2004 Redemptionis Sacramentum



CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN

ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS



PRÉSENTATION DE "REDEMPTIONIS SACRAMENTUM"

(Certains points à observer ou à éviter

au sujet de la Très Sainte Eucharistie)


1. Origine de cette Instruction.

Il est utile de rappeler tout d'abord l'origine de cette Instruction. Le Jeudi Saint, 17 avril 2003, lors de la Messe solennelle de la Dernière Cène dans la Basilique Saint Pierre, le Saint Père signa et donna à l'Eglise sa quatorzième lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia.

Dans ce beau document, le Pape Jean-Paul II déclare, entre autres, que la Sainte Eucharistie " a sa place au centre de la vie ecclésiale " (n. 3 ), qu' " elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne toute la création " (n. 8 ). Elle " est ce que l'Eglise peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l'histoire " (n. 9 ).

Il fait remarquer, en même temps, que depuis le Concile Vatican II, des éléments positifs et négatifs se sont développés dans la célébration du culte (n. 10 ) et que des abus ont été une source de souffrance pour beaucoup. Il considère donc de son devoir " de lancer un vigoureux appel pour que, dans la Célébration eucharistique, les normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité " (n. 52 ). Il ajoute: " Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j'ai demandé aux Dicastères compétents de la Curie romaine de préparer un document plus spécifique, avec des rappels d'ordre également juridique, sur ce thème d'une grande importance. Il n'est permis à personne de sous-évaluer le Mystère remis entre nos mains: il est trop grand pour que quelqu'un puisse se permettre de le traiter à sa guise, ne respectant ni son caractère sacré ni sa dimension universelle " (n. 52 ).

Voilà donc l'origine de cette Instruction que la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements offre maintenant à l'Eglise latine, en étroite collaboration avec la Congrégation pour la Doctrine de la foi


2. Raisons d'être des normes liturgiques

On pourrait se poser la question des raisons d'être des normes liturgiques. La créativité, la spontanéité, la liberté des enfants de Dieu, un bon sens ordinaire ne suffisent-ils pas? Pourquoi le culte de Dieu devrait-il être régimenté par des rubriques et des règles? Ne suffit-il pas d'enseigner tout simplement au peuple la beauté et la nature élevée de la liturgie?

Les normes liturgiques sont nécessaires parce que " le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses membres. Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu'oeuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l'Eglise, est l'action sacrée par excellence dont nulle autre action de l'Eglise ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré " (Sacrosanctum Concilium, n. SC 7). La célébration eucharistique est le sommet de la liturgie. Personne ne devrait s'étonner si, au cours des temps, notre Mère la sainte Eglise a développé des mots, des actions, et donc des directives, pour cet acte suprême du culte. Les normes eucharistiques ont été conçues pour exprimer et protéger le mystère eucharistique et, de plus, pour manifester que c'est l'Eglise qui célèbre cet auguste sacrifice et ce sacrement. Comme le dit le Pape Jean-Paul II, " elles sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de l'Eucharistie; tel est leur sens le plus profond. La liturgie n'est jamais la propriété privée de quelqu'un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés " (Ecclesia de Eucharistia, n. 52).

Il s'ensuit que " le prêtre qui célèbre fidèlement la Messe selon les normes liturgiques et la communauté qui s'y conforme manifestent, de manière silencieuse mais éloquente, leur amour pour l'Eglise " (Ibid.).

Il est évident qu'une conformité extérieure ne suffit pas. La foi, l'espérance et la charité exigent, en plus de la participation à l'Eucharistie, une solidarité avec ceux qui sont dans le besoin. Cette dimension est soulignée à l'article 5 de l'Instruction: " Il est évident aussi qu'une observance purement extérieure des normes est contraire à la nature même de la sainte Liturgie, voulue par le Christ Seigneur pour rassembler son Eglise, afin que celle-ci forme avec lui 'un seul corps et un seul esprit'. C'est pourquoi l'attitude extérieure doit être éclairée par la foi et la charité qui nous unissent au Christ et les uns aux autres, et suscitent en nous l'amour envers les pauvres et les affligés ".


