Thomas sur Jean 26


I

QUAND DONC JESUS CONNUT QUE LES PHARISIENS AVAIENT ENTENDU DIRE QU’IL FAISAIT PLUS DE DISCIPLES

ET EN BAPTISAIT PLUS QUE JEAN (POURTANT CE N’ETAIT PAS JESUS QUI BAP TISAIT, MAIS SES DISCIPLES), IL QUITTA LA JUDEE ET S’EN ALLA DE NOUVEAU EN GALILEE. OR IL LUI FALLAIT PASSER PAR LA SAMARIE. IL VIENT DONC DANS UNE VILLE DE SAMARIE NOMMEE SICHAR, PRES DU DOMAINE QUE JACOB DONNA A SON FILS JOSEPH.

Du côté de celui qui enseigne, le préambule [à l’enseignement] est son arrivée au lieu où Il va enseigner. L’Evangéliste indique donc le lieu d’où vient le Christ la Judée [n° 550], puis le lieu où Il se rend la Galilée [n° 557], et enfin le lieu par lequel Il passe: la Samarie [n° 558].

Concernant le premier point, il donne d’abord la cause pour laquelle le Christ a quitté le lieu où Il était [n° 550], puis il ajoute quelques précisions au sujet de cette cause [n° 554]; enfin il expose le départ du Christ de Judée [n° 556].

QUAND DONC JESUS CONNUT QUE LES PHARISIENS AVAIENT ENTENDU DIRE

QU’IL FAISAIT PLUS DE DISCIPLES ET EN BAPTISAIT PLUS QUE JEAN (POURTANT CE N’ETAJT PAS JESUS QUI BAPTISAIT, MAÏS SES DISCIPLES), IL QUITTA LA JUDEE...

550. L’Evangéliste veut montrer ici que, après que le Baptiste eut réprimé la jalousie de ses disciples, le Christ se déroba à la malveillance des Pharisiens.

551. Mais comme il est dit dans l’Ecriture, du Seigneur notre Dieu, avant qu’elles fussent créées, toutes choses étaient connues 3, et tout est à nu et à découvert aux yeux de Celui à qui nous devons rendre compte 4; il semble donc qu’il faille se demander en quel sens il est dit que Jésus connaît quelque chose de nouveau.
2. Mc 16, 20.


A cela il faut répondre que Jésus, en vertu de sa divinité, connut de toute éternité toutes les choses passées, présentes et futures, comme le garantit l’autorité de l’Ecriture que l’on vient de citer; mais que, en tant qu’homme, Il apprit des choses nouvelles, d’une con naissance expérimentale. C’est de cela qu’il s’agit quand l’Evangéliste dit: QUAND DONC JESUS CONNUT, après qu’on le Lui eut appris, QUE LES PHARISIENS AVAIENT ENTENDU DIRE, etc. Si le Christ voulut recevoir cette connaissance comme une connaissance toute nouvelle, c’était dans le dessein de manifester la vérité de sa nature humaine, de même qu’Il voulut, dans ce but, faire et souffrir beaucoup d’autres choses qui sont propres à la nature humaine.

552. Mais pourquoi est-il dit que LES PHARISIENS AVAIENT ENTENDU DIRE QUE JESUS FAISAIT PLUS DE DISCIPLES EN BAPTISAIT PLUS QUE JEAN, puisque cela ne les concernait pas? Ces mêmes Pharisiens, en effet, persécutaient Jean et ne le croyaient pas. Comme le rapporte Matthieu, lorsque le Seigneur leur demanda d’où venait le baptême de Jean, ils se dirent entre eux: Si nous répondons: Du ciel, il nous dira Pourquoi donc n’y avez-vous pas cru? 5 C’est donc qu’ils n’avaient pas cru Jean.

A cette question on peut répondre de deux manières. Ou bien les disciples de Jean qui avaient précédemment provoqué une discussion contre le Christ étaient eux-mêmes Pharisiens ou liés aux Pharisiens; cela expliquerait qu’il soit dit, en Matthieu, que les Pharisiens, en même temps que les disciples de Jean, posèrent des questions hostiles aux disciples du Christ 6. Et la conclusion que tire l’Evangéliste en disant: QUAND DONC JESUS CONNUT (...), IL QUITTA LA JUDEE, signifierait ceci après que Jésus eut compris la discussion des disciples de Jean, qui étaient Pharisiens ou liés aux Pharisiens, et leur agitation au sujet de son baptême et de celui de ses disciples, IL QUITTA LA JUDEE.
3. Sir 23, 29.
4. He 4, 13.
5. Mt 21, 25.


