Redemptoris Missio FR 70


70 J'adresse un mot spécial d'estime aux religieuses missionnaires, chez qui la virginité pour le Royaume se traduit en multiples fruits de maternité spirituelle: la mission ad gentes leur offre précisément un vaste champ afin d'y réaliser un " don de soi pour aimer, de manière totale et sans partage "(143). L'exemple et l'activité de la femme vierge, consacrée à l'amour de Dieu et du prochain, spécialement le plus pauvre, sont indispensables en tant que signes évangéliques auprès des peuples et des cultures ou la femme doit encore parcourir un long chemin vers sa promotion humaine et sa libération. Je souhaite que beaucoup de jeunes femmes chrétiennes se sentent attirées par ce don de soi généreux au Christ, et qu'elles puisent dans leur consécration la force et la joie de témoigner de lui parmi les peuples qui l'ignorent.

143 Lettre ap. Mulieris dignitatem (15 août 1988),
MD 20: MS 80 (1988), p. 1703.


Tous les laïcs sont missionnaires en vertu de leur baptême

71 Les papes de ces derniers temps ont beaucoup insisté sur l'importance du rôle des laïcs dans l'activité missionnaire(144). Dans l'exhortation Christifideles laici, j'ai, moi aussi, parlé explicitement de " la mission permanente qui est celle de porter l'Evangile à tous ceuxet ils sont des millions et des millions d'hommes et de femmesqui ne connaissent pas encore le Christ Rédempteur de l'homme "(145) et de l'engagement correspondant des fidèles laïcs. La mission concerne tout le Peuple de Dieu: même si la fondation d'une nouvelle Eglise exige l'Eucharistie, et donc le ministère sacerdotal, la mission, qui s'effectue sous des formes diverses, est la tâche de tous les fidèles.

144 Cf. PIE Xll, Encycl. Evangelii praecones: l.c., pp. 510 et suiv.; Encycl. Fidei donum: Ic, pp. 228 et suiv.; JEAN XXIII, Encycl. Princeps Pastorum: l.c., pp. 855 et suiv.; PAUL VI, Exhort. ap. Evangelii nuntiandi,
EN 70-73: I.c, pp. 59-63.
145 Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici, CL 35: Ic, p 457.


La participation des laïcs à la diffusion de la foi apparaît clairement dès les premiers temps du christianisme, grâce à l'action des fidèles et des familles comme de la communauté tout entière. Pie XII le rappelait déjà en exposant dans sa première encyclique missionnaire l'histoire des missions laïques(146). La participation active des missionnaires laïcs, hommes et femmes, n'a pas manqué non plus dans les temps modernes. Comment ne pas rappeler le rôle important tenu par les missionnaires laïques, leur travail dans les familles, dans les écoles, dans la vie politique, sociale et culturelle, et en particulier l'enseignement de la doctrine chrétienne qu'elles assurent? Il faut même reconnaître - et c'est tout à leur honneur - que certaines Eglises sont nées grâce à l'activité des laïcs missionnaires, hommes et femmes.

146 Cf. Encycl. Evangelii praecones: c, pp. 510-514.


Le Concile Vatican II a confirmé cette tradition, mettant en lumière le caractère missionnaire de tout le Peuple de Dieu, en particulier l'apostolat des laïcs(147), et soulignant la contribution spécifique que ceux-ci sont appelés à apporter à l'activité missionnaire(148). La nécessité pour tous les fidèles de partager une telle responsabilité n'est pas seulement une question d'efficacité apostolique: c'est un devoir et un droit fondés sur la dignité conférée par le baptême, en raison de laquelle " les fidèles laïcs participent, pour leur part, à la triple fonction de Jésus Christ: sacerdotale, prophétique et royale "(149). C'est pourquoi ils " sont tenus par l'obligation générale et jouissent du droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et par toute la terre; cette obligation est encore plus pressante lorsque ce n'est que par eux que les hommes peuvent entendre l'Evangile et connaître le Christ "(150). En outre, vu le caractère séculier qui leur est propre, ils ont pour vocation particulière de " chercher le règne de Dieu à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu "(151).

