Notes Récréations Pieuses 601

Note 1. Thérèse n'indique ni actes ni scènes. On y supplée en distinguant, entre crochets: un Premier Acte, divisé en 5 scènes; et un Deuxième Acte, divisé en 7 scènes.

Note 2. A la suite du P. Faber, Thérèse fait partir la Sainte Famille de Nazareth (le censeur romain du Procès de canonisation relèvera cette « erreur »). Peut-être aussi prend-elle à la lettre Lc 2,39 qui, omettant la fuite en Egypte, fait de cette ville la demeure de Jésus au lendemain de la Présentation au Temple. Dans cette récréation, la géographie de la Terre Sainte est assez flottante.

Note 3. Evocation proche des souvenirs consignés par Thérèse dans son Ms A (59v\8/60r\8) à propos de la « maison bénie » de Lorette, visitée par elle le 13 novembre 1887. On vient de fêter, en 1894-1895, le sixième centenaire de la translation de la Santa Casa (10/12/1294).

Note 4. Même idée en LT 137.

Note 5. Thérèse situe donc sa pièce fin février-début mars. L'Enfant a un peu plus de deux mois.

Note 6. Le titre de « Roi » est appliqué dix fois à Jésus, en cette RP 6, qui parle beaucoup aussi de « royaume ». Deux épisodes évangéliques interfèrent: Jésus est le « nouveau roi des Juifs » qu'Hérode veut faire périr; et c'est lui aussi qui ouvrira son « royaume » à Dimas, le futur bon larron; mais un « royaume qui n'est pas de ce monde ».

Note 7. Joseph évoque la dure condition du travailleur, vivant dans l'insécurité et les rebuffades. Thérèse reviendra sur cette condition pauvre et humiliée en CJ 20.8.14.

Note 8. Premier des nombreux anachronismes de RP 6.

Note 9. Thérèse suit ici sa source, le texte du P. Faber (op. cit, p. 88, où Marie reçoit « une vision claire et détaillée de toutes les douleurs de Jésus »). Mais dans les Derniers Entretiens, elle prendra le contre-pied de telles affirmations (CJ 21.8.3).
Sur ce point, cf. supra.

Note 10. Un bon exemple de l'Ecriture en textes « tressés » dont il faut démêler les fils.

Note 11. La trame des scènes suivantes est empruntée au P. Faber, mais Thérèse la reconstitue et la développe d'une façon très personnelle. Par ailleurs, stimulée sans doute par les novices, elle adopte un style populaire inhabituel, et se permet plusieurs anachronismes (manants, tourelles, etc.).

Note 12. « Messie » terme exceptionnel chez Thérèse (ici et en 8v). Tout au long de la pièce, c'est Susanna, la mère intuitive et aimante, qui progressera dans la connaissance de la révélation jusqu'à l'acte de foi explicite et y entraînera son mari.

Note 13. Mercure, dieu des marchands et des voleurs. Abramin est un authentique païen, à la différence de Susanna, qui croit en un Dieu unique.

Note 14. Thérèse, optimiste sur le sort des païens (les « pauvres sauvages » du MSA 2,2v/3r), prête à Susanna une prière qui en fait le type de la croyante monothéiste. On sent qu'elle sympathise avee cette mère malheureuse.

Note 15. Susanna emploie 8 fois ce verbe, que Thérèse utilise très souvent pour évoquer sa propre foi. Il ne s'agit pas d'un « sentir » sentimental, mais d'une intuition du coeur (au sens pascalien) qui dépasse la raison rationnelle.

Note 16. Ces lignes montrent que Thérèse n'ignore pas les problèmes sociaux de son époque.

Note 17. Cf. RP 2, note 23 . En PN 44, poésie écrite spontanément pour la Fête des Saints-Innocents, Thérèse, dans moins d'un an, approfondira encore sa réflexion sur le sort des enfants massacrés par Hérode.

Note 18. Joseph et Marie répondent avee aisance aux questions fondamentales d'Abramin: comme Thérèse qui, en ce moment, jouit « d'une foi si vive, si claire que la pensée du Ciel fait tout son bonheur » et qu'elle ne peut « croire qu'il y ait des impies n'ayant pas la foi » (cf. MSC 5,1r). Mais dans moins de trois mois, elle va ressentir ces questions tout autrement, étant entrée elle-même dans la nuit (début avril 1896).