3. Est-il important de prêter attention aux abus?

Une tentation à laquelle il faut résister est celle qui estime que c'est une perte de temps à prêter attention aux abus liturgiques. On a écrit que les abus ont toujours existé et qu'ils existeront toujours; donc, nous devrions nous préoccuper de formation et de célébrations liturgiques positives.

Cette objection, partiellement vraie, peut nous induire en erreur. Tous les abus au sujet de la Sainte Eucharistie n'ont pas le même poids. Quelques uns menacent de rendre le sacrement invalide. D'autres manifestent un manque de foi eucharistique. D'autres encore contribuent à semer la confusion parmi le peuple de Dieu et tendent à désacraliser les célébrations eucharistiques. Ce ne sont pas des abus à prendre à la légère.

Bien sûr, tous les membres de l'Eglise ont besoin d'une formation liturgique. Selon le Concile Vatican II, " il est donc très nécessaire qu'on pourvoie en premier lieu à la formation liturgique du clergé " (Sacrosanctum Concilium, n. SC 14). Mais il est également vrai que " dans tel ou tel contexte ecclésial, des abus contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique sur cet admirable Sacrement " (Ecclesia de Eucharistia, n. 10). " Il n'est pas rare que les abus s'enracinent dans une fausse conception de la liberté " (Instruction, n. 7 ). " Ces actes arbitraires ne favorisent pas le véritable renouveau " (Instruction, n. 11) espéré par le Concile Vatican II. " De tels abus n'ont rien à voir avec l'esprit authentique du Concile et ils doivent être corrigés par les pasteurs, avec une attitude de fermeté prudente " (Jean-Paul II, Lettre Apostolique pour le 40e anniversaire de la Constitution Sacrosanctum Concilium, Spiritus et Sponsa, n. 15).

A ceux qui de leur propre autorité modifient des textes liturgiques, il est important de faire remarquer avec cette Instruction que " la sainte Liturgie est intimement liée aux principes doctrinaux; aussi, l'usage de textes et de rites, qui ne sont pas approuvés, a pour conséquence que le lien nécessaire entre la lex orandi et la lex credendi s'affaiblit ou vient à manquer " (Instruction, n. 10 ).


4. Aperçu général de l'Instruction

L'Instruction comporte une introduction, huit chapitres et une conclusion.

Le premier chapitre sur la réglementation de la sainte Liturgie parle du rôle du Siège Apostolique, de l'Evêque diocésain, de la Conférence épiscopale, des prêtres et des diacres. J'attire l'attention sur le rôle de l'Evêque diocésain. Il est le grand-prêtre de son troupeau. Il dirige, encourage, promeut et organise. Il supervise la musique sacrée et l'art. Il établit les commissions nécessaires pour la liturgie, la musique et l'art sacré (Instruction, 22,25 ). Il cherche des remèdes aux abus: en ce cas, c'est à lui ou à ses assistants qu'il faudrait d'abord recourir plutôt qu'au Siège Apostolique. (Instruction, n. 176 -182 , 184 ).

Les prêtres, comme les diacres, ont promis solennellement d'exercer leur ministère avec fidélité. On s'attend à ce que leur vie soit en accord avec leurs responsabilités sacrées.

Le deuxième chapitre traite de la participation des fidèles laïcs à la célébration eucharistique. Le Baptême est le fondement de leur sacerdoce commun (Instruction, n. 36, 37 ). Le prêtre ordonné est toujours indispensable à une communauté chrétienne et les rôles des prêtres et des fidèles laïcs ne devraient pas être confondus (Instruction, n. 42, 45 ). Les laïcs ont leur rôle propre. Selon l'Instruction, cela ne veut pas dire que tout le monde doive toujours faire quelque chose. Il s'agit plutôt de se laisser complètement vivifier par ce grand privilège, don de Dieu, qu'est l'appel à participer à la liturgie, d'esprit et de coeur, par la vie entière, et ainsi, de recevoir par elle la grâce de Dieu. Il est important de bien comprendre cela et de ne pas supposer que l'Instruction a quelques préjugés contre les fidèles laïcs.

