Thomas sur Jean 62

62 Jn 9,8-12


1312. Une fois rapportée l’illumination miraculeuse de l’aveugle, l’Evangéliste expose l’examen du miracle. En second lieu l’aveugle, à cause du témoignage qu’il rend, est instruit et mis en valeur par le Christ 4 [n° 1354 et 1359].



A. L’EXAMEN DU MIRACLE



Le miracle est d’abord examiné par le peuple [n° 1313], puis par les pharisiens et les chefs du peuple [n° 1320].

L’examen du miracle par le peuple.

L’examen du miracle par le peuple se fait en trois points: d’abord on s’enquiert de la personne de celui qui a été illuminé [n° 1313], puis de l’illumination elle-même [n° 1316], enfin de la personne de celui qui illumine [n° 1319].

L’enquête concernant la personne de celui qui a été illuminé s’opère en trois temps on s’interroge d’abord sur cette personne [n° 1313], puis il est fait état des diverses opinions sur la question [n° 1314]. Enfin la question est tranchée [n° 1315].


C’EST POURQUOI LES VOISINS ET CEUX QUI L’AVAIENT VU AUPARAVANT, CAR C’ÉTAIT UN MENDIANT, DISAIENT " N’EST-CE PAS CELUI QUI SE TENAIT ASSIS ET QUI MENDIAIT?

1313. Une question est ici posée par le peuple, et il y a là deux choses à considérer. L’une est que, à cause de sa grandeur, le miracle était rendu incroyable 5. C’est pourquoi ils dirent, plus tard: Jamais on n’a entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né 1. En cela s’accomplit ce qui est dit à leur sujet en Habacuc: Une oeuvre a été accomplie ces jours-ci, que personne ne croira lorsqu’on la racontera 2.
1. Morahum libr, 7, chap. 30, PL 75, col. 380 C.
2. Salivam luto miscuit. Comprenons "a mêlé sa salive à la terre et en a fait de la boue ".
3. Per mixtionem contemplationis.
4. Commendo peut vouloir dire "confier" (saint Thomas dira qu’à Pierre Jésus a confié [n° l’Eglise, mais qu’à Jean il a confié sa mère voir n’ 2641) ou " recommander"; mais il peut aussi signifier s faire valoir " (n" 1310), " mettre en lumière s, " mettre en valeurs, " donner un exemple " (n" 1312, 1359, 1360, 1528), faire état de" (n" 1311, 1318), "estimer" (n" 1325, 1327).
5. Saint Thomas se réfère ici à une interprétation rapide de saint Jean Chrysostome (que l’on trouve plus correctement transcrite dans sa Catena Aurea) que Bareille traduit ainsi: l’étrangeté du fait les rendait incrédules " (LVII, 1; Oeuvres complètes, t. XIV, p. 107 PG 59, col. 312). L’interprétation suivante aussi est suggérée par Chrysostome.




L’autre point remarquable est l’admirable clémence de Dieu, qui accomplissait les miracles non seulement à l’égard des puissants mais aussi à l’égard des gens de basse naissance, en guérissant avec une grande tendresse [pietas 3] ceux qui mendiaient. Il montre par là qu’il ne rejette personne à cause de la pauvreté, lui qui est venu pour le salut des hommes — Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres, riches en foi et héritiers du Royaume 4? Il est donc significatif que ceux [qui voyaient l’aveugle] disent: N’EST-IL PAS CELUI QUI SE TENAIT ASSIS ET QUI MENDIAIT? autrement dit: cet homme de basse naissance et indigne qu’on s’occupe de lui. Contre cela il est dit dans Baruch: Là ont été ces géants renommés qui furent dès le commencement, de grande stature et connaissant la guerre. Ce n'est pas eux que le Seigneur a choisis, et ils n'ont pas trouvé le chemin de l’instruction 5.




CERTAINS DISAIENT: "C’EST LUI"; D’AUTRES DISAIENT: "NON, MAIS IL LUI RESSEMBLE."

1314. Des opinions diverses qui sont soutenues par le peuple: CERTAINS DISAIENT: "C’EST LUI", c’est-à-dire celui qui mendiait. Ils disaient cela parce qu’ils l’avaient maintes fois vu mendier et de même parcourir la cité, comme lorsqu’ils l’observèrent allant à la piscine avec la boue. Ils ne pouvaient donc plus dire: "Ce n’est pas lui. " Mais d’autres soutenaient l’opinion contraire et disaient: PAS DU TOUT, c’est-à-dire ce n’est pas lui, MAIS IL LUI RESSEMBLE. La raison en est, au dire d’Augustin 6, que les yeux qui lui avaient été rendus avaient changé son visage. Car rien ne fait connaître l’homme comme le regard: A la vue [ex visu] on connaît un homme 7.
1. Jn 9, 32.
2. Ha 1, 5.
3. Nous préférons garder ici le cum multo pietate de l’éd. Marietti (l’éd. léonine propose devotione au lieu de piezate).
4. Jc 2, 5.
5. Ba 3, 26.





MAIS LUI DISAIT: "C’EST MOI. "

1315. La question est tranchée par l’aveugle: LUI, c’est-à-dire l’aveugle, DISAIT: "C’EST MOI ", moi qui mendiais.

"Parole de gratitude afin de ne’ pas être condamné pour ingratitude 8." En effet, parce qu’il ne pouvait être ingrat pour un tel bienfait et qu’il ne pouvait manifester d’autre signe de gratitude que de confesser sans se lasser qu’il avait été guéri par le Christ, il dit: C’EST MOI, moi qui étais aveugle et qui mendiais. Et maintenant, je vois — Bénissez le Dieu du ciel et devant tous les vivants confessez-le, parce qu’il a exercé envers vous sa miséricorde 9.



ILS LUI DISAIENT DONC: "COMMENT TES YEUX SE SONT-ILS OUVERTS?"

1316. En rapportant cette parole COMMENT, TES YEUX SE SONT-ILS OUVERTS? l’Evangéliste traite de l’enquête portant sur le fait, c’est-à-dire l’illumination. Il expose en premier la question des Juifs, puis la réponse de l’aveugle [n° 1318].

1317. L’Évangéliste dit donc d’abord Si c’est toi l’aveugle qui mendiait, dis-nous donc COMMENT TES YEUX SE SONT OUVERTS? Mais cette question procède de la curiosité, parce que ni celui qui a été guéri, ni nous, n’avons compris le mode de cette guérison — Dans ses diverses oeuvres, ne sois pas curieux 1.
6. Tract, in Ioann., XUV, 8, BA 738, p. 27.
7. Si 19, 26. Ex visu cognoscitur vir et ab occursus faciei cognoscitur sensatus, selon la Vulgate (l’édition critique ne donne pas de variantes) mais les LXX donnent un texte tout différent.
8. Citation de SAINT AUGUSTIN, Tract, in le., XLIV, 8, BA 73", p. 27.
9. Tb 12, 6.





IL RÉPONDIT: "CET HOMME QU’ON APPELLE JÉSUS A FAIT DE LA BOUE, ET IL A OINT MES YEUX, ET IL M’A DIT: "VA À LA PISCINE DE SILO1 ET LAVE-TOI. " ET J’Y SUIS ALLÉ, JE ME SUIS LAVÉ, ET JE VOIS."

1318. La réponse de l’aveugle fut admirable. Il y montre d’abord la personne qui l’a illuminé: CET HOMME QU’ON APPELLE JÉSUS. C’est avec justesse qu’il l’appelle "homme", lui qui connaissait l’homme et qui était un vrai homme, fait à la ressemblance des hommes 2. Et bien qu’il ne l’eût pas vu puisqu’il s’éloigne de lui aveugle pour aller vers Siloé, il le connut pour l’avoir entendu 3 et par ce que les hommes en disaient.