Note 19. Le chant de l'ange tire l'enseignement de la récréation pour la communauté qui risque « peut-être » de « fuir en Egypte » si les circonstances politiques amènent de nouvelles expulsions de congrégations. Ces strophes cependant appartiennent à un registre plus intérieur que l'ensemble du scénario et font déboucher la pièce sur une dimension eschatologique .

Note 20. Le Carmel lui-même est le vrai « désert » (cf. MSA 26,1r), selon sa tradition érémitique qui remonte au prophète Elie et que souligne la réformatrice Thérèse d'Avila. Les carmélites s'élancent donc sur « les traces royales » de Jésus.

Note 21. Thérèse, mourante, ne voudra pas « le repos » dans le ciel, mais le travail apostolique intense (cf. LT 220 et LT 254; CJ 17.7).

Note 22. Comme les Manuscrits A, B et C, RP 6 se termine sur le mot « Amour »

Notes Récréation 7

« - LE TRIOMPHE DE L'HUMILITE - »

- DOCUMENT: autographe (détérioré), complété par la première copie du Procès pour 3v et la copie autographe, envoyée à l'abbé Bellière, pour le couplet final.
- DATE: pour la fête priorale de Mère Marie de Gonzague, 21 juin 1896.
- COMPOSITION: dialogues en prose et en vers (50) sur trois mélodies.
- PUBLICATION: HA 98, 16 vers;
Le Triomphe de l'Humilité (TrH), texte intégral (Cerf/DDB, 1975).

Le 21 juin 1896, les carmélites fêtent leur « nouvelle » prieure, Mère Marie de Gonzague. A plusieurs reprises, elle a exereé cette charge au total seize ans. Mais cette fois le fardeau lui paraît plus lourd. Elle a soixante deux ans, une mauvaise santé, mais surtout, le 21 mars, elle n'a été élue qu'au septième tour de scrutin. L'amertume est grande chez celle qui « se croyait aimée de son cher troupeau » (LT 190); elle s'est sentie comme trahie. La fête de saint Louis de Gonzague arrive donc opportunément pour dissiper un malaise persistant et restaurer « l'union des coeurs » (RP 7, 1r) dans une communauté perturbée.
Tout sera mis en oeuvre pour la réussite de cette fête qui va durer deux jours: profusion de petits cadeaux, repas soignés et deux séanees théatrales: l'une, le samedi 20 juin, pièce comique d'un auteur inconnu, et le dimanehe, « Le Triomphe de l'Humilité ».

UNE PIECE D'ACTUALITE

Au moment où elle compose sa pièce, soeur Thérèse a lu l'histoire de Miss Diana Vaughan - personnage fictif inventé par Leo Taxil -, fille d'un Américain et d'une Française. Un de ses ancêtres a passé naguère un pacte avec Lucifer. Elle-même fut initiée à vingt ans au Palladisme, spiritisme luciférien maçonnique, en 1884. « Fille chérie » de Lucifer, elle a été « fiancée » par lui au démon Asmodée (1889). A partir de 1893, Paris devient la ville d'élection de Diana. Elle se lie d'amitié avee le docteur Bataille et Leo Taxil, bien qu'ils soient des transfuges notoires de la franc-maçonnerie. Les catholiques font des voeu pour la conversion de Miss Vaughan. Le journal La Croix invite à prier la vénérable Jeanne d'Arc à cette intention (8 mai 1895). Succés inespéré: dès le 6 juin, Jeanne libère Diana de l'emprise diabolique. Et sa « conversion extraordinaire » est confirmée le 13 juin.
Diana Vaughan se lance alors dans la lutte antimaçonnique. Elle écrit les « Mémoires d'une ex-Palladiste ». Le journal conservateur « Le Normand » de l'oncle Guérin en informe ses lecteurs dès juillet 1895. Mais la véritable percée n'a lieu qu'au printemps l896. Un brillant article de « L'Univers » (27/4/1896) achève de convaincre les lecteurs réticents.
C'est sans doute à cette époque que Monsieur Guérin communique au Carmel les premiers numéros des Mémoires. « C'est Diana Vaughan qui nous a donné l'idée de composer cette pièce », écrit soeur Marie de l'Eucharistie à Mme Guérin le 17/6/1896. Thérèse entre dans le jeu, non sans l'orienter à sa manière, en allant au coeur de l'événement. Elle a tôt fait de sentir l'enjeu profond de cette actualité. Il s'agit du grand combat de la lumière et des ténèbres qui se déroule de la Genèse à l'Apocalypse. L'Eglise de son temps en vit un épisode précis qui concerne directement chaque carmélite et d'abord elle-même, Thérèse.