147 Cf. Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 17 LG 33 cf. suiv.
148 Cf. Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 35-36 AGD 41
149 Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici, CL 14: Ic, p. 410.
150 Code de Droit canonique, CIC 225,1 cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, AA 6 AA 13
151 CONC. OECUM. VAT. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 31 cf. CIC 225 n. 2


72 Les domaines ou les laïcs sont présents et exercent une action missionnaire sont trés étendus. Le premier de ces domaines, " c'est le monde vaste et complexe de la politique, de la vie sociale, de l'économie..."(152), sur le plan local, national et international. A l'intérieur de l'Eglise, on trouve divers types de services, de fonctions, de ministères et de formes d'animation de la vie chrétienne. Je rappelle, comme une nouveauté que nombre d'Eglises ont vue naître ces derniers temps, le grand développement des " Mouvements ecclésiaux ", doués de dynamisme missionnaire. Lorsqu'ils s'insèrent avec humilité dans la vie des Eglises locales et qu'ils sont accueillis cordialement par les évêques et les prêtres dans les structures diocésaines et paroissiales, les Mouvements représentent un véritable don de Dieu pour la nouvelle évangélisation et pour l'activité missionnaire proprement dite. Je recommande donc qu'on les développe et que l'on recoure à eux pour redonner de la vigueur surtout chez les jeunes, à la vie chrétienne et à l'évangélisation, dans une vision pluraliste des formes d'association et d'expression.

152 PAUL Vl, Exhort. ap. Evangelii nuntiandi,
EN 70: Ic, p. 60.


Dans l'activité missionnaire, il faut valoriser les diverses façons dont se présente le laïcat, tout en respectant la nature et la finalité de chacune: associations du laïcat missionnaire, organismes chrétiens de volontariat international, mouvements ecclésiaux, groupes et associations de tout genre doivent s'engager dans la mission ad gentes et dans la collaboration avec les Eglises locales. Ainsi sera favorisée la croissance d'un laïcat mûr et responsable dont " la formation (...) a sa place dans les jeunes Eglises comme élément essentiel et irremplaçable de l'implantation de l'Eglise "(153).

153 Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici; CL 35 : I. c., p. 458.


L'activité des catéchistes et la variété des ministères

73 Parmi les laïcs qui deviennent évangélisateurs se trouvent au premier rang les catéchistes. Le décret sur les missions les décrit comme " cette armée qui a si magnifiquement mérité de l'oeuvre des missions auprès des païens (...); pénétrés de l'esprit apostolique, (ils) apportent par leurs labeurs considérables une aide singulière et absolument nécessaire à l'expansion de la foi et de l'Eglise "(154). Ce n'est pas sans raison que les Eglises de fondation ancienne, s'engageant dans une nouvelle évangélisation, ont multiplié les catéchistes et intensifié la catéchèse. " Ce sont les catéchistes en terre de mission qui portent par excellence ce titre de "catéchistes". (...) Des Eglises aujourd'hui florissantes ne se seraient pas édifiées sans eux "(155).

154 CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur i activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes,
AGD 17
155 Exhort. ap. Catechesi traadendae, CTR 66: l.c., p. 1331.


Malgré la multiplication des services ecclésiaux et extra-ecclésiaux, le ministère des catéchistes reste toujours nécessaire et a ses caractéristiques propres: les catéchistes sont des agents spécialisés, des témoins directs, des évangélisateurs irremplaçables, qui représentent la force de base des communautés chrétiennes, particulièrement dans les jeunes Eglises, comme je l'ai souvent déclaré et constaté au cours de mes voyages missionnaires. Le nouveau Code de Droit canonique reconnaît leur tâche, leurs qualités, les exigences de leur fonction(156).

