Thomas sur Jean 64

64 Jn 9,36-38

1354. Après avoir exposé la manière dont les Juifs ont jeté l’aveugle dehors alors qu’il persistait dans la vérité, l’Evangéliste montre maintenant la manière dont Jésus l’a reçu et instruit. Il expose en premier lieu l’instruction du Christ, puis montre l’attachement sans réserve [devotion] de l’aveugle [n° 1358] il montre enfin comment le Christ met en lumière cet attachement sans réserve [n° 1359].





L’instruction du Christ.



En ce qui concerne le premier point, l’Evangéliste met d’abord en avant le soin apporté par le Christ à instruire l’aveugle, puis le désir de croire qui anime l’aveugle [n° 1356], et enfin l’enseignement de la foi qui vient réaliser [le désir de l’aveugle] [n° 1357].


JÉSUS ENTENDIT QU’ILS L’AVAIENT JETÉ DEHORS; ET QUAND IL L’EUT TROUVÉ, IL LUI DIT: "TOI, CROIS-TU EN LE FILS DE DIEU?"

1355. Le soin apporté par le Christ à instruire l’aveugle est décrit de trois manières. D’abord par la considération attentive de tout ce qui s’était passé concernant l’aveugle. De même qu’un prince considère avec attention ce que son athlète supporte à cause de lui, de même le Christ, lui aussi, a considéré avec attention ce que l’aveugle supportait à cause de la vérité et de la confession qu’il fit de lui [Jésus]. C’est pourquoi l’Evangéliste dit: JÉSUS ENTENDIT — c’est-à-dire fut très attentif au fait — QU’ILS, les pharisiens, L’AVAIENT JETÉ DEHORS, c’est-à-dire hors du Temple — Sois attentif à moi, Seigneur, et entends la voix de mes adversaires 2.

La seconde chose [qui manifeste le soin que met le Christ à instruire l’aveugle] est la recherche diligente qu’il mène à son égard ET QUAND IL L’EUT TROUVÉ, IL LUI DIT... On dit "être trouvé" ce qui est cherché avec diligence: la femme qui a perdu une drachme la cherche avec diligence jusqu’à ce qu’elle la trouve 3. De là il apparaît que le Christ ne cherche que lui [l'aveugle] parce qu’en lui seul il trouve plus de foi qu’en tous les autres. De cela on peut conclure qu’un seul juste est plus aimé de Dieu qu’une dizaine de milliers de pécheurs, considérés en tant que tels: L’homme [vir] sera plus précieux que l’or, et l’être humain [homo] que l’or d’Ophir 4. Le livre de la Genèse nous dit que le Seigneur, pour dix justes, voulut préserver toute la cité, celle de Sodome.
1. Lc 6,22.
2. Jr 18, 19.
3. Lc 15, 8.
4. Is 13, 12. Plus précieux, c’est-à-dire plus rare, comme en 1 S 3, La parole de Dieu était précieuse en ces jours-là, il n’y avait pas de Vision manifeste (Exp. super Isaïam 13, 6, p. 87, 1. 99-100). Pour saint Thomas, vir désigne ici "celui qui peut se défendre par la puissance" et homo s celui qui peut se défendre par le conseil". L’or d’Ophir est "l’or rouge, qui est le meilleurs" (ibid., I. 100 — 103).




La troisième chose est la grave interrogation [que le Christ adresse à l’aveugle]: CROIS-TU EN LE FILS DE DIEU? Cet aveugle était le prototype de tous ceux qui devaient recevoir le baptême. C’est pourquoi la coutume s’est établie dans l’Eglise que les candidats au baptême soient interrogés sur leur foi — Le baptême nous sauve, non par l’enlèvement d’une souillure de la chair, mais par la demande à Dieu d’une bonne conscience par la Résurrection de Jésus-Christ 1. L’interrogeant sur sa foi, il ne dit pas: Crois-tu en le Christ? mais EN LE FILS DE DIEU, parce que, comme le dit Hilaire 2, il allait arriver que certains confesseraient le Christ tout en niant qu’il soit Fils de Dieu et Dieu. C’est ce qu’Arius imagina. Ce passage de l’évangile exclut manifestement cette erreur. Car si le Christ n’était pas Dieu, il ne faudrait pas croire en lui puisque Dieu seul est objet de la foi, qui trouve son repos dans la Vérité première. Aussi est-ce à juste titre que le Christ dit EN LE FILS. Car je peux bien croire une quelconque créature, Paul ou Pierre par exemple, mais cependant [je ne peux pas croire] en Pierre, mais en Dieu seul comme en celui qui est l’objet de ma foi 3. Il est donc clair que le Fils de Dieu n’est pas une créature: Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi 4.




CELUI-CI REPONDIT ET DIT: "QUI EST-IL, SEIGNEUR, POUR QUE JE CROIE EN LUI?"

1. 1 P3, 21.

2. De Trinitate, L. VI, 48, CCL vol. LXII, p. 254 (PL 10, col. 196).
3. Cf. n° 901. Cf. n°485, note 2.
4. Jn 14, 1.


1356. Ici est exposé le désir de croire qui anime l’aveugle. Il faut savoir, à ce sujet, que cet aveugle n’avait pas encore vu le Christ de ses yeux de chair; car, lorsque le Christ avait enduit ses yeux et l’avait envoyé à la piscine de Siloé, il ne l’avait pas encore vu; et avant de revenir à lui après s’être lavé et avoir recouvré la vue, il fut retenu par les pharisiens et les Juifs. Mais bien qu’il ne l’eût pas vu de ses yeux de chair, il croyait cependant que celui qui lui avait ouvert les yeux était le Fils de Dieu. Et c’est pourquoi il s’épanche en paroles [qui sont celles] d’une âme de désir et avide de savoir 5. QUI EST-IL, c’est-à-dire le Fils de Dieu qui m’a ouvert les yeux, SEIGNEUR, POUR QUE JE CROIE EN LUI? Ceci révèle que pour une part il le connaissait, et pour une part il l’ignorait. En effet, s’il ne l’avait pas connu, il n’aurait pas soutenu avec une telle constance la discussion en sa faveur, et s’il n’avait, pas été dans l’ignorance à son sujet, il n’aurait pas non plus demandé: QUI EST-IL? — Mon âme t’a désiré dans la nuit 6, celle de l’ignorance.




JÉSUS LUI DIT: "MAIS TU L’AS VU, ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI. "

1357. Mais parce qu’elle prévient ceux qui la désirent ardemment la Sagesse se révèle à l’aveugle qui la désire en disant: MAIS TU L’AS VU, ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI. Par ces mots, le Christ expose l’enseignement de la foi par lequel il est en train de l’instruire. D’abord il lui remémore le bienfait reçu, en disant: MAIS TU LE VOIS, c’est-à-dire de tes yeux de chair, toi qui auparavant ne voyais personne. Comme s’il disait: C’est de lui que tu as reçu la faculté devoir — Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez 1 — Maintenant tu peux laisser s’en aller ton serviteur, Seigneur, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut 2. Il expose ensuite l’enseignement ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI — En ces temps qui sont les derniers, il nous a parlé par le Fils 3.
5. Cf. SAINT JEAN CHRYSOSTOME, In loannem hom., LIX, 1, PG 59, col. 322 " D’une âme remplie d’un désir ardent et tout entière à la recherche [n° la vérité] jaillit cette parole. Celui pour lequel il a tant discuté, il ne le connaît pas, pour que tu apprennes combien était grand son amour de la vérité [n° " (traduction que nous avons voulue plus littérale que celle de J. Bareille, Oeuvres complètes, t. XIV, p. 126).
6. Is 26, 9. Dans son commentaire d’Isaïe, saint Thomas rapproche ce verset de Ct 3, 1 Dans mon ht, au long des nuzts, j’ai cherché celui qu’aime mon âme; et Ps 62, 2 Dieu, mon Dieu, dès [n° parait] la lumière je veille, [n° à toi (Exp. super Isaïam, p. 124, 1. 77-79).
7. Sg 6, 14.