LE COMBAT SPIRITUEL

Début avril 1896, Thérèse est brusquement entrée dans les ténèbres. Sa foi se heurte à un « mur ». Celle qui va écrire « Le Triomphe de l'Humilité » vit en plein combat spirituel. L'ambiance communautaire n'est pas des plus paisibles. Sans les rechercher, Thérèse reçoit les confidences amères de Mère Marie de Gonzague, toujours ulcérée par le camouflet du 21 mars. Il faut lire la lettre du 29 juin 1896 (LT 190) que lui adresse Thérèse pour l'apaiser.
Confirmée dans sa fonction au noviciat - maîtresse sans en porter le titre - elle se sent plus que jamais « comme le veilleur » auprès des jeunes. Quoi qu'il lui en coûte, elle doit « observer les fautes, les plus légères imperfections et leur livrer une guerre à mort (MSC 23,1r). Seule l'humilité pourra triompher de Satan qui, par les ruses de l'amour-propre, affaiblit l'amour dans les coeurs. La solution: « rester toujours petite » ou le redevenir.
Sur le ton du divertissement, la pièce rappelle de grandes vérités: tout combat spirituel demeure un combat en Eglise, pour l'Eglise. L'ennemi est le Prince des ténebres. Le vaincre sur le modeste champ clos du Carmel de Lisieux, c'est contribuer à sa défaite dans le monde. Et le Carmel, Ordre marial, ne remportera la victoire qu'à la suite et à l'imitation de sa Reine, « l'humble Vierge Marie » (dernier couplet).
Distraites par le pittoresque des diables qui agitent des chaînes en ricanant derrière des paravents, il n'est pas sûr que les spectatrices aient perçu la forte leçon que leur proposait soeur Thérèse, tranquillement assise à l'avant-scène. Elles ont apprécié cet « amusement » qui leur a procuré « plus de plaisir que tout ce qu'on peut inventer dans le monde pour se distraire » (soeur Marie du Sacré-Coeur). L'« auteur », pour sa part, ne prévoyait pas à quel point « Le Triomphe de l'Humilité » prédisait plus encore qu'il ne disait.

