Redemptoris Missio FR 56


56 Le dialogue n'est pas la conséquence d'une stratégie ou d'un intérêt, mais c'est une activité qui a ses motivations, ses exigences et sa dignité propres: il est demandé par le profond respect qu'on doit avoir envers tout ce que l'Esprit, qui "souffle ou il veut", a opéré en l'homme(103). Grâce au dialogue, l'Eglise entend découvrir les "semences du Verbe"(104), les "rayons de la vérité qui illumine tous les hommes"(105), semences et rayons qui se trouvent dans les personnes et dans les traditions religieuses de l'humanité. Le dialogue est fondé sur l'espérance et la charité, et il portera des fruits dans l'Esprit. Les autres religions constituent un défi positif pour l'Eglise d'aujourd'hui; en effet, elles l'incitent à découvrir et à reconnaître les signes de la présence du Christ et de l'action de l'Esprit, et aussi à approfondir son identité et à témoigner de l'intégrité de la Révélation dont elle est dépositaire pour le bien de tous.

103 Cf. Encycl. Redemptor hominis,
RH 12: l.c., p. 279.
104 CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de Eglise Eglise Ad gentes, AGD 11 AGD 15
105 CONC. OECUM. VAT. II, Déclaration sur les relations de l'Eglise avec les religions non chrétiennes Nostra aetate, NAE 2


On voit par là quel esprit doit animer ce dialogue dans le contexte de la mission. L'interlocuteur doit être cohérent avec ses traditions et ses convictions religieuses et ouvert à celles de l'autre pour les comprendre, sans dissimulation ni fermeture, mais dans la vérité, l'humilité, la loyauté, en sachant bien que le dialogue peut être une source d'enrichissement pour chacun. Il ne doit y avoir ni capitulation, ni irénisme, mais témoignage réciproque en vue d'un progrès des uns et des autres sur le chemin de la recherche et de l'expérience religieuses et aussi en vue de surmonter les préjugés, l'intolérance et les malentendus. Le dialogue tend à la purification et à la conversion intérieure qui, si elles se font dans la docilité à l'Esprit, seront spirituellement fructueuses.


57 Un vaste domaine est ouvert au dialogue qui peut revêtir des formes et des expressions multiples: depuis les échanges entre experts de traditions religieuses ou entre représentants officiels de celles-ci jusqu'à la collaboration pour le développement intégral et la sauvegarde des valeurs religieuses; de la communication des expériences spirituelles respectives à ce qu'il est convenu d'appeler "le dialogue de vie", à travers lequel les croyants de diverses confessions témoignent les uns pour les autres, dans l'existence quotidienne, de leurs valeurs humaines et spirituelles et s'entraident à en vivre pour édifier une société plus juste et plus fraternelle.
Tous les fidèles et toutes les communautés chrétiennes sont appelés à pratiquer le dialogue, même si ce n'est pas au même niveau et sous des modalités identiques. Pour ce dialogue, la contribution des laïcs est indispensable: "Par l'exemple de leur vie et par leur action, les fidèles laïcs peuvent améliorer les rapports entre les adeptes des différentes religions"(106), et, de plus, certains d'entre eux seront en mesure de contribuer à la recherche et à l'étude(107).

106 Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici,
CL 35: l.c., p. 458.
107 Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 41


Sachant que pour beaucoup de missionnaires et de communautés chrétiennes la voie difficile et souvent incomprise du dialogue constitue l'unique manière de rendre un témoignage sincère au Christ et un service généreux à l'homme, je désire les encourager à persévérer avec foi et amour, là même ou leurs efforts ne rencontrent ni attention ni réponse. Le dialogue est un chemin vers le Royaume et il donnera sûrement ses fruits, même si les temps et les moments sont réservés au Père (cf. Ac 1,7).


