Thomas A. sur Rm (1869) 34

CHAPITRE VIII: LA GRÂCE





Romains 8, 1 à 6: La grâce délivre de la condamnation

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Rm 8,1-6)





SOMMAIRE: Que par la grâce de Jésus-Christ nous sommes délivrés de la condamnation et de la coulpe et de la peine, mais premièrement de celle de la coulpe.



1. Il n'y a donc pas maintenant de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne marchent pas selon la chair,

2. Parce que la loi de l’Esprit de vie, qui est dans le Christ Jésus, m'a affranchi de la loi du péché et de la mort.

3. Car ce qui était impossible à la Loi, parce qu était affaiblie par la chair, Dieu, envoyant son Fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair à cause du péché même,

4. Afin que la justification de la Loi s’accomplit en nous qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’Esprit.

5. En effet, ceux qui sont charnels goûtent les choses de la chair; mois ceux qui sont spirituels aiment les choses de l’Esprit.

6. Or la prudence de la chair est morte; mais la prudence de l’Esprit est vie et paix.



Après avoir établi que par la grâce de Jésus-Christ nous sommes affranchis du péché et de la Loi, S. Paul fait voir que par la même grâce nous sommes délivrés de la condamnation. Et d’abord il montre que nous sommes délivrés de la condamnation de la coulpe; ensuite, que par la même grâce nous sommes délivrés de la condamnation de la peine, à ces mots (verset 10): "Mais si le Christ est en vous." Sur le premier de ces points, il énonce sa proposition; II° il la prouve, à ces mots (verset 2): "Car la loi de l’Esprit de vie."

I° Pour énoncer sa proposition, il faut deux choses:

I. Il rappelle le bienfait que procure la grâce, concluant de ce qui précède en cette manière: ainsi la grâce de pieu par Jésus-Christ m’a affranchi de ce corps de mort, elle en qui réside notre rédemption; donc, maintenant que nous sommes affranchis par la grâce (verset 1), "il n’y a plus de condamnation," parce que cette condamnation est remise et quant à la coulpe et quant à la peine (Job, XXXIV, 29): "S’il donne la paix, qui condamnera?"

II. L’Apôtre montre à qui est accordé ce bienfait. Il cite les deux conditions auxquelles ce bienfait est accordé.

La première, en disant (verset 4): "A ceux donc qui sont dans le Christ Jésus," c’est-à-dire à ceux qui sont incorporés à Jésus-Christ par la foi, par la charité et par le sacrement de la foi (Galates III, 27): "Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous vous êtes revêtus du Christ;" (Jean, XV, 4): "Comme la branche de vigne ne peut porter de fruits par elle-même si elle ne demeure unie à la vigne, ainsi vous-mêmes si vous ne demeurez en moi." Mais pour ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, la condamnation leur est due. C’est de là qu’il est dit au même endroit (verset 6): "Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme le sarment inutile, et il séchera, et on le ramassera, et on le jettera au feu, et il sera consumé."

S. Paul exprime la seconde condition en ces termes (verset 1): "Qui ne marchent pas selon la chair," c’est-à-dire qui ne suivent pas les convoitises de la chair (II Cor., X, 3): "Quoique nous vivions dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair."

Quelques auteurs veulent conclure de ces paroles que pour les infidèles, qui ne sont pas dans le Christ Jésus, même les premiers mouvements sont des péchés mortels, bien qu’ils n’y consentent pas; c’est ce qu’ils appellent vivre selon la chair. Car, si ceux qui ne marchent pas selon la chair n’encourent aucune condamnation de ce que par la chair ils sont soumis à la loi du péché dans les premiers mouvements et cela par la raison qu’ils sont dans le Christ Jésus, il s’ensuit, par une con séquence contraire, que ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus en courent condamnation en vertu de la loi du péché qui les domine. Ces auteurs s’appuient aussi sur le raisonnement; ils disent: Un acte est nécessairement condamnable quand il procède de l’habitude d’un péché condamnable: or le péché originel est condamnable, puisqu’il prive l’homme de la vie éternelle; d’ailleurs l’habitude de ce péché demeure dans l’infidèle, à qui la faute originelle n’a pas été remise. Donc tout mouvement de la concupiscence provenant du péché originel est en eux un péché digne de damnation.

Il faut premièrement admettre que la supposition de ces auteurs est fausse, car le premier mouvement n’a pas ce caractère de péché mortel, puisqu’il n’atteint pas la raison, en laquelle se complète le caractère du péché. Or ceci existe même dans les infidèles: cri eux donc les premiers mouvements ne peuvent être des péchés mortels.