156 Cf. CIC 785, n. 1.


Mais on ne saurait oublier que le travail des catéchistes se complique de charges nouvelles et plus amples en raison des changements en cours dans les domaines ecclésial et culturel. Ce que suggérait déjà le Concile garde toute sa valeur aujourd'hui: une préparation doctrinale et pédagogique approfondie, un constant renouvellement spirituel et apostolique, la nécessité de " procurer un état de vie décent et la sécurité sociale " aux catéchistes(157). Il est important également de favoriser la création et le développement d'écoles de formation pour catéchistes, qui, une fois approuvées par les Conférences épiscopales, confèrent des diplômes officiellement reconnus par ces dernières(158).

157 Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 17
158 Cf. Assemblée plénière de la S. Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples, en 1969, sur les catéchistes et l'"Instruction" d'avril 1970 qui les concerne: Bibliografia missionaria 34 (1970), pp. 197-212, et S.C de Propaganda Fide Memona Rerum, III/2 (1976), pp. 821-831.


74 A côté des catéchistes, il faut rappeler les autres formes de service de la vie de l'Eglise et de la mission et les autres fonctions: animateurs de la prière, du chant et de la liturgie, chefs de communautés ecclésiales de base et de groupes bibliques; responsables des oeuvres de charité; administrateurs des biens de l'Eglise; dirigeants des divers groupes d'apostolat; enseignants de religion dans les écoles. Tous les fidèles laïcs doivent consacrer à l'Eglise une partie de leur temps, en vivant d'une manière cohérente avec leur foi.


La Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples et les autres structures de l'activité missionnaire

75 Les responsables et les agents de la pastorale missionnaire doivent se sentir unis dans la communion qui caractérise le Corps mystique. Le Christ a prié à cette intention à la dernière Cène: " Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé " (Jn 17,21). C'est dans cette communion que réside le fondement de la fécondité de la mission.
Mais l'Eglise est également une communion visible et organique et c'est pourquoi la mission requiert une union extérieure et ordonnée entre les diverses responsabilités et les diverses fonctions, de façon que tous les membres " dépensent leurs forces d'un même coeur pour la construction de l'Eglise "(159).

159 CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes AGD 28


Il incombe au Dicastère missionnaire " de diriger et de coordonner dans le monde entier l'oeuvre même de l'évangélisation des peuples et la coopération missionnaire, étant sauve la compétence de la Congrégation pour les Eglises orientales "(160). C'est donc par ce Dicastère que " doivent être suscités, et répartis selon les besoins les plus urgents des régions, les missionnaires. C'est par lui que doit être établi un plan rationnel d'action; de lui que doivent provenir les normes directrices et les principes adoptés en vue de l'évangélisation; par lui que doivent être données les impulsions "(161). Je ne puis que confirmer ces sages dispositions: pour relancer la mission ad gentes, il faut le centre d'impulsion, de direction et de coordination qu'est la Congrégation pour l'Evangélisation. J'invite les Conférences épiscopales et leurs organismes, les supérieurs majeurs des Ordres, des Congrégations et des Instituts, les organismes de laïcs engagés dans l'activité missionnaire, à collaborer fidèlement avec cette Congrégation, qui a l'autorité nécessaire pour organiser et diriger l'activité et la coopération missionnaires au niveau universel.

160 Const. ap. sur la Curie romaine Pastor Bonus (28 juin 1988), : AAS 80 ( 1988), p 881; cf. CONC. OECUM. VAT. II, Decret sur activité activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 29
161 CONC.CUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 29 cf. JEAN-PAUL II, Const. ap. Pastor Bonus, : l.c., p. 882.