Promouvoir le développement en éduquant les consciences

58 La mission ad gentes se déroule encore aujourd'hui, pour une grande partie, dans les régions de l'hémisphère sud, là ou l'action pour le développement intégral et la libération de toute oppression est la plus urgente. L'Eglise a toujours su éveiller, parmi les populations qu'elle a évangélisées, un élan vers le progrès, et aujourd'hui, plus que dans le passé, les gouvernements et les experts internationaux reconnaissent que les missionnaires sont aussi des promoteurs du développement et ils admirent les remarquables résultats obtenus avec très peu de moyens.
Dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis, j'ai déclaré que "l'Eglise n'a pas de solutions techniques à offrir face au problème du sous-développement comme tel", mais qu'"elle apporte sa première contribution à la solution du problème urgent du développement quand elle proclame la vérité sur le Christ, sur elle-même et sur l'homme, en l'appliquant à une situation concrète"(108). La Conférence des évêques latino-américains à Puebla a affirmé que "le meilleur service à rendre à l'homme est l'évangélisation qui le dispose à s'épanouir comme fils de Dieu, le libère des injustices et encourage son développement intégral"(109). La mission de l'Eglise n'est pas d'agir directement sur le plan économique, technique, politique, ou de contribuer matériellement au développement, mais elle consiste essentiellement à offrir aux peuples non pas "plus d'avoir" mais "plus d'être", en réveillant les consciences par l'Evangile. "Le développement humain authentique doit se fonder sur une évangélisation toujours plus profonde"(110).

108 Encycl Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987),
SRS 41: AAS 80
109 Documents de la troisième Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, Puebla (1979), 3760 (1145).
110 Discours aux evêques, aux prêtres, aux religieuses et aux religieux, Djakarta, 10 octobre 1989, n. 5: L'Osservatore Romano, 11 octobre 1989.

L'Eglise et les missionnaires sont des promoteurs du développement grâce à leurs écoles, à leurs hôpitaux, à leurs imprimeries, à leurs universités, à leurs exploitations agricoles expérimentales. Toutefois, le développement d'un peuple ne vient pas d'abord de l'argent, ni des aides matérielles, ni des structures techniques, mais bien plutôt de la formation des consciences, du mûrissement des mentalités et des comportements. C'est l'homme qui est le protagoniste du développement, et non pas l'argent ni la technique. L'Eglise éduque les consciences en révélant aux peuples le Dieu qu'ils cherchent sans le connaître, en leur révélant la grandeur de l'homme créé à l'image de Dieu et aimé par lui, en leur révélant l'égalité de tous les hommes comme fils de Dieu, leur empire sur la création qui est mise à leur service, leur devoir de s'engager pour le développement de tout l'homme et de tous les hommes.


59 Par le message évangélique, l'Eglise apporte une force qui libère et qui agit en faveur du développement, précisément parce qu'il amène à la conversion du coeur et de l'esprit, parce qu'il fait reconnaître la dignité de chacun, parce qu'il dispose à la solidarité, à l'engagement, au service d'autrui et qu'il insère l'homme dans le projet de Dieu, qui est de construire un Royaume de paix et de justice dès cette vie. C'est la perspective biblique des "cieux nouveaux et de la terre nouvelle" (cf. Is 65,17 2P 3,13 Ap 21,1), qui a été dans l'histoire le stimulant et le but de la marche en avant de l'humanité. Le développement de l'homme vient de Dieu, du modèle qu'est Jésus homme-Dieu, et il doit conduire à Dieu(111). C'est la raison pour laquelle il y a un lien étroit entre l'annonce de l'Evangile et la promotion de l'homme.

111 Cf. PAUL VI, Encycl. Populorum progressio, PP 14-21 PP 40-42: l.c., pp. 264-268, 277-278; JEAN-PAUL II, Encycl. Sollicitudo rei socialis, SRS 27-41: l.c., pp. 547-572.