De plus, en supposant la même espèce de péché, le fidèle pèche plus grièvement que l’infidèle, selon ce passage de l’épître aux Hébreux (X, 29): "Combien, croyez-vous, mérite de plus grands supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu?" Si donc les premiers mouvements étaient des péchés mortels dans les infidèles, combien davantage encore le seraient-ils dans les fidèles. Secondement il faut répondre à leurs raisonnements, d’abord, qu’ils ne peuvent se pré valoir du texte de l’Apôtre; car S. Paul ne dit pas seulement que, pour ceux là qui sont dans le Christ Jésus, il n’est pas condamnable de se trouver soumis par la chair à la loi du péché quant aux mouvements de la concupiscence, mais qu’il n’y a plus pour eux de con damnation. Or, pour ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, cela même est condamnable. En outre, si l’on applique ces paroles aux premiers mouvements de ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, ces infidèles sont condamnables en tant que le péché originel lui-même est condamnable, péché originel qui subsiste encore en eux, tandis qu’il est effacé en ceux qui sont dans le Christ Jésus. Or il s’en faut que les fidèles encourent pour les premiers mouvements une nouvelle condamnation. Quant à ce que ces auteurs objectent en second lieu, leur conclusion n’est pas légitime: car il n’est pas vrai que tout acte qui procède d’un péché damnable soit aussi lui-même condamnable; il ne l’est que quand il passe à l’état d’acte complet par le consentement de la raison. Ainsi, par exemple, dans l’adultère habitudinaire les mouvements de la concupiscence relatifs à cette habitude ne sont pas des péchés mortels, mais seulement le mouvement devenu complet par le consentement de la raison, De plus, l’acte qui procède d semblable habitude, et cette habitude formée avec le consentement de la raison, ne sont pas condamnables pour des motifs différents. Donc, en ce sens, les premiers mouvements chez les infidèles ne comportent pas, en tant qu’ils procèdent du péché origine], la condamnation d’un péché mortel, mais seulement la con damnation du péché originel.

II° Lorsque l’Apôtre dit (verset 2): "La loi de l’Esprit, etc.," il prouve ce qui précède: d’abord, quant à la première condition: "Qu’il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus;" ensuite, quant à la seconde: "Qui ne marchent pas selon la chair," à ces mots (verset 4): "Nous qui ne marchons pas selon la chair."

I. Sur le premier de ces points, il expose sa preuve; il développe ce qu’il avait supposé, en montrant la cause, à ces mots (verset 3): "Car ce qui était impossible à la Loi."

Pour énoncer sa preuve, il fait ce raisonnement: La loi de l’Esprit délivre l’homme du péché et de la mort; or la loi de l’Esprit est en Jésus-Christ: donc, par cela même que l’on est dans le Christ Jésus, on est délivré du péché et de la mort. Que la loi spirituelle délivre du péché et de la mort, S. Paul le prouve ainsi: La loi de l’Esprit est la cause de la vie; or par la vie sont exclus le péché et la mort, qui est l’effet du péché, car le péché lui-même est la mort spirituelle de l’âme: donc la loi de l’Esprit délivre l’homme du péché et de la mort. Mais la condamnation n’arrive que par le péché et par la mort: donc, pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n’y a plus de condamnation. C’est ce que dit S. Paul (verset 2): "Car la loi de l’Esprit de vie, qui est dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort." Cette Loi peut être appelée d’abord Esprit Saint, et le sens serait: la loi de l’Esprit, c'est-à-dire la loi qui est Esprit; car la Loi est donnée pour que les hommes soient, par son moyen, portés vers le bien. De là Aristote (II Ethique) dit que l’intention du législateur est de rendre les citoyens bons, ce à quoi concourt la loi humaine, mais seulement en montrant ce qu’il faut faire. L’Esprit de Dieu qui habite dans l’âme, non seulement enseigne ce qu’il faut faire, en éclairant l’intelligence sur les actes que l’homme doit accomplir, mais de plus il dispose l’affection à bien agir (Jean, XIV, 26): "Le Consolateur, l’Esprit Saint, que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera" voilà pour le premier de ces effets, "et il vous rappellera:" voilà pour le second, "tout ce que je vous ai dit."

La loi de l’Esprit peut encore, dans un autre sens, être appelée l’effet propre de l’Esprit Saint, lequel effet est la foi opérant par la charité, qui non seulement enseigne intérieurement ce qu’il faut faire, selon ce passage de S. Jean (I Jean II, 27): "L’onction vous enseignera toute chose," mais encore incline l’affection pour agir, selon cet autre passage de la 2° épître aux Corinthiens (V, 4): "La charité du Christ nous presse." Cette loi de l’Esprit porte encore le nom de Loi nouvelle, attendu qu’elle est l’Esprit Saint lui-même ou que l’Esprit Saint la grave dans nos coeurs (Jérém., XXXI, 33): "Je graverai ma Loi jusque dans leurs entrailles, et je l’écrirai dans leurs coeur." Mais de la Loi ancienne l’Apôtre a dit plus haut qu’elle était seulement spirituelle, c’est-à-dire donnée par l’Esprit Saint.