Les chapitres 3,4 et 5 essaient de répondre à des questions posées de temps à autre. Ils abordent quelques abus reconnus lors de célébrations de la Messe, le discernement entre qui peut et qui ne devrait pas communier, le soin nécessaire pour recevoir la communion sous les deux espèces, des questions concernant les vêtements et les vases sacrés, la position requise pour recevoir la Sainte Communion et d'autres questions du même genre.

Le chapitre 6 concerne la dévotion à la Sainte Eucharistie hors de la Messe. Il traite du respect dû au tabernacle et de pratiques comme les visites au Saint Sacrement, les chapelles d'adoration perpétuelle, les processions et les congrès eucharistiques (Instruction, n. 130 , 135-136 , 140 , 142-145 ).

Le chapitre 7 concerne les offices extraordinaires confiés aux laïcs, par exemple, aux ministres extraordinaires de la Sainte Communion, aux instructeurs ou aux responsables de prières en l'absence d'un prêtre (Instruction, n. 147-169 ). Le chapitre 2 de l'Instruction traitait de la participation ordinaire des laïcs à la liturgie et en particulier à l'Eucharistie. Ici, il s'agit de ce que les laïcs sont appelés à accomplir lorsqu'il manque un nombre suffisant de prêtres ou même de diacres. Ces dernières années le Saint Siège a accordé une attention considérable à cette question, et cette Instruction y donne suite, ajoutant d'autres considérations pour des circonstances particulières.

Le dernier chapitre traite de remèdes canoniques pour des crimes ou des abus contre la Sainte Eucharistie. A long terme, le remède principal se trouve dans une formation et une instruction appropriées et dans une foi solide. Mais lorsqu'il y a des abus, l'Eglise a le devoir de les aborder avec clarté et charité.


5. Conclusion

En raison de l'article de foi selon lequel la Messe est la représentation sacramentelle du Sacrifice de la Croix (cf. Concile de Trente: DS 1710) et que "le corps et le sang, ainsi que l'âme et la divinité de notre Seigneur Jésus Christ, et donc, le Christ tout entier est vraiment, réellement et substantiellement contenu dans le très saint sacrement de l'Eucharistie" (Concile de Trente: DS 1651; cf. CCC 1374), il est clair que les normes liturgiques concernant la Sainte Eucharistie méritent notre attention. Ce ne sont pas des rubriques méticuleuses dictées par des esprits légalistes.

" La sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l'Eglise, c'est-à-dire, le Christ Lui-même, Lui, notre Pâque, Lui, notre pain vivant ". (Presb. Ordinis, PO 5). Les prêtres et les Evêques sont ordonnés avant tout pour célébrer le sacrifice Eucharistique et donner le Corps et le Sang du Christ aux fidèles. Les diacres, et, à leur manière, les acolytes, d'autres servants, les lecteurs et les chorales, les laïcs ayant reçu une mission particulière sont tous appelés à offrir leur aide pour les différentes fonctions et à remplir leurs divers ministères avec foi et dévotion.

En conclusion de cette Instruction, la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements espère que " grâce aussi à l'application attentive des normes rappelées dans la présente Instruction, l'action du très saint Sacrement de l'Eucharistie rencontre moins d'obstacles dus à la fragilité humaine, et que, si l'on parvient à écarter tout abus et à bannir tout usage illicite, par l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, "femme eucharistique", la présence salvifique du Christ resplendisse sur tous les hommes dans le Sacrement de son Corps et de son Sang " (Instruction, 185 ).