La contribution de l'Eglise et de l'évangélisation au développement des peuples ne concerne pas seulement l'hémisphère sud pour y combattre la misère matérielle et le sous-développement mais également l'hémisphère nord exposé à la misère morale et spirituelle engendrée par le " sur-développement "(112). Une certaine modernité a-religieuse, qui prévaut dans diverses régions du monde, se fonde sur l'idée que, pour rendre l'homme plus homme il suffit de s'enrichir et de poursuivre la croissance technique et économique. Mais un développement sans âme ne peut suffire à l'homme, et l'excès d'opulence est nocif pour lui tout comme l'excès de pauvreté. C'est le " modèle de développement " qu'a édifié l'hémisphère nord et qu'il répand dans le sud, où le sens religieux et les valeurs humaines qui s'y trouvent risquent d'être emportés par l'envahissement de la consommation.

112 Cf. Encycl. Sollicitudo rei socialis, SRS 28: l.c., pp. 548-550.


" Changer de vie pour lutter contre la faim ", tel est le slogan qui est apparu dans des milieux ecclésiaux et qui montre aux peuples riches le chemin pour devenir frères des peuples pauvres il faut revenir à une vie plus austère afin de favoriser un nouveau modèle de développement intégrant les valeurs éthiques et religieuses. L'activité missionnaire apporte aux pauvres lumière et encouragement pour leur véritable développement. La nouvelle évangélisation devra entre autres faire prendre conscience aux riches que l'heure est venue de se montrer réellement frères des pauvres, grâce à une conversion commune au " développement intégral " ouvert sur l'Absolu(113).

113 Cf. Ibid. chap. IV, SRS 27-34: l.c., pp. 547-560; PAUL VI, Encycl. Populorum progressio, PP 19-21 PP 41-42: l.c., pp. 266-268, 277-278.


La charité, source et critère de la mission

60 "L'Eglise dans le monde entierai-je déclaré durant ma visite au Brésilveut être l'Eglise des pauvres (...). Elle veut mettre en lumière toute la vérité contenue dans les Béatitudes du Christ, et surtout dans la première: "Bienheureux les pauvres de coeur". Elle veut enseigner cette vérité et la mettre en pratique, comme Jésus est venu le faire et l'enseigner"(114).

114 Discours aux habitants de la "favela Vidigal" à Rio de Janeiro, juillet 1980, n. 4: AAS 72 (1980), p. 854.


Les jeunes Eglises, qui vivent la plupart du temps parmi des populations souffrant d'une grande pauvreté, expriment souvent cette préoccupation comme une partie intégrante de leur mission. La Conférence générale de l'épiscopat latino-américain à Puebla, après avoir rappelé l'exemple de Jésus, écrit que " les pauvres méritent une attention préférentielle, quelle que soit la situation morale ou personnelle dans laquelle ils se trouvent. Ils sont faits à l'image et à la ressemblance de Dieu (...) pour être ses enfants, mais cette image est ternie et même outragée. Aussi, Dieu prend leur défense et les aime (...). Il s'ensuit que les premiers destinataires de la mission sont les pauvres (...), et que leur évangélisation est par excellence un signe et une preuve de la mission de Jésus"(115).

115 Documents de la troisième Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, Puebla, 3757 (1142).


Fidèle à l'esprit des Béatitudes, l'Eglise est appelée à partager avec les pauvres et avec les opprimés de toute sorte. C'est pourquoi j'exhorte tous les disciples du Christ et toutes les communautés chrétiennes, des familles aux diocèses, des paroisses aux Instituts religieux, à faire une révision de vie sincère, dans le sens de la solidarité avec les pauvres. En même temps, je remercie les missionnaires qui, par leur présence aimante et leur humble service, oeuvrent en vue du développement intégral de la personne et de la société, grâce aux écoles, aux centres sanitaires, aux léproseries, aux maisons d'accueil pour les personnes handicapées et les vieillards, aux initiatives pour la promotion de la femme, et d'autres encore. Je remercie les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs pour leur dévouement et j'adresse mes encouragements aux volontaires des Organisations non gouvernementales, aujourd'hui toujours plus nombreux, qui se consacrent à ces oeuvres de charité et de promotion humaine.
Ce sont en effet ces oeuvres qui témoignent de l'âme de toute l'activité missionnaire, c'est-à-dire de l'amour qui est et reste le moteur de la mission et qui est également " l'unique critère selon lequel tout doit être fait ou ne pas être fait, changé ou ne pas être changé. C'est le principe qui doit diriger toute action, et la fin à laquelle elle doit tendre. Quand on agit selon la charité ou quand on est mû par la charité, rien n'est désavantageux et tout est bon "(116).