Ces paroles [suffisent à] réfuter l’erreur de Nestorius qui a dit que, dans le Christ, autre est le suppôt du Fils de Dieu, autre celui du Fils de l’homme. Car celui qui parlait est bien né de Marie, et Fils de l’homme; et le même qui parle est aussi le Fils de Dieu, comme il l’affirme, lui, le Seigneur. Les suppôts ne sont donc pas autres, bien que leurs natures ne soient pas identiques.



L’attachement sans réserve de l’aveugle.




ALORS IL DIT: "JE CROIS, SEIGNEUR." ET, SE PROSTERNANT, IL L’ADORA.

1358. L’Évangéliste exprime ici l’attitude de l’aveugle qui se livre à Dieu sans réserve, dans sa foi 4. D’abord il la confesse de sa bouche: JE CROIS, SEIGNEUR. On croit par le coeur en vue de la justice, et la confession des lèvres se fait en vue du salut 5. C’est pourquoi il confesse de sa bouche la foi qu’il a en son coeur, puis il l’atteste par un geste: ET, SE PROSTERNANT, IL L’ADORA, par où il montre qu’il croit à sa puissance divine, lui qui, dans sa conscience désormais purifiée, le connaît non seulement comme étant uniquement Fils de l’homme, ce qui apparaissait de l’extérieur, mais comme Fils de Dieu ayant assumé la chair. L’adoration, en effet, est due à Dieu seul: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est lui seul que tu serviras 6.
1. Lc 10, 23.
2. Lc 2, 29.
3. He 1, 2.
4. Cette périphrase traduit devotio fidei in caeco. Sur la devotio, voir Somme théol., II-II, q. 82. La devotio n’est autre que s la volonté de se livrer promptement à ce qui appartient au service de Dieu (a. 1, c. ). Pour le sens du mot devotio, voir aussi n° 843, note 5.
5. Rm 10, 10. s C’est à juste titre qu’il dit on croit parle coeur, c’est-à-dire par la volonté. Car les autres choses, qui relèvent du culte extérieur rendu à Dieu, l’homme peut les faire sans le vouloir, tandis qu’il ne peut croire que s’il le veut. En effet, l’intelligence de celui qui croit n’est pas déterminée à donner son assentiment à la vérité en vertu d’une nécessité de la raison, comme l’intelligence de celui qui sait, mais en vertu de sa volonté; et c’est pourquoi la justice de l’homme, qui est dans la volonté, n’implique pas de savoir, mais de croire: Abraham crus à Dieu, et cela lui fut compté comme justice [n° imputé à justice] (Gn 15,6)" (Ad Rom. lece., n° 831).


Le Christ met en valeur l’aveugle.




ET JÉSUS LUI DIT: "C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE: POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS VOIENT, ET QUE CEUX QUI VOIENT DEVIENNENT AVEUGLES.

1359. L’attachement sans réserve [devotio] de l’aveugle est ici mis en lumière par le Christ. L’Evangéliste expose d’abord la mise en valeur, par le Christ, de l’attachement de l’aveugle, puis le murmure des Juifs [n° 1362], puis la manière dont le Christ réduit au silence ceux qui murmurent [n° 1363].
6. Mt 4, 10; cf. Dt 6, 13.
7. "Mise en lumière" et "mise en valeur " traduisent le terme commendaeio. Cf. n° 1312, note 4.
8. Précédemment, saint Thomas avait noté que, comme le dit saint Augustin, le murmure est ce par quoi le peuple offense le plus Dieu voir n° 953.




I

1360. L’aveugle est mis en valeur en raison de l’illumination de la foi: C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE.

A cela semble s’opposer ce qui est dit plus haut: Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui 1.

Je réponds en disant qu’au chapitre 3 il est question du jugement de condamnation, dont il est dit au chapitre 5: Ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, mais ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement 2, c’est-à-dire de condamnation, jugement pour lequel Dieu n’a pas envoyé son Fils au temps de sa première venue. Il l’a alors plutôt envoyé pour nous sauver. Ici, il est question du jugement de discernement dont parle le psaume: Juge-moi, Seigneur, et discerne ma cause 3. Car il est venu pour discerner les bons des méchants, comme le montrent les paroles qui suivent: POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS VOIENT, ET QUE CEUX QUI VOIENT DEVIENNENT AVEUGLES. Selon Augustin 4, ceux-là voient qui estiment ne pas voir, alors que ceux qui estiment voir ne voient pas. Or les hommes sont dits aveugles spirituellement en tant qu’ils sont dans le péché: Leur malice les a aveuglés Celui-là donc estime voir, qui ne reconnaît pas ses péchés; mais celui qui se reconnaît pécheur estime ne pas voir. La première attitude est propre aux orgueilleux, la seconde aux humbles.
1. Jn3, 17.
2. Jn 5, 29.
3. Ps 42, 1. Saint Thomas distingue ici jugement de condamnation et jugement de discernement, comme précédemment: voir n° 483; n° 488, où il se réfère à saint Grégoire le Grand; n° 776. — En commentant le Ps 42, il distingue d’une part le jugement de sévérité, qui regarde seulement la nature de la réalité, et le jugement de miséricorde qui regarde aussi la condition de la personne; et d’autre part le jugement "après examen" tjudzcium discussionis cf. n° 488, note 13), qui examine les méntes, et le Jugement de discernement, qui opère une séparation d’avec les méchants Juge-moi, mon Dieu, es discerne ma cause de celle d’une nation non sainte (Exp. in Psalmos, 42, 1).
4. Tract, in Ioann., XLIV, 17, BA 73", p. 41-43.
5. Sg 2, 21.


Le sens de cette parole: C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU est donc: Je suis venu afin de discerner les humbles des orgueilleux. En effet, [celui qui est] le Jour opérait un discernement entre la lumière et les ténèbres POUR QUE CEUX, les humbles, QUI NE VOIENT PAS, c’est-à-dire s’estiment pécheurs, VOIENT, illuminés par la foi, ET QUE CEUX QUI VOIENT, les orgueilleux, DEVIENNENT AVEUGLES, c’est-à-dire demeurent dans les ténèbres.