Ou bien — seconde réponse possible — les Pharisiens furent, par jalousie, troublés au sujet de la prédication de Jean, et à cause de cela persuadèrent Hérode de se saisir de lui. Cela apparaît clairement dans le passage de Matthieu où le Christ, parlant de Jean, dit Elie est déjà venu (...) et ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu, pour ajouter aussitôt: De même le Fils de l’homme aura à souffrir par eux 7, passage au sujet du quel la Glose 8 dit que les Pharisiens incitèrent Hérode à emprisonner Jean et à le faire mourir. Il semble donc probable qu’ils éprouvaient contre le Christ une irritation semblable, du fait qu’Il prêchait. Et en ce sens, les paroles de l’Evangéliste signifient que les Pharisiens, jaloux du Christ et tout prêts à Le persécuter, avaient prêté attention, en vue de Le persécuter, au fait QUE JESUS FAISAIT PLUS DE DISCIPLES ET EN BAPTI SAIT PLUS QUE JEAN.
6. Voir Mt 9, 11 et 14.
7. Mt 17, 12.
8. Voir BÈDE, In S. Matthaei Evangelium expositio, lib. 3 (Glossa), PL 92, col. 82 A: les Pharisiens" méprisèrent et décapitèrent EJean]. "
9. Jb 28, 22.
10. Ps 131, 6 et 7.


553. De cette manière d’entendre [de prêter attention] il est dit au livre de Job La perdition et la mort ont dit: Nous en avons de nos oreilles entendu parler 9.Mais les bons, eux, écoutent pour obéir: Nous avons entendu dire que [l’arche du Seigneur] était en Ephrata (...) Nous adorerons dans le lieu où se sont arrêtés ses pieds 10.

Les Pharisiens, donc, avaient entendu dire deux choses QUE JESUS FAISAIT PLUS DE DISCIPLES QUE JEAN, ce qui était, certes, juste et compréhensible puis que, comme il a été dit plus haut, il fallait que le Christ croisse et que je [Jean] diminue 11; et que Jésus BAPTISAIT, cela à juste titre, puisque c’est Lui qui purifie Lève-toi, Seigneur, en baptisant, selon le précepte que tu as établi au sujet du baptême, et l’assemblée des peuples réunis par le baptême t’environnera 12

554. En disant ensuite que, POURTANT, CE N’ETAIT PAS JESUS QUI BAPTISAIT, MAIS SES DISCIPLES, l’Evangéliste précise ce qu’il vient de dire au sujet du baptême du Christ dont les Pharisiens avaient entendu parler.

Cependant Augustin dit qu’il semble y avoir là une incohérence. Plus haut, en effet, l’Evangéliste avait dit qu’Il baptisait mais ici, comme pour corriger une affirmation qui aurait été fausse, il dit ET POURTANT CE N’ETAIT PAS JESUS QUI BAPTISAIT 14.

A cela on peut répondre de deux manières. Selon Chrysostome 15, ce que l’Evangéliste dit ici est vrai: le Christ n’a baptisé personne. Quant à ce qui a été dit précédemment, à savoir qu’Il baptisait, il faut le prendre comme le bruit qui courait chez les Pharisiens, que le Christ baptisait; et cela parce qu’on serait venu leur dire: "Vous avez fait emprisonner Jean parce qu’il faisait des disciples et baptisait: mais voilà que celui-ci, c’est-à-dire Jésus, fait plus de disciples que Jean, et baptise. Pourquoi donc le supportez-vous?" Ce n’est donc pas de lui-même que l’Èvangéliste, plus haut, dit que le Christ baptise il rapporte ce que les Pharisiens ont entendu dire. Et maintenant, voulant corriger la fausse rumeur qui circule dans le peuple, il dit: Il est vrai que les Pharisiens ont entendu dire que le Christ baptise, mais c’est faux. Tel est le sens de ses paroles: POUR TANT CE N’ETAIT PAS JESUS QUI BAPTISAIT, MAIS SES DISCIPLES.

Toujours selon Chrysostome, le Christ n’a pas baptisé parce qu’en aucun des baptêmes conférés par Jean et les disciples du Christ durant tout le temps qui précéda la Passion du Christ, l’Esprit Saint ne fut donné; mais le but de ce baptême était de disposer les hommes au baptême du Christ et de les rassembler pour la prédication, comme Chrysostome le dit lui-même 16. Il ne convenait pas, en effet, que le Christ baptisât, si dans ce baptême n’était pas donné l’Esprit Saint, qui ne fut pas donné avant la Passion du Christ, comme il sera dit plus loin: L’Esprit n’avait pas encore été donné parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié 17.

Mais d’après Augustin 18 il faut dire, et c’est plus vrai, que les disciples conféraient le baptême du Christ, c’est-à-dire le baptême dans l’eau et dans l’Esprit, lequel était donné dans ce baptême, et que le Christ Lui-même à la fois baptisait et ne baptisait pas. Il baptisait, certes, parce que c’est Lui qui purifiait intérieurement; mais Il ne baptisait pas, parce que ce n’est pas Lui qui, à l’extérieur, pratiquait l’immersion. Les disciples en effet s’acquittaient du ministère de l’ablution du corps, tandis que le Christ apportait l’Esprit qui purifie intérieurement 19 C’est donc Lui qui, à proprement parler, baptisait Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est Lui qui baptise dans l’Esprit Saint 20.
11. Jean 3, 30.
12. Ps 7, 7.
13. Jean 3, 22.
14. Cf. Tract. in b. XV, 3, BA 71, p. 761.
15. Cf. In loannem hom., 31, eh. 1, PG 59, col. 176: "En réalité, Jésus ne baptisait pas Lui-même, mais comme les envoyés voulaient exciter plus d’envie contre Lui, ils le rapportaient ainsi. "
16. Op. cit., 29, eh. 1, col. 167-168.
17. Jean 7, 39. Commentant ce verset, saint Jean Chrysostome reconnaît que, certes, l’Esprit Saint avait déjà été donné aux prophètes; mais cette grâce fut donnée avec mesure, puis retirée peu à peu en effet, il n’y avait plus de prophètes chez les Juifs. C’est après la Croix, poursuit-il, que l’Esprit Saint fut répandu avec une plus grande effusion, accompagnée de charismes plus grands et plus admirables. Saint Jean Chrysostome cite en particulier Ro 8, 15: "Vous n’avez pas reçu un esprit de servitude, mais vous avez reçu un esprit d’adoption". Voir In loannem hom., 51, ch. 1-2, col. 284.
18. Tract, in b. XV, 3, p. 761.