116 ISAAC DE L'ETOILE, Sermon 31: PL 194, 1793.



CHAPITRE VI - LES RESPONSABLES ET LES AGENTS DE LA PASTORALE MISSIONNAIRE

61 Il n'y a pas de témoignage sans témoins, de même qu'il n'y a pas de mission sans missionnaires. Pour collaborer à sa mission et continuer son oeuvre de salut, Jésus choisit et envoie des personnes qui seront ses témoins et ses apôtres: "Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1,8).
Les Douze sont les premiers agents de la mission universelle: ils constituent un "sujet collégial" de la mission, eux qui ont été choisis par Jésus pour être avec lui, et envoyés "aux brebis perdues de la maison d'Israël" (Mt 10,6). Cette collégialité n'empêche pas que, dans le groupe, se distinguent des figures particulières comme Jacques, Jean, et par-dessus tout Pierre dont la personne est tellement en relief que l'expression "Pierre et les autres Apôtres" (Ac 2,14 Ac 2,37) s'en trouve justifiée. Grâce à lui, s'ouvrent les horizons de la mission universelle, ou excellera par la suite Paul qui, par la volonté de Dieu, fut appelé et envoyé parmi les païens (cf. Ga 1,15-16).
Dans les premiers temps de l'expansion missionnaire, nous trouvons, à côté des Apôtres, d'autres agents moins en vue qu'il ne faut pas oublier: il y a des personnes, des groupes, des communautés. La communauté d'Antioche est un exemple typique d'Eglise locale qui, d'évangélisée, se fait évangélisatrice et envoie ses missionnaires parmi les païens (cf. Ac 13,2-3). L'Eglise primitive vit la mission comme une tâche communautaire, tout en reconnaissant en son sein des " envoyés spéciaux " ou " missionnaires consacrés aux païens ", comme Paul et Barnabé.


62 Ce qui a été fait au début du christianisme pour la mission universelle conserve sa valeur et son urgence aujourd'hui. L'Eglise est missionnaire par nature, car le précepte du Christ n'est pas quelque chose de contingent ni d'extérieur, mais il est au coeur même de l'Eglise. Il en résulte que toute l'Eglise, que chaque Eglise, est envoyée aux païens. Les jeunes Eglises elles-mêmes, précisément " pour que ce zèle missionnaire fleurisse chez les membres de leur patrie", doivent " dès que possible, participer effectivement à la mission universelle de l'Eglise en envoyant elles aussi des missionnaires pour annoncer l'Evangile par toute la terre, même si elles souffrent d'une pénurie de clergé "(117). Beaucoup le font déjà et je les encourage vivement à continuer.

117 CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur activité activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes
AGD 20


Le caractère authentiquement et pleinement missionnaire trouve son expression dans ce lien essentiel de communion entre l'Eglise universelle et les Eglises particulières: " En un monde qui devient toujours plus petit par suite de l'abolition des distances, les communautés ecclésiales doivent s'unir entre elles, échanger leurs énergies et leurs moyens, s'engager ensemble dans l'unique et commune mission d'annoncer et de vivre l'Evangile. Les "jeunes Eglises" ...) ont besoin de la force des Eglises anciennes, et en même temps celles-ci ont besoin du témoignage et de l'impulsion des jeunes Eglises, de sorte que chacune de ces Eglises puise dans les richesses des autres "(118).

118 Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici, CL 35: l.c., p. 458.