Cette même Congrégation, qui a derrière elle une longue et glorieuse expérience, est appelée à jouer un rôle de première importance sur le plan de la réflexion et des programmes d'action dont l'Eglise a besoin pour se tourner de façon plus décisive vers la mission sous ses différentes formes. A cette fin, la Congrégation doit entretenir des rapports étroits avec les autres Dicastères du Saint-Siège, avec les Eglises particulières et avec les forces missionnaires. Selon une ecclésiologie de communion, toute l'Eglise est missionnaire, mais il se confirme aussi que des vocations et des institutions spécifiques pour le travail ad gentes sont toujours indispensables; c'est pourquoi le rôle de direction et de coordination de ce Dicastère missionnaire reste trés important afin que tous s'attaquent ensemble aux grandes questions d'intérêt commun, étant sauves les compétences propres de chaque autorité et de chaque structure.


76 Au niveau national et régional, les Conférences épiscopales et leurs divers regroupements revêtent une grande importance pour l'orientation et la coordination de l'activité missionnaire. Le Concile leur demande de " traiter en plein accord des questions les plus graves et des problèmes les plus urgents, sans négliger cependant les différences locales "(162), et de traiter aussi du problème de l'inculturation. Concrètement, il y a déjà une activité étendue et régulière dans ce domaine, et les fruits en sont visibles. Cette activité doit être intensifiée et mieux reliée à celle d'autres organismes des mêmes Conférences épiscopales, afin que la sollicitude missionnaire ne soit pas laissée à un secteur ou à un organisme donné mais qu'elle soit partagée par tous. Ces organismes et les institutions qui se livrent à l'activité missionnaire prendront soin de coordonner les efforts et les initiatives. Les Conférences des supérieurs majeurs le feront pour ce qui les concerne, en relation avec les Conférences épiscopales, conformément aux indications et aux normes établies(163), en recourant aussi à des commissions mixtes(164). Enfin, il est souhaitable qu'il y ait des rencontres et des formes de collaboration entre les diverses institutions missionnaires, tant pour la formation et les études(165) que pour l'action apostolique à conduire.

162 Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes,
AGD 31
163 Cf. ibid, AGD 33
164 Cf. PAUL VI, Motu proprio Ecclesiae sanctae (6 août 1966), II, n. 43: AAS 58 (1966), p. 782.
165 Cf. CONC . CUM . VAT . II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 34 PAUL Vl, Motu proprio Ecclesiae sanctae, III, n. 22: l.c., p. 787.


CHAPITRE VII - LA COOPERATION A L'ACTIVITE MISSIONNAIRE

77 Membres de l'Eglise en vertu de leur baptême, tous les chrétiens sont coresponsables de l'activité missionnaire. La participation des communautés et des fidèles à ce droit et à ce devoir est appelée " coopération missionnaire ".
Cette coopération s'enracine et se vit avant tout dans l'union personnelle au Christ: c'est seulement si l'on est uni à lui comme les sarments à la vigne (cf.
Jn 15,5) que l'on peut porter de bons fruits. La sainteté de la vie permet à tout chrétien d'être fécond dans la mission de l'Eglise: le Saint Concile invite " tous les chrétiens à une profonde rénovation intérieure, afin qu'ayant une conscience vive de leur propre responsabilité dans la diffusion de l'Evangile, ils assument leur part dans l'oeuvre missionnaire auprès des païens "(166).

166 CONC. OECUM. VAT. II, Decret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 35 cf. CIC 211 CIC 781


La participation à la mission universelle ne se réduit donc pas à quelques activités particulières mais elle est le signe de la maturité de la foi et d'une vie chrétienne qui porte du fruit. Ainsi, le croyant élargit les dimensions de sa charité, manifestant sa sollicitude pour ceux qui sont loin comme pour ceux qui sont près: il prie pour les missions et pour les vocations missionnaires, il aide les missionnaires, il suit avec intérêt leur activité et, quand ils reviennent, il les accueille avec la même joie que celle avec laquelle les premières communautés chrétiennes écoutaient les Apôtres décrire les merveilles que Dieu avait accomplies par leur prédication (cf. Ac 14,27).