Ainsi donc, revenant sur ce qui a été dit, nous trouvons quatre lois reconnues par S. Paul: premièrement, la loi de Moïse, dont il a dit (Rom., VII, 22): "Selon l’homme intérieur, je me complais dans la loi de Dieu;" secondement, la loi du foyer, dont il a dit (Rom., VII, 23): "Je vois dans mes membres une autre loi;" troisièmement, la loi naturelle, dont il dit dans un sens (Rom., VII, 23): "Qui combat contre la loi de mon esprit;" et enfin, quatrièmement, la Loi nouvelle, qu’il indique par cette expression (Rom., VIII, 2): "La loi de l’Esprit." Il ajoute: "De vie;" car, de même que la respiration naturelle fait la vie de la nature, ainsi l’Esprit divin fait la vie de la grâce (Jean, VI, 6): "C’est l’Esprit qui vivifie;" (Ezéch., I, 20): "L’Esprit de vie était dans les roues." S. Paul ajoute toute fois (verset 2): "Qui est dans le Christ Jésus," parce que cet Esprit n’est donné qu’à ceux qui sont dans le Christ Jésus. Car, ainsi que la respiration naturelle n’arrive pas au membre qui n’est pas en communication avec la tête, de même l’Esprit de Dieu ne parvient pas à l’homme qui n’est pas uni au Christ son chef (I Jean III, 24): "C’est par l’Esprit qu’il nous a donné que nous connaissons qu’il demeure lui-même en nous;" et (Actes V, 32): "L’Esprit Saint que Dieu a donné à tous ceux qui lui obéissent." Cette Loi, disons-nous, en ce qu’elle est dans le Christ Jésus, m’a délivré (Jean, VIII, 36): "Si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres." Elle m’a délivré "De la loi du péché," c’est-à-dire de la loi du foyer, qui incline au péché; ou de la loi du péché, c’est-à-dire du consentement et de l’oeuvre du péché, qui, à l’instar d’une loi, tient l’homme sous sa domination; car c’est par l’Esprit Saint que le péché est remis (Jean, XX, 22): "Recevez l’Esprit Saint: ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis." Et de la mort, "non seulement spirituelle, mais corporelle, ainsi qu’il sera prouvé plus loin; et cela parce qu’elle est Esprit de vie (Ezéch., XXXVII, 9): "Venez des quatre vents du ciel, ô Esprit! Soufflez sur ces morts, et qu’ils revivent."

En disant (verset 3): "Car ce qui était impossible à la Loi," S. Paul développe ce qu’il avait avancé, à savoir, que la loi de vie qui est dans le Christ Jésus délivre du péché. Il prouvera plus tard qu’elle délivre de la mort. Il prouve sa proposition par une raison déduite de l’incarnation de Jésus-Christ. Dans ce dessein, premièrement il ex pose la nécessité de l’incarnation; secondement, son mode, à ces mots (verset 3): "Dieu a envoyé son propre Fils;" troisièmement, ses fruits, à ces autres (verset 3): "Et à raison du péché." Pour que l’explication soit plus claire, nous prendrons d’abord le second pas, puis le troisième, et enfin le premier.

A) Je dis avec vérité que "La loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus délivre du péché," car Dieu le Père a envoyé son Fils, à savoir, son Fils qui lui est consubstantiel et coéternel (Ps., II, 7): "Le Seigneur m’a dit: Vous êtes mon Fils." - "Il l’a envoyé," non en le créant à nouveau ou en le faisant, mais comme ayant déjà une préexistence (Matth., XXI, 37): "Enfin, il leur envoya son propre Fils;" non pour que ce Fils fût là où il n’était pas, car (Jean, I, 10): "Il était dans le monde;" mais pour qu’il fût dans le monde de la manière en laquelle il n’y était pas, c’est-à-dire visiblement par la cl1air qu’il s’est unie, comme nous le lisons à la suite (Jean, I, 14): "Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous; et nous avons vu sa gloire;" (Baruch, III, 38): "Après cela il a été vu sur la terre et il a conversé avec les hommes."

B) C’est pourquoi S. Paul ajoute ici (verset 3): "Dans la ressemblance de la chair du péché." Il ne faut pas conclure de ce passage que le Verbe incarné avait non pas une chair véritable, mais seulement la ressemblance de la chair, c’est-à-dire une sorte de chair fantastique, comme l’ont prétendu les Manichéens; car le Sauveur lui-même dit en S. Luc (XXIV, 39): "Un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai." Aussi S. Paul ne dit pas seulement (verset 3): "Dans la ressemblance de la chair," mais dans la ressemblance de la chair du péché. "Car Jésus-Christ n'a pas la chair du péché," c’est-à-dire la chair conçue avec le péché, puisque sa chair fut conçue par l’opération du Saint Esprit qui détruit le péché (Matth., I, 20): "Ce qui est né en elle est du Saint Esprit." C’est ce qui faut dire au Psalmiste (XXV, 11): "Pour moi je suis entré," à savoir dans le monde, "avec mon innocence." Mais Jésus-Christ eut la ressemblance du péché, c’est-à-dire une chair semblable à notre chair pécheresse, en tant qu’elle était passible; car la chair de l’homme, avant le péché, n’était pas assujettie à la souffrance (Hébr., II, 17): "Il a dû être en tout semblable à ses frères, afin de devenir compatissant."