Les premiers responsables de l'activité missionnaire

63 De même que le Seigneur ressuscité confia le précepte de la mission universelle au collège apostolique, avec Pierre à sa tête, de même cette responsabilité incombe avant tout au collège des évêques, avec à sa tête le successeur de Pierre(119). Conscient de cette responsabilité, lors de mes rencontres avec les évêques, je ressens le devoir de m'en entretenir avec eux dans la perspective de la nouvelle évangélisation ou de la mission universelle . J'ai entrepris de parcourir les chemins du monde, " pour annoncer l'Evangile, pour "confirmer mes frères" dans la foi, pour consoler l'Eglise, pour rencontrer l'homme. Ce sont des voyages de foi (...). Ce sont des occasions de catéchèse itinérante, d'annonce évangélique dans le prolongement, à toutes les latitudes, de l'Evangile et du magistère apostolique étendus aux sphères planétaires d'aujourd'hui "(120).

119 Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur activité activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes,
AGD 38
120 Discours aux membres du Sacré Collège et à tous les collaborateurs de la Curie romaine, de la Cité du Vatican et du Vicariat de Rome, 28 juin 1980, n. 10: Insegnamenti III/1 (1980), p. 1887.


Mes frères évêques sont, avec moi, directement responsables de l'évangélisation du monde, en tant que membres du collège épiscopal et en tant que pasteurs des Eglises particulières. A ce sujet, le Concile déclare: " Le soin d'annoncer l'Evangile sur toute la terre revient au corps des pasteurs: à eux tous, en commun, le Christ a donné mandat..."(121). Il affirme également que les évêques " ont été consacrés non seulement pour un diocèse, mais pour le salut du monde entier "(122). Cette responsabilité collégiale a des conséquences pratiques. Ainsi, " le Synode des évêques (...) doit avoir parmi les affaires d'importance générale un souci spécial de l'activité missionnaire, qui est la charge la plus importante et la plus sacrée de l'Eglise "(123). Cette même responsabilité rejaillit, à des degrés divers, sur les conférences épiscopales et sur leurs organismes au niveau continental, qui ont donc une contribution propre à apporter à l'effort missionnaire(124).

121 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 23
122 Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 38
123 Ibid. AGD 29
124 Cf. ibid. AGD 38


Le rôle missionnaire de chaque évêque, en tant que pasteur d'une Eglise particulière, est vaste lui aussi. Il lui revient, " comme chef et centre de l'unité dans l'apostolat diocèsain, de promouvoir l'activité missionnaire, de la diriger, de la coordonner (...). L'évêque doit veiller en outre à ce que l'activité apostolique ne soit pas limitée aux seuls convertis, mais à ce qu'une juste part d'ouvriers et de subsides soit destinée à l'évangélisation des non-chrétiens "(125).

125 Ibid. AGD 30


64 Chaque Eglise particulière doit s'ouvrir généreusement aux besoins des autres. La collaboration entre les Eglises, dans une réelle réciprocité qui les dispose à donner et à recevoir, est aussi une source d'enrichissement pour toutes et elle concerne les divers secteurs de la vie ecclésiale. A cet égard, la déclaration des évêques à Puebla reste exemplaire: " Enfin l'heure est arrivée, pour l'Amérique latine, (...) d'aller au-delà de ses frontières, ad gentes. Il est certain que nous avons encore besoin nous-mêmes de missionnaires, mais nous devons donner de notre pauvreté "(126).

126 Documents de la troisième Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, Puebla 2941


C'est dans cet esprit que j'invite les évêques et les Conférences épiscopales à mettre généreusement en pratique ce qui est prévu dans les Directives que la Congrégation pour le Clergé a publiées pour la collaboration entre les Eglises particulières et spécialement pour une meilleure répartition du clergé dans le monde(127).

127 Cf. Directives pour la promotion de la coopération entre les Eglises particulières et spécialement pour une répartition plus adaptée du clergé Postquam Apostoli (25 mars 1980): AAS 72 (1980) pp. 343-364.