LE COMBAT CONTINUE

La « mission » de Diana Vaughan n'est pas terminée. Mère Agnès de Jésus suggère à Thérèse de « composer quelques vers pour être envoyés à la convertie ». Mais pour la première fois, c'est la complète impuissance: pas un seul vers ne vient. Thérèse doit se contenter d'écrire en prose à Diana et de lui envoyer sa propre photo de Jeanne en prison consolée par sainte Catherine (VTL n 14). Miss Vaughan remercie la carmélite pour ce tableau symbolique.
Ce même été 1896, Thérèse reçoit communication de la Neuvaine Eucharistique composée par Diana. Léon XIII lui-même l'a lue « avec grand plaisir ». La carmélite en copie de longs extraits. Le Manuscrit B. en septembre, porte des traces indéniables de la lecture des « Mémoires » (cf. TrH, pp. 103 ss).
En décembre, Mère Agnès interroge l'oncle Guérin: « Avez-vous de nouveaux documents sur Diana Vaughan? » Car des doutes se font jour sur le compte de la « convertie » dans le monde catholique. Rome ouvre une enquête. Diana s'en prend alors avec virulence au président de la commission, Mgr Lazzareschi. Cette attitude révoltée alerte Thérèse: « Ce n'est pas possible que cela vienne du bon Dieu » (PO, p. 166). Elle prend ses distances vis-à-vis de Diana Vaughan.
Mais voici que celle-ci annonce une conférence de presse décisive pour le lundi de Pâques, 19 avril 1897, à Paris. Elle va enfin se montrer. La salle est comble, plus de quatre cents personnes de tous bords. Au mur est projetée une image de Jeanne d'Arc en prison (il s'agit de la photo de Thérèse envoyée l'été dernier!). A la place de la conférencière, un homme chauve un peu gras, à la barbe blanche: Leo Taxil! Il annonce la fin d'une mystification qui a commencé le 19 avril 1885. Diana Vaughan n'a jamais existé! Le palladisme n'est qu'une invention, de même que les Mémoires et la Neuvaine Eucharistique. Depuis douze ans, il a trompé son monde. La salle se déchaîne, indignée. Taxil doit quitter la scène sous les huées de la foule des journalistes. Ils n'auront pas de termes assez forts pour exprimer leur dégoût. Ce que ne pouvait savoir Leo Taxil, c'est qu'il avait projeté la photo de « la plus grande sainte des temps modernes » et qu'elle a sûrement prié pour lui jusqu'à sa mort. Le mystificateur mystifié!
On n'a pas de peine à imaginer la consternation chez les Guérin, au Carmel, à la lecture du long compte rendu paru dans « Le Normand » du 24 avril.
Le coup atteint Thérèse de plein fouet. Elle va jeter au fumier la réponse reçue naguère de Diana-Taxil. En mai-juin, malade, révisant ses écrits, elle supprime du « Triomphe de l'Humilité » et du Manuscrit B tous les passages qui évoquaient Diana Vaughan.
Le 9 juin, elle écrit l'une des pages les plus pathétiques de son autobiographie, évoquant ces « impies » qui ont perdu la foi « par l'abus des grâces » (MSC 5,2v). Comment n'aurait-elle pas présent à l'esprit le mystificateur qui vient de jeter le masque? Elle offre son épreuve pour lui.
On a dit qu'il n'y avait pas d'humilité sans humiliations. L'affaire Diana Vaughan en fut une de taille. Mais au moment de mourir, il s'agissait bien d'une « Victoire pour une éternité », lorsque Thérèse disait à sa prieure: « Oui, il me semble que je n'ai jamais cherché que la vérité; oui j'ai compris l'humilité du coeur... Il me semble que je suis humble » (CJ 30.9). Triomphe ultime de l'humilité...

Note 1. Thérèse ne distingue ni actes ni scènes. Nous proposons la division en six scènes, selon les conventions adoptées pour les autres récréations.

Note 2. La scène se passe « dans la salle de récréation », lieu même de la représentation.

Note 3. Les « actrices », qui sont aussi les « personnages », conservent leurs noms réels, sauf la troisième. On attend en effet une postulante à l'époque où Thérèse compose sa pièce. Mais le courage lui manque et elle fait faux bond. Soeur Marthe de Jésus, qui devait tenir le rôle d'Asmodée, la remplacera.

Note 4. Soeur Marie-Madeleine avait de fait été bergère en son enfance; cf. PN 10, Histoire d'une Bergère devenue Reine.

Note 5. Ce 21 juin 1896, chaque soeur reçoit un exemplaire relié d'une réédition de la circulaire de Mère Geneviève, écrite par Mère Agnès de Jésus en 1892. Mère Agnès insistait alors sur les faits merveilleux de cette existence. Cf. la confidence de Mère Geneviève elle-même à Thérèse novice, dans les Ecrits divers EDV 13. Sur la sainteté de Mère Geneviève selon Thérèse, cf. MSA 78,1r.

Note 6. Cette expression n'est pas de Thérèse d'Avila, quoi qu'en dise Thérèse ici et en LT 201, mais de saint François de Sales (Traité de l'Amour de Dieu, livre VI, chap. 14).

Note 7. Thérèse a lu ce récit au début de mai 1896, dans les n 2, 3, 4 des Mémoires (août, septembre, octobre 1895). Ils assignent à cette « conversion » la date du 13 juin 1895. A noter que Thérèse, en scène, fait mention de sa lecture d'une façon toute naturelle, sans avoir à présenter Diana Vaughan: preuve que la communauté est au courant.

Note 8. L'autographe de Thérèse présente, aux folios 1 et 3, des grattages qui rendent le texte illisible; le papier est par endroit, perforé. Nous avons laissé les blancs correspondants, et rétabli entre crochets les mots qui ont dû être reconstitués. Pour le détail de la critique textuelle, cf. Récréations, pp. 379-382.