Que faut-il donc répondre à ce que dit Chrysostome, alléguant que l’Esprit Saint n’avait pas encore été donné, etc.? Qu’Il n’avait pas été donné avec des signes visibles, comme Il fut donné aux disciples après la Résurrection de Jésus-Christ; mais qu’Il avait cependant été donné, et qu’Il était donné, aux croyants par la sanctification intérieure.

Si le Christ n’a pas toujours baptisé, c’est pour nous donner un exemple ceux qui exercent les plus hautes charges dans l'Eglise ne doivent pas s’employer aux fonctions qui peuvent être remplies par d’autres, mais ils doivent en laisser le soin à leurs inférieurs — Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais évangéliser 21.

555. Les disciples du Christ furent-ils eux-mêmes baptisés? A cette question on peut répondre, comme le fait Augustin dans sa lettre à Seleuciana 22, qu’ils furent baptisés soit du baptême de Jean, parce que certains des disciples du Christ avaient été disciples de Jean, soit (ce qui est plus vraisemblable) du baptême du Christ. On ne croit pas, en effet, qu’Il se soit abstenu d’exercer le ministère du baptême, et cela afin d’avoir des serviteurs baptisés par l’intermédiaire desquels Il baptiserait les autres. C’est cela qu’il faut entendre par les paroles qu’Il prononcera plus tard Celui qui s’est baigné n’a besoin que de se laver les pieds. Vous aussi vous êtes purs, mais non pas tous 23.
19. Ces deux dernières phrases reproduisent, en les précisant, deux phrases de saint Augustin" En effet Il baptisait, parce que c’est Lui qui purifiait; Il ne baptisait pas parce que ce n’est pas Lui qui pratiquait l’immersion. Les disciples s’acquittaient du ministère du corps, Lui apportait le secours de sa majesté" (Tract, in b. XV, 3, p. 761).
20. Jean 1, 33.
21. 1 Corinthiens 1, 17.
22. Epistula 265, 5, 10 sq., CSEL vol. LVII, pp. 643-644 (PL 33 col. 1088, 5). Cf. Epistula 44, V, 10, 1 sq., CSEL vol. XXXIV p. 118 (PL 33, col. 178, ch. V, 10).


556. L’Evangéliste affirme ensuite le départ du Christ en disant qu’IL QUITTA LA JUDEE, cela pour trois motifs. En premier lieu pour se soustraire à la jalousie des Pharisiens, qui étaient agités par ce qu’ils avaient entendu dire du Christ et qui se préparaient à Le persécuter. Il nous donne ainsi un exemple, pour que nous n’hésitions pas à nous écarter momentané ment, par douceur, de ceux qui font le mal: N’entasse pas de bois sur son feu [dit l'Ecriture en nous conseillant de ne pas avoir de querelle avec un grand parleur] 24. Second motif de son départ: le Christ veut nous montrer que ce n’est pas pécher que de fuir ses persécuteurs 25: Lorsqu’on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre 26. Troisième cause de son départ: le temps de sa Passion n’était pas encore venu, comme Il le dira Lui-même plus loin: Mon temps n’est pas encore venu 27. Enfin il y a encore une autre cause, qui a une signification cachée par un tel départ le Christ signifiait que ses disciples, à cause de la persécution des Juifs, quitteraient ceux-ci et iraient vers les nations, comme le rapportent les Actes: ... les Juifs furent remplis de jalousie, et en blasphémant ils contre disaient ce que disait Paul. Alors Paul et Barnabé dirent avec assurance: C’était à vous qu’il fallait d’abord annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voici que nous nous tournons vers les nations. Car ainsi nous l’a ordonné le Seigneur... 29
23. Jean 13, 10.
24. Sir 8, 4.
25. Cf. SAINT AUGUSTIN, Tract. in b. XV, 2, p. 759.
26. Mt 10, 23.
27. Jean 7, 6.




[3b] ET IL S’EN ALLA DE NOUVEAU EN GALILEE.

557. L’Evangéliste indique maintenant le lieu où se rendit le Christ. S’il dit DE NOUVEAU, c’est parce que, plus haut, il avait fait mention d’une autre descente du Christ en Galilée: lorsque, après le miracle des noces, II était descendu à Capharnaüm 29. Les trois autres Evangélistes ne font pas mention de cette première descente; c’est pourquoi Jean dit DE NOUVEAU, afin de donner à entendre que les autres Evangélistes ont passé sous silence tout ce que lui-même a dit jusqu’à ce chapitre, et qu’à partir de maintenant il commence à ponctuer 30 l’histoire contemporaine de leurs Evangiles.