La mission de l'Eglise est plus large que la " communion entre les Eglises ": elle doit non seulement assurer l'aide pour la réévangélisation, mais aussi et surtout être orientée dans le sens de l'activité spécifiquement missionnaire. J'en appelle à toutes les Eglises, jeunes et anciennes, pour qu'elles partagent avec moi cette préoccupation, en travaillant à l'accroissement des vocations missionnaires et en surmontant les difficultés.


Missionnaires et Instituts " ad gentes "

65 Parmi les agents de la pastorale missionnaire, les personnes et les institutions auxquelles le décret Ad gentes consacre un chapitre spécial intitulé " Les missionnaires "(128) occupent toujours, comme par le passé, une place d'une importance fondamentale. Ici s'impose une réflexion approfondie avant tout pour les missionnaires eux-mêmes qui, par suite des changements que connaît la mission, peuvent être amenés à ne plus comprendre le sens de leur vocation, à ne plus savoir de façon précise ce que l'Eglise attend d'eux aujourd'hui.

128 Cf. Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, chap. IV,
AGD 23-27.


La donnée de base est constituée par cette déclaration du Concile: " Bien qu'à tout disciple du Christ incombe pour sa part la charge de répandre la foi, le Christ Seigneur appelle toujours parmi ses disciples ceux qu'il veut, pour qu'ils soient avec lui et pour les envoyer prêcher aux peuples païens (...). Aussi par l'Esprit Saint, qui partage comme il lui plaît les charismes pour le bien de l'Eglise (...), inspire-t-il la vocation missionnaire dans le coeur de certains individus et suscite-t-il en même temps dans l'Eglise des instituts qui se chargent comme d'un office propre de la mission d'évangélisation qui appartient à toute l'Eglise "(129).

129 Ibid. AGD 23


Il s'agit donc d'une " vocation spéciale ", modelée sur celle des Apôtres. Elle se manifeste dans le caractère absolu de l'engagement au service de l'évangélisation, un engagement qui prend toute la personne et toute la vie du missionnaire, exigeant de lui un don sans limites de ses forces et de son temps. Quant à ceux qui ont cette vocation, " envoyés par l'autorité légitime, ils partent dans la foi et l'obéissance vers ceux qui sont loin du Christ, mis à part pour l'oeuvre en vue de laquelle ils ont été choisis (...) comme ministres de l'Evangile "(130). Les missionnaires doivent sans cesse méditer sur la réponse exigée par le don qu'ils ont reçu et entretenir leur formation doctrinale et apostolique.

130 Ibid. AGD 23


66 Les Instituts missionnaires, de leur côté, emploieront toutes les ressources nécessaires, mettant à profit leur expérience et leur créativité dans la fidélité au charisme de leur origine, pour préparer comme il convient les candidats et assurer le renouvellement des énergies spirituelles, morales et physiques de leurs membres (131). Ils se considéreront comme à part entière dans la communauté ecclésiale et ils agiront en communion avec elle. En effet, " tout Institut est né pour l'Eglise et est tenu de l'enrichir de ses éléments caractéristiques marqués par un esprit particulier et une mission spécifique", les évêques eux-mêmes sont les gardiens de cette fidélité au charisme de l'origine (132).

131 Cf. ibid.
AGD 23 AGD 27
132 Cf. S. CONGREGATION POUR LES RELIGIEUX ET LES INSTITUTS SECULIERS et S. CONGREGATION POUR LES EVEQUES, Directives pour les rapports entre les évêques et les religieux dans l'Eglise Mutuae relationes (14 mai 1978), n. 14 b: AAS 70 (1978), p. 482; cf. n. 28: l.c., p. 490.