Note 9. Leo Taxil, « père » de Diana, connaissait bien Jeanne d'Arc pour avoir traduit son Procès en 1890. Ce sera l'une de ses astuces d'accréditer miss Vaughan auprès de l'opinion catholique par une référence fréquente à l'héroïne nationale. Le combat antimaçonnique que livre - selon les Mémoires - la nouvelle convertie apparût comme la transposition contemporaine de la mission de la Libératrice d'Orléans.

Note 10. Cf les Maximes de saint Jean de la Croix: « L'âme qui veut avoir des révélations pèche au moins véniellement » (n 34, p. 15). La doctrine de Thérèse sur les « consolations et les grâces extraordinaires » n'est pas moins exigeante que celle de Jean; cf. Montée du Carmel, II, 21 et III, 30, ainsi que MSB 2,1r, 6-8 et CSG 154.

Note 11. La « Sainte Mère » écrit en effet dans sa Vie: « Par un pur don du souverain Maître, j'ai gardé sur eux un tel empire que je n'en fais pas plus de cas que des mouches » ( op. cit. chap. XXV).

Note 12. C'est la pensée et parfois le vocabulaire même de saint Jean de la Croix dans la Montée, II, chap. 21 (pp. 267ss de l'édition connue de Thérèse).

Note 13. Les diables resteront toujours invisibles derrière le paravent. On imagine que le trio des novices commence par s'en donner à coeur joie à réaliser un bruitagc endiablé... On retrouvera les « actrices» au naturel, exhibant les mêmes fourches avec espièglerie, sur la photo des foins (VTL, n 35) dans une quinzaine de jours.

Note 14. Il faut prêter attention aux propos de Lucifer: il ne badine pas et surtout il est, en RP 7, l'un des porte-parole de Thérèse. C'est lui qui, entre dix mensonges, décoche les quatre vérités destinées au public, les carmélites de Lisieux. Tandis que ses subalternes évoquent surtout le folklore « palladique » (selon les révélations de miss Vaughan), lui prend d'abord appui sur la Bible, qu'il cite en la détournant de son sens, comme jadis sur le mont de la Tentation .

Note 15. Double renversement de la perspective des justes. Thérèse voudra « passer son ciel sur la terre... tant qu'il y aura des âmes à sauver CJ 17.7.

Note 16. Le vocabulaire archaïque de cette scène (Adonaï - un des noms donnés à Dieu dans la Bible hébraïque -, Asmodée, ainsi que les démons cités plus loin, Moloch, Astaroth, etc.) lui confère une apparence ésotérique que les spectatrices peuvent cependant dépasser sans initiation poussée. Il prouve au passage que Thérèse a bien lu ses sources, c'est-à-dire certains écrits de Léo Taxil (cf. Présentation ).

Note 17. C'est-à-dire: « Je n'obéirai point » selon l'lmitation, III, 13, Réflexions de Lamennais. Cf. PN 48,4.

Note 18. Passage très détérioré. Les mots relus entre les trous ont dû être déchiffrés sous des ratures épaisses. Ils suffisent cependant à reconstituer la trame du discours: malgré sa vigilance, Asmodée n'a pu préserver Diana des « superstitions du christianisme ». S'il arrive à « découvrir sa retraite », il se vengera férocement, en inventant pour elle « de nouveaux supplices ». Tous ces propos viennent en droite ligne des Mémoires.

Note 19. Thérèse, par la bouche de Lucifer, met ses soeurs en garde: le « bruit du monde », mais surtout « l'amour-propre » mettent les carmélites elles-mêmes à la merci du démon et stérilisent leur coeur destiné au seul amour de Dieu.

Note 20. « Ames possédées (par Dieu) »: c'est le cas de Thérèse: « vous êtes possédée par le bon Dieu, mais possédée ce qui s'appelle... absolument comme les méchants le sont du vilain » (soeur Marie du Sacré-Coeur, LC 170, 17/9/1896, citée supra, en LT 197, note. C'est ce qu'elle avait demandé dans l'Acte d'Offrande (« venir prendre possession de mon âme »).

Note 21. Cf. saint Jean de la Croix: « Une âme unie à Dieu est terrible au démon comme Dieu Lui-même » (Maximes, n 99).

Note 22. Une « arme » dont l'Eglise a coutume de se servir contre le démon. Cf. CJ 11.9.5.

Note 23. La prise de Rome par les Piémontais (20/9/1870) a dépouillé Pie IX de son pouvoir temporel. Depuis lors et jusqu'en 1929, les papes se sont considérés comme prisonniers au Vatican.