1361. Selon Chrysostome 7, il s’agit du jugement de condamnation, à condition toutefois que l’affirmation du Christ: C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE ne soit pas prise comme exprimant une cause mais une conséquence, comme s’il disait: Ma venue dans le monde a eu pour conséquence chez certains un jugement de condamnation, en tant que, che elle aura accru la cause de condamnation. Quelque chose de semblable est dit en Luc: Voici qu’il a été établi pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre 8. Non qu’il soit lui-même une cause de ruine, mais parce que sa venue a eu cette conséquence. Et il ajoute: POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS, c’est-à-dire les païens à qui manque la lumière de la connaissance divine, VOIENT, c’est-à-dire soient admis à la connaissance de Dieu — Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière 9 — ET QUE CEUX QUI VOIENT, c’est-à-dire les Juifs possédant la connaissance de Dieu — Dieu est connu en Juda 10 — DEVIENNENT AVEUGLES, c’est-à-dire se séparent de la connaissance même de Dieu. L’Apôtre fait expressément allusion à cela: Les païens qui ne cherchaient pas la justice ont embrassé la justice, celle qui vient de la foi; tandis qu'Israël, qui suivait une loi de justice, n'est pas parvenu à la loi de justice 1.
6. Cf. SAINT AUGUSTIN, Tract, in Ioann., XLIV, 9, BA 73*, p. 29; cf. n° 1491, note 12.
7. In Ioannem hom., LIX, 1, PG 59, col. 323. Saint Jean Chrysostome ne le dit pas expressément; saint Thomas, lui, l’explicite et montre comment le comprendre théologiquement.
8. Le 2, 34.
9. Is 9, 2.
10. Ps 75, 2.


II

QUELQUES-UNS DES PHARISIENS QUI ÉTAIENT AVEC LUI ENTENDIRENT ET LUI DIRENT: "EST-CE QUE NOUS AUSSI, NOUS SOMMES AVEUGLES?"

1362. L’Évangéliste expose ici le mur mure des Juifs. En effet, parce qu’ils avaient compris d’une manière charnelle les paroles du Seigneur, voyant que l’aveugle avait recouvré la lumière du corps et pensant que le Seigneur ne faisait état, à son sujet, que de la seule lumière du visage et non de celle de l’esprit, ils crurent de la même manière qu’il les menaçait de la cécité corporelle et les blâmait en leur disant: POUR QU’ILS DEVIENNENT AVEUGLES. C’est pourquoi l’Evangéliste dit que QUELQUES-UNS DES PHARISIENS QUI ÉTAIENT AVEC LUI ENTENDIRENT les paroles susdites.

Il dit QUI ÉTAIENT AVEC LUI pour montrer leur instabilité; car parfois ils sont avec lui à cause des miracles qu’ils voient, mais ils s’éloignent cependant de lui lorsque la vérité leur est découverte Ils croient pour un temps, et au temps de la tentation ils se retirent ILS LUI DIRENT "EST-CE QUE NOUS AUSSI, NOUS SOMMES AVEUGLES?" c’est-à-dire dans notre corps, bien qu’ils fussent aveugles d’esprit — Laissez-les, ce sont des aveugles et des guides d’aveugles.
1. Rm 9, 30. " Les païens ont embrassé, c’est-à-dire ont suivi, la justice, par laquelle ils sont appelés fils — Vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ (1 Corinthiens 6, 11). Et cela, assurément, de par un appel de l’élection divine [Ex vocatione divinae electionis], et non en vertu de mérites, ce qui est évident puisqu’il dit qui ne suivaient pas la justice, comme il est dit dans l’épître aux Ephésiens Vous étiez en ce temps — là sans le Christ, exclus de la cité d’Israël (2, 12). Il explicite ensuite ce qu’il avait dit, en précisant la justice qui vient de la foi, et non celle qui consiste en oeuvres. Car les païens ne se sont pas convertis pour observer la justice légale, mais pour être justifiés par la foi au Christ — La justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ est pour tous et sur tous ceux qui croient en lui (Rm 3,22) " (Ad Rom. lecc, n°808).





JÉSUS LEUR DIT: "SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ. MAIS MAINTENANT VOUS DITES: "NOUS VOYONS"; VOTRE PÉCHÉ DEMEURE."

1363. L’Évangéliste expose ici la manière dont le Christ met fin [au murmure des Juifs). Selon l’interprétation d’Augustin 4, l’intention des propos précédents y est révélée, de sorte que soit manifesté de quelle cécité le Seigneur parle, c’est-à-dire de la cécité spirituelle. Il dit donc: SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, c’est-à-dire, si vous vous estimiez aveugles, reconnaissant, grâce à l’humilité, votre péché, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ, parce que vous iriez en courant vers le médecin. Le — péché, en effet, est remis par la grâce, qui n’est donnée qu’aux humbles: Aux humbles il donne la grâce 5. MAIS MAINTENANT VOUS DITES: "NOUS VOYONS", c’est-à-dire, estimant orgueilleusement que vous voyez, vous ne vous reconnaissez pas pécheurs. VOTRE PÉCHÉ DEMEURE, c’est-à-dire qu’il n’est pas remis: Dieu résiste aux orgueilleux 6.

Selon Chrysostome 7, il s’agit de la cécité corporelle et le sens est le suivant: SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES corporellement, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ du fait que vous seriez aveugles; car une telle cécité, étant un défaut du corps, n’implique pas en elle-même ce qui constitue comme tel le péché 8. MAIS MAINTENANT, parce que VOUS DITES: "NOUS VOYONS ", votre péché est grandement aggravé puisque, voyant de vos yeux de chair les miracles que j’accomplis, vous ne me croyez pas — Aveugle le coeur de ce peuple 1.
2. Lc 8, 13.
3. Mt 15, 14.
4. Tract, in Ioann., XLIV, 1, 5-7, BA 73
5. Jc 4, 6.
6. Ibid.
7. In boannem hom., UX, 1, PG 59, col. 323.
8. Non habet rationem peccati.


[Ces paroles peuvent encore avoir un autre sens 2: SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, c’est-à-dire ignorant les jugements de Dieu et les sacrements de la Loi, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ, sous-entendu: un si grand péché. Comme s’il disait: Si vous péchiez par ignorance, votre péché ne serait pas grave à ce point. MAIS MAINTENANT, parce que VOUS DITES: "NOUS VOYONS", c’est-à-dire que vous vous arrogez la science de la Loi et la connaissance de Dieu et que cependant vous péchez, VOTRE PÉCHÉ DEMEURE, c’est-à-dire qu’il est rendu plus grave: Le serviteur qui a connu la volonté de son maître et qui ne s’est pas tenu prêt, et qui n’a pas agi selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups 3.
1. Is 6, 10.
2. Cf. THÉOPHYLACTE, Enarratio in evangelium S. bannis, in h. loc., PG 123, col. 64 C-D.
3. Lc 12, 47.




CHAPITRE X: La puissance vivificatrice de l'enseignement du Christ montrée par la parole

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1364. Ayant montré que son enseignement a une puissance illuminative [n° 1118], le Seigneur montre ensuite qu’il a une puissance vivificatrice; cela d’abord par la parole, puis par un miracle, au chapitre 11 [n° 1471]. Il montre d’abord que lui-même possède une puissance vivificatrice, puis la manière dont il vivifie [n° 1409] et enfin le pouvoir de vivifier [n° 1427].