Il raconte ensuite le fait: IL A FAIT DE LA BOUE, ET IL A OINT MES YEUX. Là il se révèle véridique, n’affirmant rien d’incertain. Le Seigneur, en effet, avait fait la boue à partir de sa salive, ce que celui-ci ignorait; mais la boue ainsi faite et appliquée sur ses yeux, il la connut par le sens du toucher. Pour cette raison, il ne dit pas: "Il a fait de la boue à partir de sa salive", mais simplement: IL A FAIT DE LA BOUE, ET IL A OINT MES YEUX -Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons reconnu et que nos mains ont touché du Verbe de vie à qui nous en rendons témoignage et nous vous l’annonçons 4.

En troisième lieu, il rapporte le commandement: IL M’A DIT c’est Jésus qui parle — : "VA À LA PISCINE DE SILOÉ ET LAVE-TOI." Cela aussi nous est nécessaire; en effet, si nous voulons être purifiés de l’aveuglement du coeur, il faut que nous soyons lavés spirituellement — Lavez-vous et soyez purs 5.

Puis il fait état de son obéissance: ET J’Y SUIS ALLÉ, ET JE ME SUIS LAVÉ, autrement dit: pour avoir écouté le commandement, et conduit par le désir de la vision, j’ai suivi son commandement. Rien d’étonnant à cela puisque, comme il est dit au livre des Proverbes: Le commandement, c’est-à-dire celui qui est accompli, est une lampe 6.

En dernier lieu, il confesse l’effet du bienfait: ET JE VOIS. Et il est juste qu’il soit illuminé après son obéissance parce que, comme il est dit dans les Actes: Il donnera l’Esprit Saint à ceux qui lui obéissent Voyez la constance de l’aveugle. En effet, comme le dit Augustin 8: "Voici qu’il devient l’annonciateur de la grâce, voici qu’il en porte la bonne nouvelle et la confesse aux Juifs. Cet aveugle confessait sa foi et le coeur des impies était fermé 9, parce qu’ils n’avaient pas la lumière, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas dans leur coeur la lumière que lui avait désormais sur le visage."




ET ILS LUI DIRENT: "OÙ EST-IL?" IL RÉPONDIT: "JE NE SAIS. "

1319. L’Évangéliste expose maintenant l’enquête portant sur la personne de celui qui illumine, et il cite d’abord la question des Juifs. En disant: OÙ EST-IL? ils interrogent par malice 10, méditant le meurtre. Déjà, en effet, ils avaient conspiré contre le Christ: Mais maintenant, vous cherchez à me tuer 1.
I. Si 3, 24.
2. Ph 2, 7.
3. Cognovit eum ex auditu. Il pourrait y avoir là une réminiscence de Rm 10, 17 Fides ex auditu, auditus autem per verbum Chrisn, amsi que de Ga 3, 2 et 5.
4. 1 Jn 1, 1 et 2.
5. Is 1, 16.
6. Pr 6, 23.
7. Ac 5, 32.
8. Tract, in Ioann., XLIV, 8, BA 73>*, p. 27.
9. Le texte de saint Thomas porte stringebatur, comme dans certains mAriuscrits; mais le texte du Corpus Christianorum porte frangebatur (était en morceaux).
10. Cf. SAINT JEAN CHRYSOSTOME, In loannem hom., LVII, 2, PG 59, col. 312.


Il expose ensuite la réponse de l’aveugle: JE NE SAIS. Comme le dit Augustin 2 il ressort de ces mots que ce qui s’est passé en lui corporellement représente, spirituellement, diverses étapes. En effet, il est d’abord, encore aveugle, enduit de boue, et ensuite, lavé, il voit. L’onction représente ici le commencement de la santé corporelle, alors que l’action de se laver obtient la parfaite santé.

Au sens spirituel, l’onction rend catéchumène. Le bain, celui du baptême, rend parfait et illumine. Ainsi donc, les diverses étapes représentent les diverses connaissances. En effet, sa dénégation JE NE SAIS représente la foi imparfaite chez les catéchumènes — Vous adorez ce que vous ne connaissez pas 3. Elle peut aussi signifier notre foi, comme il est dit dans la première épître aux Corinthiens: C’est partiellement que nous connaissons et partiellement que nous prophétisons 4.

L’examen du miracle par les pharisiens.




ILS LE CONDUISENT AUX PHARISIENS, LUI QUI AVAIT ÉTÉ AVEUGLE.

OR C’ÉTAIT UN JOUR DE SABBAT QUE JÉSUS FIT DE LA BOUE ET LUI OUVRIT LES YEUX. DE NOUVEAU, DONC, LES PHARISIENS L’INTERROGÈRENT POUR SAVOIR COMMENT IL AVAIT RECOUVRÉ LA VUE. ET IL LEUR DIT: "IL M’A MIS DE LA BOUE SUR LES YEUX, ET JE ME SUIS LAVÉ, ET JE VOIS. "

1320. En ajoutant: ILS LE CONDUISENT AUX PHARISIENS, il traite de l’enquête menée par les pharisiens. Ils enquêtent d’abord auprès de l’aveugle [n° 1321] puis auprès de ses parents [n° 1330]; MAIS LES JUIFS NE CROYAIENT PAS.

I

Concernant le premier [moment de l’enquête], on présente d’abord celui qui doit être interrogé [n° 1321], puis on expose l’intention de ceux qui interrogent [n° 1322], et enfin l’enquête proprement dite [n° 1323].
1. Jn 8, 37.
2. Tract, in Ioann., XLIV, 8, BA 73", p. 27.





ILS LE CONDUISENT AUX PHARISIENS, LUI QUI AVAIT ÉTÉ AVEUGLE.

1321. Celui qui doit être interrogé, l’aveugle, est présenté par le peuple aux pharisiens 5, et cela parce qu’ils avaient cherché à savoir par lui où était Jésus pour, s’ils le trouvaient, le conduire aux pharisiens afin de le faire condamner pour avoir violé le sabbat. Mais comme ils n’avaient pas trouvé le Christ, ils amènent l’aveugle afin que, l’interrogeant plus brutalement, ils l’obligent, par leur insistance ou par la crainte [qui en résulterait], à forger quelque mensonge contre le Christ — J’irai donc vers les grands et je leur parlerai. Eux en effet ont reconnu la voie du Seigneur, le jugement de leur Dieu. Et voici que, de plus, tous ensemble ont brisé le joug et rompu les liens 6.



OR C’ÉTAIT UN JOUR DE SABBAT QUE JÉSUS FIT DE LA BOUE ET LUI OUVRIT LES YEUX.

1322. Par ces mots l’Évangéliste montre que leur intention est perverse; il veut manifester leur mauvais esprit et la cause pour laquelle ils cherchaient le Christ, à s avoir trouver un prétexte contre lui et décrier le miracle au nom d’une prétendue prévarication de la Loi, alors que pourtant il avait dit: Le Fils est maître même du sabbat 1.

3. Jn 4, 22,
4. 1 Corinthiens 13,9.
5. Tout ce passage, jusqu’au n° 1324, reprend le commentaire de saint Jean Chrysostome, col. 312-313.
6. Jr 5,5.





DE NOUVEAU, DONC, LES PHARISIENS L’INTERROGÈRENT.

1323. L’examen est mené par les pharisiens: DE NOUVEAU, DONC, LES PHARISIENS L’INTERROGÈRENT et ils l’interrogent d’abord au sujet de ce qui a été fait [n° 1324], puis au sujet de la personne qui l’a fait [n° 1325].