Les Instituts missionnaires sont nés généralement dans les Eglises de chrétienté ancienne et, historiquement, ils ont été des instruments de la Congrégation de Propaganda Fide pour la diffusion de la foi et la fondation de nouvelles Eglises. Ils accueillent aujourd'hui, et de plus en plus, des candidats provenant des jeunes Eglises qu'ils ont fondées, tandis que de nouveaux Instituts sont nés précisément dans les pays qui auparavant recevaient seulement des missionnaires et qui aujourd'hui en envoient. Il faut louer cette double tendance qui montre la valeur et l'actualité de la vocation missionnaire spécifique de ces Instituts, lesquels " demeurent absolument nécessaires "(133), non seulement pour l'activité missionnaire ad gentes selon leur tradition, mais aussi pour l'animation missionnaire tant dans les Eglises de chrétienté ancienne que dans les jeunes Eglises.

133 CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 27


La vocation spéciale des missionnaires ad vitam conserve toute sa valeur: elle est le paradigme de l'engagement missionnaire de l'Eglise, qui a toujours besoin que certains se donnent radicalement et totalement, qui a toujours besoin d'élans nouveaux et audacieux. Que les missionnaires, hommes et femmes, qui ont consacré toute leur vie à témoigner du Ressuscité parmi les nations, ne se laissent donc pas effrayer par des doutes, des incompréhensions, des refus, des persécutions. Qu'ils réveillent la grâce de leur charisme spécifique et reprennent leur route avec courage, en préférant - en esprit de foi, d'obéissance et de communion avec leurs Pasteurs - les postes les plus humbles et les plus difficiles!


Prêtres diocésains pour la mission universelle

67 Collaborateurs de l'évêque, les prêtres, en vertu du sacrement de l'Ordre, sont appelés à partager la sollicitude pour la mission: " Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l'ordination les prépare, non pas à une mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut d'ampleur universelle, "jusqu'aux extrémités de la terre" (...); n'importe quel ministère sacerdotal participe, en effet aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres "(134). Pour cette raison, la formation même des candidats au sacerdoce doit viser à leur donner " ce véritable esprit catholique qui les habituera à dépasser les limites de leur diocèse, de leur nation ou de leur rite pour subvenir aux besoins de l'Eglise entière, prêts au fond du coeur à prêcher l'Evangile en quelque lieu que ce soit "(135). Tous les prêtres doivent avoir un coeur et une mentalité missionnaires, être ouverts aux besoins de l'Eglise et du monde, attentifs aux plus éloignés et surtout aux groupes non chrétiens de leur milieu. Dans la prière et en particulier dans le sacrifice eucharistique, ils porteront la sollicitude de toute l'Eglise pour l'ensemble de l'humanité.

134 CONC . CUM . VAT. II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis,
PO 10 cf. Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 39
135 CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur la formation des prêtres OT 20 Cf. "Guide de vie pastorale pour les prêtres diocésains des Eglises qui dépendent de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples", Rome, 1989.


Plus spécialement, les prêtres qui se trouvent dans des zones à minorité chrétienne doivent être mus par un zèle et une volonté missionnaires particuliers; le Seigneur, en effet, leur confie non seulement la sollicitude pastorale de la communauté chrétienne mais aussi et surtout l'évangélisation de leurs compatriotes qui ne font pas partie de son troupeau. Ils " ne manqueront pas de se rendre effectivement disponibles à l'égard de l'Esprit Saint et de l'évêque, afin d'être envoyés pour prêcher l'Evangile au-delà des frontières de leur pays. Cela exigera d'eux non seulement la maturité dans la vocation, mais aussi une capacité peu commune de se détacher de leur patrie, de leur ethnie, de leur famille, et une aptitude remarquable à s'intégrer dans d'autres cultures, avec intelligence et respect "(136).

136 Discours aux participants à la réunion plénière de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples, 14 avril 1989, n. 4: AAS 81 (1989), p. 1140.