Jean 10, 1-13: LE CHRIST POSSÈDE UNE PUISSANCE VIVIFICATRICE


Cette première partie se divise elle-même en trois. Le Seigneur propose une parabole, puis l’Evangéliste laisse entendre la nécessité de son explication [n° 1378] enfin le Seigneur lui-même donne l’explication de la parabole [n° 1381].


A. LA PARABOLE

Jn 10,1-5

Il leur propose cette parabole en disant: "AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS, CELUI QUI N’ENTRE PAS PAR LA PORTE DANS LE BERCAIL DES BREBIS, MAIS L’ESCALADE PAR AILLEURS, CELUI-LÀ EST UN VOLEUR ET UN BRIGAND. MAIS CELUI QUI ENTRE PAR LA PORTE EST LE PASTEUR DES BREBIS. À LUI LE PORTIER OUVRE, ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX; ET SES BREBIS À LUI, IL LES APPELLE PAR LEUR NOM, ET IL LES CONDUIT DEHORS. ET QUAND IL A FAIT SORTIR CELLES QUI SONT À LUI, IL VA DEVANT ELLES. ET LES BREBIS LE SUIVENT, PARCE QU’ELLES CONNAISSENT SA VOIX. ELLES NE SUIVENT PAS UN ÉTRANGER, MAIS ELLES S’ENFUIENT LOIN DE LUI, PARCE QU’ELLES NE CONNAISSENT PAS LA VOIX DES ÉTRANGERS."

Il s’agit, dans cette parabole, du voleur et du pasteur des brebis. Le Seigneur met d’abord en avant la condition du voleur et du bandit, puis celle du pasteur [n° 1369]; enfin, l’effet de l’action de l’un et de l’autre sur les brebis [n° 1375].



La condition du voleur.

AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS, CELUI QUI N’ENTRE PAS PAR LA PORTE DANS LE BERCAIL DES BREBIS, MAIS L’ESCALADE PAR AILLEURS, CELUI-LÀ EST UN VOLEUR ET UN BRIGAND.

1365. Pour avoir l’intelligence de tout cela, il faut d’abord considérer qui sont les brebis; ce sont ceux qui ont la foi dans le Christ, et ceux qui sont dans la grâce de Dieu — Nous sommes son peuple et les brebis de son pâturage 1. — Quant à vous, mon troupeau, les brebis de mon pâturage, vous êtes des hommes, et moi je suis le Seigneur votre Dieu 2. Donc, le bercail des brebis, c’est l’assemblée du peuple qui a la foi — Je te rassemblerai, Jacob, tout entier; je réunirai le reste d’Israël ensemble, je l’établirai comme un troupeau dans le bercail. La porte du bercail est comprise de manière différente par Chrysostome et par Augustin.

1366. D’après Chrysostome 4, le Christ appelle "porte" les Saintes Ecritures [Scriptura Sacra], selon ce passage: Priant en même temps aussi pour nous, afin que Dieu nous ouvre la porte de la parole 5. L’Ecriture sainte est appelée porte, comme le dit Chrysostome, d’abord parce que, par elle, nous avons accès à la connaissance de Dieu — Ce qu’il avait autrefois promis par ses Prophètes dans les Saintes Ecritures au sujet de son Fils, qui a été fait selon la chair de la race de David 6; ensuite parce que, de même que la porte garde les brebis, de même l’Ecriture sainte conserve la vie de ceux qui ont la foi — Vous scrutez les Ecritures, parce que vous pensez avoir la vie en elles enfin parce que, de même que la porte empêche les loups d’arriver par surprise, de même la Sainte Ecriture empêche les hérétiques de nuire aux fidèles — Toute Ecriture divinement inspirée est utile pour enseigner, argumenter, corriger, éduquer dans la justice IL N’ENTRE donc PAS PAR LA PORTE, celui qui, pour enseigner le peuple, n’entre pas par la Sainte Ecriture. C’est pourquoi le Seigneur dit de tels hommes, en citant Isaïe: C’est en vain qu’ils me rendent un culte, eux qui enseignent les enseignements et les commandements des hommes 1. — Vous avez annulé le commandement de Dieu à cause de vos traditions 2. C’est donc la condition du voleur qu’il n’entre pas par la porte, mais par ailleurs.

1. Ps 94,7.
2. Ez 34,31.
3. Mi 2,12.
4. In loannem hom., UX, 2, PG 59, col. 523-524.
5. Col 4,3. En commentant l’épître aux Colossiens, saint Thomas interprète autrement ce passage " C’est un devoir pour ceux qui sont soumis de prier pour ceux qui exercent l’autorité, parce que ceux-ci les gardent et leur bien est le bien commun de toua. -Priez pour nous, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course (2Th 3,1). Et cela pour que Dieu nous ouvre la porte de la parole, c’est-à-dire la bouche, par laquelle la parole sort du coeur, et pour que Dieu donne la grâce de proférer dignement la parole. Psr l’ouverture est signifié aussi quelque chose de grand — Ouvrant la bouche, il les enseignait (Mt 5,2). Et c’est pourquoi il ajoute pour dire le mystère du Christ. — L’Esprit est celui qui dit les mystères (1Co 14,2) (Ad Col. lect., IV, n’ 184).
6. Rm 1,2-3.
7. Jn 5,39.
8. 2Tm 3,16. Saint Thomas commente: "L’Apôtre montre que les Saintes Ecritures sont une voie vers le salut; et il affirme trois choses. En effet il met en valeur les Ecritures en raison de leur principe, en raison de l’effet utile [n° produisent] et en raison du fruit ultime et du progrès [n° elles sont la source]. " — Si en effet tu considères le principe de l’Ecriture sainte, elle a un privilège sur toutes les autres; parce que les autres sont transmises par la raison humaine, alors que l’Ecriture sainte est divine; c’est pourquoi il dit l’Ecriture divinement inspirée. — Ce n’est pas par la volonté humaine que la prophétie nous a été apportée autrefois, mais c’est inspirés par l’Esprit-Saint que des hommes saints ont parlé de la part de Dieu (2P 1,21). — L’inspiration du Tout-Puissant donne l’intelligence (Jb 32,8). Mais ni dis: Comment une autre écriture n’est-elle pas divinement inspirée, puisque selon Ambroise, tout vrai, quel que soit celui qui le dit, vient de l’Esprit-Saint? Il faut répondre que Dieu opère quelque chose de deux manières, soit immédiatement, comme son oeuvre propre — ainsi les miracles -., soit par l’intermédiaire de causes inférieures, comme les oeuvres naturelles — Tes mains, Seigneur, m’ont fait (Jb 10,8); et cependant de telles choses arrivent par l’opération de la nature. Et ainsi, dans l’homme, Dieu instruit l’intelligence immédiatement par les Saintes Ecritures, et médiatement par d’autres. — L’effet de cette Ecriture est double parce qu’elle enseigne à connaître la vérité et elle persuade d’accomplir la justice — L’Esprit-Saint Paraclet vous enseignera, sous-entendu ce qui doit être connu, et vous suggérera ce qui doit être fait. Et C’est pourquoi elle est utile pour connaître la vérité et elle est utile pour se diriger dans ce qu’on s à accomplir. Il existe en effet une intelligence [n° spéculative et une intelligence [n° pratique. Et dans l’une et l’autre, deux choses sont nécessaires, à savoir connaître la vérité et repousser l’erreur. En effet l’oeuvre du sage est de ne pas mentir et de rejeter celui qui ment. Il dit donc qu’elle est utile pour enseigner, c’est-à-dire la vérité — Enseigne-moi la bonté, la docilité et la science (Ps 118,66). Et il ajoute: pour argumenter — Pour que tu puisses exhorter dans la saine doctrine et argumenter contre ceux qui s’opposent (Tt 1,9). De même, du point de vue de la raison pratique, deux choses sont nécessaires éloigner du mal et conduire au bien — Détourne-roi du mal et fais le bien (Ps 33,15). Et il dit pour corriger, c’est-à-dire corriger du mal — Si ton frère a péché contre toi, va et corrige — le entre toi et lui seul (Mt 18,15). — Heureux l’homme qui est corrigé par le Seigneur (Jb 5,17). Ensuite il dit pour éduquer dans la Justice. Cela, toute l’Ecriture sainte le fait — Il m’a éduqué d’une main forte (Is 8,11). — Ainsi donc, il y a quatre effets de la Sainte Ecriture enseigner la vérité, argumenter contre la fausseté, quant à [l'intelligence] spéculative; arracher du mal et conduire au bien, quant à l’intelligence pratique " (Ad 2 Tm. lect., 1H, n° 124 — 127). Voir aussi Somme théol., I 1,1.