IL LEUR DIT: "IL M’A MIS DE LA BOUE SUR LES YEUX, ET JE ME SUIS LAVÉ, ET JE VOIS."

1324. L’enquête sur le fait est exposée en deux temps: l’interrogation des Juifs, puis la réponse de l’aveugle.

Ils l’interrogent sur la manière dont il a recouvré la vue: DE NOUVEAU, LES PHARISIENS L’INTERROGÈRENT, non pour savoir mais en vue de le calomnier et de le convaincre de mensonge.

Mais l’aveugle répondit sans contredire ce qu’il a dit [précédemment] ni s’écarter de la vérité. IL, c’est-à-dire l’aveugle, LEUR DIT: "IL M’A MIS DE LA BOUE SUR LES YEUX." Il faut d’abord admirer ici la constance de l’aveugle. Car même si, devant les foules par lesquelles il était interrogé sans péril, il avait dit la vérité, il n’y avait alors là rien de grand. Mais que, mis dans un plus grand péril — c’est-à-dire devant les pharisiens — il n’ait pas nié ni rien affirmé de contraire à ce qu’il avait dit auparavant, c’est [la marque] d’une constance admirable — Je parlais de tes témoignages en présence des rois et je n’étais pas confondu Son habileté aussi est admirable. En effet, il observe les usages des narrateurs, qui, une première fois, font un récit détaillé, avec toutes les circonstances, et qui, s’ils doivent le rapporter une seconde fois, l’expriment plus succinctement. C’est pourquoi il ne dit ni le nom de celui qui lui a parlé ni: IL M’A DIT: "VA À LA PISCINE DE SILOÈ ET LAVE-TOI ", mais aussitôt, touchant la seule substance du fait, il dit: IL A FAIT DE LA BOUE 3.




CERTAINS DES PHARISIENS DISAIENT DONC: "IL N’EST PAS DE DIEU, CET HOMME QUI NE GARDE PAS LE SABBAT.

" MAIS D’AUTRES DISAIENT: "COMMENT UN HOMME PÉCHEU1 PEUT-IL FAIRE DE TELS SIGNES?" ET IL Y AVAIT DIVISION ENTRE EUX.

1325. Lorsque l’Évangéliste ajoute: CERTAINS DES PHARISIENS DISAIENT, l’enquête porte sur la personne de celui qui illumine. Il expose d’abord divers jugements des pharisiens sur le Christ, après quoi on cherche à connaître le jugement de l’aveugle [n° 1329].

Concernant le premier point, l’Evangéliste expose d’abord l’opinion de ceux qui blasphèment le Christ, puis l’opinion de ceux qui l’estiment [n° 1327], et conclut enfin qu’il y avait entre eux division et séparation [n° 1328].



CERTAINS DES PHARISIENS DISAIENT DONC: "IL N’EST PAS DE DIEU, CET HOMME QUI NE GARDE PAS LE SABBAT. "

1. Mt 12,8.
2. Ps 118,46.
3. En fait: Il m’a mis de la boue sur les yeux.


1326. À propos des jugements que les pharisiens portent sur le Christ, il faut savoir que ceux qui agissent par malice contre quelqu’un se taisent s’ils voient quelque chose de bon dans ses actions, et manifestent, s’ils le voient, ce qui est mauvais, allant même jusqu’à changer le bien en mal, selon ce passage de l’Ecclésiastique: Changeant les choses bonnes en mauvaises, il tend des pièges, et sur les meilleures il imprimera une tache 1. C’est bien ce que font les pharisiens. En effet, taisant ce qui apparaissait comme bon, c’est-à-dire l’illumination de l’aveugle, ils manifestent ce qui pouvait être avancé contre le Christ, à savoir la violation du sabbat: CERTAINS DES PHARISIENS, les mauvais et les tortueux, DISAIENT: "IL N’EST PAS DE DIEU, CET HOMME QUI NE GARDE PAS LE SABBAT", alors que pourtant le Christ observait le sabbat. En effet le Seigneur, en interdisant d’oeuvrer le jour du sabbat, visait l’oeuvre servile qu’est le péché — Celui qui commet le péché est esclave du péché 2.Donc, celui qui fait les oeuvres du péché le jour du sabbat, viole le sabbat. Et donc le Christ, qui était sans péché, gardait bien plus qu’eux le sabbat.




MAIS D’AUTRES DISAIENT: "COMMENT UN HOMME PÉCHEUR PEUT-IL FAIRE DE TELS SIGNES?"

1327. Ici est exposée l’opinion de ceux qui estiment le Christ. Ceux-ci, en effet, avaient conçu une certaine foi à partir des signes 3, et [de ce fait] ils étaient imparfaitement et faiblement disposés [à l’affirmer] puisque, par crainte des pharisiens et des chefs du peuple, ils avancent, comme s’ils doutaient: COMMENT UN HOMME PÉCHEUR PEUT-IL FAIRE DE TELS SIGNES?

Plus loin il sera dit que nombre des chefs du peuple crurent en lui, mais à cause des pharisiens, ils ne le confessaient pas 4, alors qu’ils auraient plutôt dû montrer comment le sabbat n’était pas violé, et répondre de manière convenable en faveur de Jésus.
1. Si 11, 33.
2. Jn 8, 34. Cf. Saint AUGUSTIN, Tract, in Ioann., XLIV, 9, BA 73", p. 29.
3. Cf. SAINT JEAN CHRYSOSTOME, In Ioannem hom., LVII, 2, PG 59, col. 313.
4. Jn 12, 42.





ET IL Y AVAIT DIVISION ENTRE EUX.

1328. L’Évangéliste conclut à une dissension entre eux, ce qui avait aussi existé au sein du peuple, et c’était le signe de leur perte: Leur coeur a été divisé, maintenant ils périront 5 — Tout royaume qui a été divisé contre lui-même sera ravagé 6.



DE NOUVEAU, ILS DISENT DONC À L’AVEUGLE: "TOI, QUE DIS-TU DE CELUI QUI T’A OUVERT, LES YEUX?" IL DIT "C’EST UN PROPHETE. "

1329. Ils s’enquièrent ensuite, auprès de l’aveugle, de son propre jugement. L’interrogation des pharisiens est d’abord exposée, puis la réponse de l’aveugle.

Ils l’interrogent donc: TOI, QUE DIS-TU DE LUI? Cette interrogation, selon Chrysostome 7, ne vient pas de ceux qui blasphémaient le Christ mais de ceux qui l’estimaient, et cela apparaît dans leur manière d’interroger: ils font mémoire du bienfait reçu en disant: TOI, QUE DIS-TU DE CELUI QUI T'A OUVERT LES YEUX?

Autrement, si les autres l’avaient interrogé, ils n’auraient pas dit cela mais plutôt 8: celui qui rompt le sabbat". Ils font mémoire du bienfait pour que, ravivant la gratitude de l’aveugle, ils l’amènent à proclamer le Christ. Selon Augustin 9, c’est une interrogation d’adversaires, de ceux qui veulent calomnier l’homme qui confessait avec constance la vérité, soit pour que, sous l’effet de la crainte, il modifie son jugement, soit au moins pour le jeter hors de la synagogue.
5. Os 10, 2.
6. Mt 12, 25.
7. In boannem hem., LVII, 2, PG 59, col. 313.
8. Nous gardons ici le ponus de Marietti. L’édition léonine propose un pejus mais le signale comme douteux.
9. Tract, in Jo, XTJV, 9, BA 73", p-29-3L Saint Thomas lui emprunte aussi la fin de ce numéro.