Note 24. Vocable attribué par Leo Taxil à la Vierge Marie.

Note 25. A notre connaissance, ces affirmations (« ordre préféré... le plus parfait de l'Eglise ») ne figurent pas dans les publications de Diana qu'a pu connaître Thérèse. Celle-ci parlerait donc en son propre nom. Que le Carmel soit particulièrement la cible de Satan, c'est ce que répète M. Guérin en avril 1897: « C'est à elles (les Carmélites) que Satan en veut le plus. Il l'a dit dans ses manifestations palladiques, et je lisais il y a quelques instants une délibération des Loges qui veulent demander au gouvernement la fermeture des couvents cloîtrés » (à soeur Marie de l'Eucharistie, 4/4/1897).

Note 26. « Les maléahks » (de l'hébreu mal'ak) désignent habituellement les anges (les bons selon la Bible). Thérèse (qui emprunte ce terme aux écrits de Diana) l'emploie en ce sens.

Note 27. L'attaque est dure. Thérèse a déjà relativisé la virginité comme état de fait en RP 4, str. 26-31 , ce qui n'ôte rien à son estime de la virginité comme don de Dieu; cf. PN 3, entre autres exemples nombreux.

Note 28. Ces réflexions sur l'obéissance », qui ne laissent place à aucune échappatoire, visent l'actualité communautaire. Les remous consécutifs à l'élection du 21 mars 1896 ne sont pas encore apaisés.

Note 29. En mars 1897, Thérèse transcrira pour l'abbé Bellière, avec d'autres poésies, les trois couplets de saint Michel s'adressant à Satan (sc. 4) et le dernier chant des anges auquel elle ajoutera le couplet suivant:

Comme autrefois l'humble Vierge Marie
Qui triompha de l'orgueilleux Satan
L'Humilité de votre courte vie
Ecrasera la tête du serpent.

APPENDICE

Nous annexons à RP 7 l'« APPEL AUX CARMELITES » Ce texte au crayon est écrit au recto d'un brouillon contemporain de RP 7. S'agit-il d'un fragment d'abord prévu pour être intégré au « Triomphe de l'Humilité », peut-être comme chant final? L'auteur l'aurait abandonné, ayant modifié son projet? Simple hypothèse. La composition date à coup sûr de 1896.

J.M.J.T.
Air: Estudiantina

Appel aux Carmélites

Pour notre Mère, l'Eglise
Bien vite armons-nous, mes soeurs
Le Ciel bénit l'entreprise
Qui doit sauver les pécheurs (bis).

Nos armes sans aucun doute
Doivent triompher un jour
Celle que l'enfer (bis) redoute
Ah! C'est surtout notre amour (bis)

Pour notre Mère... etc.
(à la fin)
Prions mes soeurs
ou
Luttons mes soeurs

Jusqu'au sein de la bataille
Hâtons-nous donc de courir
Ne craignons pas la mitraille
Et pour Dieu sachons mourir...

C'est l'Eternelle Patrie
Qu'il nous faut peupler d'élus
Mes soeurs (bis) toute notre vie
Combattons avec Jésus.




Notes Récréation 8

« - SAINT STANISLAS KOSTKA - »

- DOCUMENT: autographe.
- DATE: pour les noces d'or de soeur Saint-Stanislas, le 8 février 1897.
- COMPOSITION: dialogues en prose et en vers (36), sur deux mélodies.
- PUBLICATION: HA 98, 36 vers, dont cinq retouchés; Récréations, 1985, texte intégral.