Quant à la Galilée, il y a deux manières d’interpréter son nom. Ou bien il faut l’entendre de la gentilité, vers laquelle va le Christ en quittant les Juifs: "Galilée" peut en effet se traduire" transmigration". Ou bien, selon une autre interprétation, il faut entendre ici par la Galilée la gloire céleste, car" Galilée" peut aussi se traduire" révélation" 31.
28. Ac 13, 45-47; cf. 8, 1 et 4 sq.
29. Jean 2, 12.
30. Saint Thomas emploie ici le verbe texere, tisser, image qui exprime bien une disposition selon un ordre.
31. La première interprétation (transmigratio), qui était déjà donnée au n" 338 où nous l’avions traduite par" passage" (voir vol. I, 2e éd., p. 326, note 12), vient de saint Jérôme. La seconde (ici revelatio, mais Scot Erigène donne revolutio) trouve, sous ses deux formes, un appui chez Denys. Voir JEAN SCOT ERIGÈNE, Commentaire sur l’Evangile de Jean, IV, j, SC 180, p. 283, et la note d’E. Jeauneau, pp. 283-284; voir aussi Fr. Wu’rz, Onomastica sacra, p. 547.



£[4-5] OR IL LUI FALLAIT PASSER PAR LA SAMARIE. IL VIENT DONC DANS UNE VILLE DE SAMARIE NOMMEE SICHAR, PRES DU DOMAINE QUE JACOB DON-£[4-5] NA A SON FILS JOSEPH.

558. L’Evangéliste indique enfin le lieu par lequel passe le Christ; il le fait d’abord d’une manière générale [n° 559], puis avec plus de précision [n° 560].

559. Le lieu par lequel le Christ passe pour se rendre en Galilée est LA SAMARIE. L’Evangéliste dit qu’il LUI FALLAIT PASSER par là afin de montrer que, mal gré les apparences, Il n’agit pas contrairement à ce qu’Il enseigne. Il donna en effet à ses disciples l’ordre de ne pas prendre le chemin des nations et de ne pas entrer dans une ville des Samaritains 32. Or la Samarie était une terre des nations. L’Evangéliste, en disant IL LUI FALLAIT, veut donc montrer que ce n’est pas à des sein que le Christ s’y rendit, mais par nécessité; et la raison de cette nécessité est que la Samarie était située entre la Judée et la Galilée.

Au sujet de cette Samarie, il faut savoir que Amri, roi d’Israël, établit sur une certaine montagne une ville qu’il appela SAMARIE et qui devint le siège du royaume et sa capitale; et qu’à cause de cela toute la région fut appelée SAMARIE, du nom de cette ville 33. Quand l’Evangéliste dit qu’IL LUI FALLAIT PASSER PAR LA SAMARIE, il faut donc comprendre que c’est par la région que le Christ devait passer, et non par la ville.
32. Mt 10, 5.
33. Voir 1 Rs 16, 23-24 Amri (Omri), roi d’Israël (père d’Achab), "acheta à Somer (Shemer) la montagne de Samarie, pour deux talents d’argent; et il la bâtit, et il appela la ville qu’il avait construite Samarie, du nom de Somer, propriétaire de la montagne. "


560. Aussi, indiquant d’une manière plus précise le lieu par lequel Jésus passe, ajoute-t-il: IL VIENT DONC DANS UNE VILLE DE SAMARIE, c’est-à-dire de la région de Samarie, NOMMEE SICHAR. Sichar, en effet, est sous un autre nom la même ville que Sichem dont parle la Genèse. Jacob, y est-il dit, dressa ses tentes près de cette ville; et, à cause du rapt de sa fille Dma par Sichem, le fils du roi [Hémor] 35, deux fils de Jacob, indignés, tuèrent les hommes de cette ville 36. C’est ainsi qu’elle devint la possession de Jacob, qui y habita et y creusa des puits. Plus tard, sur le point de mourir, il la donna à son fils Joseph, comme on le lit encore dans la Genèse: Je te donne de plus qu’à tes frères une part que j’ai prise des mains de l’Amorrhéen avec mon glaive et mon arc 37. C’est ce que rappelle l’Evangéliste en disant: PRES DU DOMAINE, c’est-à-dire près du champ, QUE JACOB DONNA A SON FILS JOSEPH.

Si l’Evangéliste mentionne avec soin toutes ces choses, c’est pour montrer que tous les événements qui concernent les Patriarches n’eurent d’autre sens que de conduire au Christ, que le Christ a été annoncé par les Patriarches et qu’Il descend d’eux selon la chair.
34. " Le mot "Sichar", note Scot Erigène, est mis pour Sichem" dont il est une corruption. "Sichem" se traduit par "nombres": les élus de la Gentilité, en effet, restent à dénombrer" (Commentaire sur l’Evangile de Jean, IV, n, p. 287; en fait, saint Jérôme, à qui est empruntée cette étymologie, écrit non pas numeros [mais umeros]: voir la note d’E. Jeauneau: op. cit., p. 286, note 2).
35. Gn 34, 2.
36. Gn 34, 25-26.
37. Gn 48, 22.