Mais voici la réponse inaltérable de l’aveugle: IL DIT: "C’EST UN PROPHÈTE Bien que, étant encore comme oint dans son coeur 1, il ne confessât pas encore le Fils de Dieu, il exprima cependant avec constance ce qu’il pensait, sans toutefois mentir. En effet, le Seigneur a dit de lui-même plus haut: Un prophète n’est sans honneur que dans sa patrie 2. Et il est dit dans le Deutéronome: Dieu vous suscitera un prophète c’est lui que vous écouterez 3.


II

1330. L’Évangéliste traite ici de l’enquête menée auprès des parents. Il expose d’abord la cause de cette enquête, puis l’interrogation [n° 1332]. Il donne ensuite leur réponse [n° 1333]. Il donne enfin la raison de cette réponse [n° 1334].



LES JUIFS DONC NE CRURENT PAS, À SON SUJET, QU’IL AVAIT ÉTE AVEUGLE ET QU’IL AVAIT VU, JUSQU’À CE QU’ILS EUSSENT APPELÉ LES PARENTS DE CELUI QUI AVAIT VU.

1331. La cause de cette seconde enquête fut l’incrédulité des pharisiens. C’est ce que dit l’Evangéliste: MAIS LES JUIFS, c’est-à-dire les pharisiens, NE CRURENT PAS, À SON SUJET, QU’IL AVAIT ÉTÉ AVEUGLE ET QU’IL AVAIT VU, JUSQU’À CE QU’ILS EUSSENT APPELÉ LES PARENTS DE CELUI — l’aveugle — QUI AVAIT VU. Ils font cela avec la volonté de réduire à rien le miracle du Christ, de peur de perdre leur propre gloire — Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez les uns des autres votre gloire 4?

ILS LES INTERROGÈRENT EN DISANT: "CELUI-CI EST VOTRE FILS, DONT VOUS DITES QU’IL EST NÉ AVEUGLE? COMMENT DONC VOIT-IL MAINTENANT?

1332. L’enquête des pharisiens se poursuit auprès des parents 5, en trois points. D’abord au sujet de la personne du fils: CELUI-CI EST VOTRE FILS? Autrement dit: Est-ce lui?

Ensuite au sujet de sa cécité: DONT VOUS DITES QU’IL EST NÉ AVEUGLE. Ils ne disent pas: "qui fut jadis aveugle" mais DONT VOUS DITES, comme pour dire: "Vous avez inventé cela. Est-ce vrai? O hommes ignobles ! Quel père choisirait de mentir de la sorte au sujet de son fils?" Ils s’efforcent en effet, par ces propos, de les conduire à nier.

Enfin, ils cherchent à connaître la manière dont la vue a été recouvrée: COMMENT DONC VOIT-IL MAINTENANT? comme s’ils disaient: ou bien il est faux qu’il voie maintenant, ou bien [il est faux] qu’il ait précédemment été aveugle. Mais il est manifestement vrai qu’il voit: c’est donc faussement qu’ils le disaient aveugle — A force de paroles il essaiera de venir à bout de toi, et en souriant il t’interrogera sur tes secrets 6.
1. Le Christ a s oint s les yeux de l’aveugle et celui-ci, après s’être lavé, a recouvré la vue; mais son coeur est encore comme enduit de boue. Comme le dit saint Augustin, s ce qui s’était déjà produit dans son corps ne s’était pas encore produit dans son coeur s (Tract. in Ioann., XLIV, 9, Ba 73 p. 27, note 51; voir p. 30, note 61; p. 34, note 76; p. 37, note 89).
2. En réalité saint Thomas cite ici, comme saint Augustin, Mt 13, 57 (Mc 6,4). Le passage de l’évangile de Jean auquel il renvoie est 4, 44.
3. Dt 18, 15.
4. Jn 5, 44.
5. Cf. SAINT JEAN CHRYSOSTOME, In loannem hom., LVIII, 1, PG 59, col. 314.
6. Si 13, 14.



SES PARENTS LEUR RÉPONDIRENT EN DISANT: "NOUS SAVONS QU’IL EST NOTRE FILS ET QU’IL EST NÉ AVEUGLE.

MAIS COMMENT IL VOIT MAINTENANT, NOUS NE LE SAVONS PAS; OU QUI LUI A OUVERT LES YEUX, NOUS, NOUS NE LE SAVONS PAS: INTERROGEZ-LE, IL A L’ÂGE! QU’IL PARLE DE LUI-MEME! "

1333. Ici est exposée la réponse des parents 1. Les pharisiens les avaient interrogés sur trois points; ils répondent avec fermeté à deux d’entre eux, et pour le troisième ils renvoient à leur fils. Ils témoignent en premier lieu qu’il est bien leur fils: NOUS SAVONS QU’IL EST NOTRE FILS. De même ils reconnaissent le second point, en ajoutant: ET QU’IL EST NÉ AVEUGLE. En cela, il apparaît avec évidence que la vérité est toujours victorieuse du mensonge. C’est pourquoi il est dit dans l’apocryphe d’Esdras que la vérité est victorieuse de tout 2. Sur le troisième point, c’est-à-dire de quelle manière il voit, ils affirment être dans l’ignorance, d’une part en ce qui concerne la manière dont il voit - MAIS COMMENT IL VOIT MAINTENANT, NOUS NE LE SAVONS PAS -, et d’autre part en ce qui concerne la personne qui l’a illuminé: OU QUI LUI A OUVERT LES YEUX, NOUS, NOUS NE LE SAVONS PAS. Ils disent cela parce que l’enquête était menée contre la personne qui l’a illuminé 3. C’est pour cela qu’ils renvoient à leur fils en disant: INTERROGEZ-LE, IL A L'ÂGE. QU’IL PARLE DE LUI-MÊME! comme s’ils disaient: "Notre fils, nous l’avons sans doute engendré aveugle, mais cependant pas muet; il peut donc plaider sa propre cause. " Et certes c’est bien selon une disposition de la Providence 4 [que le témoignage est rendu par plusieurs], pour que, du fait que les parents confessent ce qu’ils savent et que l’aveugle confirme, lui qui a été guéri, la vérité du miracle apparaisse davantage.

1. Cf. SAINT JEAN CFLRYSOSTOME, In loannem hom., LVIII, 1, PG 59, col. 314.
2. Apocryphe d’Esdras, III Esd 4, 25.
3. Nous gardons ici le iluminantem de l’éd. Marietti (l’éd. léonine propose illuminata, mais comme douteux).
4. Dispensative. Sur la dispensatio, voir n° 1520, note 1.



SES PARENTS DIRENT CELA PARCE QU’ILS CRAIGNAIENT LES JUIFS.

EN EFFET, LES JUIFS S’ÉTAIENT DÉJÀ ENTENDUS POUR QUE, SI QUELQU’UN CONFESSAIT QUE JESUS EST LE CHRIST, ON L’EXCLÛT DE LA SYNAGOGUE. C’EST POURQUOI SES PARENTS DIRENT: "IL A L’ÂGE! INTERROGEZ-LE LUI-MÊME. "

1334. La raison de la réponse est ainsi exposée: SES PARENTS DIRENT CELA parce qu’ils craignaient les Juifs. Ils étaient encore imparfaits, et ils n’osèrent pas accomplir ce que dit le Seigneur: Ne craignez pas ceux qui tuent le corps 5. La cause de leur crainte fut que LES JUIFS S’ÉTAIENT DÉJÀ ENTENDUS, POUR QUE, SI QUELQU’UN CONFESSAIT QUE JÉSUS EST LE CHRIST, ON L’EXCLÛT DE LA SYNAGOGUE -Je vous ai dit ces choses pour que vous ne soyez pas scandalisés ils vous excluront des synagogues 6. Et comme le dit Augustin 7, ce n’était déjà plus un mal d’être exclu de la synagogue, car ceux qu’ils repoussaient, le Christ les recevait.
5. Mt 10, 28.
6. Jn 16, 1.
7. Tract, in Ioann., XLIV, 10, BA 73", p. 31.