Il n'était pas fréquent, au Carmel, de fêter le jubilé d'or d'une religieuse: cinquante ans de profession. Ce fut pourtant le cas de soeur Saint-Stanislas des Sacrés-Coeurs, née le 4 mai 1824, entrée au Carmel de sa ville natale le 6 avril 1845. Elle avait fait profession le 8 février 1847.
Le 8 février 1897, elle fut donc légitimement fêtée. « Le soir, dit la chronique du monastère, les novices jouèrent un épisode de la vie de saint Stanislas dont leur jeune Maîtresse Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus était l'auteur. »
Il s'agissait donc de fêter « une des pierres de la fondation » du Carmel. De petite taille, toujours active, dévouée, soeur Saint-Stanislas a rempli les emplois de sacristine, dépositaire (économe), infirmière et a été plusieurs fois troisième conseillère de la prieure. Soeur Thérèse a été son auxiliaire à la sacristie du 10 février 1891 au 20 février 1893. L'affection des deux soeurs, la doyenne (soixante-treize ans en 1897) et la benjamine fut sans nuage. A la demande de Mère Marie de Gonzague, prieure, Thérèse se met à l'oeuvre en écrivant une récréation pour la jubilaire.
Le nom de celle-ci l'oriente vers le choix de son sujet, un épisode de la vie du jeune saint polonais, Stanislas Kostka: son entrée au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1567.
Ce 8 février 1897, personne ne peut se douter que cette huitième récréation sera la dernière écrite par soeur Thérèse et que dans deux mois, la doyenne fera office d'infirmière de sa compagne de vingt-quatre ans.

La première cellule attribuée à Thérèse, où elle habita cinq ans, était dédiée à saint Stanislas Kostka. On ignore si elle avait une devotion particulière pour le jeune saint qui, avec Louis de Gonzague et Jean Berchmans, formait le trio le plus célèbre des jeunes jésuites canonisés.
Pour sa pièce, elle s'est inspirée d'une Vie de Saint Stanislas Kotska (sic) de A. de Blanche.
Né en 1550 à Rostkow dans une riche et noble famille polonaise, Stanislas a dû lutter pour répondre à sa vocation. A Vienne, habitant chez un luthérien avec son frère Paul, il doit souffrir pour sa foi au point d'en tomber malade. Privé de sacrements, il reçoit la communion d'un ange, en présence de sainte Barbe. La Vierge Marie lui apparaît et lui confie l'Enfant Jésus. Sauvé, il s'enfuit de Vienne déguisé en paysan et se retrouve à Rome devant le Général des Jésuites, François de Borgia. Il ne sera novice que neuf mois. Il meurt le 15 août 1568 en répétant « Jésus! Marie! » Il n'avait pas dix-huit ans. Il sera canonisé en 1726.

Heureuse coïncidence: l'histoire de Stanislas, sa spiritualité rejoignent sur certains points les préoccupations profondes de soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus au début de sa vingt-cinquième année. Un saint mort si jeune, encore novice, sans avoir rien fait de remarquable... Un être humble, guéri par la Vierge qui lui a confié l'Enfant Jésus et qu'il considère comme sa Mère... qui a reçu l'Eucharistie des mains d'une vierge (1)... un jeune, joyeux, aimable, nouant de profondes amitiés... Il suffit d'énoncer ces quelques traits pour comprendre que Thérèse ait pu vibrer à la lecture de sa vie.

(1) Ainsi le croyait Thérèse d'après ses sources.

Une première lecture ne peut que constater la faiblesse de cette saynète, toute en conversations. L'épisode, désagréable à un lecteur moderne, des ruses du Général des Jésuites pour éprouver le postulant, vise-t-il à animer quelque peu l'action? Intéressante, cette dernière récréation l'est à un autre titre: elle nous révèle l'état d'esprit de Thérèse au moment d'entrer dans la maladie. Saint Stanislas Kostka amorce bien des confidences qui seront reprises dans le Manuscrit C et les Derniers Entretiens: maturité de la jeunesse, conversations entre novices, charité fraternelle; prière et sacrifices, armes apostoliques; amour de la Vierge Marie, notre Mère; et surtout, espoir de faire du bien après la mort. Sur ce dernier point, Thérèse avait confié à soeur Marie de la Trinité: « Ce qui m'a plu en composant cette pièce, c'est que j'ai exprimé ma certitude qu'après la mort on peut encore travailler sur la terre au salut des âmes. Saint Stanislas, mort si jeune, m'a servi admirablement pour dire mes pensées et mes aspirations à ce sujet » (PO, p. 469).
Stanislas fait partie de ces jeunes saints morts prématurément - dont beaucoup martyrs - qu'aimait tant Thérèse: les Saints Innocents, Cécile, Agnès, Jeanne d'Arc, Théophane Vénard... Stanislas. Une fois encore, dans une petite pièce de circonstance, Thérèse exprimait ses sentiments profonds. Avec le recul du temps, nous sommes mieux placés que ses contemporains pour les découvrir.