Francis Card. ARINZE


23 avril 2004








CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN

ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS


PRÉSENTATION DE "REDEMPTIONIS SACRAMENTUM"23 avril 2004


INSTRUCTION

Redemptionis Sacramentum

sur certaines choses à observer et à éviter

concernant la très sainte Eucharistie


SOMMAIRE

Préambule 1-13
Chapitre I
Le gouvernement de la sainte Liturgie 14-18
1. L'Évêque diocésain, grand prêtre de son troupeau 19-25
2. La Conférence des Évêques 26-28
3. Les Prêtres 29-33
4. Les Diacres 34-35

Chapitre II
La participation des fidèles laïcs à la célébration de l'Eucharistie
1. Une participation active et consciente 36-42
2. Les fonctions des fidèles laïcs dans la célébration de la sainte Messe 43-47

Chapitre III
La célébration correcte de la sainte Messe
1. La matière de la très sainte Eucharistie 48-50
2. La Prière eucharistique 51-56
3. Les autres parties de la Messe 57-74
4. L'union des divers rites avec la célébration de la Messe 75-79

Chapitre IV
La sainte communion
1. Les dispositions pour recevoir la sainte Communion 80-87
2. La distribution de la sainte Communion 88-96
3. La Communion des Prêtres 97-99
4. La Communion sous les deux espèces 100-107

Chapitre V
Quelques autres considérations concernant l'Eucharistie
1. Le lieu de la célébration de la sainte Messe 108-109
2. Diverses dispositions concernant la sainte Messe 110-116
3. Les vases sacrés 117-120
4. Les vêtements liturgiques 121-128

Chapitre VI
La sainte réserve eucharistique
et le culte de la très sainte Eucharistie en dehors de la Messe
1. La sainte réserve eucharistique 129-133
2. Quelques formes du culte de la très sainte Eucharistie en dehors de la Messe 134-141
3. Les processions et les congrès eucharistiques 142-145

Chapitre VII
Les fonctions extraordinaires des fidèles laïcs 146-153
1. Le ministre extraordinaire de la sainte Communion 154-160
2. La prédication 161
3. Les célébrations particulières en l'absence de prêtre 162-167
4. Les clercs renvoyés de l'état clérical 168

Chapitre VIII
Les remèdes 169-171
1. Les graviora delicta 172
2. Les matières graves 173
3. Les autres abus 174-175
4. L'Évêque diocésain 176-180
5. Le Siège Apostolique 181-182
6. Les plaintes concernant les abus liturgiques 183-184

Conclusion 185-186




PRÉAMBULE

1 Dans la très sainte Eucharistie, la Mère Église croit fermement et accueille avec joie, célèbre et adore le SACREMENT DE LA RÉDEMPTION, 1 en annonçant la mort de Jésus-Christ et en proclamant sa résurrection, jusqu'à ce qu'il vienne dans la gloire, 2 comme Seigneur et Maître invincible, Prêtre éternel et Roi de l'univers, pour remettre entre les mains de la souveraine puissance du Père, le règne de la vérité et de la vie.3

2 La très sainte Eucharistie, en qui est contenu l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque,4 est la source et le sommet de toute la vie chrétienne; 5 son influence est déterminante depuis les origines mêmes de l'Église.6 La doctrine de l'Église au sujet de la très sainte Eucharistie a été exposée avec une sollicitude vigilante et une grande autorité, au long des siècles, dans les documents des Conciles et des Souverains Pontifes. De plus, très récemment, dans la Lettre Encyclique Ecclesia de Eucharistia, le Souverain Pontife Jean-Paul II a exposé de nouveau, pour la situation ecclésiale de notre temps, certains éléments de grande importance sur ce même sujet.7
Afin que, aujourd'hui aussi, l'Église veille, comme il se doit, sur un si grand mystère, spécialement dans la célébration de la sainte Liturgie, le Souverain Pontife a ordonné à cette Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements,8 en collaboration avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de préparer la présente Instruction, dans laquelle seraient traitées certaines questions se rapportant à la discipline du Sacrement de l'Eucharistie. Par conséquent, les différents points contenus dans cette Instruction doivent être lus dans la continuité avec la Lettre Encyclique Ecclesia de Eucharistia précitée.
Toutefois, le but de l'Instruction n'est pas tant de présenter l'ensemble des normes relatives à la très sainte Eucharistie, que de reprendre plutôt certains éléments contenus dans les normes liturgiques antérieurement exposées et établies, qui continuent à être valides, afin de renforcer le sens profond des normes liturgiques 9 , et aussi d'en indiquer d'autres, qui explicitent et complètent les précédents, en les expliquant non seulement aux Évêques, mais aussi aux prêtres, aux diacres et à tous les fidèles laïcs, afin que chacun les mette en pratique dans sa propre fonction et selon ses propres possibilités.