III - Jn 9,13-35

63 Jn 9,13-35

1335. L’Évangéliste a rapporté plus haut l’enquête portant sur cette affaire, menée auprès de l’aveugle et de ses parents. Maintenant [les pharisiens] persuadent l’aveugle de nier la vérité et d’affirmer le faux. Ils le persuadent d’abord de nier la vérité, ils lui infligent ensuite une malédiction [n° 1341], et enfin ils portent une condamnation [n° 1353].
En ce qui concerne le premier point, l’Evangéliste montre d’abord comment ils le persuadent de nier la vérité, puis comment ils l’interrogent de nouveau afin de pouvoir le calomnier [n° 1338].

Jean 9, 13-27: LES PHARISIENS PERSUADENT L’AVEUGLE DE NIER LA VÉRITÉ

À ce sujet l’Évangéliste expose d’abord la malice des pharisiens puis la constance de l’aveugle [n° 1337].

La malice des pharisiens apparaît dans l’effort qu’ils font pour le persuader de nier la vérité. La constance de l’aveugle apparaît dans sa ferme confession de la vérité.




ILS CONVOQUÈRENT DONC DE NOUVEAU L’HOMME QUI AVAIT ÉTÉ AVEUGLE ET LUI DIRENT: "RENDS GLOIRE À DIEU! NOUS SAVONS, NOUS, QUE CET HOMME EST UN PÉCHEUR. "

1336. L’Évangéliste dit donc: ILS, c’est-à-dire les pharisiens, CONVOQUÈRENT DE NOUVEAU L’HOMME QUI AVAIT ÉTÉ AVEUGLE en effet les parents, interrogés, les avaient renvoyés à l’aveugle — ET LUI DIRENT: "RENDS GLOIRE À DIEU! " Ils disent une chose mais tacitement ils ont en vue une autre. Ils cherchent en effet à le forcer à dire qu’il n’a pas été illuminé par le Christ, ou, s’ils ne le peuvent, à lui faire au moins dire qu’il a été guéri par lui au moyen d’un quelconque artifice. Ils ne le disent cependant pas ouvertement, mais tacitement et sous couvert de religion. Voilà à quoi ils veulent amener l’aveugle en lui disant: RENDS GLOIRE À DIEU! comme s’ils disaient: Tu as été illuminé, mais cela ne vient que de Dieu; donc tu ne dois l’attribuer à personne d’autre qu’à Dieu, et non à celui-ci, le Christ; car si tu le fais, tu montreras que tu n’as pas reçu de Dieu le bienfait de la guérison, puisque Dieu n’opère pas de miracles par des pécheurs. C’est pourquoi ils ajoutent: NOUS SAVONS, NOUS, QUE CET HOMME EST UN PÉCHEUR, comme pour dire: Confesse que celui-ci n’a rien accompli, nie ce que tu as reçu. Mais, comme le dit Augustin 1, s’il avait fait cela, il n’aurait pas rendu gloire à Dieu; bien plutôt, se montrant ingrat, il aurait blasphémé. Mais la langue acérée des pharisiens a vraiment proféré le mensonge 2 quand ils ont dit: NOUS SAVONS, NOUS, QUE CET HOMME EST UN PÉCHEUR; car, plus haut, ils n’ont pas pu le convaincre de péché: Qui d’entre vous me convaincra de péché 3? Rien d’étonnant à cela, puisqu’il est dit dans la première épître de Pierre: Il n’a pas commis le péché, on n’a pas trouvé de mensonge en sa bouche 4.



CELUI-CI LEUR DIT ALORS: "S’IL EST UN PÉCHEUR, JE NE SAIS. JE SAIS UNE CHOSE: ALORS QUE J’ÉTAIS AVEUGLE, MAIN TENANT JE VOIS.

1337. L’Évangéliste expose ici la constance de l’aveugle. Exaspéré par la dureté des pharisiens 5 et ne souffrant pas leurs paroles, il dit, en affirmant la vérité S’IL EST UN PÉCHEUR, JE NE SAIS.

Mais puisque, plus haut, il disait qu’IL EST UN PROPHÈTE, n’est-ce pas par crainte, et comme en doutant, qu’il dit ici S’IL EST UN PÉCHEUR, JE NE SAIS? Pas du tout; [parlant] comme [un homme] indigné, il se moque des pharisiens. Comme s’il disait: vous le tenez pour un pécheur, mais moi, que ce soit un pécheur, je ne le sais pas, et je m’étonne que vous l’affirmiez, car il a accompli une oeuvre qui ne semble pas être celle d’un pécheur, puisque ALORS QUE J’ÉTAIS AVEUGLE, MAINTENANT, JE VOIS, grâce à lui. Selon Augustin 1, il dit cela pour ne pas subir de calomnie et ne pas non plus cacher la vérité. Peut-être en effet, s’il avait dit: "Je sais qu’il est juste" — ce qui était vrai — l’auraient-ils calomnié. Mais selon Chrysostome 2 il a dit cela pour lui rendre un plus grand témoignage, celui de l’oeuvre miraculeuse elle-même, et rendre sa réponse digne de foi à cause du bienfait reçu.
1. Tract, in Ioann., XLIV, 11, BA 73e, p. 33. Les explications précédentes étaient suggérées par saint jean Chrysostome (In loonnem hom., LVIII, 2, PG 59, col. 317).
2. Vere mendacium locutus est styluspharisaeorum. Ceci est une para phrase de Jr 8, 8 Vere mendacium operatus est seylus mendax scri borum. Stylus désigne ici le stylet, le calame des scribes; mais dans la paraphrase de saint Thomas (qui dit locutus est au lieu de operatus est) il s’agirait plutôt du sens second de stylus: un genus loquendi, une manière de parler; à moins que sains Thomas (et c’est l’hypothèse que nous avons retenue) se souvienne ici du Ps 44, 2 brigua mea calamus scribae, velociter scribentis — ma langue est comme la plume du scribe qui écrit rapidement.
3. jn 8, 46.
4. 1 P 2, 22; cf. Is 53, 7-12.
5. Cf. SAINT AUGUSTIN, Tract, in Ioann., XUV, 11, BA 7311, p. 33.





LES PHARISIENS INTERROGENT L’AVEUGLE DE NOUVEAU POUR LE CALOMNIER. ILS LUI DIRENT ALORS: QUE T’A-T-IL FAIT? COMMENT T’A-T-IL OUVERT LES YEUX?

1338. Ici, ils l’interrogent de nouveau pour le calomnier. L’interrogation fourbe des pharisiens est d’abord exposée, puis l’ironie avec laquelle l’aveugle leur répond [n° 1340].

1339. Concernant le premier point, l’Evangéliste dit: ILS LUI DIRENT ALORS: "QUE T’A-T-IL FAIT?" En effet, l’aveugle avait confessé qu’il avait reçu du Christ la vision. Mais ce n’est pas cela que les pharisiens cherchaient à savoir; ils s’efforçaient plutôt à porter une calomnie contre le Christ dans la manière même dont il avait agi. C’est pourquoi ils ne disent pas De quelle manière as-tu vu? mais COMMENT T’A-T-IL OUVERT LES YEUX? — comme s’ils disaient: N’a-t-il pas fait cela grâce à un quelconque artifice ou à quelque magie, selon ce passage du psaume: Ceux qui me voulaient du mal ont proféré des paroles vaines, et tout le jour ils méditaient des fourberies 3.
1. Saint Augustin donnait cette explication, non pas â propos de la réponse de l’homme commentée ici par saint Thomas (v. 25), mais de celle qu’il avait donnée au verset 17. C’est un prophète (Tract. In b., XLIV, 9, BA 73", p. 31).
2. In Ioannem hom., LVIII, 2, PG 59, col. 317.