Le Seigneur ajoute: IL ESCALADE, ce qui s’accorde avec la parabole, puisque les voleurs, au lieu d’entrer par la porte, escaladent les murs et se précipitent dans le bercail. Cela s’accorde aussi avec la vérité la raison pour laquelle certains enseignent d’une autre manière que ce que juge 3 l’Ecriture sainte vient avant tout de l’orgueil — Si quelqu’un enseigne autrement et ne s’attache pas aux paroles sacrées, il est orgueilleux, ne sachant rien 4. Et à ce propos il dit: IL ESCALADE, c’est-à-dire par l’orgueil. CELUI, dis-je, QUI ESCALADE PAR AILLEURS, CELUI-LÀ EST UN VOLEUR, s’emparant de ce qui n’est pas sien, ET UN BRIGAND, tuant ce dont il s’empare — Si des voleurs étaient entrés chez toi, des bandits pendant la nuit, comment te serais-tu caché 5?

Et ainsi, selon cette explication, le texte se rattache à ce qui précède de cette manière: parce que le Seigneur leur avait dit: Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché 6, les Juifs auraient pu répondre et dire: ce n’est pas à cause de notre aveuglement que nous ne croyons pas en toi, mais à cause de ton erreur; c’est elle qui nous fait nous détourner de toi. Et c’est pourquoi le Seigneur, rejetant cela, veut montrer qu’il n’est pas dans l’erreur parce qu’il entre par la porte, c’est-à-dire par la Sainte Ecriture — autrement dit, il enseigne ce que contient la Sainte Ecriture.

1367. Mais quelque chose va contre cette interprétation: dans son explication de la parabole, le Seigneur dit plus loin Moi, je suis la porte il semble donc que, par la porte, on doive entendre le Christ.

A cela Chrysostome répond que dans cette parabole, le Seigneur affirme qu’il est lui-même et la porte et le pasteur. C’est pourquoi, selon que lui-même se nomme de différentes manières, " porte " a des sens différents; car en tant qu’il se dit pasteur, il faut que la porte soit autre chose que lui-même, puisque le pasteur et la porte ne sont pas la même chose. Or rien d’autre en dehors du Christ ne peut être appelé " porte " d’une manière qui convienne mieux que la Sainte Ecriture, pour les raisons qu’on a dites. Il convient donc d’appeler "porte" la Sainte Ecriture.
1. Mt 15, 9; cf. Is 29, 13.
2. Mt 15, 6.
3. Aliter quam sapiat Sacra Scriptura. Il n’est pas indifférent que saint Thomas emploie ce terme. A plusieurs reprises en effet (cf. Somme théol., I, q. 43, a. 5, ad 2; II-II, q. 45, a. 2, ad 1 et 2), il affirme que la sagesse est une "science savoureuse", sapida scientia, parce qu’elle nous fait goûter " de l’intérieur le mystère de Dieu.
4. 1 Tm 6, 3. Saint Thomas commente: Si tu veux savoir quelle doctrine est erronée, l’Apôtre le montre à partir de trois aspects. D’abord, si elle est contre la doctrine de l’Eglise. C’est pourquoi il dit: Si quelqu’un enseigne autrement, c’est-à-dire autrement que moi et les autres Apôtres — Si quelqu’un vous évangélise autrement que ce que vous avez reçu, qu’il soit anathème (Ga 1,9). En effet la doctrine des Apôtres et des prophètes est dite canonique parce qu’elle est comme la règle de notre intelligence. Et c’est pourquoi personne ne doit enseigner autrement — Vous n’ajouterez rien à la parole que je vous ai dite et vous n’en retrancherez rien (Dt 4,2). — Si quelqu’un ajoute quelque chose à ces paroles, Dieu leur ajoutera les plaies qui sont décrites dans ce livre (Ap 22,18). — Ensuite il dit: Et ne s’attache pas. Car le Seigneur Jésus est venu pour rendre témoignage à la vérité (Jn 18,37). C’est, pourquoi il s été envoyé par le Père comme Docteur et Maître Ecoutez-le toujours et lui-même sera pour vous un père (1M 2,65). Et c’est pourquoi est dans l’erreur quiconque ne s’attache pas à ses paroles. — Le rejeter est comme un péché de divination et ne pas vouloir l’approuver est comme un crime d’idolâtrie (1S 15,23). Et il dit saines, parce que dans les paroles du Christ il n’y a rien qui relève de la corruption, de la fausseté ou de la perversité, parce que ce sont les paroles de la sagesse divine [n° On dit que l’orgueil est la racine des erreurs pour deux raisons. D’abord parce que les orgueilleux veulent s’introduire dans des choses auxquelles ils n’atteignent pas, et c’est pourquoi nécessairement ils se trompent et échouent — Son orgueil, son arrogance et son indignation plus que sa force... (Is 16,6). De même parce qu’ils ne veulent pas se soumettre à l’intelligence d’un autre mais s’appuient sur leur propre prudence, et c’est pourquoi ils ne veulent pas obéir à l’Ecriture sainte. Contre cela il est dit dans les Proverbes: Ne t’appuie pas sur ta propre prudence (Pr 3,5). — Là où est l’humilité, là est la sagesse (Pr 11,2). s (Ad 1 Tm. lect., VI, n° 237-238).
5. Abd 5.
6. Jn 9,41.
7. Jn 10,7.