II

LA ETAIT LA SOURCE DE JACOB. JESUS, DONC, FATIGUE DE LA ROUTE, ETAIT ASSIS A MEME LA SOURCE. C’ETAIT ENVIRON LA SIXIEME HEURE.

561. L’Evangéliste donne ici un second préambule à l’enseignement du Christ. Il s’agit cette fois de la réalité à propos de laquelle l’enseignement allait être donné; et il convient bien d’en parler. En effet, l’enseignement devant porter sur l’eau jaillissant de la source spirituel le, c’est à juste titre que l’Evangéliste fait ici mention de la source matérielle qui fut l’occasion d’un dialogue sur la source spirituelle qu’est le Christ — En Toi est la source de vie 38, la vie étant ici l’Esprit Saint, qui est l’Esprit de vie 39, et la source, le baptême, dont il est dit En ce jour-là il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur 40.

Ainsi, pour montrer ce qui a été l’occasion de l’enseignement du Christ, l’Evangéliste situe d’abord la source elle-même [n° 562], puis décrit la halte du Christ assis à même la source [n° 563], et enfin indique l’heure à la quelle Il s’y assit [n° 565].

LA ETAIT LA SOURCE DE JACOB.

562. L’Evangéliste parle ici d’une source; mais plus loin il est dit que le puits est profond (4, 11). Il ne s’agissait donc pas d’une source? A cela il faut répondre, selon Augustin, que c’était à la fois une source et un puits. Tout puits, en effet, est une source, mais l’in verse n’est pas vrai; car l’endroit d’où l’eau sourd de la terre est une source; et si l’eau sourd en surface, on parle seulement d’une source, tandis que si elle sourd à une grande profondeur on l’appelle" puits", sans qu’elle perde pour autant son nom de "source" 41. Et la source dont il est question ici est dite "source DE JACOB" parce que c’est lui qui avait creusé ce puits à cet endroit à cause du manque d’eau, comme le rap porte la Genèse.
38. Ps 35, 10.
39. Cf. Ez 1, 20-21 et 10, 17; 37, 5 et 10; Ap 11, 11.
40. Zach 13, 1.
41. Cf. SAINT AUGUSTIN, Tract. in b. XV, 5, p. 763.



  JESUS, DONC, FATIGUE DE LA ROUTE, ETAIT ASSIS A MEME LA SOURCE.

563. En s’asseyant ainsi, le Christ montre de la faiblesse, bien que sa force fût immense; [Il montre de la faiblesse] non par manque de force, mais pour manifester la vérité de sa nature [humaine]. Comme le dit Augustin, Jésus est fort parce que dans le Principe était le Verbe 43, mais Il est faible parce que le Verbe s’est fait chair 44. Ainsi, voulant montrer la vérité de sa nature humaine, le Christ laissait celle-ci faire et subir ce qui est propre à l’homme; et voulant aussi manifester en Lui-même la vérité de sa nature divine, Il faisait et accomplissait ce qui est propre à Dieu. Quand donc Il retirait à son corps l’influx de la force divine, Il avait faim et Il était fatigué; quand au contraire II laissait se manifester la puissance divine de son corps, Il se passait de nourriture sans avoir faim et Il n’était pas fatigué au milieu des labeurs. Il jeûna quarante jours et quarante nuits, rapporte Matthieu, et ensuite Il eut faim 45.

564. Le fait que Jésus ait été FATIGUE DE LA ROUTE nous donne un exemple: lorsqu’il s’agit du salut des autres, nous ne devons pas reculer devant la peine — Je suis pauvre, dit le psalmiste, et je peine depuis ma jeunesse 46. De même, Jésus nous donne là l’exemple de la pauvreté, en étant ASSIS A MEME LA SOURCE, c’est-à-dire à même la terre, tout simplement.

Le fait que le Christ soit assis a également une signification mystique; il signifie d’une part l’humilité de sa Passion — Tu sais quand je m’assieds (c’est-à-dire: tu connais ma passion) et quand je me relève (tu connais ma résurrection) 47 — d’autre part son autorité de docteur, car Il parlait comme ayant autorité 48, et c’est pour quoi Matthieu dit que s’étant assis (...), Il les enseignait 49.




C’ETAIT ENVIRON LA SIXIEME HEURE.

565. L’Evangéliste précise maintenant l’heure à la quelle Jésus s’assit. La raison de cette précision est [à la fois] littérale et mystique.