3 Les normes, qui sont contenues dans la présente Instruction, se réfèrent à des questions liturgiques, qui concernent la liturgie du Rite romain et, avec les variations opportunes, les autres Rites de l'Église latine reconnus par le droit.

4 "Il n'y a pas de doute que la réforme liturgique du Concile a produit de grands bénéfices de participation plus consciente, plus active et plus fructueuse des fidèles au saint Sacrifice de l'autel".10 Cependant, "les ombres ne manquent pas".11 Ainsi, on ne peut passer sous silence les abus, même très graves, contre la nature de la Liturgie et des sacrements, et aussi contre la tradition et l'autorité de l'Église, qui, à notre époque, affligent fréquemment les célébrations liturgiques dans tel ou tel milieu ecclésial. Dans certains lieux, le fait de commettre des abus dans le domaine liturgique est même devenu un usage habituel; il est évident que telles attitudes ne peuvent être admises et qu'elles doivent cesser.

5 L'observance des normes, qui émanent de l'autorité de l'Église, exige la conformité de l'esprit et de la parole, de l'attitude extérieure et des dispositions intérieures. Il est évident aussi qu'une observance purement extérieure des normes est contraire à la nature même de la sainte Liturgie, voulue par le Christ Seigneur pour rassembler son Eglise, afin que celle-ci forme avec lui "un seul corps et un seul esprit"12 C'est pourquoi l'attitude extérieure doit être éclairée par la foi et la charité, qui nous unissent au Christ et les uns aux autres, et suscitent en nous l'amour envers les pauvres et les affligés. Les paroles et les rites de la Liturgie constituent aussi l'expression fidèle, mûrie au long des siècles, des sentiments du Christ, et ils nous apprennent à avoir les mêmes sentiments que les siens;13 en conformant notre esprit à ces paroles, nous élevons nos coeurs vers le Seigneur. Ainsi, tout ce qui est dit dans cette Instruction a pour but de susciter une telle conformité de nos sentiments avec ceux du Christ, qui sont exprimés dans les paroles et les rites de la Liturgie.

6 En effet, de tels abus "contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique concernant cet admirable Sacrement".14 Ils empêchent aussi "les fidèles de revivre en quelque sorte l'expérience des deux disciples d'Emmaüs: "leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent"".15 En présence de la puissance éternelle de Dieu et de sa divinité,16 ainsi que du rayonnement de sa bonté, qui sont manifestées d'une manière particulière dans le Sacrement de l'Eucharistie, il faut que tous les fidèles possèdent et manifestent ce sens de la majesté de Dieu, qui apparaît en pleine lumière dans la passion rédemptrice de son Fils Unique.17

7 Il n'est pas rare que les abus s'enracinent dans une fausse conception de la liberté. Cependant, Dieu ne nous accorde pas dans le Christ cette liberté illusoire, qui consiste à faire ce que nous voulons, mais la liberté qui nous permet de faire ce qui est digne et juste.18 En vérité, ce principe ne vaut pas seulement pour les préceptes qui proviennent directement de Dieu, mais aussi, en considérant comme il convient le caractère de chaque norme, pour les lois promulguées par l'Église. Ainsi, tous ont l'obligation de se conformer aux dispositions, qui sont établies par l'autorité ecclésiastique légitime.