1368. Selon Augustin 1, par la porte on entend ici le Christ; et cela parce que c’est par lui qu’on entre — Après cela, je vis une grande porte ouverte dans le ciel 2. Quiconque donc entre dans le bercail doit entrer par cette porte, le Christ, et non par ailleurs. Mais remarquons qu’entrer dans le bercail revient au pasteur et à la brebis; à la brebis pour y être gardée, au pasteur pour garder les brebis. Si donc tu veux entrer comme brebis pour être gardé là, ou comme pasteur pour garder les brebis, il te faut entrer par le Christ. Certains en effet ont cru pouvoir entrer dans le bercail par ailleurs que par le Christ, comme les philosophes qui ont traité des vertus et les pharisiens qui établissaient les cérémonies traditionnelles. Mais ces gens-là ne sont ni des pasteurs ni des brebis, parce que, comme dit le Seigneur: CELUI QUI N’ENTRE PAS PAR LA PORTE DANS LE BERCAIL DES BREBIS, c’est-à-dire par le Christ, MAIS L’ESCALADE PAR AILLEURS, CELUI-LÀ EST UN VOLEUR ET UN BRIGAND; parce qu’il tue et lui-même et les autres 3. Car le Christ, et non un autre est la porte du bercail, c’est-à-dire de l’assemblée de ceux qui ont la foi — Nous avons la paix avec Dieu par le Christ, lui par qui nous avons accès par la foi à cette grâce en laquelle nous nous tenons, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu 4. — Il n'est pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes en lequel il nous faille être sauvés 5.
1. Saint Thomas ne suit pas ici le commentaire minutieux de saint Augustin, mais en reprend l’idée principale en y ajoutant quelques remarques. Voir Tract, in Ioann., XLV, 1-15, BA 735, p. 44-87.
2. Ap. 4, 1.
3. Nous gardons ici le texte de l’édition Marietti, et non un autre s, qui nous semble préférable é la correction de l’édition léonine qui propose s et non autre chose s.
4. Rm 5, 1.
5. Ac 4, 12.


Et selon cette explication, le texte se rattache à ce qui précède de cette manière il disaient en effet qu’ils voyaient sans le Christ, selon ce qu’il a dit plus haut. Maintenant, parce que vous dites: "Nous voyons", votre péché demeure 6; le Seigneur, en disant: AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS, CELUI QUI N’ENTRE PAS PAR LA PORTE... montre donc que cela est faux, parce qu’ils n’entrent pas par la porte.

Or, de même que celui qui, comme brebis, n’entre pas par la porte ne peut être gardé, de même celui qui entre comme pasteur ne peut pas garder, à moins de passer par la porte, c’est-à-dire par le Christ. Par cette porte entrent les vrais pasteurs dont parle l’épître aux Hébreux Personne ne s'attribue cet honneur, mais celui qui est appelé par Dieu, comme Aaron Les mauvais pasteurs n’entrent pas par la porte, mais par l’ambition, la puissance du monde et la simonie 8; et ceux-là sont des voleurs et des bandits — Ils ont régné par eux-mêmes et non de par moi, ils se sont prétendus princes et je ne les ai pas connus 9, c’est-à-dire je ne les ai pas approuvés.

Et il dit MAIS L’ESCALADE PAR AILLEURS. En effet, cette porte qui est le Christ, est petite par l’humilité — Venez à moi, carie suis doux et humble de coeur 10; ne peuvent donc entrer que ceux qui imitent l’humilité du Christ. Ceux donc qui n’entrent pas par la porte escaladent par ailleurs; autrement dit, ils sont orgueilleux et ils n’imitent pas celui qui, alors qu’il était Dieu, s’est fait homme 11, et ils ne reconnaissent pas son humilité.
6. Jean 9, 41.
7. He 5, 4.
8. Sur la simonie, voir n’ 387, note 9.
9. Os 8, 4.
10. Mt 11, 29; cf. n° 1124, note 2.
11. Cf. Phi 2, 6-8.




La condition du pasteur.




LA PUISSANCE VIVIFICATRICE DU CHRIST MANIFESTÉE PAR LA PAROLE

MAIS CELUI QUI ENTRE PAR LA PORTE EST LE PASTEUR DES BREBIS. À LUI LE PORTIER OUVRE, ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX; ET SES BREBIS À LUI, IL LES APPELLE PAR LEUR NOM, ET IL LES CONDUIT DEHORS. ET QUAND IL A FAIT SORTIR CELLES QUI SONT À LUI, IL VA DEVANT ELLES.

1369. Ici, il s’agit du pasteur. Le Seigneur expose d’abord la condition du pasteur, puis il montre par des signes qui est le pasteur [n° 1371].



MAIS CELUI QUI ENTRE PAR LA PORTE EST LE PASTEUR DES BREBIS.

1370. La condition du vrai pasteur est d’entrer par la porte. Selon le commentaire de Chrysostome, cela doit s’entendre ainsi: le Christ, QUI ENTRE PAR LA PORTE, c’est-à-dire par les témoignages de la Sainte Ecriture, est le vrai PASTEUR. C’est pourquoi il disait: Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été dit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes 1. — Et moi je n'ai pas été troublé en te suivant comme pasteur 2 — Gomme le pasteur visite son troupeau durant le jour, quand il est au milieu de ses brebis dispersées 3.

Mais si par la porte on entend le Christ, comme l’interprète Augustin, alors en entrant par la porte, il entre par lui-même. Cela, c’est le propre du Christ, car personne ne peut entrer par la porte, c’est-à-dire [aller] vers la béatitude, si ce n’est par la vérité, parce que la béatitude n’est rien d’autre que la joie de la vérité 4. Or le Christ en tant que Dieu est la Vérité; et c’est pourquoi, en tant qu’homme, il entre par lui-même, c’est-à-dire par la Vérité que lui-même est en tant que Dieu. Nous, nous ne sommes pas la Vérité elle-même, mais nous sommes fils de la lumière, par participation de la Lumière véritable et incréée; et c’est pourquoi il nous faut entrer par la Vérité, qui est le Christ — Sanctifie-les dans la vérité — Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé.
1. Lc 24, 44.
2. Jr 17, 16.
3. Ez 34, 12.
4. Cf. Somme théol., I-II, q. 3, a. 8, q. 4, a. 1 et 2. Voir n° 935. s La oie de la vérité " (gaudium de veritate) cette expression de saint Augustin manifeste bien l’aspect " subjectif de la béatitude. Elle ne consiste pas seulement à atteindre la vérité spéculative, mais à vivre de la vérité, c’est-à-dire à être entièrement possédé par la vérité, â se reposer en elle, la vérité étant la fin propre de l’intelligence.




Mais si quelqu’un veut aussi entrer comme pasteur, il faut qu’il entre par la porte, le Christ, c’est-à-dire selon sa volonté et ce qu’il ordonne; c’est pourquoi il dit: Je leur donnerai un pasteur qui les fera paître, mon serviteur David 8 comme s’il disait: c’est par moi qu’ils doivent être donnés, et non par d’autres ou par eux-mêmes.




À LUI LE PORTIER OUVRE, ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX;

ET SES BREBIS À LUI, IL LES APPELLE PAR LEUR NOM, ET IL LES CONDUIT DEHORS. ET QUAND IL A FAIT SORTIR CELLES QUI SONT À LUI, IL VA DEVANT ELLES.