C) L’Apôtre rappelle ici un double effet de l’incarnation, a) Le premier est la rémission des péchés, qu’il exprime en disant (verset 3): "A cause du péché il a condamné le péché dans la chair." On peut entendre ces paroles du péché commis à l’égard de la chair du Christ à l’instigation du démon, par ceux qui l’ont mis à mort. "Il a condamné," c’est-à-dire il a détruit le péché, parce que le démon, ayant osé livrer à la mort un innocent sur lequel il n’avait pas de droit, il a été équitable qu’il perdit sa puissance. Voilà pourquoi le Fils de Dieu est dit avoir détruit le péché par sa passion et par sa mort (Col 2,15): "Dépouillant," à savoir sur la croix, "les principautés et les puissances." Mais il est mieux de dire: "Il a condamné le péché dans la chair," c’est-à-dire il a affaibli le foyer du péché dans notre chair, "par le péché même;" en d’autres termes, par la vertu de sa passion et de sa mort, que S. Paul appelle péché, en raison de la ressemblance du péché, comme il a été expliqué; ou encore, parce qu’il a été offert ainsi qu’un holocauste pour le péché, holocauste qui, dans la sainte Écriture, est appelé péché (Osée, IV, 8): "Ils se nourrissent des péchés de mon peuple." Voilà pourquoi S. Paul dit (II Cor., V, 21): "Celui qui n’avait pas commis le péché, Dieu, pour l’amour de nous, l’a traité comme s’il eût été le péché même," c’est-à-dire comme l’holocauste du péché. C’est ainsi qu’en satisfaisant pour nos péchés Jésus-Christ a détruit les péchés du monde (Jean, I, 29): "Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde." b) L’Apôtre rappelle ensuite le second effet, en disant (verset 4): "Afin que la justification de la Loi," c’est-à-dire "la justice que promettait la Loi, que quelques-uns attendaient de la Loi," s’accomplit," c’est-à-dire fût perfectionnée "en nous," en tant que nous serons dans le Christ Jésus (Rom., IX, 30): "Les Gentils, qui ne cherchaient pas la justice, ont embrassé la justice qui vient de la foi;" et (II Cor., V. 21), après avoir dit: "Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu, pour l’amour de nous, l’a traité comme s’il eût été le péché même," S. Paul ajoute: "Afin qu’en lui nous devinssions justes de la justice de Dieu." Or il ne pouvait en être ainsi que par le Christ; aussi Dieu l’a envoyé, parce qu’il peut condamner le péché en la chair et accomplir la justice, ce qui était impossible à la loi de Moïse (Hébr., VII, 19): "La Loi n’a rien conduit à la perfection." C’était, en effet, impossible à la Loi, non pas à cause de son imperfection (verset 3), "mais en ce que," c’est-à-dire en tant "qu’elle était affaiblie par la chair;" en d’autres termes, à cause de la faiblesse de la chair, faiblesse qui, dans l’homme, vient de la corruption du foyer; d’où il résultait que, même après avoir reçu la Loi, l’homme était vaincu par la concupiscence (Matth., XXVI, 41): "L’esprit est prompt, mais la chair est faible;" et ci-dessus (Rom., VI, 19): "Je parle un langage tout humain à cause de la faiblesse de votre chair." Par tout ceci il est évident que l’incarnation du Verbe fut nécessaire; aussi S. Paul dit (Ga 2,21): "Si la justice vient de la Loi, c’est donc en vain que le Christ est mort; " c’est-à-dire il est donc mort sans motif. La Loi ne pouvant pas donner la justice, l’incarnation du Verbe a donc été nécessaire.

II. Lorsque S. Paul dit (verset 4): "En nous, qui ne marchons pas selon la chair," il prouve sa proposition quant à la seconde condition, montrant que, pour éviter la condamnation, il est nécessaire de ne pas marcher selon la chair. Sur ce point, il propose ce qu’il veut établir; il le prouve, à ces mots (verset 5): "En effet, ceux qui sont selon la chair;" il développe une assertion qu’il avait négligée dans sa preuve, à ces mots (verset 7): "Parce que la sagesse de la chair…"

Il dit donc d’abord: J’ai avancé que la justice de la Loi s’accomplit en nous, à savoir, en nous qui non seulement sommes dans le Christ Jésus, mais "qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’Esprit," c’est-à-dire qui ne suivons pas la convoitise, mais l’inspiration de l’Esprit Saint (Ga 16): "Conduisez-vous selon l’Esprit."

Lorsqu’il ajoute (verset 5): "En effet, ceux qui sont selon la chair," il prouve sa proposition au moyen de deux syllogismes:

A) Le premier est pris du côté de la chair. Le voici: Quiconque suit la prudence de la chair marche vers la mort; or quiconque vit selon la chair suit la prudence de la chair: donc quiconque vit selon la chair marche à la mort.