8 Ensuite, on note avec une grande tristesse l'existence "d'initiatives oecuméniques qui, bien que suscitées par une intention généreuse, se laissent aller à des pratiques eucharistiques contraires à la discipline dans laquelle l'Église exprime sa foi". Toutefois, le don de l'Eucharistie "est trop grand pour pouvoir supporter des ambiguïtés et des réductions". Il convient donc de corriger et de définir d'une manière plus précise certains éléments, afin que, même dans ce domaine, "l'Eucharistie continue à resplendir dans toute la magnificence de son mystère".19

9 Enfin, les abus trouvent très souvent un fondement dans l'ignorance, puisqu'on rejette généralement ce dont on ne perçoit pas le sens plus profond, et dont on ne connaît pas l'ancienneté. Or, c'est fondamentalement de la sainte Écriture elle-même, "sous son inspiration et dans son élan que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont jailli, et c'est d'elle que les actions et les symboles reçoivent leur signification".20 De plus, "le Christ ou l'Église ont choisi les signes visibles employés par la Liturgie pour signifier les réalités divines invisibles".21 Enfin, dans la tradition de chaque Rite tant de l'Orient que de l'Occident, les structures et les formes des célébrations sacrées s'accordent avec l'Église universelle, en ce qui concerne aussi les usages reçus universellement de la tradition apostolique ininterrompue,22 qui doivent être transmis fidèlement et avec soin par l'Église aux générations futures. Tous ces éléments doivent être conservés avec sagesse et protégés par les normes liturgiques.

10 L'Église elle-même n'a aucun pouvoir sur ce que le Christ a institué et qui constitue la partie immuable de la Liturgie.23 De fait, si on rompt le lien entre les sacrements et le Christ lui-même, qui les a institués, et si on ne les relie pas aux événements fondateurs de l'Église,24 une telle option n'apporte rien de bon aux fidèles, mais elle leur fait subir au contraire de graves dommages. En effet, la sainte Liturgie est intimement liée aux principes doctrinaux;25 aussi, l'usage de textes et de rites, qui ne sont pas approuvés, a pour conséquence que le lien nécessaire entre la lex orandi et la lex credendi s'affaiblit ou vient à manquer.26

11 Le Mystère de l'Eucharistie est trop grand "pour que quelqu'un puisse se permettre de le traiter à sa guise, en ne respectant ni son caractère sacré, ni sa dimension universelle".27 Au contraire, quiconque se comporte de cette manière, en préférant suivre ses inclinations personnelles, même s'il s'agit d'un prêtre, lèse gravement l'unité substantielle du Rite romain, sur laquelle il faut pourtant veiller sans relâche.28 Des actes de ce genre ne constituent absolument pas une réponse valable à la faim et à la soif du Dieu vivant, dont le peuple de notre époque fait l'expérience; de même, ils n'ont rien de commun avec le zèle pastoral authentique ou le véritable renouveau liturgique, mais ils ont plutôt pour conséquence de priver les fidèles de leur patrimoine et de leur héritage. En effet, ces actes arbitraires ne favorisent pas le véritable renouveau,29 mais ils lèsent gravement le droit authentique des fidèles de disposer d'une action liturgique, qui exprime la vie de l'Église selon sa tradition et sa discipline. De plus, ils introduisent des éléments d'altération et de discorde dans la célébration de l'Eucharistie elle-même, alors que cette dernière, par nature et d'une manière éminente, a pour but de signifier et de réaliser admirablement la communion de la vie divine et l'unité du peuple de Dieu.30 Ces actes provoquent l'incertitude doctrinale, le doute et le scandale dans le peuple de Dieu, et aussi, presque inévitablement, des oppositions violentes, qui troublent et attristent profondément de nombreux fidèles, alors qu'à notre époque, la vie chrétienne est souvent particulièrement difficile en raison du climat de "sécularisation".31