Prière et sacrifices pour les missionnaires

78 Parmi les formes de participation, la première place revient à la coopération spirituelle: prière, sacrifice, témoignage de vie chrétienne. La prière doit accompagner les missionnaires dans leur marche afin que l'annonce de la Parole soit rendue efficace par la grâce divine. Saint Paul demande souvent dans ses Lettres que les fidèles prient pour lui afin qu'il lui soit accordé d'annoncer l'Evangile avec confiance et audace.
A la prière, il est nécessaire d'unir le sacrifice. La valeur salvifique de toute souffrance acceptée et offerte à Dieu avec amour découle du sacrifice du Christ, qui appelle les membres de son Corps mystique à s'associer à ses propres souffrances et à les compléter en leur chair (cf.
Col 1,24). Le sacrifice du missionnaire doit être partagé et soutenu par celui des fidèles. C'est pourquoi je recommande à ceux qui exercent leur ministère pastoral parmi les malades de leur apprendre la valeur de la souffrance et de les encourager à l'offrir à Dieu pour les missionnaires. Par cette offrande, les malades deviennent missionnaires eux aussi, comme le soulignent certains mouvements nés parmi eux et pour eux. La solennité de la Pentecôte - jour ou commença la mission de l'Eglise - est célébrée dans certaines communautés comme la " journée de la souffrance pour les missions ".


" Me voici, Seigneur, je suis prét. Envoie-moi! "

(cf. Is 6,8)

79 La coopération s'exprime également par la promotion des vocations missionnaires. A cet égard, il faut reconnaître la valeur des différentes formes d'engagement missionnaire, mais il faut en même temps réaffirmer la priorité du don de soi total et perpétuel à l'oeuvre des missions, spécialement dans les Instituts et les Congrégations missionnaires d'hommes et de femmes. La promotion de ces vocations est au coeur de la coopération: l'annonce de l'Evangile requiert des annonciateurs, la moisson a besoin d'ouvriers, la mission se fait surtout avec des hommes et des femmes consacrés pour la vie à l'oeuvre de l'Evangile, disposés à aller dans le monde entier pour porter le salut.
Je désire donc rappeler et recommander cette sollicitude pour les vocations missionnaires. Conscients de la responsabilité universelle qu'ont les chrétiens de contribuer à l'oeuvre missionnaire et au développement des peuples pauvres, nous devons tous nous demander pourquoi, dans un certain nombre de pays, alors que s'accroissent les dons matériels, les vocations missionnaires risquent de disparaître, elles qui sont la vraie mesure du don de soi aux autres. Les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée sont un signe certain de la vitalité d'une Eglise.



80 En pensant à ce grave problème, j'adresse mon appel avec une confiance et une affection particulières aux familles et aux jeunes. Que les familles, et surtout les parents, aient conscience qu'il leur faut apporter " une contribution particulière à la cause missionnaire de l'Eglise en cultivant les vocations missionnaires parmi leurs fils et leurs filles "(167).

167 Exhort. ap. Familiaris consortio,
FC 54: l.c., p. 147.


Une vie de prière intense, un sens réel du service du prochain et une participation généreuse aux activités ecclésiales créent dans les familles les conditions favorables à la vocation des jeunes. Lorsque des parents sont prêts à laisser un de leurs enfants partir en mission, lorsqu'ils ont demandé cette grâce au Seigneur, il les récompensera dans la joie le jour ou un fils ou une fille entendra son appel.
Je demande aux jeunes eux-mêmes d'écouter la parole du Christ qui leur dit, de même qu'à Simon-Pierre et à André au bord du lac: " Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d'hommes " (Mt 4,19). Qu'ils osent répondre, comme autrefois Isaïe: " Me voici, Seigneur, je suis prêt. Envoie-moi " (cf. Is 6,8) ! Ils auront devant eux une vie fascinante; ils connaîtront le bonheur vrai d'annoncer la Bonne Nouvelle à des frères et soeurs qu'ils entraîneront sur la route du salut.


" Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir "

(Ac 20,35)

81 Les besoins matériels et économiques des missions sont nombreux, non seulement pour fonder l'Eglise avec un minimum de structures (chapelles, écoles de formation des catéchistes et des séminaristes, logements) mais aussi pour soutenir les oeuvres de charité, d'éducation et de promotion humaine, champ d'action immense, spécialement dans les pays pauvres. L'Eglise missionnaire donne ce qu'elle reçoit, elle distribue aux pauvres ce que ses fils mieux pourvus de biens matériels mettent généreusement à sa disposition. Je voudrais ici remercier tous ceux qui donnent, en se sacrifiant, pour l'oeuvre missionnaire: leurs privations et leur participation sont indispensables pour édifier l'Eglise et témoigner de la charité.
A propos de l'aide matérielle, il est important de voir avec quel esprit on donne. Et pour cela il faut réfléchir à son propre style de vie: les missions ne demandent pas seulement une aide mais aussi un partage pour l'annonce missionnaire et la charité envers les pauvres. Tout ce que nous avons reçu de Dieu - la vie comme les biens matériels - n'est pas à nous: cela est mis à notre disposition. La générosité avec laquelle on donne doit toujours être éclairée et inspirée par la foi; alors, vraiment, il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir.
La Journée mondiale des Missions, destinée à sensibiliser les fidèles au problème missionnaire mais aussi à recueillir des fonds, est un rendez-vous important dans la vie de l'Eglise car elle enseigne comment donner: dans la célébration eucharistique, c'est-à-dire comme offrande à Dieu, et pour toutes les missions du monde.



Nouvelles formes de coopération missionnaire

82 La coopération s'élargit aujourd'hui en prenant des formes nouvelles, qui comportent non seulement l'aide économique mais aussi la participation directe. Des situations nouvelles liées au phénomène de la mobilité exigent des chrétiens un authentique esprit missionnaire.
Le tourisme à caractère international est désormais un fait de masse. Il est positif si on le pratique dans une attitude respectueuse, en vue d'un mutuel enrichissement culturel, en évitant l'ostentation et le gaspillage, en cherchant les contacts humains. Mais aux chrétiens, il est demandé surtout d'avoir conscience qu'il leur faut toujours être témoins de la foi et de la charité du Christ. La connaissance directe de la vie missionnaire et des nouvelles communautés chrétiennes peut, elle aussi, enrichir et affermir la foi. Les visites que l'on rend aux missions sont une très bonne chose, surtout de la part des jeunes qui y vont pour servir et pour faire une forte expérience de vie chrétienne.
Les exigences du travail conduisent aujourd'hui de nombreux chrétiens de jeunes communautés dans des régions ou le christianisme est inconnu, et parfois banni ou persécuté. Il en est de même pour les fidèles des pays d'ancienne tradition chrétienne qui travaillent temporairement dans des pays non chrétiens. Ces circonstances donnent évidemment l'occasion de vivre sa foi et d'en témoigner. Dans les premiers siècles, le christianisme s'est répandu surtout parce que les chrétiens qui voyageaient ou allaient s'établir dans des régions ou le Christ n'avait pas été annoncé, y témoignaient de leur foi avec courage et y fondaient les premières communautés.
Plus nombreux encore sont les citoyens des pays de mission et les fidèles de religions non chrétiennes qui vont s'établir dans d'autres pays, pour des motifs d'études et de travail, ou bien contraints par la situation politique ou économique de leur lieu d'origine. La présence de ces frères dans les pays de chrétienté ancienne est pour les communautés ecclésiales un défi qui les incite à l'accueil, au dialogue, au service, au partage, au témoignage et à l'annonce directe. En pratique, même dans les pays chrétiens, se forment des groupes humains et culturels qui appellent la mission ad gentes, et les Eglises locales, avec au besoin l'aide de personnes provenant des pays des immigrés et de missionnaires rentrés chez eux, doivent se pencher avec générosité sur ces situations.
La coopération peut aussi engager les responsables de la politique, de l'économie, de la culture, du journalisme, sans oublier également les experts des diverses Organisations internationales. Dans le monde moderne, il est de plus en plus difficile de tracer des lignes de démarcation géographiques ou culturelles: il y a une interdépendance croissante entre les peuples, et cela constitue un stimulant pour le témoignage chrétien et l'évangélisation.