1371. Le Seigneur expose ici à quels signes on reconnaît le bon pasteur; ils sont au nombre de trois.

Le premier se prend du point de vue du portier, c’est-à-dire de celui qui l’introduit: À LUI, LE PORTIER OUVRE. Le portier, selon Chrysostome 9, est celui qui ouvre la voie à la connaissance de l’Ecriture sainte; ce fut d’abord Moïse, qui, le premier, reçut et institua les Saintes Ecritures. Et ici, il ouvre au Christ, parce que, comme il est dit plus haut: Si vous croyiez en Moïse, vous croiriez peut-être aussi en moi; c’est de moi en effet qu’il a écrit 1.
5. Cf. Jn 12, 36.
6. Jn 17, 17.
7. Jn 10, 9.
8. Ez 34, 23.
9. In loannem hom., LIX, 2, PG 59, col. 524.


Ou bien, selon Augustin, le portier, c’est le Christ lui-même, parce que c’est lui-même qui introduit les hommes à lui. Il dit " Lui-même s’ouvre, lui qui se révèle lui-même, et nous n’entrons que par sa grâce 2." — C’est par grâce que vous êtes sauvés, et non par vous-mêmes 3.

Il importe peu que celui-là même qui est la porte soit aussi le portier; car, dans les réalités spirituelles, certaines choses s’accordent qui ne le peuvent dans les réalités matérielles. Or il semble que le pasteur diffère plus de la porte que la porte du portier. Puis donc que le Christ est dit pasteur et porte, comme on l’a dit, il peut encore plus être dit porte et portier 4. Mais si tu cherches comme portier une autre personne que Moïse et le Christ, vois l’Esprit-Saint comme portier, selon ce que dit Augustin Il appartient en effet au service du portier d’ouvrir la porte, et il est dit de l’Esprit-Saint. Il vous enseignera la vérité tout entière 6. Le Christ, en effet, est la porte, en tant qu’il est la Vérité.

1372. Le second signe [caractéristique du bon pasteur] se prend du point de vue des brebis, c’est-à-dire du fait qu’elles lui obéissent: ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX. Cela, certes, est dit avec raison, si on le considère à partir de la similitude du pasteur; en effet, les brebis reconnaissent la voix du pasteur à partir de leur imagination qui y est habituée. Et ainsi, ceux qui ont la foi et qui sont justes écoutent la voix du Christ — Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix 8.
1. Jn 5, 46.
2. Saint Thomas recompose ici une phrase à partir de deux phrases distinctes de saint Augustin. Voir Tract, in Ioann., XLVI, 2 et 4, BA 73", p. 91 et 95.
3. Ep 2, 8.
4. N’oublions pas que lorsque Jésus dit qu’il est le bon pasteur, il affirme symboliquement ce qu’il est personnellement, relativement à sa conduite sur ses brebis. N’est-ce pas le mystère même de son sacerdoce royal? Le roi n’est-il pas pasteur? Lorsque Jésus affirme qu’il est la porte, c’est un peu différent: tout l’accent est mis symboliquement sur la fonction propre du Christ, laissant passer devant lui ses brebis. N’est-ce pas l’aspect propre de l’Agneau immolé offrant sa vie pour ses brebis (voir n° 1398)? Les symboles se diversifient relativement aux diverses fonctions, alors que le "Je suis" regarde la personne, qui est unique et la même.
5. Tract, in Ioann., XLVI, 4, 13A 73 b, p. 94-97.
6. Jn 16, 13.




1373. On peut objecter que nombreuses sont les brebis du Christ qui n’ont cependant pas entendu sa voix, comme Paul. En outre, certains l’ont entendue et n’ont pas été les brebis du Christ, comme Judas 9.

A cela on pourrait répondre que Judas était à ce moment-là une brebis du Christ, quant à la justice présente. Et Paul, quand il n’entendait pas la voix du Christ, n’était pas une brebis, mais un loup; mais la voix du Christ, en survenant, a transformé le loup en brebis 10.

On pourrait soutenir une telle réponse si ce que dit Ezéchiel ne lui était pas contraire: Celle qui avait été blessée, vous ne l’avez pas pansée, et celle qui était égarée, vous ne l’avez pas ramenée 11. A partir de là, on voit que, alors qu’elles étaient encore blessées et dans l’erreur, elles étaient des brebis. C’est pourquoi il faut dire que le Seigneur parle ici de ses brebis non seulement quant à la justice présente, mais aussi selon la prédestination éternelle 12. Il est en effet une parole du Christ que nul ne peut entendre s’il n’est prédestiné, c’est-à-dire: Celui qui aura persévéré jusqu ‘à la fin, celui-là sera sauvé 1. C’est pourquoi il dit ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX; les Juifs auraient pu en effet s’excuser de leur manque de foi en disant que non seulement eux-mêmes, mais aussi aucun des chefs du peuple ne croyaient en lui 2. Pour répondre à cela il dit: ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX, comme pour dire: eux-mêmes ne croient pas en moi parce qu’ils ne sont pas de mes brebis.
7. Aristote, à qui saint Thomas semble ici faire allusion, lie à plusieurs reprises la capacité d’apprendre et le sens de l’ouïe s Sont prudents sans pouvoir apprendre les animaux qui ne peuvent pas entendre les sons, par exemple l’abeille, et tout autre genre d’animaux semblable, s’il s’en trouve; apprennent tous ceux qui, outre le souvenir, ont ce sens..." (Métaphysique, A, 1, 980 b 21-25; cf. In XII libros Met. exp., I, n° 12); voir aussi De l’âme, III, 13, 435 b 24-25; De la sensation et du sensible, I, 437 a 5-17.
8. Ps 94, 8.
9. "Judas s entendu [n° voix du pasteur], et il était un loup; il le suivait, mais, recouvert d’une peau de brebis, il tendait des pièges au pasteurs (SAINT AUGUSTIN, Tract, in Ioann., XLV, 10, BA 73", p. 68-69).
10. "Quand ils n’entendaient pas [la voix du pasteur], ils n’étaient pas encore des brebis, ils étaient alors des loups; une fois entendue, de loups qu’ils étaient, la voix en a fait des brebis s ().
11. Ez 34,4.
12. Cette distinction entre la s justice présentes et la prédestination éternelle s est analogue à la distinction du devenir et de l’être. La justice présente, c’est-à-dire l’état actuel de grâce, implique l’instant présent et donc le devenir. La prédestination est un regard de sagesse, d’éternité.


1374. Le troisième signe [caractéristique du bon pasteur] se prend des actes du pasteur lui-même: ET SES BREBIS À LUI, IL LES APPELLE PAR LEUR NOM, ET IL LES CONDUIT DEHORS. ET QUAND IL A FAIT SORTIR CELLES QUI SONT À LUI, IL VA DEVANT ELLES. Dans ce passage, le Christ expose quatre actes propres au bon pasteur. En premier lieu il connaît ses brebis. C’est pourquoi il dit que SES BREBIS À LUI, IL LES APPELLE PAR LEUR NOM: il montre en cela la connaissance qu’il a de ses brebis et l’intimité qu’il a avec elles 3. En effet, ce sont ceux que nous connaissons intimement [familialiter] que nous appelons par leur nom 4 — Moi je t’ai connu par ton nom ‘l Cela convient certes au service du bon pasteur, selon la parole du livre des Proverbes: Considère avec attention le visage de ton troupeau 5. Et cela convient au Christ, selon la connaissance présente [qu'il a des hommes], ou surtout selon la prédestination éternelle en laquelle, de toute éternité, il connaît jusqu’à leur nom 6 — Lui qui compte la multitude des étoiles et les appelle toutes par leur nom 7. — Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui 8.
1. Mt 10, 22.
2. Cf. Jn 7, 48.
3. Familiaritatem suam. Voir n’ 1475, note 5, p. 611.
4. Ex 33, 17.
5. Pr 27, 23.
6. Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis; réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux (Lc 10,20); Au vainqueur, je lui donnerai de la manne cachée; et je lui donnerai un caillou blanc, et écrit sur ce caillou un nom nouveau que personne ne sait, sinon celui qui le reçoit (Ap 2,17).