B) Le second syllogisme est pris du côté de l’Esprit. Le voici: Quiconque suit la prudence de l’Esprit obtient la vie et la paix; or qui conque vit selon l’Esprit suit la prudence de l’Esprit: donc quiconque vit selon l’Esprit obtient la vie et la paix. Il est donc évident que ceux qui ne marchent pas selon la chair, mais selon l’Esprit, sont délivrés de la loi du péché et de la mort. a) L’Apôtre pose d’abord la mineure du premier syllogisme, en disant (verset 5): "En effet, ceux qui sont selon la chair," c’est-à-dire ceux qui sont soumis à la chair et comme ses sujets (Rom., XVI, 18): "De tels hommes ne servent pas le Seigneur, mais sont esclaves de leur ventre;" – "Ceux-là goûtent les choses de la chair," comme s’il disait: ceux-là ont la sagesse de la chair. Car avoir du goût pour ce qui est de la chair, c’est approuver et juger comme bon ce qui est selon la chair (Matth., XVI, 23): "Vous ne goûtez pas les choses de Dieu, mais celles des hommes;" (Jérém IV, 22): "Ils sont habiles pour faire le mal." b) Il pose ensuite la mineure du second syllogisme, en disant (verset 5): "Ceux qui sont selon l’Esprit, c’est-à-dire qui suivent l’Esprit Saint et sont conduits par lui, d’après cette parole (Galates 18): "Que si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la Loi;" - "ceux-là," dis-je, "goûtent les choses de l’Esprit," c’est-à-dire ceux-là qui ont un sens droit dans les choses spirituelles, selon ce qui est dit (Sag., I, 1): "Ayez du Seigneur des sentiments dignes de sa bonté." La raison en est, et Aristote le remarque (III Ethique), que tel est chacun, telle lui paraît sa fin. Ainsi celui dont l’âme est formée par une habitude, bonne ou mauvaise, juge de sa fin selon les exigences de cette habitude. c) L’Apôtre pose la majeure du premier syllogisme, en disant (verset 6): "Or la prudence de la chair." Pour l’intelligence de cette parole, il faut remarquer que la prudence est la rectitude de la raison dans les actes, comme l’a encore dit Aristote (VI Ethique). Or cette rectitude présuppose un point et fait trois choses. Elle présuppose la fin, qui est comme le principe de l’acte, comme la raison spéculative présuppose les axiomes dont elle se sert dans la démonstration. Ensuite, quand il faut agir) la droite raison premièrement conseille avec rectitude, secondement apprécie avec rectitude ce qui est conseillé, troisièmement l’ordonne avec rectitude et fermeté. Ainsi donc, dans la prudence de la chair, il faut présupposer d’abord ce qui plaît à la chair, puis conseiller, déterminer et ordonner les moyens qui sont en rap port avec cette fin. Une semblable prudence est donc mort, c’est-à-dire cause de la mort éternelle (Galates VI, 8): "Celui qui sème dans la chair ne recueillera de la chair que la corruption." d) S. Paul pose la majeure du second syllogisme, en disant (verset 6): "Mais la prudence de l’Esprit est vie et paix." D’après ce qui pré cède, cette prudence de l’Esprit existe quand, présupposant pour fin un bien spirituel, on délibère, on juge et l’on ordonne ce qui est convenablement en rapport avec cette fin. Cette prudence est donc "vie," c’est-à-dire cause de la vie de la grâce et de la gloire (Galates VI, 8): "Celui qui sème dans l’Esprit recueillera l’Esprit de vie éternelle. C’est aussi "paix," c’est-à-dire cause de la paix; car la paix est donnée par l’Esprit Saint (Ps., CXVIII, 165): "Paix abondante à ceux qui aiment votre Loi, Seigneur!" (Galates V, 22): "Les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie et la paix."



Romains 8, 7 à 13: La prudence de la chair est mort

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075 (
Rm 8,7-13)


SOMMAIRE: L’Apôtre prouve que la prudence de la chair est mort. Les véritables fidèles de Jésus-Christ sont étrangers à cette prudence, et par la grâce de Jésus-Christ ou par le Saint Esprit sont délivrés de la peine et de la mort.

7. Parce que la sagesse de la chair est ennemie de Dieu, car elle n'est pas soumise a la loi de Dieu, et elle ne le peut être.
8. Ceux donc qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu.
9. Pour vous, vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, si toutefois l'Esprit de Dieu habite en vous. Or, si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, celui-là n'est pas à lui.
10. Mais si le Christ est en vous, quoique le corps soit mort à cause du péché, l’Esprit est vivant à cause de la justification.
11. Que si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
12. Ainsi, mes frères, nous ne sommes pas redevables à la chair, pour vivre selon la chair;
13. Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si par l’Esprit vous mortifiez les oeuvres de la chair, vous vivrez.



L’Apôtre, dans ce qui précèdes avait supposé que la prudence de la chair est mort. Il veut maintenant le prouver. Premièrement il donne la preuve de sa proposition; secondement il montre que les fidèles auxquels il s’adresse sont étrangers à cette prudence, à ces mots (Rm 8,9): "Pour vous, vous n’êtes pas dans la chair."