Animation et formation missionnaires du Peuple de Dieu

83 La formation missionnaire est l'oeuvre de l'Eglise locale avec l'aide des missionnaires et de leurs Instituts, ainsi que du personnel des jeunes Eglises. Cette tâche doit être considérée non pas comme marginale mais comme centrale dans la vie chrétienne. Même pour la nouvelle évangélisation des peuples chrétiens, le thème missionnaire peut aider grandement: le témoignage des missionnaires conserve en effet son attrait même auprès de ceux qui sont loin et auprès des non-croyants, et il transmet des valeurs chrétiennes. Que les Eglises locales utilisent donc l'animation missionnaire comme élément clé de leur pastorale courante dans les paroisses, les associations et les groupes, surtout de jeunes!
A cette fin servira avant tout l'information par la presse missionnaire et par les divers moyens audiovisuels. Leur rôle est d'une grande importance, car ils font connaître la vie de l'Eglise universelle ainsi que la voix et les expériences des missionnaires et des Eglises locales ou ils sont à l'oeuvre. Il importe que dans les Eglises plus jeunes, qui ne sont pas encore en mesure de se doter d'une presse ou d'autres instruments, les Instituts missionnaires consacrent le personnel et les moyens voulus à ces initiatives.
Sont appelés à donner cette formation les prêtres et leurs collaborateurs, les éducateurs et les enseignants, les théologiens, spécialement ceux qui enseignent dans les séminaires et dans les centres pour les laïcs. L'enseignement théologique ne peut ni ne doit ignorer la mission universelle de l'Eglise, l'oecuménisme, l'étude des grandes religions et de la missiologie. Je recommande que, surtout dans les séminaires et dans les maisons de formation pour religieux et religieuses, on se livre à une telle étude, en veillant aussi à ce que quelques prêtres ou quelques étudiants et étudiantes se spécialisent dans les divers secteurs des sciences missiologiques.
Les activités d'animation doivent toujours être orientées vers leurs fins spécifiques: informer et former le Peuple de Dieu en ce qui concerne la mission universelle de l'Eglise, faire naître des vocations ad gentes, susciter la coopération à l'évangélisation. Il ne faut pas donner une image réductrice de l'activité missionnaire, comme si elle consistait principalement à aider les pauvres, à contribuer à la libération des opprimés, à promouvoir le développement, à défendre les droits de l'homme. L'Eglise missionnaire est également engagée sur ces fronts, mais sa tâche principale est autre: les pauvres ont faim de Dieu, et pas seulement de pain et de liberté, et l'activité missionnaire doit avant tout témoigner du salut en Jésus Christ et annoncer ce salut, en fondant les Eglises locales qui sont ensuite des instruments de libération, dans tous les sens du terme.



La responsabilité première des oeuvres pontificales missionnaires

84 Dans cette activité d'animation, la tâche première revient aux oeuvres pontificales missionnaires, comme je l'ai souvent affirmé dans les Messages pour la Journée mondiale des Missions. Les quatre oeuvres - Propagation de la foi, Saint-Pierre-Apôtre, Enfance missionnaire et Union missionnaire - ont un but commun: promouvoir l'esprit missionnaire universel au sein du Peuple de Dieu. L'Union missionnaire a comme fin immédiate et spécifique la sensibilisation et la formation missionnaires des prêtres, des religieux et des religieuses, qui doivent à leur tour assurer cette formation dans les communautés chrétiennes; en outre, elle vise à promouvoir les autres uvres, dont elle est l'âme(168). " Le mot d'ordre doit être celui-ci: Toutes les Eglises pour la conversion du monde entier "(169).