En second lieu, il les CONDUIT DEHORS, c’est-à-dire qu’il les sépare de la société des impies — Il les a fait sortir des ténèbres et de l’ombre de la mort 9.

En troisième lieu, après avoir séparé les brebis des impies et les avoir fait entrer dans le bercail, de nouveau il les fait sortir du bercail. D’abord certes pour le salut des autres — Parmi ceux qui auront été sauvés, j’en enverrai en Lydie [...] vers ceux qui n'ont pas entendu parler de moi et qui n'ont pas vu ma gloire, et ils annonceront ma gloire aux nations 10 — Voici que moi je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups 11… pour que vous en fassiez des brebis. Et aussi en direction et sur la voie du salut éternel — Pour diriger nos pas vers le chemin de la paix 12.

En quatrième lieu, il les précède par l’exemple d’une bonne conduite 13: IL VA DEVANT ELLES. Il n’en est certes pas ainsi du berger d’animaux, qui lui suit plutôt les brebis — Il le prit de derrière les brebis mères 14. Le bon pasteur, lui, marche devant [ses brebis] par l’exemple — Non pas en exerçant une domination sur le peuple de Dieu, mais devenant par l’esprit le modèle du troupeau 1. Et dans ces deux manières de sortir, il va devant elles: le premier, il a subi la mort pour avoir enseigné la vérité — Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive 2 et il a précédé tous les hommes dans la vie éternelle — Il vient en ouvrant le chemin devant eux 3.
7. Ps 146, 4.
8. 2 Tm 2, 19.
9. Ps 106, 14.
10. Is 66, 19.
11. M 10, 16. Saint Thomas commente " Il dit je vous envoie, pour que vous ne croyiez pas que cela ne vient pas de ma volonté. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie Un 20, 21). Et pourquoi Dieu a-t-il ainsi voulu les envoyer vers les périls? Ce fut en vue de la manifestation de sa puissance, parce que s’il avait envoyé des gens armés, on l’aurait imputé à sa violence, non à la puissance de Dieu c’est pourquoi il s envoyé des pauvres. Il fut grand en effet qu’un si grand nombre d’hommes se convertissent au Seigneur par des pauvres, des hommes méprisables et sans défense, comme le dit l’Apôtre Dieu n’a pas choisi beaucoup de gens puissants et nobles; mais Dieu a choisi ce qui est sot aux yeux du monde (1 Corinthiens 1, 26)" (Sup. Matth. lect., X, n° 838).
12. Lc 1, 79.
13. Eas praecedit exemplo bonae conversationis, qui reprend le ex bona conversatione de l’épître de saint Jacques (3, 13). Employé huit fois dans les épîtres de saint Pierre, le terme conversatio y a toujours le sens de " conduite s, mais la conversatio est aussi le fait de séjourner dans un lieu et de vivre en compagnie de quelqu’un, comme en Phi 3, 20 Conversatio nostre in caelis est. Voir n’ 1584, note 2 et n 1176, note 3.
14. Ps 77, 70.






L’effet de l’action du voleur et du pasteur sur les brebis.




ET LES BREBIS LE SUIVENT, PARCE QU’ELLES CONNAISSENT SA VOIX. ELLES NE SUIVENT PAS UN ÉTRANGER, MAIS ELLES S’ENFUIENT LOIN DE LUI, PARCE QU’ELLES NE CONNAISSENT PAS LA VOIX DES ÉTRANGERS.

1375. Le Christ montre ici quel est l’effet de l’action du voleur et du pasteur sur les brebis. D’abord celui du bon pasteur, puis celui du loup et du voleur [n° 1377].



ET LES BREBIS LE SUIVENT, PARCE QU’ELLES CONNAISSENT SA VOIX.

1376. Le Seigneur a dit plus haut quelles sont les conditions du voleur et du pasteur; ici il affirme: ET LES BREBIS LE SUIVENT, c’est-à-dire celui qui marche devant elles. Et certes, il va de soi que les subordonnés doivent suivre les traces de ceux qui ont l’autorité dans l’Eglise, parce que le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple pour que vous suiviez ses traces. — Ses traces, mon pied les a suivies Et cela PARCE QU’ELLES CONNAISSENT SA VOIX, c’est-à-dire qu’elles la reconnaissent et se réjouissent en elle — Que ta voix résonne à mes oreilles, car ta voix est douce 6.



ELLES NE SUIVENT PAS UN ÉTRANGER, MAIS ELLES S’ENFUIENT LOIN DE LUI, PARCE QU’ELLES NE CONNAISSENT PAS LA VOIX DES ÉTRANGERS.

1377. L’effet de l’action du voleur est que les brebis ne le suivent pas longtemps, mais seulement pour un temps; c’est pourquoi il dit: ELLES NE SUIVENT PAS UN ÉTRANGER, c’est-à-dire qu’elles ne suivent pas un docteur menteur et hérétique — Les fils d’étrangers m’ont menti C’est ainsi que Paul n’a pas suivi longtemps les docteurs qui étaient dans le mensonge. MAIS ELLES S’ENFUIENT LOIN DE LUI, et cela parce que, comme il est dit, les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs ELLES S’ENFUIENT LOIN DE LUI, PARCE QU’ELLES NE CONNAISSENT PAS, c’est-à-dire qu’elles n’approuvent pas, LA VOIX DES ÉTRANGERS, c’est-à-dire leur doctrine, qui s’insinue sournoisement comme un chancre.

1. 1 P 5, 3.


2. Mt 16, 24.
3. Mi 2, 13.


4. 1 P 2,21.


5. Jb 23, 11. Saint Thomas commente: "En celai! faut remarquer que l’homme imite selon son pouvoir l’opération de la bonté divine dans sa volonté aimante et dans ses oeuvres, selon cette parole de Matthieu Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5,48), et l’épître aux Ephésiens Soyez les imitateurs de Dieu comme des fils très chers (Ep 5,1). C’est pourquoi il dit ses traces — c’est-à-dire une certaine similitude, bien que pour une petite part, de la bonté divine qui agit —, mon pied, c’est-à-dire ma volonté aimante, par laquelle nous avançons pour agir, les a suivies, c’est-à-dire par imitation s (Exp. super Job, 23, 11, p. 135, 1. 180-189).
6. Ct 2, 14.
7. Ps 17, 46.
8. 1 Corinthiens 15, 33.
9. 2 Tm 2, 17.




B. LA NÉCESSITÉ DE L’EXPLICATION


JÉSUS LEUR DIT CE PROVERBE. MAIS EUX NE CONNURENT PAS CE QU’IL LEUR DISAIT.

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Thomas sur Jean 64