peuvent vivre; mais lors ils frappent très rudement, quand ils se glorifient, ensevelis dans la misère du péché, de désirer de persévérer dans l’état misérable qui n’a jamais d’égal, et dans l’iniquité abominable. Mais quand leur malice sera accomplie, lors la voix criera en mon armée, disant : Frappez maintenant! Et lors le glaive de ma sévérité les consommera, et un chacun sentira la rigueur et la fureur de ma justice, et comme elle est armée; leurs âmes seront ravies par les diables, qui, comme des oiseaux de rapine, ne cherchent point le bien temporel, mais ces âmes, qu’ils déchireront éternellement.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4084