I° Sur le premier point, I. il prouve d’une manière abstraite sa proposition touchant la prudence de la chair; II. Il applique ce qu’il a dit de cette prudence à ceux qui le suivent, à ces mots (Rm 8,8): "Mais ceux qui sont dans la chair."

I. Pour établir sa preuve, l’Apôtre pose trois propositions intermédiaires, dont la suivante sert de preuve à la précédente.

Or, par la première, il prouve ce qu’il vient de dire plus haut, à savoir, que la prudence de la chair est mort, en ce sens que celui qui se fait l’ennemi de Dieu encourt la mort (Lc 19,27): "Quant à mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les et faites-les mourir en ma présence." Et cela parce que Dieu est notre vie (Dt 30,20): "Car il est lui-même notre vie." Voilà pourquoi celui qui se fait l’ennemi de Dieu encourt la mort; or la prudence de la chair est l’ennemie de Dieu donc cette prudence est une cause de mort. Sur ceci il faut remarquer que ce que l’Apôtre avait appelé d’abord prudence de la chair, il le nomme maintenant sagesse de la chair: non pas que la sagesse soit simplement une seule et même chose avec la prudence, mais parce que dans les choses humaines la sagesse est de la prudence (Pr 10,23): "La sagesse pour l’homme est la source de la prudence." Pour l’intelligence de ceci, il faut savoir qu’on appelle simplement sage celui qui connaît la cause supérieure dont toutes les choses dépendent; or la cause suprême de toutes choses, ce ne peut être que Dieu: donc la sagesse est simplement la connaissance des choses divines, comme S. Augustin le dit au premier livre de la Trinité, ch. XII, 1 (1Co 2,6): "Nous prêchons la sagesse aux parfaits." Dans chaque genre de science, on appelle sage celui qui connaît la cause première dans ce genre: ainsi, dans l’architecture, ou donne le nom de sage non à celui qui sait tailler la pierre et le bois, mais à celui qui conçoit et dispose convenablement la forme de l’édifice; car c’est en cela que consiste l’art tout entier. De là S. Paul a dit (1Co 3,10): "J’ai posé le fondement comme un sage architecte." Ainsi donc, dans les choses humaines, on appelle sage celui qui, estimant selon la vérité la fin de la vie humaine, règle d’après ce jugement toute sa vie; c’est là de la prudence. Ainsi la sagesse de la chair ne diffère point de la prudence de la chair, et de cette sagesse il est dit (Jc 3,15): "Ce n’est pas la sagesse qui vient d’en haut, mais une sagesse terrestre, animale, diabolique." Or cette sagesse est réputée l’ennemie de Dieu, parce qu’elle soulève l’homme contre la loi de Dieu (Jb 15,26): "Il court contre le Tout Puissant la tête levée et animé d’un orgueil insolent."

Voilà pourquoi l’Apôtre, continuant sa preuve, se sert d’un autre terme, quand il ajoute (Rm 8,7): "Car elle n’est pas soumise à la loi de Dieu. On ne peut, " effet, haïr Dieu pour ce qu’il est en lui-même, puisqu’il est l’essence même de la bonté; mais un pécheur le hait en tant que le précepte de la loi divine est contraire à sa volonté. Ainsi l’adultère hait Dieu, en tant qu’il hait lui-même ce précepte: "Vous ne commettrez pas d’adultère." Voilà comment tous les pécheurs, en tant qu’ils ne veulent pas se soumettre à la loi de Dieu, sont les ennemis de Dieu (1Ch 19,2): "Vous faites alliance avec ceux qui haïssent le Seigneur." S. Paul montre donc avec raison que la prudence ou la sagesse de la chair est l’ennemie de Dieu, parce qu’elle n’est pas soumise à la loi de Dieu.

Il le prouve par la troisième proposition intermédiaire, en disant (Rm 8,7): "Et elle ne peut l’être." En effet, la prudence de la chair est un vice, comme on le peut conclure de ce qui précède; or, quoique celui qui est l’esclave d’un vice puisse en être délivré et devenir soumis à Dieu, selon ce qui est dit plus haut (Rm 5,22): "Affranchis du péché et devenus esclaves de Dieu;" toutefois le vice lui-même ne peut être soumis à Dieu, puisque le vice est en soi une opposition à Dieu ou à sa Loi. Ainsi celui qui est noir peut devenir blanc, mais jamais la noirceur ne peut devenir blancheur. C’est dans ce sens qu’il est dit (Mt 7,17): "L’arbre mauvais ne peut porter de bons fruits." On voit par là que les Manichéens ne peuvent, sans s’écarter du sens, abuser de ce passage pour appuyer leur erreur, quand ils prétendent montrer par ces paroles de S. Paul que la nature de la chair n’est pas l’oeuvre de Dieu et ne peut lui être soumise. Car l’Apôtre ne parle pas ici de cette chair qui est la créature de Dieu, mais de la prudence de la chair, qui, d’après les explications précédentes, est un vice de l’homme.