12 En revanche, tous les fidèles du Christ disposent du droit de bénéficier d'une véritable liturgie - et cela vaut tout particulièrement pour la célébration de la sainte Messe - qui soit conforme à ce que l'Église a voulu et établi, c'est-à-dire telle qu'elle est prescrite dans les livres liturgiques et dans les autres lois et normes. De même, le peuple catholique a le droit d'obtenir que le Sacrifice de la sainte Messe soit célébré sans subir d'altération d'aucune sorte, en pleine conformité avec la doctrine du Magistère de l'Église. Enfin, la communauté catholique a le droit d'obtenir que la très sainte Eucharistie soit célébrée de telle manière que celle-ci apparaisse vraiment comme le sacrement de l'unité, en excluant complètement toutes sortes de défauts et d'attitudes, qui pourraient susciter des divisions et la formation de groupes dissidents dans l'Église.32

13 L'ensemble des normes et des rappels exposés dans la présente Instruction se rattachent, selon des modes différents, au devoir de l'Église, à qui il revient de veiller sur la célébration conforme et digne de ce grand mystère. Le dernier chapitre de la présente Instruction expose les divers degrés, par lesquels les normes singulières se relient à la loi suprême de tout le droit ecclésiastique, qui est le soin du salut des âmes.33



Chapitre I

LE GOUVERNEMENT DE LA SAINTE LITURGIE


14 "Le gouvernement de la sainte Liturgie dépend uniquement de l'autorité de l'Église: il appartient au Siège Apostolique et, dans les règles du droit, à l'Évêque".34

15 Le Pontife Romain, "Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre, possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement",35 notamment en communiquant avec les pasteurs et les fidèles.

16 Il revient au Siège Apostolique d'organiser la sainte Liturgie de l'Église universelle, d'éditer les livres liturgiques, de reconnaître leurs traductions en langues vernaculaires et de veiller à ce que les règles liturgiques soient fidèlement observées partout, spécialement celles qui réglementent la célébration du Saint Sacrifice de la Messe.36

17 La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements "s'occupe, demeurant sauve la compétence de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de tout ce qui appartient au Siège Apostolique en matière de réglementation et de promotion de la Liturgie sacrée, et tout d'abord des sacrements. Elle favorise et veille sur la discipline des sacrements, spécialement quant à la validité et à la licéité de leur célébration". Enfin, "elle exerce une vigilance attentive afin que soient observées exactement les dispositions liturgiques, que soient empêchés les abus en ce domaine, et qu'il y soit mis fin là où ils sont découverts".37 Dans ce domaine, selon la tradition de toute l'Église, une attention particulière est accordée à la célébration de la sainte Messe, et au culte qui est rendu à la très sainte Eucharistie, également en dehors de la Messe.

18 Les fidèles ont le droit d'obtenir que l'autorité ecclésiastique gouverne la sainte Liturgie totalement et d'une manière efficace, afin que celle-ci n'apparaisse jamais comme "la propriété privée de quelqu'un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés".38

1. L'ÉVÊQUE DIOCÉSAIN, GRAND PRÊTRE DE SON TROUPEAU

19 L'Évêque diocésain, premier dispensateur les Mystères de Dieu dans l'Église particulière qui lui est confiée, est l'organisateur, le promoteur et le gardien de toute la vie liturgique.39 En effet, "l'Évêque, revêtu de la plénitude du sacrement de l'Ordre, porte la "responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce",40 en particulier dans l'Eucharistie qu'il offre lui-même ou dont il assure l'oblation,41 et d'où vient à l'Église continuellement vie et croissance".42