IL LEUR RÉPONDIT: "JE VOUS L’AI DÉJÀ DIT ET VOUS AVEZ ENTENDU: QUE VOULEZ-VOUS ENTENDRE À NOUVEAU? VOULEZ-VOUS DEVENIR, VOUS AUSSI, SES DISCIPLES?"

1340. L’Évangéliste expose ici la réponse parce qu’il se comporte comme s’il voyait déjà spirituellement, l’aveugle termine non pas avec retenue, mais avec audace. Il tourne d’abord en dérision l’interrogation réitérée des pharisiens, en disant: JE VOUS L’AI DÉJÀ DIT ET VOUS AVEZ ENTENDU: QUE VOULEZ-VOUS ENTENDRE À NOUVEAU? comme pour dire: Puisque je vous l’ai déjà dit une fois, que voulez-vous entendre à nouveau? Cela, c’est le propre de l’insensé ! Il semble en effet que vous n’ayez pas prêté attention à ce que je vous ai dit. C’est pourquoi il n’y a plus lieu de vous répondre davantage, à vous qui interrogez sans raison et qui, plutôt que de vouloir apprendre, cherchez chicane — Il s’adresse à un dormeur, celui qui commente la sagesse à un sot. Et à la fin du discours, celui-ci dit Qui est celui-ci? 4

Il tourne ensuite en dérision la présomptueuse intention des pharisiens, en disant: VOULEZ-VOUS DEVENIR, VOUS AUSSI, SES DISCIPLES? En effet, lorsqu’on fait avec diligence une enquête [sur quelqu’un], on la fait soit avec une bonne intention, afin d’adhérer à lui, soit avec une intention mauvaise, afin de le condamner. Donc, puisqu’ils s’enquéraient avec une certaine diligence et que l’aveugle n’a pas osé leur reprocher de s’enquérir avec une mauvaise intention, il se tourne vers l’autre possibilité: VOULEZ-VOUS DEVENIR, VOUS AUSSI, SES DISCIPLES? comme pour dire: Si vous ne cherchez pas avec malice, c’est donc que vous voulez vous attacher à lui — Si l’éthiopien peut changer sa peau, ou le léopard ses taches, alors vous aussi pourrez bien faire 1. Et comme le dit Augustin, ayant lui-même été illuminé, il voulait de bon coeur qu’eux aussi soient illuminés. C’est pourquoi il dit expressément: VOUS AUSSI, comme suggérant qu’il est lui-même disciple, VOULEZ-VOUS DEVENIR, comme je le suis moi-même, SES DISCIPLES? Pour moi, je vois déjà et je ne conçois pas d’envie de votre propre illumination 2. Et comme le dit Chrysostome 3, cette constance de l’aveugle fait apparaître combien fort est ce qu’est la vérité, laquelle, si elle prend ceux que l’on considère comme rien, en fait des hommes éclairés et forts; et combien faible est ce qu’est le mensonge, lui qui, même chez les puissants, manifeste leur faiblesse et les rend faibles.
3. Ps 37, 13.
4. Si 22, 8.




Jean 9, 28-29: LA MALÉDICTION DES PHARISIENS



1341. Ici est infligée à l’aveugle la malédiction des pharisiens. L’Evangéliste expose d’abord la malédiction adressée par les pharisiens à l’aveugle, puis la réplique de l’aveugle aux pharisiens [n° 1344].

En ce qui concerne la malédiction, il expose d’abord la malédiction proférée par les pharisiens, puis ce qui pour eux en est la cause [n°1343].

1342. ILS — c’est-à-dire les pharisiens s’adressant à l’aveugle — LE MAUDIRENT ET LUI DIRENT: "SOIS TOI-MÊME SON DISCIPLE", ce qui est certes une malédiction si on examine leur coeur tortueux, mais pas si on pèse attentivement leurs paroles. C’est alors, bien au contraire, la plus grande bénédiction; et qu’une telle malédiction soit sur nous et sur nos fils 4! — Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples 5. Si cependant l’Evangéliste a dit: ILS LE MAUDIRENT, c’est parce que [la réponse des pharisiens] procédait de leur coeur mauvais. Il est dit au livre des Proverbes: Comme si tu voulais orner un vase d’argile avec de l’argent non purifié, ainsi sont des lèvres enflées associées à un coeur de la pire espèce 6. Et au sujet de cette malédiction il est dit dans le psaume: Ceux-ci maudiront et toi, tu béniras 7. Et en Matthieu: Bienheureux serez-vous lorsqu'ils vous maudiront 8.
1. Jr. 13, 23.
2. Saint Thomas emprunte ici un jeu de mots — V, deo, sed non invideo — à saint Augustin Tract. tn b., XLIV, 11, RA 73", p. 33.
3. In Ioannem hom., LVIII, 2, PG 59, col. 317.
4. Mt 27, 25. Cf. SAINT AUGUSTIN, Tract, in Ioann., XLIV, 12, BA 73", p. 33.
5. Jn 8, 31.





QUANT À NOUS, NOUS SOMMES LES DISCIPLES DE MOÏSE. NOUS, NOUS SAVONS QUE DIEU A PARLÉ À MOÏSE; MAIS CELUI-LÀ, NOUS NE SAVONS PAS D’OÙ IL EST.

1343. L’Évangéliste donne ensuite la cause de la malédiction: QUANT À NOUS, NOUS SOMMES LES DISCIPLES DE MOÏSE. Ils tenaient en effet pour une malédiction ce que l’aveugle leur avait dit: qu’ils deviennent disciples du Christ alors qu’ils se glorifiaient d’être les disciples de Moïse, qu’ils estimaient plus grand. C’est pourquoi ils avancent d’abord leur condition: QUANT À NOUS, NOUS SOMMES LES DISCIPLES DE MOÏSE — Moïse consigna la Loi dans les préceptes de la justice 9. Mais fausse est leur gloire, parce qu’ils ne suivaient pas Moïse ni n’accomplissaient ses préceptes — Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez peut-être aussi à moi 1. Autrement dit, vous ne suivez pas le serviteur et vous tournez le dos au maître 2. Ils exaltent ensuite la dignité de Moïse:
6. Pr 26, 23.
7. Ps 108, 28.
8. Mt5, 11.
9. Si 24, 33. Saint Thomas lit primitiis là où tous les mAriuscrits portent praeceptits.


NOUS, NOUS SAVONS QUE DIEU A PARLÉ À MOÏSE, ce en quoi ils disent vrai puisque, selon le livre de l’Exode, le Seigneur parlait à Moïse face à face, comme un homme a coutume de parler à son ami 3. Et au livre des Nombres, le Seigneur dit: Si quelqu’un parmi vous est prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en vision ou je lui parlerai en songe. Mais tel n'est pas mon serviteur Moïse qui est, dans toute ma maison, le plus fidèle en effet, c’est de bouche à bouche que je lui parle 4. Le Seigneur parlait donc avec lui d’une manière plus excellente qu’avec les autres prophètes. C’est à cette manière de lui parler que les pharisiens font allusion. Mais il est clair que lorsque Dieu s’adressait à Moïse par son verbe, [toute] la dignité de Moïse venait du verbe de Dieu. Et ainsi le verbe de Dieu a une dignité plus grande que celle de Moïse — Lui, c’est-à-dire le Christ, a été jugé digne d’une gloire d’autant supérieure à celle de Moïse, que la dignité de celui qui a construit une maison est plus grande que celle de la maison elle-même 5.