Note 1. François de Borgia (1510-1572), duc de Gandie et l'un des plus puissants seigneurs d'Espagne, avait tout quitté et était entré dans la Compagnie de Jésus. Il devait devenir Préposé général de la Compagnie.

Note 2. A l'époque de Thérèse, on ne parle à la prieure qu'à genoux, en tout lieu. Les novices font de même avec leur maîtresse.

Note 3. Ainsi fait Mère Marie de Gonzague à l'égard de Thérèse depuis l'élection de mars 1896; cf. MSC 1,2v et LT 190.

Note 4. Thérèse d'Avila voulait qu'on appelle ainsi les supérieurs de l'Ordre réformé par elle (appellation la plus simple dans l'Espagne du XVI siècle). Mais l'usage variait dans les carmels français du XIX siècle; il ne se pratiquait pas à Lisieux.

Note 5. Pierre Canisius (1521-1597) fut l'un des hommes les plus célèbres de la Compagnie de Jésus à son origine. Il fut Provincial de Haute-Allemagne de 1556 à 1569. Béatifié en 1864, il fut canonisé quelques jours après sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, le 21 mai 1925. Il est Docteur de l'Eglise.

Note 6. Les archives de la Compagnie conservent bien une lettre en latin du P. Canisius à François de Borgia, du 25 septembre 1567. Elle recommande au Père Général trois postulants, parmi lesquels Stanislas dont elle expose le cas et les vertus en une quinzaine de lignes. Thérèse a pu la connaître, bien qu'elle ne soit pas mentionnée par A. de Blanche. De toute façon, elle en reconstitue ici la teneur avec grande liberté.

Note 7. « L'humilité, c'est la vérité », Thérèse d'Avila, Château, VI demeures, chap. X (trad. Bouix, t. III, p. 566). Thérèse de Lisieux reprend cette phrase à son compte ( CSG 19), jusque sur son lit de mort (cf. CJ 30.9).

Note 8. Dans les deux scènes suivantes, Thérèse se sépare de sa source principale. L'interrogatoire qu'elle imagine lui permet d'exprimer sa propre « doctrine », notamment sur l'humilité, la miséricorde, la charité fraternelle.

Note 9. Ceci pourrait paraître flatterie ou naïveté. Mais n'oublions pas que plusieurs premiers disciples de saint Ignace de Loyola furent effectivement canonisés ou béatifiés (Stanislas prophétise donc...): François Xavier, Pierre Favre, François de Borgia, Pierre Canisius. Notons encore que la famille Martin et le Carmel considéraient le P. Pichon, sj., comme un saint...

Note 10. Stanislas reçoit l'habit de novice le 28 octobre 1567, jour de ses dix-sept ans.

Note 11. Les armes mêmes de Thérèse; cf. MSC 24,2v, MSC 32,1r.

Note 12. Thérèse reprend ici les termes du récit de sa propre guérison, le 13 mai 1883 (cf. MSA 30,1r).

Note 13. Au collège de Vienne, Stanislas était préfet de la congrégation de Sainte-Barbe. Cette vierge et martyre, dont il est bien difficile d'établir l'histoire, contaminée d'innombrables légendes, était très honorée en Allemagne.

Note 14. On représente souvent sainte Barbe tenant un ciboire surmonté d'une hostie, car on demande à son intercession la grâce de recevoir, avant de mourir, les derniers sacrements; et en particulier, selon une oraison de sa fête (4 décembre), « le sacrement du Corps et du Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».

Note 15. En faisant communier Stanislas de la main de sainte Barbe, Thérèse suit sa source (A. de Blanche). Mais la Bulle de canonisation de saint Stanislas (1726) précise qu'il a reçu la communion « de la main des anges en présence de sainte Barbe ». Il demeure que cette erreur d'A. de Blanche, ignorée de Thérèse, éveillait en elle un écho très profond; cf. PO, pp. 305s. et Récréations, pp. 406s.

Note 16. Ce cri du coeur de Stanislas est celui de Thérèse. Elle suit sa source, mais la graphie de l'original est intéressante: les trois mots « explosent » dans la page, suivis de trois points d'exclamation et douze points de suspension.

Note 17. Thérèse déplace et modifie cet épisode, qui se situe en fait pendant la maladie de Stanislas, vers la fin de son séjour à Vienne (1567).


Notes Récréations Pieuses 601