68 Dans l'encyclique Fidei donum, Pie XII, avec une intuition prophétique, encouragea les évêques à donner quelques-uns de leurs prêtres pour un service temporaire des Eglises d'Afrique, approuvant en même temps les initiatives qui existaient déjà dans ce domaine. Vingt-cinq ans plus tard, j'ai voulu souligner la grande nouveauté de ce document " qui a fait dépasser la dimension territoriale du service presbytéral pour l'ouvrir à l'Eglise tout entière "(137). Aujourd'hui, la valeur et la fécondité de cette expérience sont confirmées; en effet, ceux qu'on appelle les prêtres Fidei donum mettent en évidence d'une manière singulière les liens de communion entre les Eglises, ils fournissent un précieux apport à la croissance de communautés ecclésiales dans le besoin, et de leur côté ils reçoivent d'elles la fraîcheur et la vitalité de leur foi. Il faut, bien sûr, que le service missionnaire du prêtre diocèsain réponde à certains critères et à certaines conditions. On doit envoyer des prêtres choisis parmi les meilleurs, aptes et dûment préparés à la tâche particulière qui les attend(138). lls devront s'intégrer dans le nouveau milieu ecclésial qui les accueille avec un esprit ouvert et fraternel, et ils constitueront un unique presbyterium avec les prêtres du lieu, sous l'autorité de l'évêque(139). Je souhaite que l'esprit de service de ces prêtres augmente au sein du presbyterium des Eglises anciennes et qu'il se développe dans celui des Eglises plus récentes.

137 Message pour la Journée mondiale des missions 1982: Insegnamenti V/2 1982), p. 1879.
138 Cf . CONC . CUM . VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de I'Eglise Ad gentes,
AGD 38 S. CONGREGATION POUR CLERGE, Directives Postquaam Apostoli; nn. 24-25: c.c., p. 361.
139 Cf. S. CONGREGATION POUR CLERGE, Directives Postquam Apostoli n. 29: l.c., pp. 362-363; CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 20


La fécondité missionnaire de la consécration

69 Dans la richesse inépuisable et multiforme de l'Esprit prennent place les vocations des Instituts de vie consacrée, dont les membres, puisqu'ils " se vouent au service de l'Eglise en vertu même de leur consécration, sont tenus par l'obligation de travailler de manière spéciale à l'oeuvre missionnaire, selon le mode propre à leur Institut "(140). L'histoire atteste les grands mérites des familles religieuses dans la propagation de la foi et dans la formation de nouvelles Eglises, depuis les antiques Institutions monastiques et les Ordres médiévaux jusqu'aux Congrégations modernes.

140 Code de Droit canonique
CIC 783


a) A la suite du Concile, j'invite les Instituts de vie contemplative à établir des communautés dans les jeunes Eglises afin de rendre, " parmi les non-chrétiens, un magnifique témoignage de la majesté et de la charité de Dieu, et de l'union dans le Christ "(141). Cette présence est partout bienfaisante dans le monde non chrétien, spécialement dans les régions ou les religions ont une grande estime pour la vie contemplative à cause de l'ascèse et de la recherche de l'Absolu.

141 Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 40


b) Je rappelle aux Instituts de vie active qu'ils ont devant eux les immenses espaces de la charité, de l'annonce de l'Evangile, de l'éducation chrétienne, de la culture et de la solidarité avec les pauvres, les victimes de la discrimination, les marginaux et les opprimés. Ces Instituts, qu'ils poursuivent ou non une fin strictement missionnaire, doivent se demander s'ils peuvent et s'ils veulent étendre leur activité en vue de l'expansion du règne de Dieu. Cette demande a été accueillie positivement, ces tout derniers temps, par de nombreux Instituts, mais je voudrais qu'elle soit davantage étudiée et mise en pratique en vue d'un service authentique. L'Eglise doit faire connaître les grandes valeurs évangéliques dont elle est porteuse, et personne ne témoigne de façon plus convaincante de ces valeurs que ceux qui font profession de vie consacrée dans la chasteté, la pauvreté et l'obéissance, par un don total à Dieu et une pleine disponibilité pour servir l'homme et la société à l'exemple du Christ(142).

142 Cf. PAUL VI, Exhort. ap. Evangeln nuntiandi, EN 69: l c., pp. 58-59 .


Redemptoris Missio FR 56