20 La principale manifestation de l'Église se réalise chaque fois que les Messes solennelles sont célébrées, principalement dans l'église cathédrale, "avec la participation plénière et active de tout le saint peuple de Dieu, [...] dans une seule prière, auprès de l'autel unique où préside l'Évêque" entouré de son presbyterium, des diacres et des autres ministres.43 De plus, "toute célébration légitime de l'Eucharistie est dirigée par l'Évêque, à qui a été confiée la charge de présenter à la Majesté divine le culte de la religion chrétienne et de le régler selon les préceptes du Seigneur et selon les lois de l'Église, auxquelles il apporte pour son diocèse, par son jugement particulier, les déterminations ultérieures".44

21 En effet, il appartient à l'Évêque "diocésain, en matière liturgique, de porter, pour l'Église qui lui est confiée et dans les limites de sa compétence, des règles auxquelles tous sont tenus".45 Cependant, l'Évêque doit constamment veiller à ce que ne soit pas enlevée la liberté, qui est prévue par les normes des livres liturgiques, d'adapter, d'une manière judicieuse, la célébration à l'édifice sacré, ou au groupe de fidèles, ou bien aux circonstances pastorales, de telle sorte que le rite sacré tout entier soit réellement adapté à la mentalité des personnes.46

22 L'Évêque dirige l'Église particulière, qui lui est confiée,47 et il lui appartient de régler, diriger, stimuler, parfois même de reprendre,48 en exerçant la charge sacrée qu'il a reçue par l'ordination épiscopale,49 pour édifier son troupeau dans la vérité et dans la sainteté.50 Il a le devoir d'expliquer le véritable sens des rites et des textes liturgiques, et c'est à lui que revient la charge de nourrir les prêtres, les diacres et les fidèles laïcs de l'esprit de la sainte Liturgie,51 pour qu'ils soient tous conduits à une célébration active et fructueuse de l'Eucharistie.52 Enfin, l'Évêque doit également veiller à ce que le corps entier de l'Église puisse progresser, unanimement, dans l'unité de la charité sur les plans diocésain, national et universel.53

23 Les fidèles "doivent s'attacher à leur Évêque comme l'Église à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ à son Père, afin que toutes choses convergent dans l'unité et soient fécondes pour la gloire de Dieu".54 Tous, y compris les membres des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, de même que les associations ou les mouvements ecclésiaux, quels qu'ils soient, sont soumis à l'autorité de l'Évêque diocésain pour tout ce qui concerne la Liturgie,55 hormis les droits qui leur ont été légitimement concédés. L'Évêque diocésain a donc le droit et le devoir d'exercer une surveillance attentive sur la liturgie et, à ce titre, de visiter les églises et les oratoires, situés sur son territoire, y compris ceux qui sont fondés ou dirigés par des membres des instituts précités, si les fidèles y ont habituellement accès.56

24 Pour sa part, le peuple chrétien a le droit d'obtenir que l'Évêque diocésain veille à ce que des abus ne se glissent pas dans la discipline ecclésiastique, surtout en ce qui concerne le ministère de la parole, la célébration des sacrements et des sacramentaux, le culte de Dieu et des saints.57

25 Les commissions, les conseils, ou les comités institués par l'Évêque, dans le but de "promouvoir l'action liturgique, ainsi que la musique et l'art sacrés dans son diocèse", doivent agir en se conformant à la pensée et aux normes de l'Évêque, et ils doivent pouvoir compter sur son autorité et son approbation pour exercer convenablement leurs propres fonctions,58 et afin que soit garantie l'autorité effective de l'Évêque dans son diocèse. Au sujet de tous ces groupes, des autres instituts, et de tous ceux qui, en général, prennent des initiatives dans le domaine liturgique, il est urgent que les Évêques cherchent à savoir si leurs activités ont été fructueuses jusqu'à maintenant,59 et qu'ils discernent avec attention quelles sont les corrections ou les améliorations qui doivent être introduites dans leurs structures et leurs activités,60 pour qu'ils acquièrent une nouvelle vigueur. Il faut toujours se rappeler que les experts doivent être choisis parmi des personnes faisant preuve de solidité dans la foi catholique et bien préparées dans les domaines théologique et culturel.



2004 Redemptionis Sacramentum