Au sens littéral, cette précision est donnée pour montrer la cause de la fatigue du Christ; en effet, en pleine chaleur et à la sixième heure du jour, les hommes sont davantage fatigués par leur labeur. Elle est donnée aussi afin de montrer pourquoi le Christ s’assied; car, à l’heure du jour où la chaleur est accablante, les hommes se reposent volontiers près de l’eau.
42. Le texte latin renvoie à Gn 34. En fait, ni la Genèse ni aucun autre livre de l’Ancien Testament ne mentionne ce puits de Jacob.
43. Jean 1, 1.
44. Jean 1, 14. Voir SAINT AUGUSTIN, Tract. in b. XV, 6, p. 765. Voir aussi JEAN SCOT ERIGÈNE, Commentaire sur l’Evangile de Jean, IV, ii, p. 289" La fatigue de Jésus est son incarnation: c’est notre nature fatiguée par les labeurs et les souffrances de ce monde à cause du péché originel, qu’Il a assumée. (...) C’est sans labeur qu’Il nous a créés par sa divinité, c’est avec labeur qu’Il nous a recréés par son humanité. Tout en demeurant éternellement et immuable. ment en Lui-même et dans son Père, Il s’est pour ainsi dire mis en chemin par sa mission temporelle dans la chair. "
45. Mt 4, 2. Cf. n° 352 (vol. I, 2 éd., p. 335).
46. Ps 87, 16.
47. Ps 138, 2.
48. Mt 7, 29; Mc 1, 22.
49. Mt 5, 1-2. En commentant Jean 4, 6, saint Augustin évoque seulement l’humilité du Christ: "Il s’est assis (...) parce qu’Il s’est humilié" (Tract. in b. XV, 9, p. 771; voir aussi De diversis quaestionibus 83, q. 64, 3, BA 10, p. 217); mais ailleurs il développe la double signification que peut avoir dans l’Ecriture le fait d’être assis parfois signe de la dignité des juges (comme en Mt 19,28), il peut être aussi signe d’humilité, comme en Jean 4, 6" La fatigue du Seigneur était la faiblesse du Seigneur, la faiblesse de la puissance, la faiblesse de la sagesse, mais cette faiblesse même est humilité. Par conséquent, s’Il s’est assis par suite de sa faiblesse, le fait de s’asseoir désigne son humilité. Et c’est en s’asseyant, c’est-à-dire en s’humiliant, qu’Il nous a sauvés, car ce qui est faible en Dieu est plus fort que les hommes (1 Corinthiens 1, 25)" (Enarr. in Ps 126, 5, CCL vol. XL, p. 1860 (PL 37, coI. 1671]).


Au sens mystique, il y a trois raisons [pour que le Christ se soit assis à la sixième heure]. L’une est que le Christ est venu dans le monde 50, en prenant [notre] chair, au sixième âge du monde 51. La seconde est que l’homme fut créé le sixième jour 52, et que le Christ fut conçu au sixième mois 53. La troisième est que, à la sixième heure du jour, le soleil est au zénith et qu’il ne lui reste plus qu’à décliner. Or le soleil signifie, dans ce contexte, la prospérité temporelle Si, à la vue du soleil dans son éclat, disait Job, mon coeur alors a ressenti une secrète joie... 54 Ainsi le Christ est venu quand la prospérité du monde était à son sommet, c’est-à-dire quand l’amour [du monde] florissait dans le coeur des hommes 55 ; mais grâce à la [présence du] Christ cet amour devait décliner dans le coeur des hommes.
50. Jean 18, 37.
51. Cette interprétation est celle que donne saint Augustin voir Tract, in b. XV, 9, p. 769. Elle est reprise par Scot Erigène (Commentaire sur l’Evangile de Jean, IV, Ix, pp. 289-29 1.)
52. Gn 1, 26.
53. Il s’agit du sixième mois après la conception de Jean-Baptiste (Lc 1,36). Celle-ci est encore dans le temps de l’attente et dans le temps de l’histoire de l’humanité. A partir de la conception du Christ, le temps de l’attente est terminé et même, d’une certaine manière, il n’y a plus de temps. En effet, l’éternité est présente dans le temps; c’est pourquoi" le temps est accompli" (Mc 1,15), et c’est pourquoi il est dit que le Christ vient à" la plénitude du temps" (Ga 4,4 Ep 1,10), "à la fin des temps" (11e 9, 26; cf. 1 Corinthiens 10, 11), "dans les derniers temps" (1P 1P 1,20 1Jn 2,18), dans les" derniers jours" (He 1,2 Ac 2,17).
54. Jb 31, 26; voir n° 226 et note 13 (vol. I, 2e éd., p. 241).
55. Il s’agit évidemment ici du" monde" au sens où l’entend saint Jean quand il dit que" si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui" (1Jn 2,15).




III



VIENT UNE FEMME DE SAMARIE POUR PUISER DE L’EAU. JESUS LUI DIT: "DONNE-MOI A BOIRE.

" SES DISCIPLES EN EFFET ETAIENT PARTIS POUR LA VILLE AFIN D’Y ACHETER DES VIVRES. CETTE FEMME SAMARITAINE LUI DIT DONC: "COMMENT! TOI QUI ES JUIF, TU ME DEMANDES A BOIRE, A MOI QUI SUIS UNE FEMME SAMARITAINE?" LES JUIFS EN EFFET N’ONT PAS DE RELATIONS AVEC LES SAMARITAINS.

566. L’Evangéliste donne maintenant un troisième préambule à l’enseignement du Christ, du côté, cette fois, de celle qui l’écoute. Il commence par présenter la personne à qui l’enseignement va être donné [n° 567], puis il montre comment elle est préparée à le recevoir [n° 568].