Enfin, ils insinuent à mots couverts l’indignité du Christ MAIS CELUI-LÀ, c’est-à-dire le Christ, NOUS NE SAVONS PAS D’OÙ IL EST. Cela est vrai, certes, mais pas selon leur intention. En effet ils ne connaissaient pas le Père, de qui le Christ était — Vous ne connaissez ni moi ni mon Père 6. Mais c’est faux quant à leur intention. Ils ont dit en effet: CELUI-LÀ, NOUS NE SAVONS PAS D’OÙ IL EST, comme pour dire: il n’a aucune autorité, il est comme un écrit inauthentique 7, de sorte que l’on ne peut prouver, à son sujet, s’il vient de Dieu. Par là ils semblaient lui appliquer cette parole de Jérémie: Je ne les envoyais pas, et eux couraient 8.



Jean 9, 30: LA RÉPLIQUE DE L’AVEUGLE




L’HOMME RÉPONDIT ET LEUR DIT: "VOILÀ QUI EST ÉTONNANT, QUE VOUS NE SACHIEZ PAS D’OÙ IL EST ET QU’IL M’AIT OUVERT LES YEUX. "

1344. Voilà la réplique de l’aveugle aux pharisiens il s’étonne d’abord de leur dureté, puis il réfute leur fausseté [n° 1346].

1345. Il faut savoir, en ce qui concerne le premier point, que ce ne sont pas les évènements qui arrivent fréquemment et selon la manière commune, qui nous étonnent; mais ce sont les choses insolites et difficiles, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, qui nous étonnent. Nous nous étonnons en effet des choses bonnes, insolites et difficiles, comme en témoigne le livre d’Esther: Tu es grandement admirable, Seigneur, et ta face est pleine de grâces 9. Nous nous étonnons aussi des grands maux, selon ce passage de Jérémie: Cieux, soyez frappés de stupeur à ce sujet... dit le Seigneur. Car mon peuple a commis deux crimes 10.
1. Jn 5, 46.
2. Cf. SAINT AUGUSnN, Tract, in Ioann., XLIV, 12, BA 7311, p. 35.
3. Ex 33, 11.
4. Nb 12, 6.
5. He 3, 3.
6. Jn 8, 19.
7. Nullius auctorztatis est, et quasi apocryp hum.
8. Jr 23, 21.
9. Est 15, 17.
10. Jr. 2, 12.


C’est donc ainsi que l’aveugle leur répond: VOILÀ QUI EST ÉTONNANT, comme s’il disait: Si vous ne reconnaissiez aucune autorité à quelqu’un de petit et semblable à nous, il n’y aurait là rien d’étonnant. Mais que vous voyiez un signe manifeste et évident de la puissance divine [agissant] dans le Christ, et que vous disiez ne pas savoir d’où il est, voilà qui est très étonnant, d’autant qu’il m’a ouvert les yeux.




OR NOUS SAVONS QUE DIEU N’ÉCOUTE PAS LES PÉCHEURS;

MAIS SI QUELQU’UN REND UN CULTE À DIEU ET FAIT SA VOLONTÉ, CELUI-LÀ DIEU L’EXAUCE. JAMAIS ON N’A ENTENDU DIRE QUE QUELQU’UN AIT OUVERT LES YEUX D’UN AVEUGLE-NÉ. SI CELUI-CI N’ÉTAIT PAS DE DIEU, IL NE POURRAIT RIEN FAIRE.

1346. Par ces mots l’aveugle réfute leur erreur. Il fait de nouveau ici usage d’un tel raisonnement: celui que Dieu écoute, quel qu’il soit, est de Dieu; or Dieu écoute le Christ: donc il est de Dieu.

Il pose d’abord la majeure, puis la mineure [n° 1351]: JAMAIS ON N’A ENTENDU DIRE... Enfin il en tire la conclusion [n° 1352]: SI CELUI-CI N’ÉTAIT PAS DE DIEU, IL NE POURRAIT RIEN FAIRE.

En ce qui concerne la majeure, l’aveugle évoque ceux que Dieu n’écoute pas, puis il montre qui Dieu écoute [n° 1350]: MAIS SI QUELQU’UN REND UN CULTE À DIEU ET FAIT SA VOLONTÉ, CELUI-LÀ IL [DIEU] L’EXAUCE.

1347. Dieu n’écoute pas les pécheurs, et à ce sujet il dit: NOUS SAVONS QUE DIEU N’ÉCOUTE PAS LES PÉCHEURS, comme pour dire: Nous avons sur ce point la même opinion, les pécheurs ne sont pas exaucés par Dieu. C’est pourquoi il est dit dans le psaume: Ils ont crié vers le Seigneur, et le Seigneur ne les a pas exaucés 1; et au livre des Proverbes: Alors ils m’invoqueront, et je n'exaucerai pas 2.
I. Ps 17, 42.
2. Pr 1,28.


Mais on objectera: Que s’ils pèchent contre toi (et il n'est pas un homme qui ne pèche pas) […] et qu’ils reviennent vers toi de tout leur coeur […] que tes yeux s’ouvrent, je t’en prie, et que tes oreilles soient attentives à la prière qui est faite en ce lieu 3. Et Luc dit au sujet du publicain qu’il descendit à sa maison justifié 4. Voilà pourquoi Augustin dit 5 que cet aveugle parle comme quelqu’un qui est encore oint 6, n’ayant pas encore la connaissance parfaite. En effet Dieu exauce les pécheurs, autrement c’est en vain que le publicain dirait: Seigneur, prends pitié de moi, pécheur 7.

Mais si nous voulons sauver les paroles de l’aveugle, il faut dire que Dieu n’exauce pas les pécheurs qui persistent dans le péché, mais qu’il exauce les pécheurs qui se repentent de leur péché, lesquels sont plutôt à mettre au nombre des pénitents que des pécheurs 8.

1348. Cependant un doute s’élève: il est établi que les miracles ne sont pas accomplis par les hommes en raison de leur propre pouvoir, mais grâce à la prière. Or les pécheurs font souvent des miracles, selon ce passage de Matthieu: N’avons-nous pas prophétisé en ton nom? [...] et n'avons-nous pas fait en ton nom de nombreux miracles? Et cependant Dieu dit: Je ne vous ai jamais connus 9. Ce que l’aveugle dit: NOUS SAVONS QUE DIEU N’ÉCOUTE PAS LES PÉCHEURS semble donc ne pas être vrai.
3. 2 Ch 6, 36. 38 et 40.
4. Lc 18, 14.
5. Tract, in Ioann., XLIV, 13, BA 738, p. 35.
6. Autrement dit, qui ne s’est pas encore lavé les yeux. Cf. n° 1329, note 1.
7. Lc 18, 13.
8. Cf. THÉOPHYLACTE, Enarratio in evangelium S. bannis, in h. loc., PG 123, coI. 58 C.
9. Mt 7, 22 et 23. Saint Thomas commente "Je ne vous ai jamais connus, c’est-à-dire je ne vous ai pas approuvés, même quand vous faisiez des miracles. -Le Seigneur connais ceux qui sont à lui (2Tm 2,19) s (Sup. Match. lect., n’ 669).


A cela il y a deux réponses. L’une est générale. C’est que la prière implique deux aspects: elle obtient et elle mérite. Elle obtient donc parfois sans mériter, et parfois mérite sans obtenir. Et ainsi, rien n’empêche que la prière du pécheur obtienne ce qu’elle demande, sans pour autant mériter. En ce sens Dieu écoute les pécheurs, non par mode de mérite, mais dans la mesure où, par la puissance divine qu’ils proclament, ils obtiennent ce qu’ils demandent.

L’autre réponse est spéciale, [elle concerne] le cas dont il parlait, où le miracle accompli fait connaître la personne du Christ.