II. Lorsqu’il dit (Rm 8,8): "Ceux donc qui sont selon la chair," l’Apôtre applique ce qu’il avait dit de la prudence de la chair à ceux en qui domine cette prudence. Il dit: "Ceux donc qui sont selon la chair," c’est-à-dire ceux qui suivent la convoitise de la chair en se laissant aller à la prudence de la chair, tant qu’ils sont tels, ne peuvent plaire à Dieu, car (Ps 146,11): "Le Seigneur se complaît dans ceux qui le craignent." Ceux donc qui ne lui sont pas soumis, tant qu’ils sont tels, ne peuvent lui plaire; mais ils peuvent cesser de vivre selon la chair de la manière qui a été expliquée, et alors ils plaisent à Dieu.



II° En ajoutant (Rm 8,9): "Pour vous, etc.," S. Paul montre que ceux à qui il parle sont exempts de la prudence de la chair.

Sur ce point,

I. il dépeint l’état des fidèles, en disant (Rm 8,9): "Pour vous, vous n’êtes pas dans la chair." Il est donc évident qu’il ne faut pas entendre ce passage de la nature de la chair, cas les Romains, auxquels S. Paul s’adressait, étaient mortels et revêtus de chair. Mais l’Apôtre prend la chair pour les vices de la chair, selon ces paroles (1Co 15,50): "La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu." C’est ce qui lui fait dire (Rm 8,9): "Pour vous, vous n’êtes pas dans la chair," vous ne vivez pas avec les vices de la chair et en quelque sorte selon la chair (2Co 10,3): "Quoique nous vivions dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair, mais selon l’Esprit," c’est-à-dire vous suivez l’Esprit (Ap 1,10): "Au jour du Seigneur j’ai été ravi en esprit."

II. S. Paul pose une condition, en disant (Rm 8,9): "Si toutefois l’Esprit de Dieu habite en vous," à savoir, par la charité (1Co 3,16): "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous?" Or l’Apôtre pose cette condition parce que, bien qu’ils eussent reçu dans le baptême l’Esprit Saint, il pouvait cependant arriver que par le péché survenu depuis ils eussent perdu cet Esprit Saint, dont il est dit (Sg 1,6): "Il est banni de l’âme par l’iniquité qui survient."

III. S. Paul montre qu’il est nécessaire que cette condition existe en eux, en disant (Rm 8,9): "Or, si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, celui-là n’est pas à lui;" de même que le membre qui n’est pas vivifié par l’esprit qui anime le corps n’appartient pas au corps, ainsi celui qui n’a pas l’Esprit du Christ n’est pas membre du Christ (1Jn 4,13): "Nous connaissons qu’il demeure en nous parce qu’il nous a fait participer à son Esprit." Il faut toutefois remarquer que l’Esprit du Christ et l’Esprit de Dieu le Père sont un même Esprit; mais on dit l’Esprit de Dieu le Père en tant qu’il procède du Père, et l’Esprit du Christ en tant qu’il procède du Fils. Aussi Notre Seigneur attribue partout cet Esprit et à lui-même et à son Père, par exemple dans ce passage (Jn 14,26): "Le Consolateur, l’Esprit Saint que mon Père enverra en mon nom;" et encore (Jn 15,26): "Quand sera venu le Consolateur, l’Esprit Saint que je vous enverrai de la part de mon Père."

III° Quand S. Paul dit (Rm 8,10): "Mais si le Christ est en vous," il montre que par la grâce de Dieu et par l’Esprit Saint nous sommes délivrés de la peine. Et d’abord, que nous sommes délivrés par l’Esprit Saint, pour l’avenir, de la mort corporelle; ensuite, qu’en attendant, et pour cette vie même, nous sommes aidés par l’Esprit Saint au milieu des infirmités de la vie présente, à ces mots (Rm 8,26): "De même aussi l’Esprit Saint aide, etc." Sur le premier point, I. il énonce ce qu’il veut établir; II. il en déduit un corollaire, à ces mots (Rm 8,12): "Ainsi, mes frères;" III. Il prouve sa proposition, à ces autres (Rm 8,14): "Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu."

I. Sur la proposition il faut observer que l’Apôtre avait précédemment (Rm 8,9) fait mention de l’Esprit de Dieu et de l’Esprit du Christ, quoique ce ne soit qu’un seul et même Esprit. Il fait voir ici ce que nous obtenons de cet Esprit: en tant qu’il est l’Esprit du Christ, et en tant qu’il est l’Esprit de Dieu le Père, à ces mots (Rm 8,11): "Si donc l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus habite en vous."