168 Cf. PAUL VI, Lettre ap. Graves et increscentes (5 septembre 1966): AAS 58 ( 1966) pp. 750-756.
169 p. MANNA, Le nostre "Chiese" e la propagazione del Vangelo, Trentola Ducenta, 1952, 2 p 35


Oeuvres du Pape et du Collège épiscopal, même au niveau des Eglises particulières, elles occupent " à bon droit (...) la première place, puisqu'elles sont des moyens pour pénétrer les catholiques, dès leur enfance, d'un esprit vraiment universel et missionnaire, et pour provoquer une collecte efficace de subsides au profit de toutes les missions selon les besoins de chacune "(170). Un autre but des oeuvres missionnaires est de susciter des vocations ad gentes, pour toute la vie, dans les Eglises anciennes comme dans les plus jeunes. Je recommande vivement d'orienter toujours davantage leur service d'animation vers cette fin.

170 CONC . CUM. VAT. II, Décret sur activité activité missionnaire de I'Eglise Ad gentes,
AGD 38


Dans l'exercice de leur activité, ces oeuvres dépendent, au niveau universel, de la Congrégation pour l'Evangélisation et, au niveau local, de la Conférence épiscopale et des évêques des Eglises particulières, en collaboration avec les centres d'animation existants: elles apportent au monde catholique l'esprit d'universalité et de service de la mission sans lequel il n'y a pas de coopération authentique.


Non seulement donner à la mission, mais aussi recevoir

85 Coopérer à la mission veut dire non seulement donner, mais aussi savoir recevoir. Toutes les Eglises particulières, jeunes et anciennes, sont appelées à donner et à recevoir pour la mission universelle, et aucune ne doit se refermer sur elle-même. " En vertu de cette catholicité - dit le Concile -, chacune des parties apporte aux autres et à l'Eglise tout entière le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s'accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers la plénitude dans l'unité. (...) De là, entre les diverses parties de l'Eglise, des liens de communion intime quant aux richesses spirituelles, aux ouvriers apostoliques et aux ressources matérielles "(171).

171 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium,
LG 13


J'exhorte toutes les Eglises et les pasteurs, les prêtres, les religieux et les fidèles à s'ouvrir à l'universalité de l'Eglise, écartant toutes les formes de particularisme, d'exclusivisme ou de sentiment d'auto-suffisance. Les Eglises locales, tout en étant enracinées dans leur peuple et dans leur culture, doivent maintenir concrètement ce sens de l'universalité de la foi, en offrant aux autres Eglises et en recevant d'elles dons spirituels, expériences pastorales de première annonce et d'évangélisation, personnel apostolique et moyens matériels.
En effet, la tendance à se refermer peut être forte: les Eglises anciennes, engagées dans la nouvelle évangélisation, pensent qu'elles doivent maintenant mener la mission chez elles, et elles risquent d'affaiblir l'élan vers le monde non chrétien, admettant de mauvaise grâce les vocations en faveur des Instituts missionnaires, des Congrégations religieuses ou des autres Eglises. C'est au contraire en donnant généreusement de notre bien que nous recevrons; déjà aujourd'hui les jeunes Eglises, dont bon nombre connaissent une prodigieuse floraison de vocations, sont en mesure d'envoyer des prêtres, des religieux et des religieuses aux plus anciennes. D'autre part, les jeunes Eglises ressentent le problème de leur identité, de l'inculturation, de la liberté de croître en dehors de toute influence extérieure, avec comme conséquence possible de fermer la porte aux missionnaires. A ces Eglises, je dis: loin de vous isoler, accueillez volontiers les missionnaires et l'aide des autres Eglises, et envoyez-en vous-mêmes dans le monde! C'est précisément en raison des problèmes qui vous préoccupent que vous avez besoin de rester en relations constantes avec vos frères et soeurs dans la foi. Par tout moyen légitime, faites valoir les libertés auxquelles vous avez droit, en vous souvenant que les disciples du Christ ont le devoir d'" obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes " (Ac 5,29).



Redemptoris Missio FR 70