VIENT UNE FEMME DE SAMARIE POUR PUISER DE [7a] L’EAU.

567. La personne à qui va être donné l’enseignement est UNE FEMME DE SAMARIE. Cette femme représente l’Eglise des Gentils qui, n’étant pas encore justifiée, était retenue dans l’idolâtrie, mais qui devait cependant être justifiée par le Christ 56. Elle vient de chez les étrangers, c’est-à-dire de chez les Samaritains qui avaient été des étrangers, bien qu’ils habitassent les terres voisines; [elle vient de chez eux] parce que l’Eglise issue des nations, étrangère à la race des Juifs, devait venir au Christ — Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux 57.
56. Cf. SAINT AUGUSTIN, Tract. in b. XV, 10, p. 771 (et déjà IX, 6, p. 519, à propos des six urnes de pierre des noces de Cana); voir aussi De diversis quaest. 83, q. 64, 2, BA 10,




[7b JESUS LUI DIT: "DONNE-MOI A BOIRE. "

568. Ces paroles préparent cette femme à recevoir l’enseignement du Christ, en lui donnant l’occasion de L’interroger; mais avant de rapporter l’interrogation de la femme, l’Evangéliste notera la circonstance [qui permet au Christ Lui-même] de lui faire une demande [n° 570].

569. L’occasion que le Christ donne à la femme de L’interroger, par où Il la prépare à recevoir son enseignement, est sa propre demande: DONNE-MOI A BOIRE. Et s’Il lui demande à boire, c’est à la fois parce qu’Il avait soif d’eau à cause de la forte chaleur du jour, et parce qu’Il avait soif du salut des hommes à cause de son amour pour eux, ce qui Lui fit dire, lorsqu’Il était suspendu à la croix: J’ai soif 58.


£[8] SES DISCIPLES EN EFFET ETAIENT PARTIS POUR LA VILLE AFIN D’Y ACHETER DES VIVRES.

570. Voilà la circonstance qui permet au Christ d’adresser sa demande à la femme: ses disciples, à qui Il aurait demandé de l’eau, n’étaient pas là.

Remarquons ici trois choses au sujet du Christ. En premier lieu son humilité on Le laissait seul. Il donnait par là un exemple à ses disciples, leur apprenant à fouler aux pieds tout orgueil.

Mais peut-être pourrait-on se demander quelle nécessité il y avait d’habituer les disciples à l’humilité, eux qui avaient été d’humbles pêcheurs ou fabricants de tentes. Ceux qui font une telle objection doivent prêter attention au fait que ces pêcheurs devinrent, en un instant, plus dignes de respect que tous les rois, plus éloquents que les philosophes et les rhéteurs, et devinrent aussi les amis les plus intimes du Seigneur de l’univers; et que généralement ceux qui se trouvent soudain élevés ainsi s’enorgueillissent, parce qu’ils n’ont pas l’expérience de si grands honneurs.
57. Mt 8, 11.
58. Jean 19, 28. Cf n° 2447.


Remarquons ensuite la sobriété du Christ: Il se souciait si peu de la nourriture qu’Il n’emportait avec Lui aucunes provisions.

Remarquons encore que [ses disciples] Le laissèrent seul sur la croix Au pressoir j’ai foulé solitaire, et des peuples aucun homme n’était avec moi 59.


CETTE FEMME SAMARITAINE LUI DIT DONC "COMMENT! TOI QUI ES JUIF, TU ME DEMANDES A BOIRE, A MOI QUI SUIS UNE FEMME SAMARITAINE?" LES JUIFS EN EFFET N’ONT PAS DE RELA TIONS AVEC LES SAMARITAINS.

571. Le Seigneur, nous l’avons vu, a préparé la femme à recevoir son enseignement spirituel en lui donnant une occasion de L’interroger. L’Evangéliste rapporte maintenant la question de la femme, puis donne la rai son de cette question [n° 573].

572. Il faut comprendre que le Seigneur, en demandant à boire à la femme, avait en vue une boisson spi rituelle, plus que celle qui désaltère le corps; tandis que la femme, ne saisissant pas encore ce qu’est une boisson spirituelle, ne pensait qu’à celle du corps. C’est pourquoi elle lui répond COMMENT! TOI QUI ES JUIF, TU ME DEMANDES A BOIRE, A MOI QUI SUIS UNE FEMME SAMARITAINE? Le Christ, en effet, était juif les promesses annonçaient qu’Il sortirait de Juda — Le sceptre ne sera pas enlevé à Juda, ni le bâton de chef ôté d’entre ses pieds, jus qu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé 60. C’est pourquoi l’Apôtre dit, en parlant des Israélites: eux de qui est le Christ selon la chair 61. Et la femme reconnaissait, à son vêtement, qu’Il était juif; il est dit, en effet que le Seigneur ordonna aux Juifs de porter des franges d’hyacinthe aux quatre pans de leur vêtement 62, afin de se distinguer par là des autres peuples.
59. Isaïe 63, 3.