Il dit donc: J’ai avancé que "celui qui n’a pas l’Esprit du Christ n’est pas au Christ." Si donc vous êtes au Christ, vous avez son Esprit, et le Christ lui-même habite en vous par la foi, comme l’Apôtre le dit (Ephès., III, 17): "Que le Christ habite dans vos coeurs par la foi." Or, si le Christ habite en vous, c’est une nécessité que vous soyez conformes au Christ. Mais le Christ est venu dans le monde pour être selon l’Esprit, plein de grâce et de vérité; néanmoins, quant au corps, il porte la ressemblance de la chair du péché, comme il a été dit plus haut (verset 3): "de même donc il faut qu’en vous "le corps," c’est-à-dire votre corps, "à cause du péché" qui demeure encore dans votre chair, "soit mort," en d’autres termes soit condamné à la nécessité de mourir, comme il est dit dans la Genèse (II, 17): "Au jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort," c’est-à-dire vous serez soumis à la nécessité de mourir mais il faut que "l’esprit," qui est déjà sorti de l’état du péché, selon ce mot (Ephés., IV, 23): "Renouvelez-vous dans l’intérieur de votre âme," - "soit vivant" de la vie de la grâce au moyen de laquelle "il est justifié par Dieu" (Galates II, 20): "Si maintenant je vis dans ce corps mortel, je vis en la foi du Fils de Dieu;" comme il a été dit (Rom., I, 17): "Le juste vit de la foi."

Lorsqu’il dit (verset 11): "Que si l’Esprit, etc.," S. Paul fait voir ce que nous obtenons de l’Esprit Saint, en tant qu’il est l’Esprit du Père (verset 11): "Que si l’Esprit habite en vous, à savoir l’Esprit de Dieu le Père," qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts, (Ps., XL, 11): "Vous donc, Seigneur, ayez compassion de moi et ressuscitez-moi;" (Actes, III, 15): "Dieu l’a ressuscité d’entre les morts."

Et toutefois le Christ est ressuscité lui-même et par sa propre puissance, parce que, la puissance du Père et la puissance du Fils n’étant qu’une même puissance, la conséquence est que ce que Dieu le Père opère dans le Christ, il l’opère aussi en nous. C’est pourquoi S. Paul ajoute (verset 11): "Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels." S. Paul ne dit pas "morts," mais "mortels," parce que dans la résurrection il sera donné à nos corps non seulement de n’être plus morts, c’est-à-dire soumis à la nécessité de mourir, mais même de n’être plus mortels, c’est-à-dire de ne pouvoir plus mourir: nous serons tels qu’était Adam avant sa chute. En effet, après la résurrection, nos corps seront entièrement immortels (haïe, XXVI, 19): "Ceux que vous avez fait mourir vivront; mes frères qui ont été tués ressusciteront; (Osée, VI, 3): "Après deux jours il nous rendra la vie." Et cela "à cause de l’Esprit qui habite en vous," c’est-à-dire dans la vertu de l’Esprit Saint qui habite en nous (Ezéch., XXXVII, 5): "Voici ce que le Seigneur dit à ces os: Je vais envoyer un Esprit en vous, et vous vivrez." Et cela "à cause de l’Esprit qui habite en vous," c’est-à-dire à cause de la dignité que reçoivent nos corps lorsqu’ils sont devenus les temples de l’Esprit Saint (I Cor., VI, 49): "Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple de l’Esprit Saint, qui habite en vous?" Quant à ceux dont les membres n’ont pas été le temple de l’Esprit Saint, ils ressuscitent, mais avec des corps passibles.

II. Lorsque l’Apôtre dit (Rm 8,12): "Ainsi donc, mes frères, nous ne sommes pas redevables à la chair," il tire un corollaire de ce qui précède. Et d’abord il pose une Conclusion; ensuite il en assigne la raison, à ces mots (verset 13): "Que si vous vivez selon la chair."

Il dit donc: J’ai avancé que par l’Esprit Saint nous obtenons de grands avantages, et que de la prudence de la chair résulte la mort. Donc nous sommes redevables à l’Esprit Saint, pour les bienfaits que nous en avons reçus, de vivre selon l’Esprit et non selon la chair (Ga 5,25): "Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi dans l’Esprit."

En ajoutant (Rm 8,13): "Que si vous vivez selon la chair," l’Apôtre donne la raison de la conclusion qu’il vient de tirer. Premièrement, quant à la chair, il dit (verset 3): "Que si vous vivez selon la chair," à savoir, selon les convoitises de la chair," vous mourrez, à savoir, de la mort de la coulpe dans la vie présente et de la mort de la condamnation dans la vie future (1Tm 5,6): "Une veuve qui vit dans les délices est morte déjà." Secondement, quant à l’Esprit, il dit (Rm 8,13): "Mais si dans l’Esprit," c’est-à-dire par l’Esprit, "vous faites mourir les passions de la chair," en d’autres termes les oeuvres qui procèdent de la convoitise de la chair, "vous vivrez " de la vie de la grâce ici-bas et de la vie de la gloire dans la vie future (Col 3,5): "Faites mourir les membres de l’homme terrestre qui est en vous;" et (Ga 5,24): "Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises."




Thomas A. sur Rm (1869) 34