Jean 9, 31-33: DIEU N’ÉCOUTE PAS LES PÉCHEURS.



1349. Or il faut savoir que tout miracle accompli est une forme de témoignage. Parfois le miracle advient pour témoigner de la vérité proclamée, et parfois pour rendre témoignage à la personne de celui qui l’accomplit. Or il faut remarquer qu’aucun véritable miracle n’est fait si ce n’est par la puissance divine, et que Dieu n’est jamais témoin du mensonge. Je dis donc que chaque fois qu’un miracle est fait pour rendre témoignage à la doctrine proclamée, il est nécessaire que cette doctrine soit vraie, même si la personne qui la proclame n’est pas bonne. De même, quand le miracle est fait pour rendre témoignage à la personne, il est semblablement nécessaire que cette personne soit bonne. Or il est manifeste que les miracles du Christ étaient faits pour rendre témoignage à sa personne — Les oeuvres que le Père m’a données pour que je les accomplisse […] rendent témoignage à mon sujet 1. C’est donc en ce sens que l’aveugle a dit que DIEU N’ÉCOUTE PAS LES PÉCHEURS, de sorte qu’ils fassent des miracles attestant la sainteté des pécheurs.
1. Jn 5, 36.





MAIS SI QUELQU’UN REND UN CULTE À DIEU ET FAIT SA VOLONTÉ, CELUI-LÀ IL £[DIEU] L’EXAUCE.

1350. L’Évangéliste montre ici que les justes sont exaucés par Dieu, et par mode de mérite.

Il faut savoir à ce sujet que l’accomplissement des miracles est attribué à la foi: Si vous dites à cette montagne "Ote-toi d’ici et jette-toi dans la mer", cela se fera 2. La raison en est que les miracles se font par la toute-puissance de Dieu, sur laquelle la foi s’appuie. Celui-là donc qui veut obtenir quelque chose de Dieu doit avoir la foi — Qu’il demande dans la foi 3. Mais s’il veut obtenir en méritant, il faut qu’il accomplisse la volonté de Dieu. Et ces deux aspects sont présents ici.

Concernant le premier, il dit: MAIS SI QUELQU’UN REND UN CULTE À DIEU, par les sacrifices et les victimes — ils l’honoreront par des victimes 4. En cela en effet consiste le culte de latrie, qui atteste la foi. Concernant le second, il dit SI QUELQU’UN FAIT SA VOLONTÉ, en accomplissant ses commandements, CELUI-LÀ, c’est-à-dire Dieu, L’EXAUCE.




JAMAIS ON N’A ENTENDU DIRE QUE QUELQU’UN AIT OUVERT LES YEUX D’UN AVEUGLE-NÉ.

1351. L’aveugle pose ici la mineure de son raisonnement. C’est comme s’il disait à partir de son oeuvre même, que nul homme, jusqu’à présent, n’a faite, il est manifeste qu’il a fait cela par l’opération de Dieu et qu’il a été exaucé par Dieu — Si je n'avais pas fait parmi eux des oeuvres que personne d’autre n’a faites, ils n'auraient pas de péché 5.
2. Mt 21, 21.
3. Jc 1, 6.
4. Is 19, 21.
5. Jn 15, 24.





LE CHRIST MANIFESTE SA DIVINITÉ PAR LES EFFETS DE SA GRÂCE SI CELUI-CI N’ÉTAIT PAS DE DIEU, IL NE POURRAIT RIEN FAIRE.

1352. Il tire ici la conclusion du fait que le Christ accomplit de telles oeuvres, il est manifeste qu’il est de Dieu. Car SI CET HOMME N’ÉTAIT PAS DE DIEU, IL NE POURRAIT RIEN FAIRE, c’est-à-dire libre ment, avec constance et en vérité parce que, comme il est dit plus bas Sans moi vous ne pouvez rien faire 1.



Jean 9, 34: LA CONDAMNATION DES PHARISIENS





ILS RÉPONDIRENT ET LUI DIRENT: "TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS ET TU NOUS ENSEIGNES?" ET ILS LE JETÈRENT DEHORS.

1353. Ici les pharisiens condamnent l’aveugle. Ce qui est sûr, c’est qu’en proférant cette condamnation ils tombent dans un triple défaut ou péché: de mensonge, d’orgueil et d’injustice.

De mensonge assurément, en lui reprochant sa cécité: TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS. Il faut ici savoir que l’opinion des Juifs était que toutes les infirmités et les adversités temporelles survenaient aux hommes à cause de leurs péchés antérieurs. C’est cette opinion qu'Eliphaz soutient: Souviens-toi, je t’en prie: qui a jamais péri innocent? Et quand les hommes droits ont — ils été détruits. Bien au contraire, ceux qui font l’iniquité, qui sèment des douleurs et les moissonnent, je les ai vu périr au souffle de Dieu 2. La raison de cette opinion est que sous la Loi ancienne étaient promises à la fois des récompenses temporelles pour les bonnes [actions] et des peines temporelles pour les mauvaises Si vous aviez voulu et que vous m ‘ayez écouté, vous mangeriez les biens de la terre 3. En voyant donc que cet homme était né aveugle, ils croyaient que cela lui était arrivé à cause de ses péchés, et pour cette raison ils disent TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS. Mais ils disent là quelque chose de faux, puisque plus haut le Seigneur a dit ni lui n’a péché, ni ses parents 4. La réprimande venant de la colère de l’insolent est un mensonge 5.
1. Jn 15, 5. Cf. s Trace. in Ioann., XLIV, 13, BA 73’>, p. 35.
2. Jb 4, 7.
3. Is 1, 19.


S’ils ajoutent TOUT ENTIER, c’est pour montrer que non seulement il est souillé dans son âme par les péchés, en tant que tous sont nés pécheurs, mais encore que les traces des péchés apparaissent dans son corps par la cécité 6. Ou encore, selon Chrysostome 7, TOUT ENTIER, c’est-à-dire toute ta vie durant, depuis ton plus jeune âge, tu es dans les péchés.

Les pharisiens courent au péché d’orgueil en méprisant ce qu’enseigne l’aveugle, lorsqu’ils disent: TU NOUS ENSEIGNES? — sous-entendu: Tu n’en es pas digne. En cela apparaît leur orgueil. Aucun homme, en effet, si sage soit-il, ne doit rejeter l’enseignement d’un petit, quel qu’il soit. C’est pourquoi l’Apôtre enseigne que si quelque chose a été révélé, même au plus petit, alors les anciens doivent se taire et l’écouter 8. Il est également dit en Daniel que tout le peuple et les anciens écoutèrent le jugement de l’enfant le plus jeune — Daniel, précisément — dont le Seigneur avait éveillé l’esprit 9.
4. Jn 9, 3.
5. Si 19, 28.
6. Cf. s AUGUSTIN, Tracc in Ioann., XUV, 14, BA 73’>, p. 387.
7. In Ioannes, hom., LVIII, 3, PG 59, col. 319.
8. Cf. 1 Corinthiens 14, 30.
9. Cf. On 13, 60 (cf. 13, 45).




Enfin ils tombent dans le péché d’injustice, en le jetant injustement dehors — ILS LE JETÈRENT DEHORS — pour avoir confessé la vérité. En l’aveugle s’accomplit déjà ce que le Seigneur avait prédit aux disciples: Bienheureux serez-vous quand les hommes vous haïront, vous écarteront, vous injurieront et rejetteront votre nom comme mauvais à cause du Fils de l’homme 1.


B. L’AVEUGLE EST INSTRUIT ET MIS EN VALEUR PAR LE CHRIST (@Jn 9,36-38@)

64
Thomas sur Jean 62