573. La raison de la question de la femme est ensuite donnée, soit par l’Evangéliste, selon la Glose 63, soit par la femme elle-même, selon Chrysostome 64: LES JUIFS EN EFFET N’ONT PAS DE RELATIONS AVEC LES SAMARITAINS. A ce sujet il faut se rappeler que le peuple d’Israël, c’est-à-dire les dix tribus qui avaient adoré les idoles, fut, à cause de son péché, emmené en captivité à Babylone par le roi d’Assyrie 65 et que celui-ci, pour que la Samarie ne demeurât pas sans habitants, y établit des gens venus de différents pays 66. Mais alors qu’ils y étaient ainsi installés, le Seigneur, voulant montrer que s’Il avait livré les Juifs, ce n’était pas par manque de puissance, mais à cause de leur péché, envoya à ces gens des lions et des bêtes sauvages qui en firent un massacre. Lorsque le roi d’Assyrie eut appris la nouvelle et eut été averti que cela leur arrivait parce qu’ils n’observaient pas les préceptes du Dieu de ce pays, il leur envoya un prêtre de chez les Juifs [déportés] pour leur enseigner les préceptes de Dieu, selon la Loi de Moïse 67. Voilà pourquoi ces gens, bien qu’ils ne fissent pas partie du peuple juif, observaient néanmoins la Loi de Moïse; mais avec le vrai Dieu ils adoraient des idoles, ils n’écoutaient pas les prophètes et s’appelaient eux-mêmes" Samaritains", du nom de la ville de Samarie, située sur la montagne de Somer. Lors donc que les Juifs furent revenus [de la captivité] en ce pays, les Samaritains leur furent toujours hostiles et opposés; et, comme le rapporte Esdras, ils les empêchaient de construire le Temple 70. Aussi les Juifs, s’ils évitaient toutes les autres nations, se détournaient-ils particulièrement des Samaritains, et n’avaient-ils avec eux aucune relation, comme le dit ici l’Evangéliste: LES JUIFS EN EFFET N’ONT PAS DE RELATIONS AVEC LES SAMARITAINS.

Remarquons qu’il ne dit pas: "Les Samaritains n’ont pas de relations avec les Juifs" 71, car ils au raient bien voulu se joindre à eux et les fréquenter, mais les Juifs les repoussaient, selon ce qui est écrit Tu ne concluras pas d’alliance avec [les nations] et tu n’en auras pas pitié 72.

574. Mais s’il n’était pas permis aux Juifs de fréquenter les Samaritains, pourquoi le Seigneur demanda-t-Il à boire à la Samaritaine? A cela on pourrait répondre, selon Chrysostome 73, que le Seigneur savait qu’elle ne Lui donnerait pas à boire, et que c’est pour cela qu’Il le lui a demandé. Mais une telle réponse n’est pas satisfaisante; car celui qui demande ce qu’il n’est pas permis de demander n’est pas, pour ce qui le regarde, exempt de péché, et il n’est pas sans scandaliser, même si on ne lui donne pas ce qu’il demande. Ce qu’il faut donc répondre ici, c’est que le Fils de l’homme est maître même du sabbat 74 et que, en maître de la Loi, Il pouvait appliquer ou ne pas appliquer la Loi et les observances légales, selon qu’Il le jugeait bon. Or le temps approchait où les nations seraient appelées à la foi; voilà pourquoi Il entretenait des relations avec elles.
60. Gn 49, 10.
61. Ro 9, 5.
62. " Tu te feras des franges aux quatre pans du vêtement dont tu te couvriras" (Dt 22,12 Nb 15,37-39). Voir aussi Mt 23, 5 et 9, 20 (Lc 8,44)" Une femme (, . .) s’approcha par derrière et toucha la frange de son manteau. " Mt 14, 36 (Mc 6,56): "On Le priait de les laisser seulement toucher la frange de son manteau... "
63. Voir BÈDE, In S. bannis Evangelium expositio (Glossa), PL 92, col. 682 A et 685 B.
64. In boannem hom., 31, ch. 4, col. 180.
65. Voir 2 Rs 17, 1-23.
66. 2 Rs 17, 24: "Le roi d’Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Kouta (...) et les établit dans les villes de Samarie à la place des fils d’Israël... " Cf. SAINT THOMAS, Super Epistolam ad Romanos lectura, 2, leç. 4, n° 225.
67. 2 Rs 17, 25-28.
68. Ibid., 29-33 et 41; cf. Os 8, 5.
69. Cf. ci-dessus, note 31.
70. Voir Esd 4.
71. Cf. SAINT JEAN CHaYSOSTOME, In loannem hom., loc. cit.
72. Deut 7, 2. En fait, il s’agit dans ce verset des nations habitant la Palestine avant l’arrivée des Israélites, et non pas des Samaritains. Mais l’aversion des Juifs pour les Samaritains est exprimée à diverses reprises dans l’Ecriture. Voir notamment Sir 50, 25-26; Mt 10, 5; Luc 9, 52-55; 10, 33; 17, 16; Jean 8, 48.
73. In loannem hom, loc. cit. Plus loin, saint Jean Chrysostome dit que Jésus" n’empêchait pas de venir à Lui ceux qui le voulaient" (loc. cit, col. 181).
74. Mt 12, 8.




Jean 4, 10-26: L’EAU VIVE

27
Thomas sur Jean 26